Hebdomadaire, il paraît le dimanche. Le journal s’adresse en priorité aux 8-12 ans mais les plus grands et grandes jusqu’à 16 ans y trouvent des rubriques dédiées.

La maquette est stable depuis le milieu de l’année 1946 : 4 pages en couleurs et 4 pages en noir et blanc, au format 29 x 38 cm. Le bandeau titre est le même depuis 1949 mais offre cette année deux variantes, la première (De la joie !) utilisée pour le numéro 44 et la seconde, avec un ciel étoilé, pour les numéros 45, 46, 47, 48 et 52.

À partir du numéro 43 du 23 octobre, l’abbé Jean Pihan n’est plus le seul directeur délégué aux publications (il faut entendre par là les publications Fleurus destinées aux enfants et à la jeunesse qui comprennent, outre Fripounet et Marisette, Cœurs Vaillants et Âmes vaillantes), il partage désormais cette responsabilité avec René Finkelstein. À la même date, René Bourget remplace Gaston Courtois comme président du conseil d’administration. Cyrille Rivière demeure « membre du comité de direction ».

Comme en 1954, trois numéros se démarquent parmi les 52 paraissant dans l’année : ceux de Pâques, de l’Assomption et de Noël : ils comptent 12 pages au lieu de 8 et sont vendus à l’unité 25 F au lieu de 20.

Les tendances observées au cours de 1954 concernant les rubriques sont confirmées : plus étoffées et moins nombreuses que les années précédentes, elles laissent très peu de place aux strips et aux gags. La publicité occupe dans chaque numéro un espace limité à une demi-page environ, réparti sur les pages 2, 6 et 7 et toujours en noir et blanc. Cela concerne entre 4 et 5 annonceurs par numéro. La mode des strips publicitaires bat son plein : leur nombre culmine à 39 cette année quand il était de 17 en 1951, l’année de leur apparition, et de 24 encore en 1954. Les dessinateurs Érik et Robert Moreau s’en sont fait une spécialité. Il est amusant de remarquer que pour plusieurs strips à la gloire de La Vache qui rit, la même trame est utilisée d’abord par un dessinateur anonyme et ensuite par Robert Moreau.

Parmi les annonceurs figurent en bonne place les éditions Fleurus elles-mêmes. Les publications Fleurus pour la jeunesse, désormais bien structurées, sont non seulement le prétexte des Aventures du commissaire Picablo d’Érik mais font aussi régulièrement l’objet d’annonces à l’occasion de la parution de nouveautés. En matière de livres, il y a d’abord les collections de romans Jean-François pour les garçons et Monique pour les filles. Quatre collections sont dédiées aux « histoires en images » (car on n’emploie pas encore le terme de bande dessinée) : les albums Fleurette pour les plus jeunes qui reprennent les histoires de Perlin et Pinpin et de Sylvain et Sylvette, les albums Fleurus de format carré dédiés aux vedettes que sont Oscar Hamel et Fripounet et Marisette, et les albums Fleurdor pour d’autres bandes d’aventure. Il ne faudrait pas oublier la série Belles histoires et belles vies à visée purement religieuse et consacrée majoritairement à des biographies de figures marquantes du catholicisme. Fripounet et Marisette fait aussi la publicité des produits dérivés comme les albums de coloriages ou les « protège-cahiers en matière plastique Sylvain et Sylvette » dont les Galeries Lafayette ont l’exclusivité, ainsi que d’autres revues du groupe pour les ruraux : Semeuse de France pour les filles et Jeunes forces rurales junior pour les garçons. Les parties rédactionnelles prennent le relais pour établir des passerelles avec ces deux revues, en leur empruntant de temps en temps un article ou une nouvelle par exemple.

L’autopromotion du journal est très développée et même omniprésente. Dès le numéro 1, à l’occasion des vœux de bonne année, le Pastoureau qui agit comme un guide spirituel du journal, fait figurer dans ses trois souhaits aux lecteurs « qu’ils fassent connaître partout et à tous Fripounet ». Dans une pleine page de ce même numéro Pierre Brochard caricature les dessinateurs du journal (Marie-Madeleine Bourdin, René Bonnet, Maurice Cuvillier, Noël Gloesner et lui-même) au milieu de leurs personnages. Dans le numéro 3, les lecteurs font la connaissance des rédacteurs des articles qui s’adressent aux grandes et aux grands et dans le numéro 16 celle de trois collaborateurs techniques du journal auxquels ils sont même invités à envoyer une carte postale à leur adresse personnelle !

Le double caractère rural et catholique du journal est constamment affirmé en cette année 1955 encore. Ainsi, la plupart des reportages de la page 3 concernent le monde agricole. Les métiers proposés aux plus grands à la page 2 ont pour cadre un milieu campagnard (routier ou assistante sociale rurale dans le numéro 18 par exemple), on détaille d’ailleurs le principe des maisons familiales rurales sur plusieurs numéros (n°37 et 40 notamment). Dans leur village, les lecteurs sont invités cette année à mener des enquêtes comme de véritables journalistes. Ainsi, le billet de morale chrétienne, souvent signé du Pastoureau, ne fait jamais défaut, en page 3 ou en page 2. L’actualité religieuse constitue une sorte de décor lointain, discret mais toujours présent : la personne de l’abbé Pierre est évoquée deux fois au cours de l’année (n°14, n°52), on apprend qu’un nouveau journal intitulé Kisito, du nom du plus jeune des martyrs de l’Ouganda, se propose d’ « aider les petits Noirs à être des chrétiens de sa trempe » (n°9), les persécutions religieuses à l’encontre des chrétiens par le régime vietnamien sont évoquées (n°32), etc. Le mot d’ordre pour les lecteurs cette année est d’être des « semeurs de joie ». Ruralité et catholicisme s’affichent surtout dans les parties rédactionnelles mais ils trouvent une expression particulièrement forte aussi dans les courtes bandes dessinées biographiques de moins d’une dizaine de planches à suivre sur plusieurs numéros. Elles sont consacrées en effet soit à des personnalités agricoles (la militante rurale Jeannette Calmet, l’agronome Olivier de Serres, le paysan Émile Coupet, animateur de la Jeunesse agricole catholique) soit à des figures du christianisme (la religieuse indienne des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny Arul Anaudham, Pier Georgio Frassati, béatifié par Jean-Paul II en 1990 ou Sainte Marguerite de Castello). Et dans les fictions, romans, nouvelles ou bandes dessinées, ils affleurent à un degré qui varie entre "très élevé" pour Les Indégonflables de Chantovent et "à peine perceptible" pour Zéphyr. Le Pastoureau se manifeste en préface d’un conte de Henri Pourrat, grande signature inattendue, pour mettre en garde les lecteurs que le diable n’est pas aussi facile à berner dans la réalité que dans le conte (n°18).

Les quatre séries de bandes dessinées principales du journal sont à leur plus haut niveau qualitatif et se permettent des fantaisies. Maurice Cuvillier intervertit deux cases dans les aventures de Sylvain et Sylvette (n°13). Un entrefilet demande aux lecteurs s’ils n’ont rien remarqué de bizarre dans une des histoires du journal et la réponse est donnée au numéro suivant. Noël Gloesner rompt la régularité de ses Indégonflables de Chantovent d’une façon beaucoup plus radicale. Le temps de 10 épisodes, il s’échappe de la formule traditionnelle des 10 cases carrées pour livrer une planche où son dessin virtuose éclate littéralement. Le texte, qui n’est pas signé Rose Dardennes, n’est plus qu’un appel aux lecteurs à participer à une enquête ? plutôt fumeuse et vide, il faut bien le dire ! ? pour résoudre un vol et une disparition. Le jeu l’emporte sur le récit, le dessin sur le texte. Pour corser le tout, Zéphyr de Pierre Brochard intervient parallèlement à cette histoire et se mêle de faire avancer l’enquête durant 8 numéros. Pas de titre, pas de récit réellement suivi, pas de forme déterminée (tantôt un strip, tantôt une planche), on se trouve devant un obni, un objet bédessiné non identifié ! Quant à René Bonnet, il fait vivre à ses héros Fripounet et Marisette, entre les épisodes La Plongée du Pélican et La Troisième soucoupe, une courte aventure onirique très curieuse dans laquelle il intervient lui aussi sans toutefois qu’on le voit à l’image. Cette histoire est délivrée sur 5 numéros non consécutifs, là encore dans des formats divers, quelquefois avec un titre, quelquefois sans. Décidément, un vent d’expérimentation et de liberté souffle en 1955 sur les grandes séries bd du journal.

Les vacances sont aussi l’occasion de mettre en avant, en première page et en couleurs, une toute nouvelle bande, du numéro 23 au numéro 35. Sur un scénario de Stann, tout à fait dans l’esprit de l’époque, qui met en scène des enfants et des animaux aux prises avec des trafiquants d’œuvres d’art dans un contexte colonial, Goliath contre Serpent rouge est surtout un petit bijou de dessin dans un style "ligne claire" impeccable signé Roger Rochelle, d’un dynamisme et d’une fluidité incroyables. Cette bande révèle un vrai talent et il est bien dommage que cet essai qui ne dure que 13 planches entre deux épisodes de Fripounet et Marisette n’ait pas été transformé par la suite.

Damien Didier-Laurent