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pèle mèle

Humeur vagabonde ...

Publié le 11/10/2014 à 19:39 par sebastienvidal Tags : bande moi monde homme nature nuit animal livre oiseaux voiture air
Humeur vagabonde ...

Humeur vagabonde

Jeudi 9 octobre, début d'après-midi. Je me trouve debout devant la vitre d'une salle d'attente. Plutôt que de me plonger dans un vieux magazine à l'agonie j'ai préféré observer l'extérieur. De gros nuages chargés de pluie glissent et convergent vers l'horizon. La fenêtre donne sur un parking en terre certi de gazon. Entre deux voitures une grosse flaque d'eau frémit sous la caresse d'un souffle d'air. D'un seul coup la réalité me saute aux yeux, il y a beaucoup de monde sur ce parking un peu triste sous le ciel gris. Une palanquée d'oiseaux sautille par là, virevolte ici et là. Un gros merle qui semble bien nourrit s'ébat dans la flaque. Il est arrivé en multiples petits bonds, de cette démarche dynamique si particulière propre aux merles. La tête volontaire, pointée vers l'avant, les ailes collées au corps il a progressé par plusieurs accélérations successives. Il trône maintenant au milieu de la flaque, comme pour indiquer aux autres volatiles que c'est lui le patron. Il s'ébroue, les ailes écartées et plonge la tête dans l'eau trouble. Un feu d'artifice de gouttes explose à chaque ablution. Il est évident qu'il prend du plaisir à barboter ainsi, il recommence encore et encore.

Puis il décide que cela suffit et d'un bond disparaît sous une voiture endormie. Aussitôt, un moineau opportuniste (pléonasme ?!) atterrit dans le nid de poule plein d'eau. A son tour il batifole et asperge les alentours. Sur le parking c'est l'affluence des grands jours. Moineaux, bergeronnettes, mésanges, merles, étourneaux et même un inévitables queue-rouge zonent sur l'air de stationnement. Malgré leur proximité, tout ces oiseaux semblent s'ignorer avec délicatesse.

Dans l'échelle sociale du monde de la plume (s'il en existe une) on se cotoie mais on ne se mélange pas semble-t-il. Pas de concurrence mais de l'indifférence. Chacun vaque à ses activités sans s'occuper de ce que fait le représentant de la famille voisine. Mais une hiérarchie affleure quand-même au delà des apparences. Le merle se baigne d'abord, les menus oiseaux viennent après, comme s'ils respectaient un accord tacite datant de la nuit des temps. Et si par hasard monsieur le merle arrivait alors qu'un vil freluquet de piaf eut l'outrecuidance de s'installer dans la baignoire de terre alors aussitôt le petit animal s'envolait sans que le gros bec jaune n'ait à faire la police.

Un monde de diversité et de vitalité s'étale sous nos yeux en permanence, un monde que nous ne savons plus regarder la plupart du temps. Je me livre à cet exercice aussi souvent que je le peux, le spectacle est permanent. Un monde qui sait vivre en harmonie à l'interieur d'un autre monde humain qui se déchire et qui se saccage. Un monde qui se piétine et s'avilie chaque jour un peu plus. Heureusement la nature est là pour nous laver de nos défauts et orienter notre regard d'humain déphasé courant contre le temps, juché sur les aiguilles des heures qui filent vers le néant.

Ce petit moment de quiétude m'a rasséréné, cet intermède roboratif a déclenché en moi une furieuse et soudaine envie de profiter de cette nature si équilibrée. Sauter dans mes baskets et filer courir dans la forêt, dévorer des kilomètres de chemins, sentir, entendre, éprouver. Quelques gouttes d'eau de la dernière averse se jettent du bord de la gouttiere exsangue du batiment qui borde un côté du parking. Pile à l'endroit où elles tombent l'herbe est plus verte, plus haute et dense. Je me demande s'il existe un hasard dans la nature ...

Malgré l'épaisseur du vitrage je perçois le froufrou des ailes d'un autre merle qui passe en trombe devant moi. Il se pose avec une extrême agilité et une impressionnante précision sur un rétroviseur. Il me toise en inclinant sa tête pour que son oeil puisse me regarder bien en face. Je ne bouge pas, je fais "l'arbre" ou autre chose. Je peux discerner son oeil noir et impénétrable, il est entouré d'un fine bande de peau beige, presque écrue. Son bec d'un jaune violent attire le regard. J'ai l'impression qu'il me sonde, il doit se dire qu'il a déjà vu bien souvent ce genre silhouette, mais qu'en général elles bougent et se font menaçantes. Celle-là est immobile et jette le trouble en lui. Est-ce un arbre ? Un objet décoratif ? Une ombre ?

Je sais que si je bouge je déclencherais la fuite de l'oiseau, un réflexe ancestral. C'est ainsi, l'homme est désormais perçu comme une menace par les autres habitants de la planète. Comment pourrait-il enêtre autrement, les hommes entre eux se considèrent comme des menaces.

Une voix comme surgit d'un autre monde me ramène dans la salle vide aux murs tristes et usés par des milliers de regards indifférents. On m'appelle, il va falloir que je bouge, désolé monsieur le merle ...