Musée
du
Luxem
bourg

La Collection Phillips nous propose un siècle et demi de moments privilégiés de peinture, de Delacroix à Bacon...

   
DEBUSSY-Reflets dans l'eau (1904)

Biographies (cliquez sur le nom du peintre)

Exposition "La Collection PHILLIPS à Paris"

du 30/11/2005 au 26/03/2006
Lieu : MUSEE DU LUXEMBOURG, Paris (à côté du Palais du Sénat)

Situé dans les Jardins du Luxembourg, sous la dépendance du Sénat, le Musée du Luxembourg, rénové en 2003, fut à partir de 1750 l'un des premiers musées européens. A partir de 1818, il devint le musée des artistes vivants, soit l'équivalent même d'un musée d'art moderne.

L'exposition en bref :


Danseuses à la barre
Edgar DEGAS, c. 1900
acquis en 1944

 

Voila une exposition insolite car non thématique. Elle n'est pas consacrée à un peintre ou une école, mais à la peinture moderne avec un grand P.

P comme Duncan Philllips (1886-1966), héritier d'une famille ayant fait fortune dans la banque puis l'acier, qui en 1916 obtient de son père une allocation annuelle de 10 000 $ afin de constituer une collection d'art. Après des études de lettres à l'université de Yale, Phillips devient alors critique d'art.

Cinq ans plus tard en 1921, après les décès consécutifs de son père puis de son frère, il crée à Washington, dans sa demeure même, qu'il ouvre au public, le premier musée d'art moderne privé des Etats-Unis, huit ans avant le célèbre MoMA (Museum of Modern Art) de New-york.

Si Duncan Phillips commence sa collection avec des peintres déjà reconnus, d'Ingres aux impressionnistes - qui représentent une part importante de l'exposition -, son originalité sera de l'ouvrir à l'art moderne, même le plus déroutant, et d'exposer des artistes contemporains dont il contribuera à faire le succès.

Ce sera le cas du suisse Alberto Giacometti, du britannique Francis Bacon, et des français Nicolas de Staël et, bien avant, Pierre Bonnard (1867-1947), à propos duquel Matisse, invité chez Phillips à Washington en 1935 et voyant que les tableaux de Bonnard étaient mieux mis en valeur que les siens lui dit : "Vous aimez beaucoup Bonnard. Vous avez raison, c'est le plus grand de nous tous". Coïncidence, le Musée d'Art Moderne de Paris rouvrira ses portes après 2 ans de travaux avec une exposition consacrée à Pierre Bonnard (du 02/02/2006 au 07/05/2006) !

 

Une sélection de 67 oeuvres couvrant un siècle et demi de peinture

Duncan Phillips collectionnera sur un demi siècle quelque 1800 oeuvres, jusqu'à sa mort en 1966. Le commissaire de l'exposition, Jean-Louis Prat, a sélectionné dans le catalogue du musée de Washington actuellement en travaux pour agrandissement et riche aujourd'hui de 2700 oeuvres, 67 d'entre elles pour le public français en respectant les préférences du collectionneur.

 

Phillips voyait l'histoire de l'art plus en continuité qu'en rupture, et n'avait de cesse de relier les peintres de son époque aux maîtres du passé. C'est la raison pour laquelle sa quête de modernité (et sa collection) remonte aussi loin que les "grands ancêtres" Ingres, Delacroix, Corot et Courbet, présents dans l'exposition.

Il appréciait particulièrement pour son talent à traduire le drame social et humain Honoré Daumier (1808 - 1879) dont il possèda jusqu'à 48 oeuvres, et qui est représenté en force à l'exposition - comme Bonnard - par 4 oeuvres. Puvis de Chavannes figure également avec 2 grandes tableaux.

Les peintres impressionnistes sont particulièrement bien représentés avec nombre de chefs-d'oeuvre, de Renoir ("Le déjeuner des canotiers"), Monet ("La route de Vétheuil", "Au Val Saint-Nicolas, près de Dieppe" ), Sisley ("Jardin à Louveciennes, effet de neige"), Cézanne ("Portrait de l'artiste", "Pot de gingembre", "La dame au livre"), Manet ("Ballet espagnol"), Degas ("Danseuses à la barre", "La mélancolie", "Femmes se peignant").

Gauguin figure également avec une nature morte ("Le jambon") et Van Gogh avec 3 magnifiques tableaux des dernières étapes de sa vie (L'entrée du jardin public à Arles", "Les paveurs, Boulevard de Saint-Rémy", "Maison à Auvers")

 

Trois avocats causant
Honoré DAUMIER, 1855-1857
acquis en 1920

 

L'ouverture à l'art moderne

Duncan Phillips a un projet et une vision d'ensemble pour sa collection : l'art moderne et ses sources. Jusqu'à la fin de sa vie Duncan Phillips continuera à collectionner des valeurs reconnues de la peinture, comme Cézanne, Degas ou Delacroix, mais il s'intéressera toujours parallèllement à l'art mondial contemporain, cherchant à déceler les nouveaux talents.


Femme tenant un chien
Pierre BONNARD, 1922
acquis en 1925

   

C'est bien cette continuelle mais difficile ouverture d'esprit qui caractérise l'homme et sa collection, qu'il revendiquait elle-même comme une oeuvre personnelle. Celle-ci représente son propre cheminement dans le monde de l'art.

Ainsi, après avoir trouvé "stupéfiantes de vulgarité" les oeuvres impressionnistes et fauvistes qu'il vit à l'âge de 25 ans à l'exposition de l'Armory Show de 1913 - qui provoqua un scandale outre-atlantique - acquiert-t-il dix ans plus tard pour un prix faramineux de 150 000$ "Le déjeuner des canotiers" de Renoir qui constituera le fleuron de sa collection et dont il dit : "cette peinture, le chef-d'oeuvre de Renoir, qui vaut tous les Titien ou Giorgione et mieux que tous les Rubens...".

Quand on lui rappelait ses opinions passées, Duncan Phillips en souriait. Ainsi avança-t-il toute sa vie durant dans la modernité, mais à pas comptés, mettant du temps à apprivoiser nombre de peintres tels Van Gogh, Picasso, Braque ou Matisse et éprouvant le besoin de justifier chacune de ses acquisitions par rapport à son projet d'ensemble.

Contrairement aux grands directeurs de musée, Duncan Phillips n'aura jamais de conseiller artistique et effectuera seul ses acquisitions, toutefois après avoir consulté sa femme Marjorie, elle-même peintre.

Ainsi en 1925, il acquiert sur un coup de foudre son premier tableau de Bonnard, "Femme tenant un chien". Il en acquerra 16 et nouera une longue amitié avec le peintre dont il appréciait la peinture intimiste et les talents de coloriste.

Mais il y a aussi chez lui la clairvoyance d'un responsable de grand musée d'art moderne toujours prêt à déceler ce qui se produit de mieux dans l'art mondial et qui s'enthousiasme pour de nouveaux talents, comme Wassily Kandinsky, le pionnier de l'art abstrait, ou Paul Klee auquel il consacrera une salle entière de son musée.

 

50 ans de collection

Duncan Phillips avait pour but d'éduquer le public américain, et de montrer que les peintres les plus novateurs s'inspiraient de leurs aînés. Il était riche, mais non richissime, et s'il consentit en 1923 un gros sacrifice financier pour "Le déjeuner des canotiers", la raison en était alors de lancer son musée avec une oeuvre phare.

 

Par la suite, il était évidemment bien moins coûteux de dénicher des chefs-d'oeuvre de peintres contemporains, et de plus cela correspondait à la feuille de route fixée dès 1921 dans le document portant création de son musée avec un double objectif "d'une part créer un petit musée montrant ce qu'il y a de mieux dans l'art mondial et d'autre part créer un laboratoire où des artistes vivants, en constante évolution, puissent montrer le résultat de leurs recherches et de leurs aventures esthétiques".

C'est ce qu'il réalisera en acquérant des toiles de Pablo Picasso (La première "La toilette -1901" fut acquise en 1927), Georges Braque, Raoul Dufy, Juan Gris, Wassily Kandinsky, Henri Matisse, Nicolas de Staël, Pierre Soulages, Francis Bacon ...

Paul Klee tint une place privilégiée dans la collection de Phillips puisqu'il acquit 13 de ses toiles, dont la première en 1930.

 


Nature morte (à la clarinette)
Georges BRAQUE, 1927
acquis en 1929

 

La peinture américaine


A l'approche de la ville
Edward HOPPER, 1946
acquis en 1947
   

Dès les années 1920-1930, parallèlement à son intérêt pour la peinture européenne, Duncan Phillips va s'intéresser aux pionniers de la peinture américaine moderne, Arthur Dove, John Marin ... alors peu prisés dans son pays.

Ses achats d'art contemporain américain s'intensifieront dans les années 1940-1950 avec des oeuvres de Edward Hopper, le plus grand peintre réaliste américain, mais aussi des talents naissants de l'expressionnisme abstrait comme Adolph Gottlieb, Clyford Still, Jackson Pollock, Mark Rothko...

En 1957 Phillips exposera Rothko et réunira par la suite un ensemble exceptionnel de ses oeuvres auquel il réservera une salle de son musée.

 

 

 

On l'aura compris, la sélection présentée à cette exposition est d'une immense richesse à l'image du collectionneur éclairé qui a consacré sa vie à la constituer, tant du point de vue de la qualité des chefs-d'oeuvre présentés que de son propos ambitieux d'établir une continuité dans l'art moderne.

 

NB : Toutes les peintres cités ci-dessus en caractères gras sont représentés par une ou plusieurs toiles à l'exposition à l'exception des peintres américains Rothko, Pollock, Dove, Marin