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11/05/12

" Chaque jour j'attends tout. "

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Je veux bien souffrir, mais je ne veux pas désespérer. Je ne laisserai personne éteindre en moi la petite lampe rouge de la confiance.

Chaque jour j'attends tout.

   Bobin, Christian. La Présence pure et autres textes. Paris: Gallimard, 2008, p 194.
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" J'ai toujours le même âge que ceux que je rencontre. "

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Hier aprè-midi, en voyant mon père, j'avais quatre-vingt six ans. Un peu plus tard, en regardant un nouveau-né, j' avais deux mois et des poussières. J'ai toujours le même âge que ceux que je rencontre.

(...) La vérité vient de si loin pour nous atteindre que, lorsqu'elle arrive près de nous, elle est épuisée et n'a presque plus rien à nous dire. Ce presque rien est un trésor.

Je ramène de la maison de long séjour un besoin de toucher, ne serait-ce que furtivement, l' épaule de ceux que je rencontre, et une méfiance accrue des beaux discours.

  Bobin, Christian. La Présence pure et autres textes. Paris: Gallimard, 2008, 147.
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10/05/12

"Tout."

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L'arbre est devant la fenêtre du salon. Je l'interroge chaque matin: " Quoi de neuf aujourd'hui?" La réponse vient sans tarder, donnée par des centaines de feuilles: "Tout."

  Bobin, Christian. La Présence pure et autres textes. Paris: Gallimard, 2008, p 125.

"Votre coeur était comme le miroir. Maintenant il est comme vos montres. Il ne chante plus..."

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Chez nous pas de montre ni d'horloge.

Le temps qui passe a la beauté pour unique preuve - la beauté ou la douleur, tant il est vrai que nous n'avons jamais su démêler l'une de l'autre, tant il est vrai que beauté et douleur sont dans nos âmes comme les deux aiguilles de vos montres, quand elles se superposent.

Le temps chez nous est comme de l'eau. L'éternité chez nous est comme de l'eau. Le coeur chez nous est comme de l'eau. Le temps, le coeur et l'éternel mélangent leurs eaux partout dans le monde comme beauté, dans le monde comme douleur.

Vous avez d'abord cru que l'éternité était un miroir. Vous avez longtemps cherché à vous y reconnaître, en vain. Vous avez accusé le miroir, vous lui avez jeté une pierre, puis deux, puis trois, jusqu'à ce qu'il se brise en mille morceaux - mille secondes, mille minutes, mille heures.

Votre coeur était comme le miroir. Maintenant il est comme vos montres. Il ne chante plus la lumière. Il compte les ombres.

Vous êtes pressés. Vous êtes essoufflés. Vous vous agitez dans tout ce que vous faites comme le dormeur au fond du lit.

Chez vous le temps s'entasse - et puis se fane.

Chez nous le temps se perd - et puis fleurit.

Attendre, c'est ce que nous savons faire de mieux, l'art suprême auquel tous ici s'exercent, enfants comme vieillards, hommes comme femmes, pierres comme plantes.

Caravane de l'attente avec ses deux chameaux, solitude et silence.

Fier navire de l'attente avec ses deux grandes voiles, solitude et silence.

Celui qui attend est comme un arbre avec ses deux oiseaux, solitude et silence. Il ne commande pas à son attente. Il bouge au gré du vent, docile à ce qui s'approche, souriant à ce qui s'éloigne.

Celui qui attend, nous l'appelons le "tout comblé" - car dans l'attente le commencement est comme la fin, la fleur est comme le fruit, le temps comme l'éternel.

  Bobin, Christian. La Présence pure et autres textes. Paris: Éditions Gallimard, 2008, pp 31 - 33.
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