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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour : 23.11.2024
11467 articles


D'OMBRE ET DE SILENCE KARINE GIEBEL

D'OMBRE ET DE SILENCE     KARINE GIEBEL

L'autrice :115381351_o

 

Karine Giébel est une auteure française de romans policiers, née à La Seyne-sur-Mer le 04 juin 1971.

Après des études de droit et l'obtention d'une licence, elle cumule de nombreux emplois dont celui de surveillante d’externat, pigiste et photographe pour un petit journal local, saisonnière pour un Parc National ou encore équipier chez McDonald.

Elle intègre ensuite l’administration.
Elle est actuellement juriste dans la fonction publique territoriale et s'occupe des marchés publics au sein d'une communauté d'agglomération.

Elle publie deux premiers romans, "Terminus Elicius" (Prix Marseillais du Polar 2005) et "Meurtres pour rédemption", dans la collection "Rail noir" aux éditions La Vie du Rail en 2004 et 2006.

"Les Morsures de l’ombre", son troisième roman, a obtenu le Prix Polar du festival de Cognac en 2008 et le Prix SNCF Polar 2009.

"Juste une ombre", paru au Fleuve Noir en mars 2012, a reçu le Prix Marseillais du Polar et le Prix Polar du meilleur roman français au Festival Polar de Cognac.

"Purgatoire des innocents" (Fleuve noir, 2013) confirme son talent et la consacre définitivement "reine du polar".
Après "Satan était un ange" (Fleuve noir, 2014), elle rejoint les éditions Belfond pour la parution de son 9ème roman, "De force" (2016), qui a rencontré un immense succès, de "Terminus Elicius" (2016) dans une nouvelle édition augmentée, puis de "D'ombre et de silence" (2017), un recueil de nouvelles où elle condense en quelques pages toute la force de ses romans.

Son roman "Toutes blessent la dernière tue" (Belfond, 2018) a reçu le Prix Plume d’Or du thriller francophone, le Prix Évasion, le Book d’or thriller du Prix Bookenstock 2019 et le Prix de l’Évêché 2019.

Les livres de Karine Giebel se sont vendus à plus d'un million d'exemplaires et sont traduits dans une douzaine de langues.

page Facebook : https://www.facebook.com/Karine.Giebel/

 

L'Histoire, non les histoires...

 

"Écrire une nouvelle, c'est tenter, en quelques lignes, de donner vie à un personnage, de faire passer au lecteur autant d'émotions qu'en plusieurs centaines de pages.
C'est en cela que la nouvelle est un genre littéraire exigeant, difficile et passionnant."
Karine Giebel

♥ « Partir sans lui dire au revoir.
Parce que je me sens incapable d'affronter ses larmes ou de retenir les miennes.
L'abandonner à son sort.
Parce que je n'ai plus le choix.


♥ Je m'appelle Aleyna, j'ai dix-sept ans.
Aleyna, ça veut dire éclat de lumière.

♥ J'ai souvent détesté ma vie.
Je n'ai rien construit, à part un cimetière pour mes rêves.
Là au moins, on ne pourra pas me les voler. »


Si les romans de Karine Giebel sont parmi les plus lus en France et ont fait le tour du monde, celle-ci excelle depuis quelques années dans un genre tout aussi exigeant : la nouvelle, où elle condense en quelques pages seulement toute la force de ses romans.
D'OMBRE ET DE SILENCE réunit huit textes, dont certains sont inédits et d'autres restés jusqu'à aujourd'hui très confidentiels.
Voici l'occasion de la (re)découvrir intensément, grâce à ce recueil de nouvelles noires, humaines, engagées...

 

Extraits :

 

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ALEYNA

    " Partir sans lui dire au revoir.
     Parce que je me sens incapable d’affronter ses larmes ou de retenir les miennes.
     L’abandonner à son sort.
     Parce que je n’ai plus le choix.

    Quand je quitte la chambre où Hasret dort à poings fermés, je pleure en silence.
    Hasret, c’est ma petite sœur. Elle a eu dix ans la semaine dernière.
    Hasret, ça veut dire nostalgie…
     Dans la chambre d’à côté dort Aslan, mon frère. Nous sommes nés le même jour, lui et moi. Le même jour, mais pas sous les mêmes auspices. Lui a eu la chance d’être un garçon.

    Aslan, ça veut dire lion…

     Je traverse le long couloir, mes chaussures à la main.
     Surtout, ne pas faire de bruit. Ne pas réveiller mes parents ou mon frère.
     Je tourne doucement la poignée de la porte, me retrouve sur le palier. J’enfile mes chaussures, me précipite dans l’escalier.
     Neuf étages à descendre."

 

     "Je m'appelle Aleyna, j'ai dix-sept ans.
     Aleyna, ça veut dire éclat de lumière.
     Je suis née ici, à Mulhouse. J'ai grandi dans cette cité, je la connais par cœur. Pourtant, cette nuit, j'ai l'impression d'errer dans un décor aussi hostile qu'inconnu.
      Il faut croire que les choses changent avec notre regard, nos peurs ou nos envies.

     J'ai souvent détesté ma vie.
     Je n'ai rien construit, à part un cimetière pour mes rêves.
     Là au moins, on ne pourra pas me les voler.
     Parfois, le soir, je leur rends visite dans leur dernière demeure et j'exhume les plus beaux, les plus fous. Ou les plus simples."

      "J'adore le français ; Zola, Voltaire, Dumas, Troyat, Camus, Sartre...
     À la maison, il est interdit de parler français. Il faut parler turc.
     Quand je sors du lycée, je dois rentrer directement. Pas le droit de passer du temps avec mes amies, de m'asseoir à la terrasse d'un café, de faire du shopping.
     Pas le droit de rester seule avec un homme.
     Le déshonneur s'abattrait alors sur ma famille."

     "Si l'appartement de mes parents avait été assez grand, Nurayet et sa femme se seraient installés chez nous, ainsi que le veut la tradition.
     Ces fameuses traditions, qui nous ont suivis jusqu'ici.
     Ces putains de traditions.
     Que je porte comme un corset, qui m’étouffent chaque jour un peu plus.
     Pourquoi ne suis-je pas comme les autres ? Celles et ceux qui n'ont pas l'air de souffrir de ces carcans, qui semblent même se rassurer de ces lois ancestrales.
     Pourquoi cette rébellion dans mes veines ?"

     "Je trouve en moi la force de relever la tête, d'affronter ses yeux noirs qui débordent de haine. Comment peut-on haïr sa propre fille ?"

 

Les Nations unies estiment que, chaque année dans le monde, plus de cinq mille femmes meurent au nom de l'"honneur". Le nombre de victimes serait en réalité trois à quatre fois supérieur selon les organisations non gouvernementales.
En Afghanistan, en Albanie, en Arabie Saoudite, en Bosnie, à Bahreïn, au Bangladesh, au Brésil, au Cambodge, en Egypte, aux Emirats arabes unis, en Ethiopie, en Géorgie, en Inde, en Jordanie, en Indonésie, en Irak, en Iran, en Israël, au Liban, au Maroc, au Mexique, au Népal, au Nigeria, à Oman, en Ouzbékistan, en Palestine, au Qatar, en Somalie, au Soudan, en Syrie, en Turquie, au Yémen???
Ainsi qu'au Canada et en Europe: Allemagne, Belgique, France, Grande-Bretagne, Italie, Suède...
     Leurs familles les condamnent à mort parce qu'elles ont choisi librement leur fiancé, qu'elles ont refusé un mariage forcé. Parce que leur comportement a été jugé immoral. Parce qu'elles ont subi un viol.
     Souvent ceux qui les assassinent ne sont pas considérés comme des criminels.
     Mais comme des héros."

 

 

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Les harcèlements scolaires

 

AURORE

     Devant moi, une feuille blanche. Un cahier entier de feuilles blanches.
     Comme autant de possibilités. Autant de mains auxquelles me raccrocher pour éviter la chute, peut-être.
     Ce soir, j’ai décidé d’écrire tout ce que j’avais à dire. Tout ce que mon cœur, énorme mais si fragile, ne peut plus contenir.
     Ce soir, m’ouvrir les veines et noircir ces pages avec mon sang.
     Raconter ce que je suis. Ce que je vis. Ce qui m’obsède. Jusqu’à faire de mes nuits d’interminables moments de solitude où mes yeux, grands ouverts, scrutent les lendemains. Où mon cerveau tourne en boucle et s’épuise à chercher des réponses.
     Je ne sais pas si quelqu’un lira ces lignes un jour et préfère ne pas le savoir.
     Je m’appelle Aurore, j’aurais dix-huit ans dans un peu plus de quinze jours.
     C'est si long, deux semaines, lorsqu'on souffre jour et nuit.
     Je m'appelle Aurore, je suis au lycée, en terminale littéraire. Mes meilleurs amis sont d'encre et de papier. Ces héros et ces héroïnes qui peuplent les romans et traversent ma vie en y laissant des traces.
     Indélébiles si l'auteur est doué."

 

   " Alban, il n'est pas tout à fait comme les autres. Mais qu'est-ce que ça veut dire, au juste? Être comme les autres... Entrer dans le moule, même s'il est trop étroit pour nous. Ne dépasser ni en hauteur ni en largeur, n'avoir aucun relief, aucune aspérité que les autres pourraient saisir pour vous mettre par terre et vous rouer de coups.
     Une branche lisse, blanche si possible, et qui sait plier au vent.
     Être comme les autres, ou considéré comme tel. Autrement dit faire semblant d'être comme eux, pour ne pas attirer l'attention."

     "Alban, c’est une sorte de géant doux et tendre. Il ne sait pas rendre le mal qu’on lui fait. Incapable de se défendre. Incapable de protester, de montrer les crocs. Il encaisse tout, supporte tout. Comme un bon soldat de cette saloperie d’armée qu’on nomme humanité.
     En écrivant cela, je m’aperçois à quel point mon âme est noire. À quel point l’espoir s’est éloigné de moi, il y a longtemps déjà. C’est venu comme ça. Petit à petit, jour après jour. Ça s’est installé doucement, sans que j’y prenne garde.
     À force de trahisons, de mesquineries, de mensonges.
Ces petites choses qu’on peut choisir de ne pas voir mais que moi, je ne parviens pas à occulter. Ces petites choses qu’on peut choisir d’oublier alors que moi, je les range méticuleusement dans ma tête.
   
Et puis il y a les images. Indélébiles. Gravées dans mon cerveau à l’encre rouge.
     Ces images de guerres, de tueries. De massacres, de charniers.
     Ces lapidations, ces excisions, ces oppressions. Ces viols.
     Ces séparations, ces exils, ces solitudes.
     Les gens qui tendent la main dans le froid ou l’indifférence. Les deux, souvent.
     Les arbres qui tombent, les terres qui se désolent, la glace qui fond.
     Ces images de corridas, d’abattoirs, de vivisection.
     J’ai l’impression que ceux qui m’entourent arrivent à fermer les yeux face à toutes ces horreurs. Qu’ils se disent que ce n’est pas grave, que ça ne les concerne pas.
      Moi, tout me concerne. Tout m’atteint de plein fouet.

      Quand je vois cette souffrance, je la ressens au plus profond de moi. C'est comme si c'était moi qu'on blessait. 
Moi qu'on torturait. Moi qu'on tuait.
    J'ai mal, si fort et si souvent. Mon cœur déborde d'indignation, de détresse, d'incompréhension.
      Ces idées noires ont grandi en moi de façon alarmante. Au point que j’ai déjà songé à en finir. À abréger ma courte vie pour ne plus avoir mal.
     Oui, j’y ai pensé.
     Et ces derniers temps, j’y pense de plus en plus souvent…
     Mes parents ont dû oublier de me fabriquer avec une armure, un casque et un gilet pare-balles.
     Je suis sans protection. Je suis nue et vulnérable.
     Et, surtout, je me sens impuissante.
     Mais cela, personne ne le sait, personne ne s’en doute. Parce que je donne le change. Parce que je ris avec mes copines, parce que je rassure mon frère et même mes parents. Mes parents… Que pourraient-ils voir, de toute façon ? Ils se consacrent corps et âme à leur travail, sans doute pour oublier que leur couple est un échec cuisant."

   "Respirer loin de lui me fait mal. Vivre sans lui me fait mal. Le voir me fait mal.
   Ne pas le voir, c’est bien pire.
    Le voir sourire à d’autres me déchire les entrailles. Le voir passer tandis qu’il ne me voit pas me découpe le cœur en petites lamelles.
     Combien de temps vais-je résister à cette nouvelle douleur, plus atroce que toutes celles que j’ai connues auparavant ? Je ne le sais pas…"

       "Alban préférait les jours où Aurore était là, près de lui. Ces minutes où il pouvait écouter sa voix de velours, sa diction parfaite. Sentir son parfum en suspension. Les jours où la mer se reflétait dans ses yeux bleus.
     Oui, il aimait sa sœur. Plus que n’importe qui au monde. Plus que son père, plus que sa mère. Il aimait ses sourires coquins, tendres ou mystérieux. Capables de panser toute plaie, même profonde. Et tant pis si les blessures se rouvraient dès qu’Aurore s’éloignait.
     Ce soir, elle l’avait abandonné.
     Ce soir, Alban était seul contre tous. Mais il n’était pas là. Pas vraiment, en tout cas. La musique l’emportait dans des univers parallèles. Puisque ce monde-là ne lui convenait pas, il avait pris l’habitude d’en construire d’autres de toutes pièces. Des mondes à sa mesure.
     Sur mesure.
     Des mondes peuplés de périls où il était l’ultime recours face à la barbarie. Où il souffrait pour une cause, sauvait des vies à la pelle.
     Des mondes où on l’adulait pour son courage, son héroïsme, sa droiture. Où il était admiré de tous.
     Des mondes où on l'écoutait parler, des heures durant.
     Des mondes meilleurs.
     Et ce n'était pas difficile à trouver."

     "Encore des éclats de rire. Alban restait immobile, se voulant impassible. Comme si tout cela ne l’atteignait pas. Alors que chaque mot s’enfonçait dans ses chairs comme le scalpel d’un chirurgien dément."

     "Ça y est. On a fait l’amour…
     Je ne trouve pas les mots pour dire ce que je ressens. Ce que je vis.
     C’est si différent des fois précédentes. De ce que j’ai pu connaître avant lui.
     Il est si beau. Il est si… Non, je ne trouve pas les mots. Je ne suis plus capable d’écrire. Sans doute parce que le bonheur, contrairement à la douleur, n’a pas de mots. Pas de phrases.
     Il se vit, il ne s’écrit pas."

     "Marjorie, aussi esseulée que lui. Une autre erreur de la nature, aurait dit le charmant Antoine.
     Aussi petite qu'Alban était grand. Petite et difforme.
Cachés derrière d’épaisses lunettes, ses yeux semblaient microscopiques. Son visage était une véritable carte de Verdun. Sa peau était recouverte de boursouflures et de cratères, comme si elle avait été le théâtre d’une guerre de tranchées. Ses cheveux étaient gras.
     Elle était d’une laideur incroyable.
     Alban songea qu'ils devraient former un club.
     Le cercle des poètes déchus. Non, le cercle des élèves au rebut.
Deux adhérents au début. Mais en cherchant bien, ils devraient pouvoir recruter une dizaine de candidats sérieux, rien que dans le lycée. Ça pourrait être drôle, finalement. On ferait un spectacle de fin d’année. Un spectacle comique, évidemment.
- A quoi tu penses ? demanda Marjorie avec un sourire qu’elle voulait sensuel.
Qui était repoussant.
- A no… no… no… tre a… a… avenir. »

     "Tu m'as dit que je t'oublierais très vite Que tout cela, ce n'était rien. Que ça resterait un bon souvenir, rien d'autre. Qu'on s'était bien amusés, qu'on avait profité de la vie. Et que maintenant, il fallait tourner la page.
     Sauf que moi, je ne m'amusais pas.
     Tu viens de me tuer. De m'assassiner."

     "Alban entra dans la chambre d'Aurore sans frapper. Il la vit sur le lit, vit ses larmes.
    La voir pleurer, c'était comme si on lui ouvrait le ventre, comme si on lui arrachait les entrailles. 
Alors il s'assit près d'elle, silencieux et fidèle, attendant qu'elle parle, qu'elle se confie. Qu'elle veuille bien partager sa peine avec lui. Il était prêt à l'endosser, à la charrier comme un fardeau jusqu'aux confins de l'univers."

     "Celui qui marchait dans ce couloir n’était pas Alban. C’était l’un de ses personnages. Un justicier sorti des ténèbres. Un tueur sans aucune pitié.
     Oui, Alban était mort.
     Et d’autres allaient le suivre."

     "Le proviseur arriva, à bout de souffle, au pied du bâtiment B. Demandant des explications sur ce mouvement de panique.
    Il ne comprit rien.
    Reçut une balle en pleine tête.
     Jamais il n'avait pris le temps de l'écouter.
Jamais il n'avait levé le petit doigt pour faire cesser son calvaire."

     "Ne plus jamais être obligé de parler.
      Ne plus avoir besoin de mots.
      Ne plus avoir besoin de rien.

      Ne plus être une erreur de la nature.
      N’avoir jamais existé.
      N’être plus rien.

     Presser la détente.
     Et oublier, enfin. »

 

 

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Le harcèlement sexuel au travail 

"Ce que les blessures laissent au fond des yeux.

"On en apprend tous les jours, dit-elle, mais il y a une chose que je sais bien à force.
Quand on est dans le besoin, qu'on a des ennuis ou de la misère, c'est aux pauvres gens qu'il faut s'adresser.
C'est eux qui vous viendront en aide, eux seuls."
John Steinbeck

 

     "Elle n'a que trente-quatre ans, en paraît quarante. La misère, la précarité, les angoisses...Le chagrin aussi sans doute. Tout ce qui vous aide à vieillir. Tout ce qui vous pousse doucement vers la tombe.
     Un pas chaque jour."

     "Avoir de nouveau des rêves. Les construire, un à un, pas à pas. Apprendre à conjuguer le verbe aimer, jour après jour.
      Se dire que l’homme qui s’endort doucement à ses côtés est le bon. Celui qui dessinera les contours de son existence, qui éclairera les zones d’ombre, comblera la moindre parcelle de vide.
      Se dire que même la mort ne peut rien contre ce qui les unit."

     "Avant cet entretien, elle n'avait que peu d'espoir. En cet instant, elle n'en a plus aucun. Elle touche déjà une allocation parent isolé, ne peut prétendre à plus. Si elle trouvait un appartement avec un vrai bail, elle aurait droit aux allocations logement. Mais personne ne voudra jamais lui louer la moindre chambre de bonne vu sa situation et ses revenus.
     Si elle est expulsée ce sera le foyer ou la rue. Delphine le sait. Sa demande de HLM est restée lettre morte et la liste d'attente est encore interminable avant que son tour vienne."


"Loue appartement T3 contre services. 18 e arrondissement, entièrement rénové, dernier étage sans ascenseur. Petite terrasse, loggia, cuisine équipée, salle de bains avec baignoire.

    Naïve, Delphine pensait qu'il s'agissait de services et non de sévices .

      "Au rythme de ses sanglots, Théo fait défiler les souvenirs, le passé.
     Lui  et son père. Delphine adorait les photographier, les immortaliser.
     Théo fait défiler les jours heureux. Ceux qu'on ne rattrape jamais."

      "L'autre con c'est Chung, l'employeur de Kilia. Un esclavagiste, comme il en existe tant, patron d'une entreprise de nettoyage et qui fait bosser Kilia dans divers bureaux de la région parisienne. Un tiers de ses employées ne sont pas déclarées, ce qui allège ses charges sociales et lui permet de s'asseoir confortablement sur le Code du travail."

"     Un dessert? Une boisson ?
     Tout ça sous la surveillance rapprochée d'Éric, le manager. Le mec en chemise beige qui pense diriger un empire, même s'il n'est que petit chef dans la restauration rapide. Ce type et ses congénères maîtrisent l'art de se donner de l'importance alors qu'ils sont minuscules."

      "Lorsqu'elle est arrivée, Delphine a dû visionner des films expliquant aux nouveaux venus comment fabriquer un hamburger, faire cuire les frites, assembler une salade qui arrive en pièces détachées. Comment on parle aux clients, comment on leur sourit pour embellir leur journée et leur faire oublier qu'on est en train de les empoisonner."

     "Avec son accent mélodieux, s'aidant parfois de mots d'anglais, Kilia raconte l'Afrique, son Afrique. Son pays natal, la Somalie, décor magique, misère tragique.
     Sa tante qui l'a excisée quand elle avait sept ans, ses parents qui l'ont forcée à se marier avec cet homme qui lui a fait trois enfants avant de se tirer comme un voleur. Un lâche."

   "Quand elles rentrent, il est près de 19 heures. Une belle journée, voilà ce qu'elles ont partagé. Se promener dans Paris, jardin du Luxembourg, quais de Seine, grande roue de la Concorde, Tuileries. Déjeuner sur la terrasse d'un petit restaurant au milieu des arbres et près des bassins.
     Arracher à Kilia un regard émerveillé, un sourire, une confidence. Voler à la vie quelques instants de liberté, de légèreté. Oublier, le temps d'une journée, les vents contraires."

     "Dernières journées, dernières nuits. Derniers instants. Ceux dont on voudrait qu'ils ne finissent jamais alors qu'on aimerait tant abréger la souffrance de l'autre. L'apaiser en le précipitant dans l'autre monde."

"Avec Maxence, elle se sentait forte, elle se sentait belle. Elle se sentait en sécurité.
la chute a été brutale, interminable.
Et bientôt, Delphine le sait, elle touchera le fond."

     Elle est sa seule famille. Théo n'a jamais vu sa grand-mère maternelle, il la croit morte. Sans doute parce que, pour Delphine, elle l'est réellement.
     Théo n'a jamais vu ses grands-parents paternels, qui l'ont détesté avant même qu'il ne vienne au monde.
Parce qu'il est le fruit des entrailles d'une femme qu'ils haïssent au plus haut point. Une marginale qui a mis le grapin sur leur fils avant de lui retourner la tête.
      Aucune raison valable en fait. Comme la plupart des haines, la leur n'a aucun fondement solide. Delphine a seulement été le catalyseur de névroses familiales héréditaires."

"– C’est moi qui l’ai tué, répète inlassablement Kalia. Moi seule.
  – Vous ne l’avez pas tué, vous l’avez massacré ! rectifie le capitaine. Pourquoi un tel acharnement ?
 – Parce que cet homme, c’était le diable."

      "De longs silences, pour se dire que leur amitié est éternelle, que le lien qui les unit est infrangible. Qu'aucun mur, aucune grille, aucune porte ne pourras jamais les séparer.
      De longs silences, car ce qui compte, ce ne sont pas les mots.
      Ce sont les actes."

 

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Les erreurs judicaires

J'ai appris le silence

     "Quand je sors de l'ombre, elle se fige de la tête aux pieds. Elle voit l'arme pointée sur elle, ses mains se mettent à trembler. Je les regarde s'agiter de petits soubresauts pathétiques et je dois avouer que j'aime ça."

        "Elle recule d’un pas, se colle contre la carrosserie de sa voiture.
      - Surtout, ne bougez pas…
      Elle vient tout juste de rentrer de l’hôpital, comme chaque soir de la semaine. Je l’attendais dans l’obscurité de son garage depuis deux bonnes heures. Ça m’a paru une éternité.
      Mais j’ai appris la patience.
      - Qui êtes-vous ? demande-t-elle.
     - Je ne suis plus personne… Mais quelle importance ?

     "J’ouvre l’imposante porte en bois et admire quelques instants le parc baigné de lumière. Ces grands arbres tranquilles, témoins silencieux de la rage des hommes.
     Témoins de ma folie.

      "Les nuits ne sont jamais calmes. Jamais étoilées. Seulement peuplées de lumières artificielles et d’ombres effrayantes. Celles du passé, celles de l’avenir. Celles du présent, aussi.
     Le sommeil est épouvantable. Peuplé de dangers et de regrets.
     Ceux qui nous guettent, qui nous réveillent en sursaut.
     Les nuits sont interminables. Peuplées de bruits, de rumeurs, d’odeurs.

Ça ne s’arrête jamais."

   

     "Elle germe doucement. Prenant racine dans la peur, le désespoir et la douleur.
      Chaque jour, elle grandit, s’épanouit en vous, diffusant lentement le poison dans vos veines et jusque dans vos muscles. Elle agite vos nerfs, gangrène votre cerveau.
     Bientôt, elle vous envahit totalement, tel un liquide glacial. Elle devient votre unique sentiment, votre seule raison de vivre.
     Votre obsession.
      Elle vous assèche, vous ôtant jusqu’à la dernière miette de compassion ou d’empathie.
     Mais elle vous donne une force aussi inestimable qu’inespérée.

La haine."

     "Je devine les prières récitées en silence.
      Je devine les espoirs et les peurs."

 

L'été se meurt

 

"Pourquoi toutes ces nuits avec lui ? Là, juste sous mon nez. Comme si je n’existais pas, comme si je n’étais rien pour elle.
     Mais sans doute que je ne suis rien pour elle !
     Rien ?
     Je serai son ultime cauchemar. C’est déjà quelque chose."

 

     "Elle a trente et un ans, enseigne le français dans un collège. Elle adore les chats, la musique baroque et les chaussures à talons hauts.
      J'ai trente-deux ans, j'adore les chats, la musique baroque et ses chaussures à talons hauts."

     "Mon existence n’a été qu’une succession de jours sans saveur ni odeur jusqu’à ce que je la rencontre.
     Je n’ai jamais vraiment été malheureux. Ce fut bien pire.
     Je n’ai jamais vraiment été.
     J’ai traversé la vie comme le vent traverse la cime des arbres. Sans laisser de traces. Inlassablement, tristement.
     Vainement. "

L'homme en noir

"Il irradiait de lui tant de haine que beaucoup se retournèrent sur son passage."

L'intérieur

 

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"L'intérieur, huile sur toile peinte en 1868-1869, communément appelée Le Viol, bien qu'Edgar Degas n'ait jamais accepté ce titre.

 

     "Virginie est dans une impasse. Un coupe gorge. Elle a écrit sa lettre de démission. Sait que si elle la remet à la DRH, elle n'aura droit à rien, pas même aux allocations chômage. Elle sait aussi qu'elle ne retrouvera pas de travail avant longtemps. car si Charmant l'a recrutée, ce n'était pas pour son expérience fort limitée.
     Je vous ai choisie parce que vous me faites bander.
Voilà ce qu'il lui a craché au visage, deux minutes avant de la violer.

 

"Virginie ferme les yeux. Elle n'a même plus la force de pleurer. De se révolter. Elle a seulement envie de mourir. À cet instant, elle voudrait ne pas avoir d'enfants. Être libre."

 

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L'amour en fin de vie

Le printemps de Juliette

 

    "Lorsque je me réveille, les premières lueurs de l'aube éclairent faiblement la chambre. Aussitôt, je tourne la tête vers elle.
     La regarder dormir, la trouver belle.
     Sa respiration régulière, son visage serein.
     La regarder dormir, la trouver belle.
je l'ai toujours trouvée belle. Quel que soit le moment de la journée ou de la nuit. Quel que soit le moment de notre vie."

     "Pendant qu'elle dort, j'aimerais refaçonner ses souvenirs, pour qu'ils soient tous bons, beaux ou tendres. Effacer la moindre de ses blessures, consoler le moindre de ses chagrins passés ou à venir. Réécrire l'histoire, son histoire, afin qu'elle soit la plus belle qui ait jamais été contée.
     Tant de choses que j'aimerais faire. Pour elle, avec elle. Tant de choses encore...Tant de mots à lui dire, aussi. Alors, dans un souffle à peine audible, je me lance. Mes paroles semblent la bercer, un sourire illumine son visage.
     Je lui dis combien elle est importante, essentielle.
     Combien ma vie serait triste sans elle."

     "Chaque photo appelle un souvenir, certaines me font sourire, d'autres rire. Certaines me font pleurer, mais aucune ne me fait regretter les quarante années passées auprès d'elle.
     Je referme les albums, les remets à leur place. 
Parce que Juliette n'aime pas le désordre. Notre maison est toujours bien rangée, toujours propre. Elle y tient, c'est comme ça."


     "Juliette a su capter tous ces instants, ces moments.
      Et moi, je l'ai suivie partout où elle est allée. J'ai construit ma vie autour de la sienne, comme on fabrique un écrin pour protéger ce qu'il y a de plus précieux.
     J'ai toujours veillé sur son talent puisque je n'en avais aucun."

"L’important, c’est de lui montrer que je pense à elle, que je veille sur elle. Que je suis là, toujours. Comme depuis quarante ans.
     C’est court, quarante ans. Ça passe si vite."

 

Mon humble avis :

En 280 pages et huit nouvelles, Karine Giebel nous transporte dans des histoires poignantes qui nous bouleversent, nous dérangent, nous révoltent, nous oppressent, nous bousculent, nous interpellent forcément de part leurs dures réalités, par leurs problèmes de sociétés et d'actualités qu'elles soulèvent.
Elle traite du problème des jeunes filles nées et scolarisées en France mais qui doivent vivre avec le poids des traditions de leurs cultures comme l’excision, les mariages forcés et arrangés, l'honneur respecté au prix de la vie avec les crimes d'honneur de la communauté turque ...
On retrouve le sujet tellement d'actualité aujourd'hui : celui du harcèlement moral dans le cadre scolaire.
Le mal que peuvent faire les réseaux sociaux, les moqueries, les photos diffusées sur des adolescents fragiles et vulnérables mal dans leur peau entre les rêves et la réalité...
L'importance d'un premier amour d'adolescente.
Et jusqu'où tout cela peut mener : suicide, tuerie...Terriblement angoissant et dérangeant...mais tellement un fait réel de société.

L'auteure nous amène à réfléchir aussi sur des problèmes de société actuels avec la difficulté professionnelle pour rebondir après une séparation ou un deuil. Comment en tant que femme on peut se retrouver aux portes de la misère sans profession. Elle va très loin puisqu'elle traite le sujet du harcèlement sexuel au travail avec les souffrances que cela impliquent, ou des abus de pouvoirs face à des mères de famille dans le besoin.
Elle aborde aussi l'importance des belles relations, la force de l'amitié, de la solidarité et de l'entraide dans les moments de galère.
L'amour des mères et les rapports mère enfants.

Un sujet très grave, celui de la justice avec le cas un homme condamné à tort trop rapidement pour le viol et le crime d'une jeune fille mais innocenté des années après...Comment l'horreur de son vécu en prison n'a fait qu'accentuer son désir de vengeance mais comment même avec la haine on peut garder une notion de bien et de mal.
Une histoire d'obsession qui amène à la folie...
Et un sujet non moins grave : celui de la vengeance aveugle.
Karine Giebel termine avec une histoire d'amour merveilleuse, un amour de 40 ans qui traite, selon moi, indirectement de la fin de vie avec un côté humain et une grande pudeur et sensibilité.

Captivant, triste, émouvant, mais au-delà de la gravité des histoires, beaucoup de sensibilité et ce côté humain aussi bien dans la beauté que dans la noirceur des âmes.
Karine Giebel!!!

 

Toutes les illustrations proviennent de différents sites du Net.
Merci pour leur partage.

 

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