Saint-Père de Chartres.
Saint-Père de Chartres. — ■ Malgré sa beauté et son intérêt, l'église du monastère de Saint-Père n'a guère retenu l'attention des historiens ; P. Hé- liot et G. Jouven — qui l'avait antérieurement étudiée en vue du concours d'architecte en chef des Monuments historiques — nous en donnent enfin une monographie détaillée. La bâtisse est hétérogène. Sa partie la plus ancienne est le robuste clocher-porche qui se dresse semblable à un donjon en tête de la nef. Il a pu être édifié lorsqu'on ceignit d'une enceinte le monastère, soit vers 990, soit entre 1038 et 1067 ; la nef qu'il précédait avait été construite vers 930-940, nous en ignorons à peu près tout. Il comprend aujourd'hui deux étages, mais son actuel niveau supérieur était primitivement recoupé par un plancher. L'entrée était percée au nord, mais il est probable qu'à l'origine une autre porte lui faisait pendant du côté sud ; une large arcade avec trois rangs de claveaux s'ouvrait sur la nef. Il est aussi probable que l'on avait au moins prévu de couvrir ce porche d'un berceau ; s'il fut réalisé, on lui substitua une voûte d'ogives au xine siècle, au moment où l'on aménagea l'escalier d'accès à l'étage. C'est à cette époque aussi que l'on agença l'une des trois baies plein cintre sous arc de décharge de la face orientale de son étage pour assurer la communication avec le triforiumsud de la nef, tandis que du côté nord on montait pour ce même motif une petite galerie extérieure. Le volumineux beffroi qui coiffe la tour a été réalisé en deux étapes, au xne et au xvie siècle.
L'incendie de 1134 avait endommagé l'édifice ; pour cette raison, à moins que ce ne soit que par désir de rénovation, on entreprit de le renouveler à partir de 1150. C'est par le chœur que les travaux débutèrent. Les parties basses, les bas-côtés, le déambulatoire et les chapelles en ont été conservés. Les piles fortes constituées d'un massif barlong encadré par deux colonnes limitaient le chœur des moines et terminaient les travées droites ; ailleurs on avait planté des colonnes monocylindriques. Dans le rond-point, pour ne pas surhausser les grandes arcades, les chapiteaux se trouvaient placés à un niveau supérieur, les doubleaux du déambulatoire retombent donc sur des
piteaux insérés en encorbellement. Tous ces chapiteaux sont ornés de godrons. A l'époque gothique, lorsqu'on réédifia les parties hautes du chœur, on les dota d'arcs-boutants : c'est sans doute pour cette raison que du côté sud on renouvela certaines voûtes d'arêtes originelles par des voûtes à nervures (une légère correction serait à apporter au plan publié par les auteurs : toutes les travées du déambulatoire, c'est-à-dire de la partie tournante, sont indiquées comme étant voûtées d'arêtes, le fait n'est pas exact pour la première travée du côté sud ; ici, et le texte l'indique bien, une transformation semblable à celle de quatre des travées droites de ce même côté sud a été opérée). Sur les flancs de ce chœur sont greffées des chapelles orientées ; du côté sud, la chapelle Sainte -Soline, même si elle a été remaniée par la suite, appartient à cette campagne de construction. Du côté nord, la chapelle correspondante a disparu ; elle devait comporter deux niveaux et n'était autre que l'ancienne église Saint -Etienne, antérieurement séparée de l'église principale, mais qui s'était trouvée englobée dans le nouvel édifice en raison de son élargissement. Du côté sud, on ajouta ultérieurement une autre chapelle orientée, du côté nord une chapelle carrée. Sur le déambulatoire s'ouvrent trois chapelles rayonnantes. Au xme siècle, l'arc d'entrée de la chapelle axiale a été doublé d'une large arcade ; ajoutons cette précision aux indications données par les auteurs qu'elle a ennoyé l'une des colonnes de l'arcade primitive, celle du côté nord a été partiellement dégagée. Les parties hautes de ce chœur roman ne peuvent guère être reconstituées ; il est seulement possible d'affirmer, puisque du côté du vaisseau les piles ne comportaient aucun élément destiné à recevoir des retombées hautes ou à articuler la muraille, que l'élévation était plate ; la minceur des supports ne permet guère de concevoir autre chose comme couverture qu'une charpente. Au total, l'œuvre juxtaposait des archaïsmes, des nouveautés et quelques dispositions particulières ; deux maîtres ont donc dû se succéder à la direction du chantier. Le premier avait conçu sa bâtisse selon les normes de la première moitié du siècle, c'est-à-dire une structure simple, avec comme couverture une charpente ; ses colonnes, il les coiffa de chapiteaux à godrons dont certains sont plus proches de modèles anglais que de ceux en usage en Normandie ; or l'influence britannique était alors