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eh oui....
bon w end a toi
chez moi neige et froid
bises http://lescock ersdemaryse.ce nterblog.net
Par lescockersdemaryse, le 22.11.2024
eh oui il faut ecouter les anciens.... http://lescock ersdemaryse.ce nterblog.net
Par lescockersdemaryse, le 22.11.2024
jolie fable .... http://lescock ersdemaryse.ce nterblog.net
Par lescockersdemaryse, le 22.11.2024
bonjour brigittte
il fait très très froid ce matin mais j'adore
je te souhaite un bon week-end,
bis ous htt
Par chezmitsy, le 22.11.2024
quelques journées bien chargées ma brigitte...
v ais aller au dodo.
au fait, as tu trouvé te signature chez
Par tubesetfonds, le 22.11.2024
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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
23.11.2024
11467 articles
Sandrine Collette, née en 1970 à Paris, est une romancière française.
Sandrine Collette passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique.
Elle devient chargée de cours à l'université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.
Elle décide de composer une fiction et sur les conseils d’une amie, elle adresse son manuscrit aux éditions Denoël, décidées à relancer, après de longues années de silence, la collection « Sueurs froides », qui publia Boileau-Narcejac et Sébastien Japrisot.
Il s’agit Des nœuds d'acier, publié en 2013 et qui obtiendra le grand prix de littérature policière ainsi que le Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne.
Le roman raconte l'histoire d'un prisonnier libéré qui se retrouve piégé et enfermé par deux frères pour devenir leur esclave.
Elle se consacre alors à l'écriture et s'installe à La Comelle, village du Morvan d'où elle est originaire et dont elle devient conseillère municipale.
En 2014, Sandrine Collette publie son second roman : Un vent de cendres (chez Denoël).
Le roman commence par un tragique accident de voiture et se poursuit, des années plus tard, pendant les vendanges en Champagne.
Le roman revisite le conte La Belle et la Bête.
Pour la revue Lire, « les réussites successives Des nœuds d'acier et d'Un vent de cendres n'étaient donc pas un coup du hasard : Sandrine Collette est bel et bien devenue l'un des grands noms du thriller français.
Thèmes et références
Sandrine Collette aime la campagne profonde, la forêt, la montagne, les vignes. Tout naturellement, elle aime situer ses intrigues dans un univers rural, même si son petit polar "Une brume si légère", est exceptionnellement urbain.
La romancière part toujours d’une image qui lui permettra de dérouler le fil de sa fiction.
Ses références vont de Luis Sepulveda à Marguerite Duras ou Paulo Coelho.
Ses œuvres :
— Des nœuds d'acier - 2013
— Un vent de cendres - 2015
— Six fourmis blanches - 2015
— Il reste la poussière - 2016
— Les Larmes noires sur la terre - 2017
— Juste après la vague - 2018
— Animal - 2019
Et toujours les forêts - 2020
Ces orages là - 2021
"— " Livres lus et dans ma rubrique "Mes lectures"
Très belles photos d'illustration trouvées sur plusieurs sites du Net ...
Merci à leurs auteurs.
L'histoire :
Humain, animal, pour survivre ils iront au bout d’eux-mêmes.
Un roman sauvage et puissant.
Dans l’obscurité dense de la forêt népalaise, Mara découvre deux très jeunes enfants ligotés à un arbre.
Elle sait qu’elle ne devrait pas s’en mêler.
Pourtant, elle les délivre, et fuit avec eux vers la grande ville où ils pourront se cacher.
Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, au milieu des volcans du Kamtchatka, débarque un groupe de chasseurs.
Parmi eux, Lior, une Française.
Comment cette jeune femme peut-elle être aussi exaltée par la chasse, voilà un mystère que son mari, qui l’adore, n’a jamais résolu.
Quand elle chasse, le regard de Lior tourne à l’étrange, son pas devient souple. Elle semble partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse.
Elle a quelque chose d’animal.
Cette fois, guidés par un vieil homme à la parole rare, Lior et les autres sont lancés sur les traces d’un ours.
Un ours qui les a repérés, bien sûr.
Et qui va entraîner Lior bien au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même.
Humain, animal, les rôles se brouillent et les idées préconçues tombent dans ce grand roman où la nature tient toute la place.
KAMTCHATKA
Critiques presse :
Le nouveau roman de cette écrivaine unique dans le paysage du polar français respire la liberté des grands espaces vierges.
LeMonde
«L'écriture du roman est fine et tranchante.
La traque ravira les chasseurs. Son issue ses adversaires.»
LE PROGRES
«Son écriture est séduisante et discrète.
Face à tous les thrillers qui pataugent dans les flaques de sang
et les dialogues insipides,
l'univers romanesque sobrement inquiétant de Sandrine Colette
est un réconfort.»
TELERAMA
«Sandrine Colette réussit un thriller haletant
qui nous interroge sur notre rapport avec le monde animal»
PSYCHOLOGIES
«S'immerger dans ce roman hybride,
à la fois récit d'aventures et conte philosophique,
c'est s'offrir un voyage à sensations qui ne coûte que le prix d'un livre,
et dont on n'est pas sûr de revenir tout à fait indemne.»
LE MONDE DES LIVRES
«Pour Sandrine Collette, c'est toujours le fait réel qui s'impose.»
ELLE
«Chasseurs, chassés, grandes peurs et désirs ardents,
dans Animal, c'est la nature qui mène la danse.»
LIVRES HEBDO
«Animal est un titre court, celui d'un livre qui en dit long.»
LIRE
EXTRAITS :
Prologue
Mara.
Et ce qui déclencherait l'alerte en elle, curieusement, ne serait pas le premier soir. Le premier soir, cela lui avait paru presque normal, même si elle avait eu un hoquet de surprise sur le coup, parce qu'à cette heure - là, d'habitude, il n'y avait personne dans la forêt. En y réfléchissant ,bien sûr que son coeur avait commencé à battre plus fort dès cet instant .Mais elle n'avait pas encore eu peur."
"À ce moment – là, en Inde, c'était une sorte de rêve : il y avait de l'emploi. On savait aussi qu'on y crevait sous les journées trop rudes, la mauvaise nourriture et les coups des contremaîtres, les bagarres entre ouvriers, les vols, mais ça ne comptait pas.
Quand on rêve, on n'entend que ce qu'on veut."
"La vie coulait comme un léger filet de sang. Les choses n’avaient pas tellement changé, au fond.
Mais manger était devenu compliqué. Le jardin ne suffisait pas à nourrir Mara toute l’année. Il lui arrivait de rendre quelques services au village, on la payait en riz, en légumes, en fruits quand c’était la saison. Elle s’était entraînée à manger peu, asséchant son corps, tendue par une force nerveuse qui se contentait d’un repas par jour – c’était le lot de beaucoup d’entre eux ici. Sa silhouette fine, son visage allongé, encadré par de longs cheveux noirs et mangé par des yeux fatigués, donnaient une impression de fragilité ; sa résistance démentait, bien que Mara ait conscience de l’aggravation des petites douleurs le matin, quand il fallait se lever, et pendant les efforts les plus durs.
Tout finirait ainsi, se disait-elle. À trente ans, à quarante. de toute façon, on ne vieillissait pas beaucoup, dans sa famille.
Aussi, ce premier soir, n'avait-elle pas aussitôt imaginé que tout allait basculer à cause des gestes réflexes qu'elle venait de faire – de commettre serait le mot le plus juste : s'approcher sans bruit, couper la corde qui retenait le petit garçon à l'arbre, et l'emmener dans l'obscurité qui tombait."
"Elle avait attendu que les ténèbres envahissent la montagne de peur qu’on ne la piège. Elle n’avait pas allumé de feu ce jour-là, dans sa cabane, pour se rendre invisible ; elle devinait déjà qu’elle courait à sa perte. Mais oui, elle y courait, évitant les branches qui craquaient sous ses pieds, se coulant dans l’ombre des grands arbres.
Et elle l’avait vue.
C’était une petite fille, cette fois.
Différente du garçonnet de la veille : celle-là se débattait, tirant sur la corde comme un lion dans l’espoir insensé de s’enfuir, alors qu’elle ne faisait que resserrer les nœuds qui la tenaient. Mara l’avait regardée longtemps depuis l’obscurité. La sueur glissait dans son dos, des frissons désagréables – la peur.
Attendre, il ne fallait pas, à cause des tigres et des autres prédateurs qui allaient sortir pour chasser.
Elle avait écouté la nuit.
Rien, rien.
Elle en avait entendu parler, de ces enfants abandonnés dont personne ne voulait. Il y en avait trop. Ils traînaient dans les villages, chapardaient ici et là, exaspérant les habitants.
Alors elle avait bondi, avait libéré la petite et l’avait prise par la main pour la ramener à son tour."
"Et leurs noms.
Puisqu'ils n'en avaient pas, ou qu'ils avaient été incapables de les donner, Mara avait choisi toute seule.
Lui, ce serait Nun.
Elle : Nin.
Ils riaient en se désignant l'un l'autre. Nun. Nin. Leurs voix cristallines tranchaient avec la violence de leurs traits et leurs regards acérés ; soudain c'étaient les voix d'autres enfants – des enfants qui n'auraient pas été abandonnée ni maltraités de corps et d'âme, des claques qui font des bleus aux joues et des fissures au coeur.
Et puis le figement.
Après avoir descendu les montagnes pendant des jours, Mara avait vu le bidonville. Et à la fois cela avait été un immense soulagement, car enfin elle allait cesser de guetter derrière elle en réprimant des pensées tragiques, et à la fois une sorte de désespoir s'était rué sur elle au moment où elle découvrait les constructions précaires malgré les briques et le béton, accolées les unes aux autres, presque amoncelées ; elle avait l'impression que s on en retirait une, toutes les autres s'écrouleraient tant elles se tenaient de gauche et de droite, prenant appui sur un mur des voisins, tirant la bâche des autres. De là où Nun, Nin et elle, se tenaient, encore en surplomb, la ville pauvre leur apparaissait tel un puzzle sans ordre. Si on plissait les yeux, on aurait pu croire que des milliers de petits papiers déchirés avaient été jetés pour abriter des humains, mais c'étaient des toits, de toutes les teintes, de toutes les formes, de tous les matériaux possibles, émiettés au gré des arrivées et des trouvailles, des rebuts et des déchets, des maisons oui."
"Les enfants s’étaient habitués à la ville en quelques semaines. Ils avaient appris à parler – Nin surtout, qui était si bavarde, et à qui Mara ordonnait de se taire malgré le joli roulement de sa voix claire et rieuse, parce que la fatigue l’emportait toujours, et qu’elle voulait du calme.
La montagne lui manquait, et les cris des animaux, la solitude, les nuits noires. Ici, rien ne s’arrêtait jamais, ni le bruit chez les voisins, ni la proximité insupportable, ni les lumières qui empêchaient de voir l’obscurité et la lune. Elle avait presque oublié l’odeur des pins quand l’été chauffe la résine, celle des herbes sèches, celle de la pluie sur une terre propre, qui fait s’ouvrir les fleurs. Même le souvenir de la présence feutrée des tigres la rendait mélancolique, et les serpents par dizaines sous les pierres des routes, le chemin trop long jusqu’au village.
Elle regardait Nun et Nin, et la différence la frappait ; eux, toujours maigres mais vifs, joyeux, courant partout, chantant, criant.
Et elle.
Une pauvre silhouette efflanquée qui ne souriait plus."
"Lorsque l'électricité voulait bien tenir, Mara travaillait toute la journée et, une fois les petits endormis, une partie de la nuit. Ce n'est qu'à ce rythme qu'elle arrivait à les nourrir tous les trois, de justesse, et souvent il fallait compter sur la générosité des voisines qui avaient des maris et donc deux salaires. Mara promettait qu'elle rendrait, tout le monde savait que c'était impossible, cela n'avait pas d'importance, c'était une forme de savoir-vivre. La solidarité se faisait toute seule dans le bidonville, services rendus la plupart du temps, parfois un peu de nourriture –jamais d'argent, car personne n'en disposait assez pour en prêter, s'il y avait un minuscule surplus, on réparait les toits des maisons, on achetait une couverture de plus, on bricolait les vélos qui étaient pour certains leur outil de travail – coursiers, transporteurs, messagers misérables."
"Mais élever ces deux-là.
Habités par une sauvagerie nouvelle, qui l’effrayait plus encore que celle du début, une férocité dans leurs corps et dans leurs têtes – ils n’étaient pas tendres, ils n’étaient pas gentils, et à présent ils réfléchissaient. Quand elle les écoutait parler à voix basse, cela lui donnait des frissons. Ensemble, ils étaient terrifiants.
Pourtant ils la respectaient. Ils n'avaient jamais eu un geste contre elle, ni un mot ; parfois un regard qu'ils effaçaient d'un cillement. Il n'y avait qu'avec elle qu'ils se blottissaient , qu'ils ronronnaient, qu'ils s'abandonnaient."
"Usée. C’est le mot qui lui venait quand elle se couchait tard dans la nuit, mais de moins en moins tard, parce qu’elle n’y arrivait plus. Pourtant, elle n’avait jamais rechigné au travail – et d’ailleurs ce n’était pas le travail qu’elle mettait en cause, mais le bidonville en lui-même, avec sa misère, sa puanteur et l’horizon impossible à surmonter. Et peut-être le manque de bonheur, bien qu’elle ne se soit pas posé la question en ces termes, le bonheur, personne n’en parlait, pour qu’il existe, il fallait que ça se voie."
"Tout cela avait volé en éclats quand elle avait découvert que les enfants n'allaient pas à l'école. Et même si leur défection l'aidait à assurer le quotidien, leur salaire de misère ne suffisait pas à la consoler, d'autant plus qu'elle ne voyait pas d'issue à leur existence, ils iraient ramasser du plastique toute leur vie ou, s'ils avaient de la chance, remplaceraient un jour ceux qui triaient et qui nettoyaient dans les usines, sans gants, sans masque, sans lunettes."
"Ils grandissaient en ayant faim, la faim du ventre et celle du désir. Ils avaient le visage dévoré par les creux, l’estomac qui grondait quand ils croisaient des commerçants et leurs échoppes regorgeant de fruits, de riz frit ou de nouilles aux épices, de gâteaux ruisselants d’huile, de beignets au sucre. Et ils pouvaient rester des heures, les yeux exorbités, à contempler de longs tissus chauds sur les étalages, des bols aux dessins magiques, des bijoux, de l’encens dont l’odeur les envoûtait jusqu’à ce que les vendeurs agacés finissent par les chasser à coups de cris et de trique.
Alors ils volaient, bien sûr, tous les gamins de toutes les bandes. Les commerçants les regardaient de travers quand ils arrivaient, surveillaient plus fort, appelaient leur épouse ou leur aide en renfort. "
"Comme ceux qu’elle croisait quand elle sortait : vivant dans les rues, dormant sous les ponts ou sous n’importe quel refuge dépassant un peu des maisons fermées, ces gamins qu’on utilisait pour les tâches les plus ingrates et les moins payées, et qui crevaient de mal manger, de ne pas se soigner, d’être battus trop fort quand la faim les rendaient fous et qu’ils volaient sur les marchés."
"Du haut de ses six ans, Nun pensait que le danger restait lointain. Il suivait les aînés comme on suit des dieux, capable de tenir le rythme de leur course, souffle coupé, la joie et l'idolâtrie dans les yeux, un jour il serait comme eux. Se faire prendre ?"
"Quand elle tait arrivée devant le bâtiment, elle avait poussé Nin dans un recoin. L'avait regardée un long moment en silence, prenant son visage entre ses mains.
Une si jolie petite fille.
Nin ouvrait grand les yeux, silencieuse. Elle percevait quelque chose d'inhabituel et cela l'inquiétait. Mara n'avait jamais pleuré.
La fillette avait tendu le doigt pour toucher les larmes.
Écoute moi, avait dit Mara en lui prenant les mains.
Ce que je fais, je le fais pour toi. Il faudra que tu t'en souviennes. Cela, c'est pour toi. Parce que sinon, Nun et toi, vous allez mourir. demain ou dans trente ans, c'est égal, vous n'avez pas d'avenir. À toi, je vais en faire un. Pour toi. Et Nun et moi, peut-être que finalement, nous nous en sortirons aussi de notre côté.
Elle avait contemplé un instant la croix rouge sur le panneau du bâtiment ; oui, c'était bien là. Nin avait suivi son regard."
KAMTCHATKA
Hadrien
"Depuis des années, il la suivait dans ses chasses, c'était ainsi.
La seule chose, c'est qu'il tournait la tête lors de la mise à mort des bêtes. La couleur du sang sur l'herbe, sur la roche, sur la neige, c'était leur unique point de discorde il n'en démordait pas, il n'y avait pas de poésie dans le sang qui coule – toute cette vie dedans, disait-elle – il répondait : tout est déjà mort."
"Mille fois, il s’était dit qu’il aurait dû s’enfuir. Abandonner Lior et sa fascination pour la chasse, et ces drôles de choses dans sa tête – il le percevait dans tant de signes minuscules : par exemple à la maison, quand elle se laissait tomber en arrière, raide et droite et les bras en croix, sur le lit, sur le canapé, sur le tapis. Chaque fois, le temps d’une fraction de seconde, il cédait à la panique, est-ce qu’elle perdait connaissance, est-ce qu’elle mourait. Elle restait immobile là où elle s’abattait, les yeux grands ouverts et le regard replié à l’intérieur. Qu’est-ce que tu fais ? disait-il dans un souffle. Elle ne savait pas. Cela lui venait, c’est tout."
"À cela non plus, Hadrien ne s'était pas habitué : la complicité immédiate entre eux. Ailleurs, ils ne se seraient jamais rencontrés, n'auraient jamais engagé la conversation, imaginé même qu'ils puissent le faire. Mais là. Entre chasseurs. Il ne fallait jamais longtemps pour que les uns et les autres mettent sur la table leurs souvenirs les plus éreintants, les plus marquants, les bouts du monde les plus incroyables, les gibiers les plus difficiles. Ils partaient de la certitude que chacun comprenait ce qu’ils voulaient dire – et tous ils hochaient la tête d’un air entendu, bien sûr qu’ils saisissaient, qu’ils devinaient, qu’ils appréciaient d’un claquement de langue ou d’un petit rire, ils étaient du même monde, pour un week-end ou une semaine."
"— J’aurais aimé que les ours aient une chance.
Hadrien rit. Une chance, vraiment, avec sept chasseurs dans leur sillage, leurs fusils, leur expérience, leur soif de sang, et en ligne de mire, qui les rend presque fous, l’instant précis où l’un d’eux appuiera sur la détente en visant le cœur. Et puis tout le monde sait que ces ours bruns n’ont pas la réputation d’être très agressifs."
"Et Hadrien demande : les chiens abattus par leur maître et, parfois, un promeneur qui ne devrait pas être là, un rabatteur égaré cherchant son équipage – qu'en font-ils ? Ils parlent du maintien des effectifs, de l'équilibre des espèces. Vivent dans un monde de mensonges qu'ils se servent à eux-mêmes : ils sont là pour le sang et rien d'autre, pour ce geste que nulle part ils n'ont plus le droit de commettre entre eux, et dont ils rêvent tout éveillés – armer, viser, tuer. Tant pis si ce ne sont que des bêtes.
Qu'est-ce que tu fous là, alors ?"
— Quelle drôle de chasse, murmure-t-il juste pour elle.
Lior, ses yeux plissés balayant l’espace, à l’affût. Vigilante, tendue, nerveuse.
— On ne le chasse pas, répond-elle sur le même ton. On ne le chasse pas du tout.
— Qu’est-ce qu’on fait, alors ?
— C’est lui qui nous suit."
Un instant, il a envie de gueuler, de la même façon qu'il repousse ces gens qui se collent contre lui dans la file d'attente de la poste, à Paris. Ça ira pas plus vite !, il sent les frémissements sur sa peau, mal à l'aise."
KAMTCHATKA PAYSAGE
"Alors lui aussi, il accélère, parce qu’il craint la nuit. Ils ne connaissent pas, eux. Ni l’évanouissement du jour en quelques minutes, ni l’emprise d’une autre vie dès lors que l’obscurité s’est abattue sur la terre. Ici, les nuits sont noires. Vlad n’ignore pas que là-bas, dans les grandes villes, ils ont perdu l’habitude, il y a toujours des lumières.
Ici, on ne voit plus le chemin sur lequel on marche. On ne sait pas que l'on s'égare."
"Il les arrêtera, de force ; sans quoi ils iraient jusqu’au dernier instant de la dernière lueur, saisis soudain par le monde qui se dérobe, tendant les bras devant eux pour avancer de quelques pas de plus, Hadrien pour trouver sa femme, Oscar pour tuer l’ours.
Des fous.
Vlad n’a pas peur d’eux, mais il sent leur étrangeté dans son dos. Quand il entend leur souffle rauque derrière lui, il pourrait croire que ce sont des fauves qui le suivent. Souvent il se retourne . Croise leur regard. Il se remet en route sans un mot."
"Les mains moites, il prend le fusil à pleines mains, engage les balles de la façon que Vlad lui a montrée. Le claquement métallique de la culasse le saisit et le rassure, le verrouillage du loquet, l’arme est prête. D’un coup, il comprend le sentiment de puissance des hommes lorsqu’ils tiennent une de ces carabines avec l’intention de s’en servir, la certitude d’être à l’abri, intouchables, increvables."
"Secouant la tête, il crie presque, pour que le ciel entende : je ne veux pas l'ours.
À cet instant, il croit presque que, s'il jure de laisser la bête en vie, celle-ci épargnera sa femme. Un échange tacite, quasi magique, qu'il jette dans l'air d'une pureté sidérante. Un espoir stupide, de ceux qu'ont les hommes en détresse et qui leur font promettre n'importe quoi –demande-moi n'importe quoi-, seuls dans le chœur d'une église, parce qu'il n'y a pas d'autre lieu où aller, et personne d'autre pour écouter. Mais le ciel ne demande jamais rien, et il n'écoute même pas. Ça ne marche pas comme ça, la prière, même quand elle se mue en des sanglots suppliants."
"Si Lior est tuée par l'ours, que fera-t-il d'elle, sinon errer indéfiniment avec sa dépouille sans se rendre, sans quoi on la lui prendra, pour l'enfouir ou la brûler, on la lui enlèvera. il lui faudra marcher pour toujours, pour la garder. D'année en année, trainée dans son sillage, elle pèsera moins lourd, les chairs s'en iront en lambeaux, elle laissera une trace rouge et brun dans la neige, dans la terre, le long des rivières, puis plus de trace de tout, quand la peau aura déserté ses os et que ses os se seront dispersés aux quatre coins du pays, derrière les pas épuisés d'Hadrien. Alors lui, quand ses mains ne tiendrons plus rien, pas même un dernier cheveu, il rentrera là où tout le monde l'aura oublié, sur sa terre qui ne sera plus sa terre, retrouver les siens dont il ne veut plus."
"Continuant son chemin, il sursaute aux moindres chuintements, aux courants d'air, aux frissonnements des arbres. Et cette chaleur – mais ce n'est pas la chaleur qui lui met de l'eau dans les yeux, seulement cette angoisse qui le fait peu à peu basculer dans un état bestial, peur, moiteur, l'odeur âcre sous ses bras, sale et hirsute, il le sent, qu'il n'est déjà plus tout à fait un homme."
"En milieu de matinée, il a trouvé un mouchoir ensanglanté sur le sol, et tout a basculé. Ce mouchoir, ce ne peut être que Lior. Le sang : une blessure , une plaie ouverte, un égorgement, peut-être la mort qui s'avance. Cette fois ,il comprend que l'un deux ne reviendra pas de cette chasse, il y a trop de choses, trop engagées. C'est comme se trouver au bord d'une falaise avant de glisser sur une pierre, tant que l'on tient ,tout reste possible. Et puis un faux pas. Après, c'est la chute."
"Et à ce moment– là tout reste ouvert, aucun d'eux n'a réussi à prendre l' ascendant sur les autres, les chances sont égales. Au fond, c’est Vlad qui avait raison quand il disait que rien n’était gagné d’avance, ni pour les hommes ni pour les ours.
Cela se joue jusqu’au dernier moment.
Jusqu’aux dernières blessures. Et à l’instant ultime de l’épuisement."
"Le destin, ça tourne dans n'importe quel sens.
Le destin, cela vous endort comme si tout allait bien - pour mieux vous surprendre ensuite."
"Il ne perd pas Lior des yeux. Mais il ne croit plus qu’elle pourrait disparaître ou qu’elle pourrait sombrer. Il ne perçoit plus l’acuité de son attente à elle, cette foutue mémoire qui lui fait défaut et qui la rend folle, parce qu’il faut que cela avance, il faut que cela se déclenche, pour continuer à vivre. Ceux qui connaissent leur enfance, ceux dont les parents racontent l’histoire depuis leur naissance, ne peuvent pas comprendre."
"Dans les contes, se dit Hadrien depuis sa somnolence, les personnages n’ont de cesse d’échapper aux monstres qui peuplent la nuit et les bois. Lior, elle, leur court derrière. Elle entre dans les collines obscures, écarte les lianes et les ronces, écoute les bruits vers lesquels elle se précipite en silence – grognements, râles, déchirements.
Pourquoi, nom de Dieu, pense Hadrien.
Pour voir.
Pour éprouver l’effroi.
Pour essayer encore une fois de croire que, lorsqu’on les a tués, les monstres ne renaissent pas, nulle part, ni dans la forêt ni dans la tête.
Il voudrait l'aider, lui crier que ce n'est pas comme cela qu'on s'en débarrasse.
Au lieu de quoi le sommeil le prend enfin, et il ne lutte pas.
Il abandonne Lior à ses hallucinations ; qu'elle s'en débrouille. Elle veut grandir – alors, qu'elle le fasse. Personne n'a jamais grandi pendant qu'on lui tenait la main. Lui, il reste là tel un filet de sécurité, il la rattrapera si elle tombe. Mais qu'elle saute toute seule.
En attendant il veut juste dormir."
"Cette fois, c’est pour de vrai. Il y a de véritables tueurs dans la jungle, avec quatre pattes et des dents aussi affûtées que des lames de couteau. Des canines qui peuvent transpercer la gorge d’un homme d’un seul effort. Et cette fois aussi, pour la première fois, Lior ne sera pas la chasseuse."
"Alors elle voit également, sur le côté du lac, ce mouvement, cette silhouette qui s’agite. Et c’est cela qu’elle entend, qu’ils entendent tous. Un peu de bruit de l’autre côté de la clairière, une plainte, un cri étouffé, impossible de savoir. Lior interroge Hadrien du regard. Dans ses yeux à elle, le début de la terreur.
Il y a quelque chose d’anormal là-bas.
Lior essaie de ne pas écouter. Elle sent qu’elle crève de trouille, de cette peur irrationnelle qu’amène la proximité du tigre, réelle ou rêvée, la nuit trop noire dessous les arbres.
Ou quelque chose d’autre.
Pas parler, pas bouger.
N’écoute pas, répète Lior pour elle-même, les yeux fermés quelques instants."
"Panique, lutte, mise à mort.
Elle croyait que cela n'existait plus la chasse à l'appât, sauf dans des jeux cruels où l'on lâche un lièvre au milieu d'une meute de chiens, le tout fermé dans un immense enclos, pas une chasse non, un passe – temps de désœuvrés et de fous, après les combats de coq et les combats de chiens, un spectacle hallucinant où le plus faible n'a aucune chance, rien que les cris, les encouragements, les éclats de rire au moment où les peaux se déchirent."
L'ours
"De loin, l'ours ressemble à une statue contemplant la vallée.
Assis comme le serait un chien, les pattes avant sagement rassemblées l'une contre l'autre, il ne bouge pas. Il sent bien, sous son arrière train, une pierre lui piquer la peau, mais il a tellement l'habitude. Sur cette péninsule de plus de deux cent cinquante volcans, la roche endurcit même les doigts des oiseaux.
Les abords des rivières sont des lieux de prédilection pour l'ours, car les poissons pullulent. Mais cela se paie, à coups de pierres bleues ou noires, parfois tranchantes, auxquelles il ne prête plus attention tant ses pieds ont été mille fois blessés, mille fois réparés, recouverts d'une corne que rien ne peut plus abîmer.
Alors, méprisant l'agacement, il regarde."
L'ours de Kamtchatka
"L’ours ne dort pas pendant l’hiver. Il est très différent de ces petits animaux qu’il trouve parfois lorsqu’il sort au cœur de la mauvaise saison, réveillé par du bruit ou attiré par une journée de soleil timide. Ceux-là, leur état de torpeur et d’insensibilité ressemble à la mort. Les reniflant du museau, il est arrivé que l’ours les fasse tomber de l’arbre où ils étaient recroquevillés, de la cachette où ils se croyaient invisibles ; ils ne se réveillent pas, comme raidis par le gel. Ils tombent et c’est tout. Cela fait poc sur le sol. Il n'y a pas de chasse. Il suffit d'ouvrir la gueule pour les croquer."
" Est-ce qu'il n'est pas d'ici, lui, est-ce qu'il n'et pas du même sang que ces roches et ces collines ? Est-ce qu'elles ne devraient pas le protéger, plutôt qu'exposer son passage comme si on y mettait de la couleur pour être sûr de le rendre bin visible ? Une mouche sur un mur blanc, voilà à quoi il ressemble, une cible trop lente, déjà lasse – parfaite.
L'ours court dans la forêt et les chasseurs suivent sa piste. Il détale, soudain il ne sent plus la morsure de la fatigue. Peut-être la peur, peut-être l'énergie du désespoir, qui lui donnent un sursaut d'ardeur. Vivre ! "
"Oui, l'ours en face de lui est prodigieux, par sa taille, par les muscles qui roulent sous sa fourrure épaisse, par son silence aussi. On dirait une statue chevauchant la montagne, barrant le soleil de sa masse presque noire, assombrissant ce jour d'été.
Et lui, le petit ours, comprend qu'il est en danger. Pourtant il n'y a aucun territoire marqué, n'a pissé sur aucun repère qui ne soit le sien."
"Dans sa hâte de gravir la montagne, le petit ours ne voit pas que l'autre marche très exactement dans ses traces, recouvrant ses empreintes de ses pattes colossales. Il ne le voit pas griffer le sol par endroit, brouillant leurs pas, tournant en rond pour rendre la piste illisible.
Il ne comprend pas non plus pourquoi, une heure plus tard, en arrivant au bord d'une rivière, le gros ours le pousse dans l'eau, l'oblige à patauger encore une heure en descendant – puis soudain fait volte-face et l'abandonne pour remonter le cours d'eau en courant."
"C’est peut-être pour cela que, contre toute règle de prudence, l’ours a pris la place de l’autre. Il ne veut pas que les chasseurs jouent avec une bête à demi décharnée, il ne veut pas qu’ils croient que c’est facile. Dans cette lutte à mort, les chances doivent être un peu égales. Mais peut-être aussi est-ce tout simplement parce qu’ils sont venus le chercher chez lui, sur son territoire : alors il est là. Il déteste leur odeur, il déteste leurs voix, et surtout leur présence."
"Mais ce n'est pas un jeu, non.
Si les chasseurs le rattrapent et le mettent en joue, ça ne sera pas pour rire.
Dans la tête de l'ours, il y a la survie. tous les moyens sont bons pour y parvenir.
Cela fait des années qu'il a appris à fuir."
"Peut-être qu'il ne croyait pas à la traque qu'il subit ; peut-être pensait-il que la sidération et la peur clouerait sur place les hommes du campement, lui laissant le champ libre pour courir quelques heures puis retourner à ses occupations ordinaires, oubliant bientôt jusqu'au déchirement des plaintes de celui qu'il a tué. Mais plus probablement l'ours n'a-t-il pas réfléchi à tout cela. Il y a de l'instinct en lui, massif, puissant, celui de la survie et celui du territoire, il y a de la colère et du réflexe, la confiance d'une bête qui ne connait aucun prédateur hormis l'homme. Mais pas de réflexion ni de raisonnement, ou du moins est-ce ce que disent les chasseurs et qui les rassure, car ce n'est qu'un ours, et dans la pupille jaune et brun qui ne cille pas, quelque chose de l'immobilité, de l'incapacité de la pensée se donne à voir, même si ce regard fixe effraie - par sa sauvagerie, pas pour son intelligence.
Croient-ils, les petits êtres.
Depuis des années, l'ours les observent. Il rôde autour de leurs cabanes et de leurs tentes, écoute leurs voix, suit leurs traces.
Plusieurs fois, la nuit, il est venu s'asseoir à quelques dizaines de mètres d'un campement, reniflant les odeurs et épiant leurs gestes.
Lorsque la chasse a commencé à l'aurore, tapi dans les bosquets sous le vent, il les a regardés chercher les pistes et les empreintes, aller et venir, s'engager à travers les forêts. Il a couru en parallèle de leurs groupes, invisible derrière un couloir d'arbres et de buissons, vérifiant leur présence d'un reniflement, bifurquant en même temps qu'eux, apprenant à reconnaître ce qu'ils cherchent avec tant d'ardeur - mouflons, rennes, et avant tout lui, l'ours, et les dizaines de ses semblables qu'il a vu morts en vingt ans.
Comme lui, l'homme armé d'un fusil n'a pas de prédateur dans la nature. Alors l'ours a décidé de lui en faire un."
"Le vieux Vlad, lui, a entendu parler de ces bêtes étranges qui jouent avec les chasseurs, les surclassant en vitesse, en connaissance de la montagne, en ruses qu'ils manient avec une étonnante opportunité. Ce sont toujours des animaux d'âge, le temps que l'expérience se fasse.
"Vlad se trompe, il n'ira pas à la vallée de la mort.
Il la frôlera.
Il ne se fera pas avoir.
Sept ans auparavant, au dégel, lorsque les émanations toxiques du Kikhpinytch sont les plus dangereuses, dix ours y sont morts – ainsi que des quantités d’autres petits animaux piégés par les gaz. Le sol ressemblait à un grand cimetière où personne n’aurait eu le temps de creuser des tombes, un charnier naturel, même pas besoin de l’homme pour se faire crever, il suffit de respirer l’air vicié. D’autres fois, des humains s’y sont laissé prendre aussi. Maux de tête, vomissements, ceux qui ne s’enfuient pas aussitôt tombent au bout de quelques dizaines de minutes.
L'ours a vu, lui, il y était."
"Souvent, les êtres dans les cabanes les laissent manger quelque chose dehors, des déchets ou même les restes d'une viande fumée, des légumes séchés. Il y a une sorte d'accord tacite entre eux : tout le monde a le droit de vivre. Ceux qui ont donnent à ceux qui mangent."
Népal
"Dans sa tête, Lior est avec l'ours.
Voilà ce qu'elle ne peut pas dire.
L’ours est là. Au-dedans d’elle, blotti quelque part avec sa force et sa rage.
Au début, elle pensait que le temps atténuerait cette étrange conviction ; mais le temps est passé et tout est resté en elle.
La force et la rage, oui.
La surprise aussi, quand elle se remémore ses années de chasse, l'exaltation que lui donnait la traque, l'instant où la balle part en faisant vibrer le corps jusqu'au sol, et soudain le dégoût.
Combien d'animaux a-t-elle tirés à elle seule ?"
"Elle ne veut plus être la main de ces petites morts inutiles – et les mots lui viennent comme un jet de bile : au fond, la chasse, c’est dégueulasse.
La chasse, cela ne signifie rien. On détruit et c’est tout.
Lior regarde ses mains de tueuse.
Assassin.
Mais immortelle.
C’est comme regarder un film sur les abattoirs et sentir très précisément que l’on ne mangera plus jamais de viande; Lior a vendu ses armes, jeté les photos.
Avec méthode, avec acharnement, elle brûle ce qu'elle a adoré."
"En vérité, jamais elle n’avait eu aussi peur.
C’était d’ailleurs bien au-delà de la peur, là où il n’y a plus de mots. L’instant où les pensées s’effacent et où le cœur s’arrête. Une sorte de vide absolu, où l’on n’est plus tout à fait vivant et plus tout à fait un homme. Le moment où les gestes ne se font plus alors même qu’on les connaît depuis toujours, où les yeux voient sans qu’il se passe rien, parce que l’âme s’est mise en suspens. Un retrait de soi-même.
Cette peur là, Lior ne savait pas qu'elle existait.
Ni que son coeur pouvait repartir, ensuite.
C'est à cela qu'elle a survécu.
C'est pour cela qu'elle sait qu'à présent elle est prête à affronter le pire de ses cauchemars. Car ce qu' il y a devant elle est d'une autre trempe. Ce qui lui reste à tenter, c'est l'ours qui l'a ouvert.
Qu'elle ait suivi cette piste ténébreuse pendant des jours et des nuits, qu'elle ait pas renoncé malgré le froid, l'épuisement, la faim. Qu'elle ait fini par trouver l'ours, et que ce soit lui qui l'ait piégée. Tout cela, c'est important, oui mais. Pas tant que le reste."
"Retrouver le Népal.
Retrouver l'enfance.
Mais pour cela il faut passer par les tigres – comme il faut passer par la case prison dans certains jeux, quand les cartes sont mauvaises."
"La timidité diurne des tigres les protège, car alors, c’est comme s’ils disparaissaient. Il est exceptionnel de pouvoir les observer, même si eux vous épient. Ils ne se voient pas, ils ne s’entendent pas : des fantômes. Dans le parc de Chitwan, les promeneurs sont toujours déçus de ne pas les apercevoir – et pourtant il est cent fois préférable de ne pas les croiser car seul un fusil permettrait de se défendre efficacement s’ils attaquaient. Mais, là-bas, les guides ont de simples bâtons en guise d’armes. La défense, c’est la fuite."
"Il avait découvert un monde vide : sans plastique, sans acier, sans carton – sans personne. Et un monde lent, car rien n'était immédiat, pas de pièces de monnaie passant de poche en poche, pas d'étalages avec des légumes à chiper, juste l'interminable attente des semaines et des mois et des saisons, pour que des plantes poussent, que les arbres donnent à nouveau des fruits, que les poules grandissent."
"Nun observait le monde, redevenait un enfant, chassant le petit adulte grandi trop vite qu'il avait été jusque – là. Étrange voyage dont il n'était pas conscient et qui modifiait son regard, l'adoucissait, le rendait accessible à l'émerveillement. Ce qu'il préférait était s'asseoir à la fin de la journée pour voir le coucher du soleil. Jusqu'au moment où la lumière disparaissait derrière la montagne au loin, il restait les yeux fermés, absorbant les dernières chaleurs comme si elles devaient ne plus jamais revenir."
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Brigitisis