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  • Entre fraternité et xénophobie. Les mondes ouvriers parisiens dans l'entre-deux-guerres et les problèmes de la guerre et de la paix by Maria Grazia Meriggi
  • Ingrid Hayes
Maria Grazia MERIGGI, Entre fraternité et xénophobie. Les mondes ouvriers parisiens dans l'entre-deux-guerres et les problèmes de la guerre et de la paix, Nancy, Arbre bleu éditions, « Le corps social », 2018, 172 p. Préface de Michel Dreyfus.

L'ouvrage de Maria Grazia Meriggi est novateur à plusieurs égards et avant tout par ses sources, dont certaines n'ont jamais ou peu été étudiées, notamment le fonds de la Confédération générale du travail unifiée (CGTU) et la Main-d'œuvre immigrée (MOI), organisée par la CGTU, longtemps conservé à Moscou, auquel s'ajoutent les sources de la préfecture de Police, des ministères des Affaires étrangères belge et français et la presse syndicale.

Il comble également un vide historiographique, et ce de deux manières. Sur le plan chronologique, il résulte de l'étude des mobilisations ouvrières des années 1920 et 1930, notamment en région parisienne, souvent délaissées, puisque leur furent privilégiées celles de 1919-1920 et celles de 1936. Ces dernières ne sont pas oubliées ici, mais il est plutôt question des petits conflits, éclipsés par les grands. En termes d'objet, l'ouvrage est partiellement consacré à la CGTU, qui, comme le souligne Michel Dreyfus, n'a pas encore trouvé son historien.

Entre fraternité et xénophobie est structuré autour d'une question fondamentale: les mobilisations sociales sont-elles un antidote à la progression du racisme et de l'antisémitisme au sein de la classe ouvrière? Maria Grazia Meriggi formule ainsi son hypothèse: « dans une société où les immigrés et les autochtones travaillent ensemble et souvent dans des secteurs proches, la concurrence est réelle. Mais elle peut reculer face à une solidarité dans les conflits économiques qui deviennent des moments de connaissance pouvant se traduire dans la vie quotidienne par des idéaux internationalistes pas toujours consciemment partagés » (p. 99). L'auteure évoque également l'hypothèse de Michel Dreyfus, dont la logique est différente, mais non contradictoire, et s'applique à la fin des années 1930: « Si dans les moments conquérants du mouvement ouvrier, les préjugés laissent la place à une solidarité foncière, au cours des périodes où un groupe – ici, les communistes –, ravagé par les scissions et les rapports difficiles avec le Komintern, cherche à se légitimer dans une surenchère polémique, ces préjugés remontent à la surface avec un effet dévastateur » (p. 125).

Pour répondre à la question posée, l'ouvrage traite en parallèle, d'une part des mobilisations elles-mêmes, principalement celles qui se déroulent sur les lieux de travail, avec une attention particulière portée aux luttes de travailleurs immigrés, juifs ou Italiens, dans lesquelles la CGTU est très active par le biais de la MOE (Main-d'œuvre étrangère) puis la MOI, d'autre part des manifestations de racisme et d'antisémitisme. Les deux histoires se croisent, notamment à l'occasion de l'arrivée massive des immigrés juifs allemands fuyant le nazisme à partir de 1933. [End Page 179]

Les mobilisations ne sont cependant pas l'apanage du mouvement ouvrier, dans toutes ses composantes. Si le mouvement ouvrier est soumis à des influences contraires, tiraillé « entre fraternité et xénophobie », ce n'est pas seulement en raison des contradictions qui l'agitent en matière de régulation du travail et nourrissent des positions ambiguës, voire explicitement xénophobes. C'est aussi parce que la droite et surtout l'extrême droite se sont dotées d'une politique active en direction des ouvriers, notamment en termes de propagande antisémite. Ainsi, les Camelots du roi, l'Action française puis le milieu d'Henri Dorgères sont très présents sur le terrain. C'est un des mérites de l'ouvrage que de donner une visibilité à ces phénom...

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