La mondialisation : triomphe et périls 135
chés obligataires publics américain et européen devraient perdre en profondeur. Les titres publics américains sont déjà détenus pour un tiers à l'étranger, alors que cette proportion est actuellement beaucoup plus faible sur l'Europe (proche de 10 % en France, y compris les détenteurs européens). La recherche de ce support de placement (en voie de raréfaction) par les investisseurs étrangers et la perspective de détente tendancielle des taux longs en Europe (et donc de plus-values) pourraient nourrir à court et moyen termes un important flux d'achats sur l'euro. Mais le marché des titres publics en euros ne sera pas vraiment unifié : les marchés jugeront que les titres émis par l'Allemagne, la France, la Belgique, ou l'Italie ne sont pas totalement équivalents. Ce morcellement peut nuire à l'attrait des titres en euros. Les investisseurs seront conduits à se réorienter vers les placements plus risqués, en actions ou obligations, émis par des agents privés.
La profondeur du marché américain, et sa maturité, confèrent incontestablement un avantage aux supports en dollars dans un premier temps, ce qui plaide en faveur du dollar. Une évolution rapide des modes de financement européens (accroissement de la capitalisation boursière) peut néanmoins conduire à terme à une réorientation des flux vers l'Europe, d'autant que le redressement de la rentabilité du capital dans cette zone, et les perspectives de gains boursiers induits peuvent être importants 4. Le rééquilibrage à terme des flux de capitaux entre l'Europe et les Etats-Unis ne devrait donc pas peser de façon trop lourde sur le dollar, d'autant qu'un euro jugé au départ surévalué serait un frein à ce processus (moindre rentabilité du capital en Europe, et risque de change accru des titres libellés en euros).
Politique budgétaire : toujours moins ?
Les déficits publics s'étaient fortement creusés dans la période récente en raison de la faiblesse de l'activité et du maintien de taux d'intérêt élevés par rapport à la croissance. Ils avaient ainsi représenté jusqu'à 4,4 points de PIB aux Etats-Unis (en 1992), 6,4 points dans l'UE (en 1993) et 4,2 points au Japon (en 1996). Dans cette situation, il est souhaitable que le rétablissement des finances publiques ait lieu grâce au retour de la croissance, impulsée par la baisse des taux d'intérêt, et non par une politique budgétaire restrictive, nuisible en période de demande intérieure faible et de production inférieure à son potentiel (graphiques 3a et 3b).
4. Sigogne P., 1998 : « A la recherche de nouveaux Eldorados », Lettre de l'OFCE, n° 173, mars.