Mardi 25 mai. Deuxième journée (presque) estivale. Je pars en repérage sur le Sentier des rives du lac à la recherche de couples de cygnes couvant ou maternant.
Deux œufs par-ci, deux œufs par-là, trois oisillons plus loin, une famille de six en apprentissage de toilettage sur la rampe de la batellerie. Les adultes sont tellement préoccupés par leur travail qu’ils en sont devenus moins sauvages et se laissent contempler dans leur nid.
Tout est calme : le lac est un miroir, les morillons et les nettes sont absents, envolés vers d’autres rivages pour mieux achever le rite de la reproduction ?
Disparue l’excitation d’il y a quinze jours : les canes ont retrouvé un semblant de paix, l’instinct chasseur des mâles s’étant apaisé. J’imagine que la période printanière est particulièrement stressante pour les femelles appelées à choisir ou à retrouver leur partenaire. Les jeunes en âge de procréer sont hardis et conquérants. La cane n’a parfois pour unique solution que le plongeon.
Le comportement d’un groupe de morillons dans la baie de Montreux m’a impressionnée : seule parmi sept mâles, la cane a effectué en volant une dizaine d’allers-retours sur deux cents mètres, poursuivie par ses courtisans. À chaque fois qu’elle se posait sur l’eau un morillon se précipitait sur elle. Et à chaque fois elle plongeait. Etait-ce un rite ou une fuite ?
Faire la cane est une expression qui signifie
s’esquiver devant le danger
(Dictionnaire des expressions idiomatiques, M. Ashraf et D. Miannay, Le Livre de Poche).
Claude Duneton précise que cette vieille expression fait allusion au «
plongeon à l’approche du danger» et qu’elle (...) a donné le verbe
caner qui veut dire «
reculer, fuir».
(La Puce à l’oreille, C. Duneton, Stock)
Et nous, humains, nous arrive-t-il de
faire la cane, de fuir devant le danger ?
Selon l’éducation que nous avons reçue ou selon notre tempérament, nous avons appris plus ou moins à nous battre devant l’adversité. Certains ont même reçu l’adjonction de se défendre face au danger. Or, la définition du mot “danger” contient bien la notion de “menace qui compromet l’existence de quelqu’un”.
Ainsi, cette vieille expression nous inciterait-elle à reculer au lieu de combattre une situation où notre vie est menacée. Cependant, je ne vous conseille pas de l’utiliser légèrement car il semble que
faire la cane relatait plutôt l’attitude d’un homme lâche et, de ce fait, avait une connotation humiliante.
Addendum
La préparation de cet article m’a été inspirée par une expérience professionnelle vécue qui, sans doute, trouvera un écho parmi d’autres personnes. La remémoration d’une impossibilité de réaction face à une situation frustrante et stressante a trouvé un lien avec la théorie d’Henri Laborit —L’inhibition de l’action— dont je vous cite un extrait écrit du film d’Alain Resnais “Mon Oncle d’Amérique” (1979).
«On peut donc distinguer quatre types principaux de comportement :
le premier est le comportement de CONSOMMATION, qui assouvit les besoins fondamentaux,
le deuxième est un comportement de GRATIFICATION, quand on a l’expérience d’une action qui aboutit au plaisir, on essaie de la renouveler,
le troisième est un comportement qui répond à la PUNITION, soit par la FUITE qui l’évite, soit par la LUTTE qui détruit le sujet de l’agression,
Le dernier est un comportement d’INHIBITION, on ne bouge plus, on attend en tension et on débouche sur l’angoisse. Et l’angoisse c’est l’impossibilité de dominer une situation.»
(Sources : http://lionel.mesnard.free.fr + Avantitude)