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Date de création : 30.11.2013
Dernière mise à jour :
27.02.2025
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Il y a deux mois, le 22 août, le gouvernement des talibans décrétait que les femmes ne parleraient plus dans l’espace public. Une interdiction de plus après celles d’étudier au-delà de la sixième, de travailler ou encore de sortir de chez elles (sauf en cas de nécessité)… Elle complète jusqu’au tragique l’entreprise d’annihilation de l’humanité des femmes que les fondamentalistes orchestrent depuis leur prise de pouvoir, en août 2021. Leur voix bannie, que reste-t-il aux Afghanes ? La question prend un sens singulier pour les artistes. Qu’elles chantent, jouent au théâtre ou peignent, celles-ci utilisent leur voix au sens propre ou figuré. Une démarche qui, depuis le 22 août, suffit à faire de la création un acte de résistance.
Nouvelle génération d’artistesComme les précédentes, l’interdiction pour les femmes de parler dans l’espace public se heurte à une scène artistique afghane qui s’est formée peu à peu après la chute du premier régime taliban, en 2001. « Une génération d’artistes est apparue qui, après avoir cherché à répondre aux attentes occidentales, s’en est affranchie pour devenir passeuse des maux de la société », explique Guilda Chahverdi, metteuse en scène et ancienne directrice de l’Institut français de Kaboul. Souvent avec le concours de la France, certains ont pu s’exiler après la chute de Kaboul, en 2021. Aussi, si «les talibans empêchent toute forme d’art en Afghanistan aujourd’hui »et que les seules pratiques permises doivent répondre aux critères de la charia – cinéma et calligraphie notamment –, des artistes se font l’écho hors des frontières de la tragédie des leurs au pays.
Impossible pour eux de ne pas faire une place au sort des femmes dans leur travail. « La négation de la femme est celle de l’humain », rappelle Guilda Chahverdi. « Puisque nous pouvons l’évoquer, nous ne devons pas rester silencieux »,dit le comédien et marionnettiste Farhad Yaqubi, exilé depuis 2021, en citant l’appel à la fin du patriarcat contenu dans Marjan, le dernier lion d’Afghanistan, spectacle dans lequel il joue en France depuis près de deux ans.
Plus qu’un thème incontournable, c’est le cœur de la création des artistes femmes. « Pour toutes, quel que soit leur domaine, peinture, théâtre, photographie », assure Farhad Yaqubi. Des voix qui parviennent jusqu’aux Afghans grâce aux réseaux sociaux, malgré les interdictions et quand l’électricité le permet. Impossible pour les talibans de les faire taire, pas plus que celles qui, sur place, « pratiquent des arts dans la clandestinité »,comme le souligne Fakhereh Moussavi, chercheuse en sciences politiques. Comme un défi au silence imposé.
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► « Rendre hommage à celles qui se sacrifient »Rada Akbar, 36 ans, artiste pluridisciplinaire
Rada Akbar, lors de l’exposition intitulée « Superwoman », à Kaboul en 2020. / KIANA HAYERI / NYT/REDUX/REA
Moins d’un mois avant le retour des talibans, en août 2021, Rada Akbar met la dernière main à son projet de Musée d’histoire des femmes, à Kaboul. La continuité de l’exposition qu’elle organise chaque année dans la capitale depuis 2018, le 8 mars, autour d’une grande figure féminine afghane – la reine Goharshad, puissant soutien des artistes au tournant du XIVe siècle, ou encore Shabana Basij-Rasikh, fondatrice du premier internat pour filles.
Ces dernières et d’autres lui donnent l’occasion de créations en tout genre – peinture, broderie, tissage… – qui rappellent la contribution de ses congénères à la culture du pays. Mais son projet de musée ne verra jamais le jour. Alors que les talibans se rapprochent de Kaboul, l’ambassade de France lui propose de l’évacuer. Dans l’urgence, elle doit abandonner l’essentiel de son travail. Elle a alors 33 ans.
Trois ans plus tard, Rada Akbar vit à Paris et a exposé au Palais de Tokyo, à l’Institut des cultures d’Islam, à Berlin ou à Madrid. Une seconde vie de réfugiée pour celle qui, enfant, avait fui au Pakistan avec sa famille après la première prise de pouvoir des talibans, en 1996. Peut-être l’origine de sa vocation d’artiste. « Nous avions tout perdu,explique-t-elle. Mon imagination m’a sauvée. Quand j’étais déçue de ne pas avoir ci ou ça, je créais des jouets et des poupées. » Son père, journaliste et activiste politique, y contribue aussi. Sur l’un des nombreux livres d’art qu’il offre à sa fille, il appose cette dédicace : « Mon cœur se brise chaque jour de voir que tu n’es pas pleinement artiste. » Un encouragement décisif.
« Toutes mes œuvres sont dédiées aux femmes afghanes,explique-t-elle. Celles-ci ont toujours été mon inspiration et se trouvent d’autant plus au centre de mon travail dans la situation actuelle. »L’interdiction de parler dans l’espace public imposée aux siennes la remplit de « rage » même si « les Afghanes ne se tairont jamais ». Elle en veut pour preuves celles et ceux qui, dans la clandestinité, chantent ou récitent de la poésie en petits groupes derrière des portes closes, au risque de leur vie, en Afghanistan. « Malheureusement, je ne crois pas que mon art puisse améliorer quoi que ce soit, admet Rada Akbar. Mais c’est un combat important pour rendre hommage à celles qui se sacrifient. C’est mon devoir. »
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► « Être la voix des Afghanes tout en étant celle de l’humanité »Zahra Khodadadi, 33 ans, photographe documentaire
Depuis deux ans, Zahra Khodadadi réalise des photomontages à partir d’images de voitures explosées. Un moyen de documenter l’insécurité qui s’est enracinée dans le pays malgré les promesses politiques des deux dernières décennies. Elle mène ce projet au long cours depuis Nice où, avec son mari, peintre, elle s’est installée en 2022. Ils avaient débarqué en France dans la précipitation le 12 août 2021, trois jours seulement avant la chute de Kaboul. « Nous avions sollicité des visas en urgence, explique-t-elle. Nous savions qu’en tant qu’artistes, il n’y aurait pas de place pour nous(en Afghanistan, NDLR). »
« Artiste » : c’est la seule étiquette que revendique l’ancienne étudiante à la faculté des beaux-arts de Kaboul, où elle est retournée au début des années 2000 après une enfance en Iran. Âgée de 33 ans aujourd’hui, elle en a 19 quand elle s’y inscrit en dépit de l’opposition de son père. « Il aurait préféré des études d’ingénieur,se souvient-elle. Mais c’est ce que je voulais. J’ai dit non. »Une tante, très douée pour la peinture et contrainte d’y renoncer après son mariage forcé, l’encourage. Aussi, en 2013, son père sera le visiteur admiratif de sa première exposition, à Kaboul.
À l’époque, déjà, Zahra Khodadadi entend témoigner de la vie quotidienne dans son pays. Celle des femmes – elle obtiendra l’autorisation pour un travail dans une prison qui leur est réservée à Mazar-e Charif, dans le nord de l’Afghanistan –, mais aussi des enfants et des familles, auxquels elle donne un visage dans des images empreintes d’une poésie fragile. Sans intention militante. « Je ne peux pas me dire activiste », explique celle qui se définit comme « photographe documentaire ». « Je suis seulement une artiste. »
Impossible, toutefois, de rejeter tout engagement alors que l’inconcevable survient. « Je ne comprends toujours pas comment cette idée d’interdire aux femmes de parler dans l’espace public a pu germer,s’indigne-t-elle. Aussi, l’important pour moi est d’être la voix des femmes afghanes, mais tout en étant celle de l’humanité. » Un souci de faire de la cause de ses « sœurs » à Kaboul celle de chacun, où qu’il soit, et inversement. Zahra Khodadadi enjambe les frontières autant qu’elle se projette dans le temps. « Je sais qu’il est plus facile d’obtenir des soutiens financiers avec des sujets sensationnels, poursuit-elle.Mais cette approche ne m’intéresse pas. Je cherche à réaliser quelque chose qui reste pour les prochaines générations. »
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Atifa Azizpor (à g. en robe blanche) dans Les Messagères d’après Antigone de Sophocle, mise en scène de Jean Bellorini, au TNP de Villeurbanne. / CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE
Atifa Azizpor, 21 ans, comédienne
On ne peut qu’entendre la commisération avec ses compatriotes restées en Afghanistan quand, sur scène, Atifa Azizpor prononce les mots d’Ismène : « Te voyant plongée dans ce malheur, je n’ai pas honte d’embarquer/Dans le même navire que toi, et de partager tes épreuves. »Comme la sœur d’Antigone, la comédienne n’ignore rien et se fait même l’écho puissant du sort des siens. Une solidarité dont elle témoigne depuis plus d’un an en jouant dans Les Messagères, saisissante adaptation de la tragédie de Sophocle par Jean Bellorini, directeur du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne. À ses côtés, ses huit camarades de l’Afghan Girls Theater Group, troupe créée à Kaboul par le metteur en scène Naim Karimi et évacuée vers la France dès le retour des talibans au pouvoir, en août 2021.
Atifa Azizpor, 18 ans à l’époque, n’a alors aucune attache dans l’Hexagone et n’en parle pas la langue. Elle vient de quitter sa famille – son père, resté à Kaboul, ainsi que sa mère et ses trois sœurs, réfugiées en Iran. L’une de ses rares certitudes : sa passion pour le théâtre, que ses parents n’ont pas découragée, un cas rare en Afghanistan. « J’aime être sur scène, ce contact direct avec les spectateurs, jouer est mon plaisir, ma passion », explique-t-elle aujourd’hui dans un français parfait. Le résultat d’un apprentissage intensif, mené de front avec sa scolarité – actuellement en design de la mode dans un lycée professionnel de Lyon – et l’interprétation d’Ismène dans Les Messagères.La pièce sera jouée jusqu’en 2025 au TNP de Villeurbanne et au théâtre Nouvelle génération, à Lyon, qui ont tous deux accueilli la troupe.
Les Messagères : bien sûr, le titre ne doit rien au hasard. Toute en force et en pudeur, Atifa Azizpor entend porter un message aux accents de plaidoyer. « Pour moi, jouer est un moyen de me battre et de me défendre », dit-elle. De montrer qu’elle et ses compatriotes restées en Afghanistan se tiennent encore debout malgré l’entreprise d’annihilation des talibans. Mais aussi d’encourager ces dernières à ne pas désarmer, car « avec le temps, leur situation va changer ».
Son engagement relève de la nécessité. « J’aimerais bien jouer dans des pièces moins engagées, mais être une actrice afghane en France, c’est prendre la parole au nom de mes sœurs. C’est ma responsabilité, que j’accepte avec plaisir »,explique la comédienne, ajoutant : « L’interdiction de parler dans l’espace public, en août, m’a encouragée à désobéir plus encore. »
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Quatre décennies de guerre1979. Intervention de l’Union soviétique, appelée à l’aide par le régime communiste, dont l’arrivée au pouvoir, un an plus tôt, a déclenché de nombreux soulèvements.
1989. Départ de l’Union soviétique et poursuite de la guerre civile.
1996. Arrivée au pouvoir des talibans, qui appliqueront la charia.
2001. Intervention occidentale et chute du régime taliban. La situation sécuritaire commencera à s’aggraver à compter de 2003.
2009. Les effectifs militaires occidentaux dans le pays s’élèvent à 40 000 hommes.
Avril 2021. Les pays de l’Otan décident le retrait de l’intégralité de leurs troupes.
Août 2021. Les talibans s’emparent du pouvoir à Kaboul.