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mercredi 30 avril 2025

L'ANECDOTE. SUR LE POINT D'ECRIRE UNE LETTRE.

Alors. Le billet est certes un peu long. Mais c'est vrai que mes articles les plus longs sont les plus lus, mais rien ne vous y oblige. 

L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle, une ambiance, un parfum fugace ou bien encore un détail,  anecdotique certes, mais qui restera une émotion, point d'ancrage dans votre mémoire en rapport avec le lieu, cette œuvre ou même cette personne. Et ce petit rien, cette anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild (Lien), ou même dans une chapelle si magnifique soit-elle comme la Sainte-Chapelle. Ou dans un improbable ailleurs.


Jack B. Yeats 
Londres 1871-1957 Dublin
A propos d'écrire une lettre ou peut-être mieux traduit : Sur le point d'écrire une lettre
1935
Huile sur toile
Une grande partie de l'œuvre artistique de Yeats des années 1930 fait écho à ses propres efforts littéraires. Ce sujet est tiré d'un recueil de poèmes du XIXe siècle intitulé The Fancy, écrit par John Hamilton Reynolds sous le pseudonyme de Peter Corcoran. Dans le livre, un jeune homme se retrouve déchiré entre l'amour de sa fiancée et l'attrait d'un style de vie capricieux. "The Fancy" était un terme collectif appliqué au XIXe siècle à la boxe, un sport pour lequel Yeats avait un intérêt particulier.
Acheté en 1964 (Shaw Fund), NGI.1766

"About to Write a Letter" Cette lettre, anecdotique dans le tableau m'appelle. Oui ce tableau m'a tout de suite interpelé, déjà par l'opposition marquée des couleurs, ce rouge vermillon de la nappe versus le vert de la tapisserie mais aussi par le fort contraste des tonalités entre le visage blafard de l'homme et son costume noir, aussi l'ombre totale qui masque le sol. Si élégant soit-il l'homme est lugubre. Il se dégage de cette peinture une curieuse ambiance, Anecdotique 
Certes car perdue au milieu de toutes les peintures de la National Gallery of Dublin. Anecdotique oui c'est le mot, alors, le tableau m'intrigue. 
Je cherche la lettre, elle est là posée sur la table, on ne sait si la page est blanche - le trait du pinceau de l'artiste est expéditif - je la suppose encore vierge: la plume semble être sur le porte-plume et le titre de l'œuvre n'est-il pas Sur le point d'écrire une lettre ?

Je m'interroge : Pourquoi ce personnage (que je vais appeler Peter parce que vous ne pensez pas que je vais à chaque fois taper personnage) pourquoi Peter est-il debout ? Je ne crois pas qu'il va écrire sa liste de courses (il se dirige voir ce qui reste dans son frigo) non.

Non. Cherche-t-il l'inspiration ? je ne pense pas, d'ailleurs ne regarde t-il pas cette lettre fixement ? le tableau date de 1935, et à l'heure où vous me lisez, il la regarde toujours, hum donc non.

A bien y regarder, il est en mouvement, plus que des mouvements d'un tai-chi quotidien, je pense plutôt que Peter fait les cent pas,
 Il réfléchit, ça l'énerve, 
Il en a poussé violemment son fauteuil en bas à gauche pour éviter tout obstacle gênant,
être face à face avec cette lettre.
Debout,
Comme pour un duel , c'est une affaire entre elle et lui.
C'eût pu être l'attitude tant relatée de l'écrivain hésitant, en manque d'imagination devant la page blanche mais en fait c'est pire, il cherche une manière efficace de réponse dans ce duel: l'angle d'attaque,  nous sommes au début du combat.

L'atmosphère est tout aussi dramatique que la face pâle (aussi pâle quand j'y pense que les gaufres de mon gaufrier un peu lent à chauffer alors forcément quand j'ouvre j'ai deux gaufres pâlottes, oups là je digresse) la face pâle de Peter est tragique et cette lumière du jour masquée par l'opacité des rideaux rouges, retient mon attention, cette obscure clarté comme disait Corneille n'instille aucune joyeuse humeur mais indique plutôt la volonté du peintre de placer Peter dans un environnement très intime, solennel. Tirés les rideaux, fermée la porte, éteintes les bougies et la télé: Peter veut focaliser toute son attention sur cette fichue lettre qu'il n'arrive pas à attaquer (c'est le mot). L'heure semble grave, il fallait composer.

Sur ces très intelligentes mais vaines analyses, je me suis dit qu'il fallait donc que je lise "The Fancy", écrit par John Hamilton Reynolds alias Peter Corcoran, puisque le sujet, dit le cartel du tableau, en était tiré. 
Lire "The Fancy". (Ah mince pas d'édition française flute.) Lire "The Fancy" ne m'était pas très emballant mais une fois plongé dedans et accepté le thème et le format - m'être résigné en somme - j'ai trouvé - moi qui ne suis aucunement littéraire - la lecture comme assez curieuse.

Deux maisons d'éditions ont imprimé ce bouquin l'une, Taylor & Hessey en 1820 dans lequel John Hamilton Reynols écrit sous le pseudonyme de Peter Corcoran

The Fancy, a selection from the poetical remains of the late Peter Corcoran of Gray's Inn, student at law with a brief memoir of his life.


La seconde, Elkin Mathew en 1821, où John Hamilton Reynols est cité comme étant l'auteur:

The Fancy By John Hamilton Reynolds With a Prefatory Memoir and Notes by John Masefield And Thirteen Illustrations by Jack B. Yeats


Cette seconde version est illustrée par notre peintre Yeats ! J'y plonge. D'ailleurs la première illustration m'encourage: voilà Peter Corcoran en train d'écrire bon ok il est au lit et non dans une posture aussi combative que dans le tableau mais tout de même ça m'encourage.

John Hamilton Reynolds est un écrivain du début XIXe à Londres. Il écrit dans des journaux et publie des recueils de poèmes (Le Jardin de Florence). Ce qui est notable c'est qu'il est l'ami de John Keats. The Fancy, traduisez une envie, un caprice, une fantaisie, mais je préfère la définition de l'écrivain : Fancy est un terme pour toutes les canailleries. Là, The Fancy est la boxe.

À l'époque, la boxe était un sport populaire en Angleterre, bien qu'illégal. Les combats attiraient des spectateurs de toutes classes sociales et de nombreux ouvrages lui sont consacré comme “Boxiana” ou bien  "Tom Crib's Memorial to Congress" c'est donc dans ce contexte que Reynolds écrit “The Fancy”. 

Moi qui ai dans ma jeunesse davantage étudié le tableau périodique de Mendeleïev que la littérature (et surtout anglaise !), je n'ai pas la lumière à tous les étages dans ce domaine et je dois vous dire qu'en plongeant mon nez dans ce livre ce n'est pas un sentiment d'exaltation qui a soufflé les brumes de mon cerveau mais à défaut de le comprendre pleinement, il m'a bien amusé. The Fancy est un assemblage curieux de pièces burlesques, comiques, lyriques et de poèmes sérieux (ironiques ?) toutes à la gloire de la boxe: en un mot: extravagant.  Malgré la beauté de certains poèmes, on n'en est pas loin de penser qu'il s'agit d'une œuvre satirique à l'égard de la littérature pugilistique qui faisait flores à cette époque.

Mais tout de même : la curiosité aidant, j'avais mis donc le nez dedans, je me devais d'aller jusqu'au bout de mon enquête : de quel sujet Peter allait écrire sur cette page blanche ? 
Je ne sais pas vous mais moi,  j'attaque un livre par le 1er chapitre : je saute la préface quitte à y revenir ensuite si le livre m'a plu. Je dis ça car j'y reviendrais.

Le livre commence par une espèce d'opéra burlesque 
" KING TIMS THE FIRST: AN AMERICAN TRAGEDY.  "
L’intrigue de la pièce: Tims, ancien boucher anglais, avait emmené sa femme, son fils et un entrepreneur de pompes funèbres nommé Hatband dans une colonie isolée de l’Illinois, où M. Jenkinsop, en faillite, sa femme et sa fille Jemima les rejoints. ça commence par Jemima qui désire un homme, "même indien"
Humour absurbe et gras:
"Je suis amoureuse, mais je n'ai pas
d'amant pour moi ;
Si les sauvages n'étaient pas
assez sauvages pour ne pas me courtiser !
À moins d'être mariée, je ne peux pas être
heureuse épouse ou veuve. L'un ou l'autre m'est égal !
Tol de deriddle lido !
Tol de rol, etc.
J'ai un pédé ici,
Oui, et un bien vilain...etc.etc."

Elle jette ensuite son dévolu sur le fils Anthony Tims . Discours romantiques mais pompeux.
On apprend que celui-ci s’était délecté des combats de chiens, des combats de taureaux, de la boxe. Le Père Tims (devenu Le Roi Tims 1er, ne me demandez pas pourquoi, je n'ai pas compris, j'ai dû loupé quelque chose) et Jenkinsop, pensant qu’ils se trompent mutuellement, entament des relations amoureuses illicites chacun avec la femme de l’autre. A la fin, le Roi Tims découvrant l’infidélité de sa femme, assassine Jenkinsop ainsi que les deux femmes et se suicide. 

Humour grotesque :
Reine Tims: 
Nous avons faim, s’il vous plaît à Votre Majesté ; et boire ne nous rendra jamais moins affamés, à notre avis !
Roi Tims: 
Venez à notre droite, Reine ; Hatband, approchez-vous. Parlez, Mme Tims ; ouvre ton mug*, ma chère ; Les bouches ici sont faites pour parler, et non pour manger. Nous ne nous asseyons pas, car nous n’avons pas de siège.
* mug: bouche.
Humour macabre :
Le Roi:
Mes yeux se troublent, la lumière dansante meurt, baisse la lumière ; Madame, bonne
nuit ! [le roi meurt.]
Jenkinsop: 
Il est parti, comme certains meurent dans la boue ! Il est pour une charrette de viande froide *, et moi aussi : Sortez, bande de chats ! Vous nous avez manipulés ! [Jenkinsop meurt.] 
[La Reine et Mme Jenkinsop se prennent la main et s'allongent près de leurs époux respectifs.]
*Une charrette de viande froide, un corbillard."


Je n'irais pas plus dans les détails et pourtant il y aurait beaucoup à dire excepté , excepté ! Ce qui m'intéresse: aucune relation avec le tableau "Sur le point d'écrire une lettre"

Après cette pièce loufoque, s'en vient un long poème de 53 strophes 
"LES CHAMPS DE TOTHILL : UN FRAGMENT."
Là, je dois avouer encore que je n'y ai tout compris à part considérer ces strophes comme une description de sa situation de pauvre poète, admirateur de la boxe, et autres combats des chiens, ours et blaireaux, l'auteur explique le titre:
Ces champs de Tothill sont, pour les connaisseurs, généralement connus sous le nom de Tothill Downs. C'est quelque chose de plus romantique ... 
... C'est là que se sont déroulées d'anciennes batailles d'appel: c'est Tothill Fields.

présente son héroïne Bessy ("au mieux"):
Mon héroïne s'appelle au mieux Bessy, une créature très rieuse et rosée. Le nom plus romantique de Rose ou Jessy était dû, sans aucun doute, à sa douce nature. Ses cheveux sont ce que l'école cockney appelle des tresses ...

et lorsqu'il a fait le tour de ce qu'il avait à dire nous quitte:
Je vais donc m'arrêter à l'écurie de Fancy,
où Pégase est amené à appâter ...  Il est assez tard : demain après le petit-déjeuner, vers dix heures,
comme dit Macheath, je reprendrai la route.

Dans le site internet de Exclassic ce long poème est  résumé à ceci : "un fragment épique en ottava rima, intitulé The Fields of Tothill, dans lequel l’auteur divague à la manière byronienne et s’arrête, fatigué de sa tâche, avant d’avoir commencé à peser son histoire".

Je passe aussi cette partie donc car je n'y n'ai trouvé trace de "la lettre de Peter".


Vient ensuite une série de 10 poèmes. Autour de la boxe évidemment, et le premier réapparait un prénom déjà lu dans le long poème de Tothill précédent :  Kate

Strophes à Kate,
lorsqu'il comparaît fortuitement devant elle 

« Un œil au beurre noir lors d'une récente bagarre,
« Car parfois, il faut boxer sans masque. »
DON JUAN.

Tout puni et repentant, à genoux,
je m'incline devant toi, Kate, pour éviter un adieu :
Oh, que tes yeux, mon amour, ne me regardent pas d'un air noir,
car les miens sont forcés de te regarder d'un air noir.
Suis-je pire à tes yeux, parce que je suis pire à mes propres yeux ?
Les femmes doivent-elles punir, tout comme les hommes ?
Je pensais que tu aurais apporté, quand tu m'as trouvé
seul,
Opodeldoc et des sourires, pour me remettre sur pied.

L'opodeldoc est un liniment médical pour soigner les coups, on comprend ici que l'homme rencontre sa dulcinée au sortir d'un combat et qu'il a les yeux au beurre noir: aveu irrécusable qu'il boxe mais rien au sujet d'échange épistolaire entre Peter et Kate. 

Bref, j'arrive au bout du livre et je suis un peu dans cette position ci-dessous :je n'ai rien à rapprocher au tableau de Jack B. Yeats.

Il me reste à lire l'introduction de Masefield et la préface de Reynolds, je commence par cette dernière, on ne sait jamais elle peut me mettre sur la voie.

La préface est écrite par l'auteur J.H. Reynolds sous le pseudonyme de Peter Corcoran. (Peter Corcoran est aussi le nom d'un boxeur reconnu, mort avant que Reynolds ne naisse) 
J.H. Reynolds dans cette préface va nous raconter la vie de son Peter Corcoran jusqu'à sa mort, son Peter Corcoran à lui, étudiant en droit, personnage imaginaire donc mais inspiré de sa propre vie: il le fait naître à la même date et au même lieu que lui-même mais ne le fait pas mourir à la même date (il y met de l'humour, moi aussi). Je ne vais pas vous faire un résumé de cette biographie, il y met de l'humour, disais-je,
"Shrewsbury, une ville peu réputée pour ses hommes de talent ou de génie, mais proverbiale pour l'orgueil et l'arrogance de ses habitants et pour l'excellence de ses gâteaux."
Juste vous dire qu'il était donc amoureux d'une femme (dont il a transposé le prénom en Kate dans son bouquin). Mais en tombant par hasard sur un combat de boxe,  il se passionne pour the fancy - la boxe - et délaisse sa belle. Celle-ci le quitte et lui, rongé de remords, essaie de la reconquérir d'où arrivent des échanges de lettres ! Ah ! lettres ! ah ! pétard ! enfin la lumière dans ce long tunnel !

Dans cette préface J.H. Reynolds fait écrire à Corcoran une lettre à Kate que voici :

Traduction google qui je suis sûr manque de perfection
« MA CHÈRE KATE, » Je vous assure que je ne mens pas quand je dis que je regrette que ma dernière lettre vous ait été si sévère. Vous avez cependant riposté avec brio. Vous avez frappé mes jambes de pugiliste, fait perdre pied, vous m'avez plié en deux, ma lettre et moi, d'un seul coup, et vous m'avez littéralement terrassé.
 Et bien que (comme cela peut servir à le démontrer) vous ne m'ayez pas complètement « défait», vous voyez que je me remets au travail avec beaucoup de langueur ; et ce sera probablement le dernier round où je me présenterai devant vous dans une attitude de mouvement. Vous êtes trop forte pour moi. Je ne suis qu'un poids léger, et vous avez trop de gravité. Mes ralliements ne servent à rien. Si je porte un bon coup, cela ne se répercute pas sur vous. Vous êtes trop bien défendue. Je gaspille mon esprit et mon souffle en vain : si j’essaie de planter un crochet sur vos côtes qui vous fera trembler les flancs, vous vous moquez de moi, au lieu de vous moquer avec moi ; et finalement, vous m'avez envoyé une lettre par la poste qui me fend la mâchoire et me fait tomber. Impossible de tenir tête à un client du rhum* tel que vous. Je me garderai donc désormais d'un tel châtiment.
« Hélas, pauvre Fancy ! Si ses fleurs rencontrent un accueil aussi glacial dans le voisinage de sa propre Moulsey, elle pourrait tout aussi bien (comme le crocodile de Lord Castlereagh) mettre ses mains dans les poches de sa culotte, ou les utiliser à d'autres fins, plutôt que de les serrer en poings. Elle ferait mieux de découper immédiatement ses gants en mitaines et de passer ses doigts dans des bagues, au lieu d'y aller elle-même. »
* "client du rhum" : Un adversaire coriace duquel il faut encaisser une raclée ou en donner une.

Voyez-vous toutes ces expressions liées à la boxe ? riposté avec brio - dernier round - poids léger etc. etc... C'est exactement comme j'ai ressenti l'atmosphère en regardant ce tableau et scruter l'attitude du personnage ce qui rejoint mes premières pensées du début:
Il réfléchit, ça l'énerve, 
Il en a poussé violemment son fauteuil (en bas à gauche) pour éviter tout obstacle gênant,
 être face à face avec cette lettre.
Debout,
Comme pour un duel, c'est une affaire entre elle et lui.

Oui, il y a beaucoup à lire et je ne vous en veux pas si vous avez lu en diagonal. Juste à rajouter que cette littérature anglaise a été traduite par google et que donc toute la beauté, la poésie qui aurait dû en émaner se sont malheureusement estompées. 

A + !

M'ont bien aidé:


Autres anecdotiques billets:

L'anecdote David-et-Goliath

L'anecdote  Le Modeste Petit Tableau

L'anecdote Barcelone El mundo nace en cada beso, El món neix en cada besada, Le monde naît dans chaque baiser.


mercredi 24 juillet 2024

L'ANECDOTE. WANKEL.

Ce billet aurait pu être une de ces anecdotes, vous savez, au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle, un détail, anecdotique certes, mais qui s'imprime dans votre mémoire en rapport avec le lieu. Bref un de ces petits détails comme je les aime.
Mais ici non, cette anecdote je pensais l'aimer et puis non. Cette fois ce détail débouche sur tout un questionnement c'est le grain de sable qui coince le rouage dans la conception de mon billet : j'aurais voulu une gentille anecdote ou bien un détail ravissant comme j'aime vous les soumettre ici ou mais ça a foiré.
Au départ, il y a cette voiture vue au Musée de l'automobile à Turin, chouette musée qui regroupe plus de 200 machines. On en a pleins les yeux, nous déambulons entre des tacots aux formes élégantes et des voitures de sport aux calendes agressives. Nous en voyons de toutes les couleurs, tant et si bien qu'il arrive un moment où l'on zappe un peu les modèles "un peu courants". C'est là que mon regard acéré (parce que muni de lunettes à verres progressifs, je lis M R T V F... sur le tableau de mon ophtalmo oui oui)  tombe sur une plaque :

"1970 NSU / RO 80
Le moteur Wankel était silencieux, léger et rapide. Mais sa consommation de carburant est élevée et il restera une mode passagère.
Double rotor
996 CC
100 HPa - 5500 RPM
180 km/h"

Ce qui m'a retenu c'est le moteur double rotor que Wankel a inventé.  

Le moteur Wankel, dit moteur à piston rotatif, est un moteur à combustion qui utilise une conception unique en forme de rotor triangulaire pour convertir l'énergie du carburant en énergie mécanique, sans cylindres ni pistons, ce qui le rend plus compact et plus léger. 
Image empruntée à Wiki tellement elle est explicite
 
Ci-dessus un schéma de fonctionnement, ici on voit bien le principe: c'est une géniale adaptation de la bonne vieille pompe à palettes que votre prof de techno  il y a bien longtemps vous expliquait consciencieusement tandis que vous jouiez au morpion avec votre voisin.

Oui bon vous allez me dire d'accord et alors ? et bien d'abord, c'est moins de vibrations, moins de bruits. Ensuite le régime moteur (le nombre tour du vilebrequin par minute) est beaucoup plus élevé, et du fait que  le piston entraîne les gaz à une vitesse qui croît avec le régime moteur, dès qu'on appuie sur le champignon la réponse est  rapide !  Pas mal de constructeurs l'ont compris : NSU, Citroën, Mazda, Suzuki, Comotor, etc. mais malheureusement ont abandonné par la suite à cause de la grande  consommation de carburant et une usure de l'étanchéité demandant un entretien plus fréquent. 
Mais l'avenir de ce moteur n'est pas terminé, malgré ce que dit la plaque "il restera une mode passagère." il revient dans les voitures hybrides et est étudié pour des voitures à hydrogène pour ne citer que ces deux exemples.

Voilà ! Belle anecdote n'est-ce pas, dans le monde de la mécanique qu'un homme puisse contribuer par son génie à l'innovation de la technologie. 
Oui mais voilà,
J'ai cliqué sur Wankel dans Wiki

"Felix Heinrich Wankel (né le 13 août 1902 à Lahr/Schwarzwald, mort le 9 octobre 1988 à Lindau) est un inventeur allemand autodidacte, qui industrialise le moteur à piston rotatif."

ça commence comme ça.
"Un nazi de la première heure
Wankel s'était inscrit dès 1922 au parti nazi (NSDAP)..."

Et puis ça continue
 "...Heinrich Himmler visita lui aussi Wankel dans son atelier de Heidelberg, s'y fit présenter le viseur point rouge et posa des questions sur la fabrication des réchauds à gaz, qu'il était possible de convertir à la fabrication de lance-flammes."

Enfin vous voyez le genre, je ne vais pas poursuivre. La coruscation éblouissante de mon enthousiasme pour l'invention se réduisait à une flamme hésitante devant l'inhumanité du concepteur.
D'où la question qui revient à chaque fois, l'éternelle polémique à savoir, comment dissocier notre admiration pour un talent, un chef d'œuvre, une géniale invention issu d'un personnage dont les propos, les actions expriment l'abjection ? Je n'ai pas trouver la réponse. 
Maintenant lorsque je parle du moteur rotatif je ne peux pas m'empêcher de penser au Wankel nazi. 
Quand je regarde les Tontons flingueurs, dialogues de Michel Audiard, je pense aussi à antisémitisme, collabo. Quand je lis Céline pareil. Que penser de Sartre ? Quand je regarde un tableau de Hopper, mon peintre préféré, je pense à sa femme battue. Je ne lirais plus un livre de PPDA. J'attend la justice pour Depardieu, violeur ou juste gros con parvenu ? Etc. Etc. 
Tout ça m'énerve, 
Moi je voulais juste vous parler d'une anecdote.
A + !

mercredi 17 janvier 2024

L' ANECDOTE. David et Goliath

L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle, un détail, anecdotique certes, mais qui restera un point d'ancrage dans votre mémoire en rapport avec le lieu. Et ce petit rien, cette anecdote se déniche
partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild (Lien), ou même dans une chapelle si magnifique soit-elle. La Sainte-Chapelle.

La Sainte-Chapelle, dite aussi Sainte-Chapelle du Palais, est une chapelle palatine édifiée sur l’île de la Cité, à Paris, à la demande de Saint Louis afin d’abriter la Sainte Couronne d’épines, un morceau de la Vraie Croix, ainsi que diverses autres reliques de la Passion qu’il avait acquises à partir de 1239. (wiki)




Elle est incroyablement éblouissante par l'ambiance rendue des 615 m2 de verrières polychromes;  



Lorsque vous entrez dans la chapelle, un sentiment d'exaltation vous envahit: tant de lumière, tant de couleurs de toutes parts (sauf la façade gauche), même en essayant de prendre un peu de recul, vous êtes totalement inondé de tant de détails que vous vous y perdez ! Imaginez : Réparties en 15 verrières de 15m de hauteur, les vitraux des 1113 scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament racontent l’histoire du monde, selon la Bible, jusqu’à l’arrivée des reliques à Paris au XIIIe siècle. Alors vous vous raccrochez aux scènes les plus connues de la bible.



Et puis un médaillon dans un de ces innombrables vitraux retient votre œil (ou les deux, c'est juste une expression n'est-ce pas). 

Le voici, on peut y voir une grosse tête rouge pendue par les cheveux d'une main d'un personnage plutôt petit à coté du propriétaire de la tête, bien mal en point. 

Couché, on pourrait penser que cet infortuné personnage trop grand a été raccourci par l'autre pour pouvoir entrer dans ce vitrail du médaillon central sinon sa tête (ou ses pieds) dépasserait dans l'autre vitrail : on verrait une grosse tête dans le décor en bas du vitrail de droite ou bien des pieds pendouillant en haut du vitrail de gauche ! ça ferait un peu désordre.
 
Vous n'y croyez pas ? On ne vous la fait pas à vous ! Eh oui la vérité est tout autre.



C'est assez loin, mais on distingue bien la scène. Sur fond de couleur dominante bleue, la couleur rouge des éléments importants tranche bien (elle aussi): Tête coupée, bottes et épée sanguinolente: Vous avez reconnu David et Goliath mais oui !   



Le jeune berger qui l'emporte sur le Géant rien qu'avec sa fronde !
Image empruntée sur le très beau site "Mes vitraux favoris"

De nos jours, beaucoup d'entre nous reprennent l'expression " c'est David contre Goliath" en signifiant que c'est le faible qui l'a emporté contre le fort . Alors j'ai voulu prendre la Bible, le Coran et la Torah pour voir ce qu'ils disent, sur internet j'ai trouvé ça : 
La Torah reprend la même histoire que la Bible avec moins d'explications, il me semble.

Et la question que je me suis posé c'est: David, était-il si en état d'infériorité ?  Je n'en suis pas si sûr: l'apparence d'un gamin blondinet a dû relâcher la méfiance de Goliath : "Le Philistin regarda, et lorsqu'il aperçut David, il le méprisa, ne voyant en lui qu'un enfant, blond et d'une belle figure".

Et tant que le géant étant loin, du moins à une certaine distance, il n'avait qu'une lance pour atteindre David, par contre ce dernier pouvait toucher le géant grâce à sa fronde.

La fronde c'est la kalachnikovs de ces époques, on est entre 1200 et 1000 avant J.C. et même un peu après. Et, pour celui qui savait s'en servir, elle n'était pas si anodine que ça, utilisée pour rassembler les moutons mais aussi à chasser, elle était même redoutable. Les munitions étaient donc des pierres et si on veut que la trajectoire soit bien droite il ne fallait pas une pierre biscornue c'est moi qui vous le dis ! étant minot, de mon lance-pierre je n'étais pas mauvais à dégommer les canettes de bière des grands qui me poursuivaient, déversant tous les noms d'animaux et pire encore...bref je vous le dis, non il fallait une pierre ronde bien lisse, et là, celui qui a inspiré la Bible a visé juste (lui aussi) :
 "Il prit en main son bâton, choisit dans le torrent cinq pierres polies, et les mit dans sa gibecière de berger et dans sa poche." Et où peut-on trouver des pierres les mieux polies sinon que des galets dans un torrent ? 

Ce que j'en déduis c'est que dès le départ David avait ses chances. Infériorité ? pas tant que ça.

Bien sûr tout cela semble une légende parmi tant d'autres. Il n'y avait pas la photo, ni les réseaux sociaux, même pas Saint Thomas pour demander des preuves, elle a pu être inventée et écrite également pour un seul but : magnifier le courage et la grandeur du roi David. 

Et d'ailleurs dans la Bible, on peut lire plus loin (2 Samuel 21:19

"Il y eut encore une bataille à Gob avec les Philistins. Et Elchanan, fils de Jaaré-Oreguim, de Bethléhem, tua Goliath de Gath, qui avait une lance dont le bois était comme une ensouple de tisserand."

Bon alors, il n'était pas bien mort ce géant de six coudées et un empan ? je vous laisse sur ce dilemme...anecdotique.

à + !


mercredi 6 décembre 2023

L' ANECDOTE. Le modeste petit tableau parmi les milliers d'oeuvres d'art.

L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle et ce petit rien, ce contrepoint, cette anecdote qui n' a quelquefois rien à voir avec le reste, s'imprime dans la mémoire.

L'anecdote se déniche partout, au détour d'une ruelle à Barcelone (Lien), ou dans une riche villa comme la villa Ephrussi de Rothschild, où on y trouve des milliers d'objets d'art, meubles de toutes sortes provenant autant de palais, de châteaux royaux que d'ateliers d'artistes ou de salles des ventes internationales, de différents siècles et de différentes disciplines en commençant par l'archéologie: on y trouve de bien belles choses.

Notamment, un petit cadre superbe mettant en valeur une aquarelle de Gustave Moreau oh cela semble anecdotique au vu de l'immensité du reste mais quel bel œuvre et quel charme en émane ! Et puis à l'époque actuelle, quel thème intrigant que le soir et la douleur !


Gustave Moreau s'est inspiré d'un poème éponyme de Paul Bourget, Le Soir et la Douleur.

« La Douleur dit au Soir: "Oh viens, toi que j'appelle,
Toi le seul qui jamais, jamais ne m'a fait mal..."
Et le Soir, souriant et pâle, vient vers elle
Sur l'escalier du ciel occidental.
Le Soir à la Douleur soupire: "Mon Aimée..."
Il la prend par les mains, la force à s'asseoir,
et comme elle se sent intimement charmée
Par la caresse apaisante du Soir !
Le Soir dit: "Mon Aimée, entends mourir le monde
Et se taire la voix de ces hommes cruels,
Et s'approcher la Nuit, ta sœur triste et féconde,
Les bras chargés de lis surnaturels..."
La Douleur au beau Soir répond : "J'ai peur de l'ombre
Comme j'ai peur de l'homme et du jour obsesseur.
J'ai peur de ces milliers de regards du ciel sombre,
Je t'aime, toi, pour ta morne douceur."
Mais le Soir n'entend plus cette plainte.
Il se lève, Il voudrait embrasser l'Aimée, il ne peut pas.
Il est déjà lointain et vague, comme un rêve.
Et la Douleur reste seule ici-bas. >>

Elle est magnifiquement fine dans le détail, la délicatesse du Soir, le regard absent de la Douleur, le clair obscur un peu rosé du jour tombant, les reflets de l'eau...

Si on était plus terre à terre, si on sortait du symbolisme bourgetien, si, n'ayant pas le bagage littéraire d'un universitaire tout comme moi quoi, si on se disait donc: le Soir n'est-il pas le déclencheur de la Douleur ? ce qui serait paradoxal vu qu'il arrive pour tenter de la consoler.

N'avez vous jamais ressenti, quand la lumière du jour décline, une bouffée soudaine et trouble qui vous pénètre l'esprit et vous pousse au mieux  dans une contrariété, ou davantage une mélancolie, ou même au pire dans une douleur vous prenant au ventre, vous attrapant les boyaux pour en faire un nœud gros comme ça. Alors ? dites moi qui provoque cela ? On pourrait croire que c'est le soir lui-même qui apporte cette dégradation, ou bien n'est-ce pas la pause que l'on s'accorde à nous-même à cet instant de la journée, ayant terminé nos activités, nous retrouvons inactifs, et posés, assis, inactifs, las, nous pensons alors à nous-même, aux tâches du lendemain, aux inquiétudes des enfants, aux disparus qui nous manquent, au regard obsédant des autres sur nous et qu'en faire, etc.
Le soir adoucit cet instant ? donc apparait comme bienveillant ? il te dit regarde, c'est la fin du jour et le sommeil te mènera à une autre belle journée ! alors là soit tu le regarde avec gratitude ou soit tu le maudis parce que tu es insomniaque ... Dans le texte accompagnant l'aquarelle on peut y lire : "Moreau a choisi ici les retrouvailles du Soir et de la Douleur l'instant où la douceur l'emporte sur le temps" En fait le soir n'est pas une promesse, ni une sentence. C'est une caresse qu'il faut juste profiter à l'instant présent, ne pas la faire durer, elle va se dissoudre dans l'obscurité, ne pas la laisser infuser ses obstinations crépusculaires, et se mettre devant un bon repas, un bon bouquin ou un bon film ! Bougez.

Gustave Moreau
(1926-1898)
Le Soir et la Douleur
Aquarelle H. 367: L. 198 mm - Slanée en bas à gauche: Gustave Moreau - Saint Jean-Cap-Ferrat, Académie des beaux-arts, Villa Ephrussi de Rothschild, EdR 1601 - Provenance Sans doute Mme Kann en 1885; Émile Straus (1844-1929), sa vente après décès, Paris, galerie Georges Petit, 3 et 4 juin 1929. no 19, acquis par Béatrice Ephrussi de Rothschild (1 864-1934), légué en 1934 à l'Académie des beaux-arts. 



Ouaip ! je viens de relire mon texte. Eh bien c'est pas bien drôle tout ça, faut surtout pas finir par ça ce soir , moi je vais chercher une bonne recette de lasagnes, la mienne est un peu "collante".

 A + !





mercredi 8 novembre 2023

L' ANECDOTE. Barcelone. El mundo nace en cada beso, El món neix en cada besada, Le monde naît dans chaque baiser.

 L'anecdote. Au cours d'une visite, d'un voyage, dans un livre, un film il y a toujours quelque chose qui saute aux yeux, un petit quelque chose qui vous interpelle et ce petit rien, ce contrepoint, cette anecdote qui n' a quelquefois rien à voir avec le reste, s'imprime dans la mémoire.

 Déambulant dans les rues près de la cathédrale, nous sommes arrivés près d'un mur où étaient assemblés des carreaux de ciments en une immense mosaïque pour la plupart roses représentant des photos de toutes sortes, comme des cartes postales.

Nous savions déjà qu'en s'éloignant nous découvririons une fresque mais nous ne savions pas laquelle. Il y avait une plaque mais je n'ai pas voulu la lire, me réservant la surprise et la découverte au fur et à mesure de l'éloignement. 





Très vite avec le recul nous avons vu l'ensemble: un magnifique baiser, lascif 
 

 
 
 
ensuite, nous avons aperçu l'autre et nous avons souri. 


 Cette fresque a été réalisée avec 4000 tesselles en céramique, réparties en 50 rangées de quatre-vingts tesselles chacune, Le monde naît dans chaque baiser - pour le tricentenaire de la chute de Barcelone, dernière bataille de la guerre de Succession espagnole le 11 septembre 1714. Ce jour est aussi celui de la fête nationale de la Catalogne, « Diada Nacional de Catalunya » célébrée le 11 septembre en mémoire des morts au siège de Barcelone.
A côté de la mosaïque se trouve une plaque avec l'inscription : Cette photo-mosaïque murale a été réalisée avec la contribution de milliers de citoyens qui ont fourni des images personnelles interprétant la devise "moments de liberté". Le projet s'inscrit dans le cadre de la commémoration du tricentenaire des événements de 1714 à Barcelone. Le bruit d'un baiser n'est pas aussi assourdissant que celui d'un canon, mais son écho dure plus longtemps . Olivier Wendell Holmes.
(Extrait de Le monde naît dans chaque baiser - https://fr.wiki34.com/wiki/El_mundo_nace_en_cada_beso)

A + !

 

PS: Bien sûr Siu je continue !