Michel Tardy Sur la critique de télévision
Après avoir constaté l'insuffisance notoire de la critique musicale en Franœ, Michel Butor ajoutait : « On hésite entre deux excès : l'appréciation, l'évocation selon le sentiment obscur de quelques images peu variées, ou bien l'analyse technique tout à fait sèche. La première, si elle n'est point oapable de se justifier en produisant quelques détails pour preuves, peste arbitraire, intéressante tout au plus à nous renseigner sur la psychologie de son auteur, rêve, ma foi, qui aurait pu tout aussi bien être provoqué par une autre occasion, par exemple par l'audition d'une autre sonate ou symphonie ; la seconde, qui fait plus illusion parce qu'elle témoigne au moins d'une étude, reste obscure, laisse le texte obscur, est vaine tout autant, si, au milieu de ses explications, dissections, ne pointe un sens, si l'on ne nous renseigne par quelque lueur sur le pourquoi de ces modulations, séries, renversements, ou groupes x. »
La critique télévisuelle, elle aussi, reçoit ces deux excès en partage. Peut-être faut-il préciser qu'elle tombe plus volontiers dans le premier que dans le second. Les dissections sont plus rares que les échauffements et les démarches analytiques cèdent facilement le pas au lyrisme ou à la colère. Je ne connais guère de textes critiques permettant de comprendre comment sont faites les Cinq Colonnes à la Une et par quels procédés le dernier des matches de rugby se transforme en modeste épopée. Je devine bien que l'événement est intégré dans une structure narrative, mais le dépouillement de la littérature critique ne permet guère de définir les procédés d'intégration. Je pressens que Pierre Sabbagh et Gilbert Lar- riaga ont disposé différemment leurs caméras autour du stade et que, dans la capture des événements, oes deux réalisateurs n'obéissent pas à la même stratégie. J'en dirai autant de la plupart des autres réalisateurs, quelle que soit la situation télévisée, car j'imagine que, du côté des Buttes-Chaumont, une doctrine, plusieurs doctrines, de mise en
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