routine de l’entretien courant s’est poursuivi jusqu’en 1932 ! S’il est frustrant pour nous que les réparations ne soient pas décrites en détail dans les archives et que M. Dubuis n’ait pas toujours les moyens de nous dire comment l’horloge a évolué. Mais son étude met en lumière l’importance considérable pour la société villageoise de pouvoir connaître l’heure : «… les frais constants et considérables que les gens ont consentis pendant tant d’années pour maintenir leur horloge en vie prouvent que cette population avait de très fortes raisons de la conserver, en état de marche, à portée d’oreilles et de regard ! » . – Pierre Dubuis, «L’ancienne horloge de l’église paroissiale d’Hérémence (XVIIIe-XIXe siècle) » , Vallesia, LXV, 2010, p. 143-154. Howard Bradley HORLOGES D’ÉDIFICES EN LUCHONNAIS :
UNE FABRICATION ENCORE EN ACTIVITÉ AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE. – Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe, les rythmes sociaux dans les villages furent de plus en plus régulés par des horloges d’édifices. Celles-ci sonnaient régulièrement les heures sur les cloches des églises ou des beffrois. Elles remplaçaient ainsi la sonnerie manuelle des cloches pour des événements de la journée tels que le démarrage du travail, le début du marché, l’angélus, etc. Ce système de régulation de la vie sociale, déjà présent dans les bourgs et les villes depuis plusieurs siècles, s’est répandu petit à petit dans les villages, du fait notamment de la baisse relative du coût de fabrication des horloges d’édifice. L’étude d’Howard Bradley se situe dans ce contexte historique 1. Le Luchonnais, très belle région des Pyrénées centrales, jouxte l’Espagne ; les deux vallées qui nous intéressent ici accueillent une vingtaine de communes de montagnes, dont les clochers furent systématiquement visités par l’auteur. Celui-ci nous emmène à la découverte des vieux mécanismes d’horlogerie et des cadrans qu’ils abritent parfois encore. Pour la plupart, ils sont désormais hors service, voire gisant en pièces détachées dans un coin. Qu’importe ! Avec ces vestiges, mais aussi des archives et autres renseignements, Howard Bradley reconstruit l’histoire de ces mécanismes, leurs origines, leurs fabricants. Aux côtés d’horloges provenant de la moitié nord de la France et de fabrication quasi-industrielle, il nous fait découvrir des horloges produites localement, par une famille d’artisans installée depuis le premier tiers du XVIIIe siècle à Saccourvielle : les Mengarduque. Dans cette commune qui comptait une centaine d’habitants au début du XXe siècle, se succèdent des forgerons-horlogers, actifs de pères en fils sur trois ou quatre générations. En suivant pas à pas Howard Bradley dans sa reconstitution du puzzle de l’histoire, nous dégageons plusieurs caractéristiques de cet artisanat horloger. Tout d’abord, ces horlogers ont tous plusieurs activités professionnelles. Il n’était en effet pas possible de vivre uniquement de la fabrication artisanale d’horloges d’édifice. La pluriactivité est une nécessité économique. Les Mengarduque sont donc également forgerons et en partie cultivateurs. De plus, pour réaliser leurs horloges, les Mengarduque combinent leur propre savoirfaire à l’inspiration puisée dans l’observation d’horloges des bourgs voisins. Ils n’ont donc pas complètement inventé les mécanismes qu’ils fabriquent. Cela est clairement montré par Howard Bradley qui reconstruit l’évolution de leurs modèles et les filiations avec les horloges fabriquées, par exemple, dans le Jura. Il n’en reste pas moins vrai que les Mengarduque utilisaient des techniques de fabrication ou des matériaux typiquement artisanaux, tels que le fer pour les rouages, au détriment du laiton. Ces deux caractéristiques, pluriactivité et inspiration de modèles plus industriels, se retrouvent avec d’autres artisans horlogers dans d’autres endroits de France. Mais l’étonnant est ici que cette forme d’artisanat ait perduré jusqu’au début du XXe siècle, alors qu’il disparut pratiquement des autres régions de France à partir du milieu du XIXe siècle. À notre connaissance, nous avons là le dernier artisan fabricant d’horloges d’édifice ayant exercé dans l’hexagone. L’aventure s’arrêta brutalement avec la guerre de 1914-1918, qui n’en laissa rien que trois orphelins devenus pupilles de la nation. La découverte de cette histoire locale, articulée à la grande histoire, met en exergue le patrimoine horloger et artisanal de la région avec les spécificités que nous avons mentionnées. Nous souhaitons que le travail remarquable qu’Howard Bradley a accompli en coopération avec les conservateurs, contribue à la sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine. – Howard Bradley, «Horloges mécaniques d’édifices dans deux vallées du Luchonnais. – Le domaine desMengarduque » ,
Revue de Comminges, t. CXXVII, 2011/ 2, p. 29-48. Philippe Monot
1. Cette étude, légèrement modifiée et très bien illustrée, est également publiée par l’Association des amis des Archives de la Haute-Garonne, sous le titre «La DynastieMengarduque, deux cents ans de fabrication d’horloges d’édifices en Luchonnais » , Petite bibliothèque n° 182, Supplément de la Lettre des Amis des Archives de Haute-Garonne, n° 257, octobre 2012. Architecture religieuse, vitrail et art sacré
XIXe-XXe siècle
ASPECT DE LA RECONSTRUCTION RELIGIEUSE CATHOLIQUE EN CHINE APRÈS LA RÉVOLTE DES
BOXERS. – L’article que Thomas Coomans et Wei Luo consacrent aux églises catholiques construites en Chine du Nord (et Mongolie intérieure) au tout début du XXe siècle fait redécouvrir des constructions qui n’étaient pas inconnues mais qu’on pensait parfois disparues ou mutilées. À tort car les photographies prises par l’auteur témoignent de leur survie et même de leur excellent état ! Et en ajoutant à ce constat l’exhumation des archives du colonisateur, les auteurs nous rappellent ce que fut ce «néo » d’origine coloniale. En 1901 s’acheva la révolte des Boxers qui détruisit les implantations chrétiennes, symboles de l’humiliante présence des nations occidentales dans un pays atteint par le déclin dynastique. Th. Coomans et W. Luo reconstituent l’oeuvre et la carrière du missionnairearchitecte belge Alphonse de Moerloose chargé alors de reconstruire ces édifices. Né en 1858, le futur architecte avait été formé à l’école d’art de Saint-Luc à Gand dominée par la personnalité du Baron Béthune, fervent adepte de Pugin et chevalier combattant du renouveau catholique. Il entra dans la congrégation du Coeur Immaculé de Marie implantée à Sheut – d’où le nom de sheutistes porté par les religieux et il fut envoyé en 1885 en Chine du Nord où l’ordre présent depuis 1865, y restera implanté jusqu’à la guerre civile de 1946-1955. Les Sheutistes y ont fondé des petites communautés chrétiennes mais la révolte des boxers provoqua la mort des missionnaires et des chrétiens indigènes ainsi que la destruction des églises. Alphonse deMoerloose bâtit en cinq années un ensemble très cohérent d’édifices du culte qui relèvent tous du gothique occidental pratiqué à l’école Saint-Luc, dépourvu de toute référence à l’art asiatique. Pour les deux églises de paroisses rurales exactement jumelles de 1903-1905, il adopta un parti général modeste : une nef à bascôté unique, sans transept et à chevet plat, coiffée d’un petit clocheton ; les élévations extérieure comme intérieure privilégient l’arc plein cintre à chapiteaux sans aucune ornementation ; une église de cité minière du Borinage… Pour les grandes réalisations qui suivirent, – l’église des Trappistes en 1903, la «cathédrale » de Xuanhua en 1906, puis plus tard la basilique Notre-Dame de Shangaï en 1924 –, il emprunta son modèle à tourelles latérales en façade à Sainte-Élizabeth au Béguinage de Gand, par Béthune (1873) : grande rose de façade, plan 65 Chronique