Fripounet et Marisette, le « journal de l’enfance rurale », est édité par le mouvement Cœurs vaillants (31 rue de Fleurus, Paris 6ème) et tiré sur les presses de l’imprimerie Chaix (20 rue Bergère, Paris 9ème).
Hebdomadaire, il paraît le dimanche. Le journal s’adresse en priorité aux 8-12 ans mais les plus grands et grandes jusqu’à 16 ans y trouvent des rubriques dédiées.
Quatre personnes président aux destinées du journal : l’abbé Jean Pihan et René Finkelstein sont les directeurs de la publication, René Bourget est le président du conseil d’administration et Cyrille Rivière un membre du comité de direction.
La maquette est stable depuis le milieu de l’année 1946 : 4 pages en couleurs et 4 pages en noir et blanc, au format 29 x 38 cm. Le bandeau titre est le même depuis 1949.

Des changements discrets apparaissent dès le premier numéro de 1956. Dans la forme, la maquette est plus aérée et dans le contenu, il n’y a plus qu’une seule nouvelle (mais sensiblement plus longue) là où on en trouvait deux jusqu’alors.
Mais c’est à partir du n°14 du 1er avril qu’une véritable « nouvelle formule », annoncée à mots couverts dès le numéro 12, est appliquée. Chaque numéro compte désormais 12 pages, 4 en couleurs et les 8 autres en bichromie.
Le prix au numéro passe en conséquence de 20 F. à 25 F.

Un numéro type se présente dès lors comme suit. Les pages en couleurs sont toujours réservées aux principales bandes à suivre : en page 1 : Fripounet et Marisette de René Bonnet, en pages centrales 6 et 7 : Sylvain et Sylvette de Maurice Cuvillier et Les Indégonflables de Chantovent de Noël Gloesner et Rose Dardennes ainsi que la nouvelle illustrée, en page 12 : Zéphyr de Pierre Brochard. En page 2 se trouvent le courrier des lecteurs et le billet du Pastoureau, en page 3 une bande dessinée complète ou à suivre, idem en page 4, en page 5 un reportage, en pages 8 et 9 les jeux et bricolages, les rubriques des clubs ainsi que les pages pour « les grands et les grandes », en page 10 le roman à suivre, et en page 11 des jeux et la traditionnelle bande dessinée biographique à suivre sur une douzaine de numéros.
La publicité s’invite surtout dans les dernières pages.
C’est sous cette nouvelle formule que paraît le 500ème numéro de Fripounet et Marisette, le n°21 du 20 mai 1956, qui est l’occasion pour René Bonnet de retracer en une belle planche illustrée tout le chemin parcouru des débuts du journal jusqu’à la « consécration de son succès».

Ce succès est celui des éditions Fleurus dont l’activité s’étoffe encore. Comme au cours des années précédentes, des publicités illustrées paraissent souvent pour les albums des collections Fleurette, Fleurdor et Fleurus, pour les romans des collections Monique et Jean-François .En fin d’année s’annonce en plus la toute jeune (c’est le cas de le dire !) revue du groupe, Perlin et Pinpin, qui s’adresse aux petits frères et petites sœurs des lecteurs de Fripounet âgés de 5 à 8 ans. Fleurus anime aussi vraisemblablement une librairie parisienne, La Librairie des jeunes : plusieurs témoignages d’enfants prétendument interviewés dans cette librairie, sont de toute évidence des publicités déguisées pour les livres qui y sont mis en avant, uniquement issus du catalogue des éditions Fleurus.

Comme chaque année, de nouvelles activités sont proposées aux lecteurs et lectrices de Fripounet et Marisette, incités à se regrouper en clubs. En 1956, on encourage l’élevage du lapin. Presque tous les numéros jusqu’au n°40 font une place à « Pan-Pan », soit pour des informations biologiques, des conseils d’élevage, ou des témoignages de lecteurs-éleveurs. Pendant les vacances, l’attention est portée sur la sécurité lors des travaux des champs, à la maison, sur la route, etc. Un concours est même organisé sur cette thématique et, à la rentrée, la campagne se poursuit, éparpillée dans différentes rubriques. Le slogan de 1956 est « Vive la vie ! », il donne son titre à l’almanach pour 1957 disponible dès novembre. Les lecteurs sont invités en début d’année à soutenir le projet d’un « Centre René Colson » initié par la Jeunesse agricole catholique (JAC), en fin d’année à faire un geste pour les déplacés de Hongrie. Le concours annuel est organisé autour d’une enquête du Commissaire Picablo d’Erik qui court sur 4 planches de bande dessinée. Les lots, présentés par Zéphyr, y sont encore plus nombreux et plus prestigieux que les années précédentes.

Rétrospectivement, il est très plaisant de lire l’hebdomadaire comme un indicateur de l’évolution de la société française. Avec cette perspective, on constate qu’en 1956, le camping et les vacances hors de la maison sont passés dans les mœurs, que le tracteur est un outil désormais partout utilisé dans les campagnes, ou que la radio est en passe de devenir un loisir pour les jeunes (une première grille de programmes est proposée dans le numéro 21). Plus étonnant (et isolé), un article est consacré aux femmes maires dans le n°22. Cette année encore, la publicité apporte son lot de nouveautés en matière de matériel scolaire, de jouets ou de friandises. Après les œillets Nop pour les feuilles de classeur et le Corector qui permet de gommer les erreurs, voici le ruban adhésif Rubafix ! On se fatigue des autos miniatures, des maquettes d’avions et des trains électriques ? Il est temps de s’initier à l’appareil photo Ultra-Fex ou au View-master qui permet de visionner des disques de diapositives. Repu de réglisse Mistral et de pain d’épice Van Leyden ? Goûtez maintenant la couque de L’Alsacienne ! En 1956 on ne se lasse pas de Banania et on raffole de La Vache qui rit à chaque numéro. Les producteurs de chocolat se groupent pour promouvoir anonymement leur produit supposé donner de la force aux enfants, comme le faisaient les producteurs de sucre plus tôt dans la décennie…

En fin d’année, huit mois après le lancement de la nouvelle formule, le lecteur ne voit pas émerger nettement de rubriques rédactionnelles nouvelles. Les fiches consacrées aux voitures à la mode ne durent que quelques semaines, les souvenirs de Grand-père de Pierre Brochard qui semblaient vouloir jeter un pont entre les générations s’épuisent au bout de quelques numéros. Une rubrique sur les abeilles animée par Jean Saunier tient la rampe un peu plus longtemps. Par contre l’ouverture d’un espace supplémentaire de 4 pages attire des signatures de dessinateurs nouvelles et pas des moindres. Parmi elles figure d’abord celle du talentueux Calvo qui déroule les mésaventures de Coquin le petit cocker sur 15 planches, du numéro 14 au numéro 29. Cependant Calvo a déjà sporadiquement illustré des nouvelles dans Fripounet et Marisette (en 1952) et la forme choisie, des textes sous images, tout comme le parti pris du noir et blanc, ont quelque chose d’un peu désuet. Trois auteurs vraiment nouveaux, eux – et jeunes ! – se fraient un chemin, trois amis qui partagent un atelier tout en poursuivant leurs études aux Arts appliqués de Paris. Fripounet est le tout premier support professionnel à accueillir ces trois dessinateurs débutants au trait encore malhabile. Pat Mallet apparaît dans le numéro 35, il signe sporadiquement une ou deux planches de gags de héros qui ne tiennent pas la distance (Martine et Cléo, Mic et Nic).Jean Giraud est présent dès le numéro 28. Il signe quelques récits complets d’une demi-page et quelques illustrations pour la campagne sur la sécurité. Jean-Claude Mézières est le plus régulier et le plus prolifique des trois. Sa première intervention est datée du n°6, il s’agit d’un récit complet d’une demi-page. Par la suite il livre un grand nombre d’illustrations notamment pour les reportages de Styll dont il devient rapidement le dessinateur attitré mais aussi pour d’autres rubriques, des jeux d’extérieur, de la publicité. Il signe également un feuilleton policier en bandes dessinées, Les 13 marches, du numéro 31 au n°42. Il n’est pas rare qu’il soit présent deux fois au sommaire d’un même numéro. On voit son style évoluer et se perfectionner de semaine en semaine.

L’année 1956 de Fripounet et Marisette se termine sur un numéro 53 exceptionnel, un véritable feu d’artifice, totalement consacré à l’an 2000 qui fait tellement rêver à cette époque. L’illustration et la bande dessinée y ont la part belle et tous les dessinateurs du journal y sont conviés. Ils donnent libre cours à leur fantaisie et leur humour débridé. Au besoin Guy Hempay (Jean-Marie Pélaprat) dont c’est une des premières apparitions dans le journal, leur fournit un scénario. Les séries traditionnelles Zéphyr, Fripounet et Marisette et même Sylvain et Sylvette, interrompent leur histoire en cours pour une parenthèse hors de leur temps. Toutes les contributions reflètent une confiance sans limite en un avenir technologique radieux. Avec ce numéro spécial, Fripounet et Marisette atteint un sommet. La créativité de ses collaborateurs, déjà perceptible l’année précédente, se manifeste une nouvelle fois de façon éclatante dans une production totalement originale en même temps qu’elle épouse pleinement l’air du temps.

Damien Didier-Laurent