RÉACTIONS À L'ILLICITE DANS LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE 27
à ce que la Cour se prononçât sur la licéité de celles-ci, il n'en fut rien. Certes elle affirma sa préoccupation, mais uniquement pour l'action militaire et sans la condamner formellement (59). De sorte que l'on est réduit à des conjectures sur cette question : les contre-mesures étaient-elles licites en raison de ce que l'ordonnance indiquant les mesures conservatoires n'était pas en fait obligatoire, ou bien parce que l'Iran n'avait pas lui-même respecté cette ordonnance, ou parce qu'il ne s'agissait que de mesures de rétorsion, ou alors des mesures de représailles respectant le principe de proportionnalité ? (60). Ce qui apparaît malgré tout, c'est que la compétence de principe de l'Etat pour réagir par des contre-mesures à ce qu'il considère être une violation du droit par un autre Etat (qu'il s'agisse ici de la prise d'otages elle-même, ou de la non-exécution par l'Iran des mesures conservatoires demandées par la Cour) n'a pas été réellement mise en cause, alors même que l'on se trouvait dans le cadre d'une action judiciaire devant la juridiction principale de la communauté internationale. Quant à la légitimation de ces mesures en tant que réaction à un fait illicite international, on se retrouve dans la même situation d'incertitude que dans les hypothèses classiques, ce qui interdit toute qualification de sanction.
30. - Avec l'affaire iranienne on ne se situe plus, naturellement, dans le domaine du droit international général. Le problème des otages a été non seulement posé devant la Cour internationale de justice mais aussi devant l'Organisation des Nations Unies, et par conséquent dans le cadre de la société internationale « institutionnelle »(6l). La question que l'on rencontre donc nécessairement, dans cette enquête sur les contre-mesures comme sanctions possibles du droit international général, est celle de l'effet de l'imbrication des deux sociétés, relationnelle et institutionnelle, sur le problème de la sanction.
3°) Les conséquences incertaines de l'action des Nations Unies
31. - On a essayé de montrer, dans une autre étude, comment l'intervention des organisations internationales pouvait modifier le problème de la sanction dans la société internationale (62). Si l'on s'en tient ici à l'action des Nations Unies, force est de reconnaître cependant que l'intervention de cette organisation ne contribue pas toujours à clarifier la situation.
a) Contre-mesures décidées par le Conseil de sécurité
32. - II est admis en général que la sanction armée est aujourd'hui de la compétence exclusive de l'Organisation des Nations Unies, et en principe, à
(59) C.I.J., Recueil, 1980, p. 28 sur les contre-mesures en général et p. 43 sur l'expédition militaire du 24-25 avril 1980.
(60) Voir Vincent CoussiRAT-CouSTÊRE, «L'arrêt de la Cour Internationale de Justice sur le personnel diplomatique américain à Téhéran», A.F.D.I., 1980, p. 205-206; Elizabeth ZoLLER, «L'affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran», R.G.P.I.P., 1980, p. 973-1026. Le juge Morozov, dans son opinion dissidente, a considéré pour sa part que les Etats-Unis, par leurs mesures coercitives, s'étaient privés de tout droit d'invoquer le traité de 1955 avec l'Iran [Rec, 1980, p. 52).
(61 ) Sur la distinction « société relationnelle » « société institutionnelle », voir R.J. DuPUY, Le droit international, Paris, Que sais-je ?, 1966, et « Communauté internationale et disparités de développement », R.C.A.D.I., 1979/IV, p. 46 et suiv.
(62) Ch. Leben, Les sanctions privatives de droits ou de qualité dans les organisations internationales spécialisées, op. cit., p. 72-134.