JURIDICTION - JURISPRUDENCE
L'ARRET DE LA C.I.J. SUR LA REQUETE
A FIN D'INTERVENTION DE MALTE,
DANS L'AFFAIRE DU PLATEAU CONTINENTAL
ENTRE LA TUNISIE ET LA LIBYE
(14 AVRIL 1981)
Emmanuel DECAUX
Au carrefour de l'Europe et de l'Afrique, la Méditerranée centrale est une zone très convoitée, pour des raisons stratégiques et économiques évidentes (1) . Malte, en devenant, à partir de 1967, le protagoniste d'un nouveau droit de la mer, encore en gestation, a joué les «apprentis sorciers», multipliant les appétits des puissances riveraines (2) . Parallèlement aux travaux de la IIIe conférence, ces Etats ont tenté, par des négociations bilatérales, de régler leurs antagonismes. C'est ainsi que la Libye a mené de front des négociations bilatérales, d'une part avec Malte, d'autre part avec la Tunisie (3).
a) Dès le départ les négociations entre Malte et la Libye ont achoppé sur le problème de la délimitation du plateau continental entre les deux Etats. Un livre blanc publié par le gouvernement maltais récapitule les correspondances échangées depuis 1973(4). Malte, tout en récusant le partage inéquitable (an
* Emmanuel Decaux, Maître-assistant à l'Université Paris X. Thèse : La réciprocité en droit international, L.G.D.J., Bibliothèque de droit international, n° 82, 1980. Contributions à l'Annuaire : La pratique française en matière d'arbitrage (1978), La réforme du ministère français des Affaires étrangères (1979), Le statut du chef d'Etat déchu (1980).
(1) Pour les enjeux méditerranéens, cf. Laurent Lucchini et Michel Voelckel, Les Etats et la mer, le nationalisme maritime, N.E.D., La documentation française, 1978; Charles ZoRGBreE, La Méditerranée sans les Grands ?, P.U JT., 1980.
(2) Pour une description géographique de la zone concernée, cf. la plaidoirie de M. E. Lauterpacht, CR 81/1 p. 39 et sq. Le Dr Mizzi, Attorney General de Malte, souligne le « risque de confusion » qui peut s'établir, en ce qui concerne un « très petit Etat » insulaire : « Mais les droits sur le plateau continental d'une île qui constitue elle-même un Etat et un territoire métropolitain, c'est-à-dire les droits d'un Etat qui se trouve être aussi une île, sont exactement les mêmes en principe que ceux d'un Etat qui n'en est pas une... En effet les dimensions d'une île en tant que telles n'ont rien à voir en la matière », CR 81/1 p. 7. Cf. le T.N.C.O., article 121.
(3) De plus la Libye prend unilatéralement la décision d'affirmer sa pleine souveraineté sur le golfe de la Grande Syrte, le 10 octobre 1973, chronique Rousseau, R.G.DJ.P. 1974, p. 1177.
(4) Officiai documents about the Malta/Libya dispute on the dividing line of the continental shelf, Malta 8th September 1980, Government Press. Cf. aussi la chronologie des échanges diplomatiques présentée dans la plaidoirie maltaise, CR 81/1 p. 56 et sq.