LE CHATEAU DE CHAUMONT
par Florent TESNIER
A l'occasion du Congrès archéologique de 1925, le Dr Lesueur consacra une monographie décisive au château de Chaumont-sur-Loire (fig. 1) établissant clairement les phases de la construction, leurs maîtres d'ouvrage respectifs, et sa place dans l'histoire de l'architecture française (1). Une approche plus précise permet de proposer cependant quelques hypothèses nouvelles sur les dispositions primitives du bâtiment (fig. 2).
A mi-chemin des villes d'Amboise et de Blois distantes chacune d'une quinzaine de kilomètres, dominant depuis la rive sud l'ample courbe que décrit ici la Loire, le château de Chaumont occupe en bordure du coteau l'angle formé par un profond ravin perpendiculaire au lit du fleuve. Sensibles à l'intérêt du site, les comtes de Blois y bâtirent dès la fin du Xe siècle pour protéger les marches occidentales de leur domaine, contrôler le trafic fluvial et les voies secondaires nord-sud, routes de Pontlevoy et de Montrichard (2). Le château revint bientôt par alliance à la famille d'Amboise. Une tour de pierre aurait été dressée au début du XIIe siècle, détruite en 1 155, reconstruite en 1 160 (3). En 1307, la maison d'Amboise se scinda en deux branches et Hugues II d'Amboise reçut la seigneurie de Chaumont (4). En 1465, pour s'être ralliés à la Ligue du Bien Public, Pierre d'Amboise et son fils aîné Charles subirent les représailles de Louis XI, qui les disgracia et ordonna « que la place de Chaumont- sur-Loire. . . fût brûlée et rasée. . . » (5). Dès 1466 peut-être, Pierre d'Amboise aurait recouvré ses titres et pu entreprendre le relèvement des bâtiments (6). Les travaux furent poursuivis après sa mort, en 1473, par Charles Ier. Devenu un homme de confiance du roi, fréquemment chargé de missions diplomatiques ou guerrières, ce dernier mourut en 1481, laissant deux enfants qui ne pouvaient lui succéder. L'aîné, François, s'était retiré du monde et son cadet Charles, deuxième du nom, à qui il avait cédé ses droits, n'avait alors que huit ans (7). La première campagne de reconstruction aurait ainsi trouvé sa fin. Entreprise une vingtaine d'années plus tard, la seconde campagne fut l'œuvre de Charles II d'Amboise. Promu dès 1498 lieutenant général du roi dans le Milanais, il devint maréchal de France en 1504 après la disgrâce de Gié, puis amiral de France de 1508 à 1510. Collaborant étroitement avec son oncle le cardinal Georges d'Amboise auquel il devait sa brillante carrière, il connut par ses fonctions l'Italie sous un jour moins fugace que la plupart des chevaliers français (8). Il mourut en 1511, un an après son protecteur. Son fils légitime, Georges, trop jeune pour reprendre les travaux (il serait né vers 1503), devait tomber à Pavie sans descendance (9).
Diane de Poitiers, qui reçut en 1560 des mains de Catherine de Médicis le château acheté pour l'échanger contre Chenonceaux (10), y reprit les travaux, poursuivis avec une intensité variable par les occupants suivants. Comme d'habitude, le XIXe siècle ouvrit l'ère des grandes restaurations, entamées d'abord sous le comte d'Ara- mon, propriétaire dès 1833, et prolongées en deux temps, le premier autour de 1850 sous la direction de l'architecte blésois Jules Potiers de la Morandière appelé par le vicomte Joseph Walsh, le second, depuis 1875 jusqu'au début du XXe siècle, dominé par la maîtresse figure de Paul-Ernest Sanson, qui œuvra pour le compte de la famille Broglie. Le château entra dans le domaine public en 1938. Projetée dès 1943, une violente dérestauration des intérieurs eut lieu en 1947-1948 (11). De nos jours, l'intérêt archéologique du bâtiment est constamment menacé par une politique de « conservation » menée en fonction du tourisme.
Le château de Chaumont-sur-Loire montre un plan en U, une grande terrasse occupant désormais l'emplacement de l'aile nord détruite au XVIIIe siècle (12). Cette aile nord et l'aile ouest appartenaient à la campagne