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il fait un peu moins chaud aujourd'hui ce matin on a eu de l'orage , heureusement que j'avais fait mettre la
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Date de création : 13.06.2011
Dernière mise à jour :
22.08.2025
11827 articles
Alex Marzano-Lesnevich est née dans une famille d'avocats. À l’instar de ses parents, elle a fait des études de droit avant de s'en détourner pour des raisons qui nourrissent son œuvre.
Alex Marzano-Lesnevich est l’auteure de L’Empreinte, salué par la critique, notamment par The Guardian. Amazon a désigné L’Empreinte comme un des meilleurs livres de 2017.
Ce premier récit littéraire lui vaut de remporter le Prix du Livre étranger JDD / France Inter 2019, ainsi que le Grand Prix des Lectrices de Elle 2019 en catégorie document.
Passionnée par l’écriture et le journalisme, elle a contribué à des journaux prestigieux tels que The New York Times ou Oxford American. Alex Marzano-Lesnevich a collaboré avec d’autres auteures pour proposer une anthologie intitulée Waveform: Twenty-First-Century Essays by Women célébrant le rôle des femmes essayistes dans la littérature contemporaine.
Alex Marzano-Lesnevich vit à Portland dans le Maine et enseigne la littérature.
L'histoire :
Etudiante en droit à Harvard, Alexandria Marzano-Lesnevich est une farouche opposante à la peine de mort.
Jusqu'au jour où son chemin croise celui d'un tueur emprisonné en Louisiane, Rick Langley, dont la confession l'épouvante et ébranle toutes ses convictions. Pour elle, cela ne fait aucun doute : cet homme doit être exécuté.
Bouleversée par cette réaction viscérale, Alexandria ne va pas tarder à prendre conscience de son origine en découvrant un lien tout à fait inattendu entre son passé, un secret de famille et cette terrible affaire qui réveille en elle des sentiments enfouis.
Elle n'aura alors cesse d'enquêter inlassablement sur les raisons profondes qui ont conduit Langley à commettre ce crime épouvantable.
Dans la lignée de séries documentaires comme Making a Murderer, ce récit au croisement du thriller, de l'autobiographie et du journalisme d'investigation, montre clairement combien la loi est quelque chose d'éminemment subjectif, la vérité étant toujours plus complexe et dérangeante que ce que l'on imagine. Aussi troublant que déchirant.
Critiques presse :
LaLibreBelgique 21 mars 2019
Alexandria Marzano-Lesnevich entremêle autobiographie et enquête pour "donner un sens à ce qui ne sera jamais résolu".
LaCroix 08 mars 2019
Entre thriller et autobiographie, ce récit d’une ex-étudiante américaine en droit montre l’évolution de son engagement contre la peine de mort lorsqu’une affaire la confronte à son propre passé.
LeMonde 24 janvier 2019
En tissant des fils entre la vie de Ricky Langley, assassin d’enfant, et la sienne, l’écrivaine américaine offre une admirable réflexion sur les secrets de famille.</p
Telerama 23 janvier 2019
L’Empreinte raconte et entremêle ces deux histoires dramatiques, celle de Ricky Langley et celle d’Alexandria Marzano-Lesnevich elle-même, pour composer un récit magistral et bruissant de mille réflexions...
"Parmi les choses insoutenables, que l'on refuse particulièrement de s'imposer dans un roman, il y a l'assassinat d'un enfant. C'est pourtant non seulement le point de départ, l'élément central, mais aussi la tentative d'achèvement de ce roman, qui a mesmérisé l'anglosaxonie, s'attirant une cascade de prix. Une enquête sur le meurtre du petit Jeremy, 6 ans, assassiné en Louisiane en 1992 par Rick Langley. Un prédateur sexuel qui échappe à la chaise électrique, et que l'auteure, alors avocate en stage en Louisiane, va rencontrer.
Témoins, procès, reprise des éléments du dossier ; la descente dans la psyché et les mécanismes du tueur d'enfants éveillent, chez Marzano-Lesnevich, l'écho de sa propre histoire. Celle d'avoir été abusée sexuellement par son grand-père lorsqu'elle était enfant. Ce sont alors les fils narratifs qui s'entremêlent, deux investigations sur dix ans de réflexion. L'un, documentaire, l'autre, autobiographique, sur les silences, la famille, la question de l'oubli ou du pardon, dans un livre cathartique dont on ressort grandement secoués."
Extraits :
"Toutes les causes possibles sont des causes directes.
Les causes directes se multiplient à l'infini. L'idée de cause adéquate apporte une solution. Le travail de la justice consiste à déterminer la source de l'histoire, afin d'assigner les responsabilités. La cause adéquate est la seule qui compte vraiment du point de vue de la loi.
La seule qui fait que l'histoire est ce qu'elle est."
"Je suis venue dans le Sud pour lutter contre la peine de mort en effectuant un stage dans un cabinet d’avocats qui représente des individus accusés de meurtre. Je suis fière de ce travail que je me propose de faire, et en même temps, j’ai peur. Ma connaissance du droit vient exclusivement des livres, et des histoires de clients que mes parents, tous deux avocats, me racontaient dans mon enfance. Il s’agissait de batailles pour la garde d’enfants, d’erreurs médicales, d’une chute accidentelle, une fois d’un meurtre, mais rien de comparable à des affaires où la peine de mort était en jeu."
"Elle doit penser à lui, là-bas, la joue fripée par les brindilles, telles des marques d’oreiller, à ses cheveux qui lui retombent dans les yeux lorsqu’il a trop sommeil pour les rabattre en arrière. Jeremy dort comme un chiot, sur le flanc, les bras et les jambes étalés devant lui. Sa bouche rose entrouverte, les petites bouffées d’air qu’il prend. Elle le regardait toujours respirer quand il était bébé. Toutes les jeunes mères font ça, suppose-t-elle, mais pour elle c’était toujours un miracle, qu’il continue de respirer comme ça."
"Une nuit qui pourrait durer une éternité, suspendue tel un insecte prit dans l'ambre, Jérémy pour toujours caché quelque part, dans l'immensité, elle pour toujours sous ce porche, à l'attendre. Il faut simplement qu'elle survive à cette nuit.
Elle prend la bouteille. Il reste sept centimètres d'alcool. Le liquide glisse le long de sa gorge, se roule dans son ventre, bien chaud.
La deuxième gorgée est suave. La troisième."
"Elle se contente de s'appuyer contre les marches du perron pendant un long moment, les yeux fermés lorsqu'elle ne peut pas supporter le silence, les yeux ouverts lorsqu'elle ne peut pas supporter l'obscurité. Elle finit la bouteille sans même s'en apercevoir."
"Mon père est un conteur hors pair. Il raconte des histoires à des jurys pour gagner sa vie, et il nous en raconte, à nous, autour d’une épaisse table en Formica blanc si grande qu’il l’a trouvée au rabais : aucune autre famille n’en voulait, dit-il. Elle est parfaite pour nous. Mon père s’assoit d’un côté, flanqué de deux d’entre nous, ma mère de l’autre, flanquée des deux autres. Les bords de la table sont arrondis pour qu’Elize, la plus jeune, qui apprend tout juste à marcher, ne se fasse pas mal lorsqu’elle se cogne dedans. Autour de la table, nous sommes le public de mon père, et le texte, c’est sa vie."
"Tandis que ma grand-mère est allongée dans son lit à demi vide, en 1984, et que mon grand-père fait une pause dans l'escalier, il reste encore une chance. Peut-être cette nuit, à l'inverse de toutes les nuits qui sont venues auparavant, mon grand-père va-t-il faire demi-tour. Il va redescendre les marches et il laissera à ma grand-mère une histoire de son mariage – une histoire de sa vie – qui n'inclut pas d'avoir entendu son ascension. Il me laissera à mon lit d'enfant, et laissera ma sœur au sien, ces lits dans lesquels nous sommes toutes deux pour l'instant couchées en silence, aux aguets. Nous savons toutes deux ce que nous guettons, mais nous n'en avons jamais parlé tout haut.
Ou peut-être ce soir, à l'inverse de toutes les nuits qui sont venues auparavant, ma grand-mère lâchera-t-elle sa carte de prière, ouvrira-t-elle les yeux et se lèvera-t-elle pour s'approcher du son qu'elle ne peut pas ne pas entendre…
Mais non. L'escalier.
Ma grand-mère dans son lit, ma sœur dans le sien, moi dans le mien, nous tendons l'oreille."
" Disparaître, c'est ce dont je rêve chaque fois que mon grand-père s'assoit sur le bord de mon lit. Ses yeux marron plongent dans les miens, puis il se tord le visage pour cracher ses dents dans la paume de sa main. Il me les tend. Les dents luisent comme une créature marine. Il fait un grand sourire, et sa bouche se transforme en un liseré rose humide autour d'un trou noir qui se resserre au milieu. "Tu vois, dit-il , bien qu'il m'ait montré ce spectacle tant de fois auparavant. Je suis un sorcier. Ne l'oublie pas. Si tu en parles, je viendrai toujours te retrouver. Toujours, même après ma mort."
Je détourne la tête et je fixe mon regard sur la jupe jaune d'une poupée qui est aussi une lampe. Son corps illumine la jupe, qui se dissout en une lueur d'un jaune éclatant. Elle brûle dans l'obscurité de la chambre, et tandis qu'il pose ses fausses dents sur ma table de nuit, porte la main sur l'ourlet de ma chemise de nuit, et écarte le tissu de mes jambes soudain froides, je scrute la lumière jaune et je me force à m'abîmer dans la flamme, je me force à m'y dissoudre. Sa main remonte le long de ma jambe. Son autre main défait sa braguette. Je fixe si fort la lumière des yeux qu'autour de moi tout vole en éclats. Je le sens baisser ma culotte. Je sens ses doigts. L'air se défait en molécules. Il fait froid de nouveau entre mes jambes - sa main s'est déplacée - puis sa main est de retour, tenant un épais morceau de sa chair. Il me tient les jambes écartées. Il se frotte contre moi.
Autour de moi, les molécules tournoient. Je sens que je me désagrège avec elles.
Encore aujourd'hui, je déteste la couleur jaune."
" On peut observer une chaussette dans la bouche de la victime. La victime est vêtue d'un tee-shirt blanc, d'un pantalon de survêtement bleu clair ou turquoise avec une bande jaune en bas, de chaussettes blanches, et les bottes que la mère a indiqué qu'il portait sont là.
Bleu canard. Ce sont les mots qu'emploie Lorilei pour décrire ce pantalon de survêtement. Il y a quatre jours , elle l'a sorti du sèche-linge et l'a rabattu en deux, soigneusement, à la taille, avant de plier les petites jambes en un paquet bien net. Elle a disposé ce même tee-shirt par-dessus. Elle a apporté les vêtements à la commode qu'elle et Jeremy partageaient chez Melissa, et elle a rangé le pantalon dans le dernier tiroir, le tee-shirt dans celui du dessus. Elle les a rangés avec soin. Comme si elle couchait un enfant.
Tous ces vêtements que porte Jeremy - toutes ces pièces à conviction - ont une histoire. Ces pièces à conviction renferment la vie qu'ils partageaient, tous deux. Elles renferment son amour."
"Lorsque j’ai commencé à écrire cette histoire, je pensais que c’était à cause de l’homme sur la vidéo. Je pensais que c’était à cause de Ricky. En lui, je voyais mon grand-père. Je voulais comprendre.
Mais je crois désormais que j’écris à cause de Lorilei."
"Ce bébé est un miracle.
Représentez-vous les médecins, debout à son chevet. Les blouses blanches, les stéthoscopes suspendus à leur cou, leurs vies et leur éducation. Certes, ils savent qu'elle est heureuse, mais cette grossesse ne peut pas être considérée comme un miracle. Elle prend tous les médicaments qu'ils peuvent lui donner, dont beaucoup sont contre-indiqués pour une femme enceinte. Le fœtus a cinq mois, ce qui signifie que depuis cinq mois, il grossit contre la carapace dure du plâtre. Elle a passé d'innombrables radios. Elles auraient pu être fatales à la grossesse, mais le fœtus a survécu et, maintenant, qui sait dans quel état."
"Peut-être Alcide tient-il la main de Bessie à ce moment-là, et peut-être leurs paumes pressées, complices, se rappellent-elles silencieusement ce que les médecins ignorent sans doute : le whisky. Il s'écoulera encore huit ans avant "Roe vs Wade", Charity est un hôpital universitaire catholique, et pourtant, les médecins insistent : ce bébé ne doit pas naître.
Mais cette mère-là ne renoncera pas à son enfant."
"A travers les livres de ma mère et les histoires de mon père, j'ai commencé à envisager la Constitution comme un document d'espoir. La loi que j'aime tant peut donc imposer la mort ? Peu importent les raisons évoquées dans les livres de droit. C'est là que ça commence: avec horreur. A partir de cet instant, je serai toujours contre la peine de mort."
"A douze ans, je mouille toujours mon lit et même si je n'ai pas les mots pour l'expliquer, si je le pouvais je dirais que c'est parce que ça me rassure. Que lorsque je sens le lit tout chaud, tout mouillé autour de moi, je sais : rien ne viendra m'attaquer dans la nuit. Rien ne voudra de moi."
"C’est peut-être aussi une des raisons pour lesquelles je me prends de passion pour les objets du bureau de mon père : les secrets qu’ils renferment ne peuvent s’effacer. La preuve est toujours là, tangible. Elle attend que l’avenir vienne la chercher."
"Mes deux parents, j’apprends à les connaître mieux et différemment à travers leurs livres. Dans les livres, je découvre la sourde vibration de tout ce qui est indicible. Les personnages pleurent comme je voudrais pleurer, aiment comme je voudrais aimer, ils crient, ils meurent, ils se battent la poitrine et ils braillent de vie. Mes journées sont poisseuses d’un sommeil cotonneux qui les étouffe et les emmêle."
"Mon père laisse la clim à fond et j'ai beau me plaindre à lui et à ma mère, il refuse de m'écouter ou ne parvient pas à me croire. Et ce qu'il dit n'est pas faux : il a trop chaud et j'ai mal mais pourquoi irais-je penser que ma douleur doit l'emporter sur son inconfort!
C'est la logique à laquelle, je ne trouverai jamais d'explication : dans ma famille, une douleur ce sera toujours la mienne ou la tienne, à monter l'une contre l'autre et à mettre en balance, jamais une douleur collective, jamais une douleur de famille. Est-ce que ce qu'il se passe dans une famille est le problème de la famille ou le problème de celui ou de celle qui en est le plus affecté? Il a un coût ce genre d'individualisme antagoniste."
"Chaque samedi, ma sœur Nicola joue aux dames avec mon grand-père sur le perron comme je le faisais auparavant. Moi, je ne peux plus. Je ne peux même pas les regarder jouer. Je suis trop consciente du fait que je l’ai vu la toucher dans notre chambre. Trop consciente du fait qu’il m’a touchée. Cette vérité me donne la chair de poule, la nausée. Je ne peux même pas aller aux toilettes sans penser à ses mains autour de son membre dans cet endroit, au geste que je ne comprenais pas. Mais je sais que je n’ai pas le droit de dire ça, de même que je n’ai pas le droit de raconter à mes copines d’école ce qui s’est passé. Ma mère a expliqué que je nuirais à la carrière politique de mon père dans le cas contraire. Mon père a expliqué que je ferais souffrir ma mère. Ils m’ont tous deux interdit d’en parler à ma grand-mère, car ça lui ferait trop de mal, et à mon frère. Il est très lié à mon grand-père et, comme il est le seul garçon dans une maison pleine de filles, il a besoin de lui.
La douleur est donc un poids que je dois porter seule."
"Je commence à me cacher. Je teins mes cheveux en rouge camion de pompier, quelquefois en mauve, une fois en vert, et j’adopte un style à base de longues jupes amples de couleurs vives et dissonantes et de Doc Martens rouge sang tellement trop grandes que lorsque j’entre au lycée, les élèves les appellent des « chaussures de clown ». C’est de cette façon que je peux disparaître à ce moment-là : en donnant aux gens qui m’entourent quelque chose d’autre à regarder, la tenue que je porte, au lieu de moi."
"Je vais aux toilettes et me fais vomir. C’est un soulagement délicieux de me sentir vide, et à partir de ce jour-là, j’ai un secret supplémentaire. Mes parents doivent voir les paquets de gâteaux vides dans la cuisine, l’état lamentable dans lequel je laisse parfois les toilettes. Ils doivent remarquer que leur fille est devenue morose et qu’elle se mure dans le silence. Mais nous n’en parlons pas. De même que nous ne parlons pas de la balafre sur le ventre de mon frère, de la sœur manquante, du téléphone que l’on débranche parfois et, le reste du temps, des créanciers qui appellent jour et nuit ; tout ce qui grignote peu à peu cette vie que mes parents ont construite, la rendant semblable aux passés respectifs qu’ils ont tous les deux fuis, maintenant que les colères de mon père ont pris une telle proportion que même le cabinet d’avocats est en péril. Si nous ne mentionnons que les moments de bonheur, peut-être seront-ils les seuls à exister."
"Qui sait comment chacun trouve sa place dans une famille ? Les rôles sont-ils assignés ou choisis ? Et au demeurant, même entre frères et sœurs - même entre jumeaux - on ne grandit pas dans la même famille. On n'a pas le même passé. Mais pendant que je me débats pour y échapper - au passé -, mon frère le porte en étendard. Plus tard, il sera le gardien de la famille, celui qui se souvient des fêtes et des anniversaires, celui qui dresse la liste de cartes de vœux à envoyer pour Noël, celui qui passe des heures à ranger soigneusement des photos de famille - que je ne peux même pas regarder - dans des albums qu'il a fait imprimer tels des livres de photos d'art."
"Sommes nous déjà ceux que nous serons toujours ?
Pendant un instant, peut-être existe t il, une autre possibilité. Une occasion. Un monde dans lequel je lui dis tout en cet instant et oui, ça ferait des étincelles, mais après ces étincelles nous pourrions en discuter.
Mes parents apprendraient ce fardeau que je porte en moi. Mon frère apprendrait ce secret qui a fait de nous des étrangers’ et la raison pour laquelle je semble si furieuse contre cette famille qu’il chérit tant.
Je scrute son visage un long moment. Puis je fais volte-face et je referme doucement la porte de ma chambre derrière moi."
"L’attention des garçons m’autorise à me sentir aimée. Les garçons sont une menace. Je ne sais pas faire la différence entre l’amour et la souffrance lorsqu’ils s’entremêlent. Je ne sais pas reconnaître ceux avec lesquels je peux m'estimer en sécurité et ceux avec lesquels je ne le peux pas, je ne sais même pas ce que signifie le sentiment de sécurité. Je sais seulement que j’ai besoin de quelqu’un pour exister."
"Mes bras font la taille des poignets d'un enfant. Mes parents m'envoient consulter mon ancien pédiatre. Dans mon souvenir, il me dit qu'il faut vraiment que je mange, mais que je n'ai pas de problème majeur. Ça me paraît curieux, quand j'y repense, impossible, même. Qui irait dire à une jeune anorexique qu'elle n'a pas de problème majeur ?"
"Quand j'étais en CM2, un jour, on m'a demandé de faire un autoportrait en cours de dessin. Les autres enfants ont dessiné des boucles dorées au crayon gras pour représenter leurs cheveux, ils ont colorié leurs tee-shirts en rouge. Je me rappelle mon ébahissement devant leurs portraits. Ils semblaient tous savoir si bien à quoi ils ressemblaient. J'avais dessiné la seule chose qui m'était venue : un tourbillon noir qui émanait du centre de la feuille de papier cartonné, pareil aux tourbillons qui obscurcissent l'écran dans Vertigo,le film d'Hitchcock. Pris dans le tourbillon, j'avais ajouté un revolver, la chaise électrique, et des mains qui cherchaient à s'emparer de moi, l'étoffe de mes cauchemars. C'était le seul portrait de moi que je puisse imaginer : ce que je pensais, et ce que je redoutais. Ce qui me consumait."
"Lorsqu’on vous offre une planche de salut, vous ne cherchez pas à savoir si c’est la bonne. Vous l’attrapez et vous y cramponnez de toutes vos forces, un point c’est tout."
" Je commence à comprendre que je ne crois pas au fond que le fait que je sois contre la peine de mort – ou celui que d’autres soient pour – puisse se ramener à la raison. Il s’agit toujours de la même conviction simple, fondamentale : celle que chaque individu est une personne, quoi qu’il ait pu faire, et que prendre une vie humaine est mal."
"Mon père a toujours défendu les méchants. Il m’a dit plus d’une fois que son job consiste à être amoral, à ne jamais penser aux méfaits commis par les individus qu’il défend – « s’ils les ont commis », ajoute-t-il, avocat jusqu’au bout des ongles."
" Ce job sera mon épreuve. Si je suis vraiment contre la peine de mort, je dois m'y opposer aussi pour des hommes tels que lui.
Je réponds:
"Oui, je me sens capable de défendre un pédophile".
"La première fois que j'ai couché avec une femme, ma poitrine s'est ouverte en grand. Je ne savais pas jusqu'à ce moment-là à quel point j'étais oppressée. Je suis gay parce que j'aime les femmes, c'est aussi simple que ça. Mais pendant si longtemps, la possibilité que quiconque puisse même penser le contraire m'a poussée à rester cachée."
"Peut-être nos différences viennent-elles avant tout du fait que je suis écrivain tandis qu’elle est scientifique. Mais souvent, les différences superficielles semblent refléter une vérité plus profonde : notre façon de faire l’expérience du temps. Pour moi, il y a toujours plusieurs niveaux qui se superposent. Elle est dans l’instant."
"Lorsqu'elle déferle, je me mets à pleurer. La vague coule hors de moi. Ma respiration se ralentit, et je sens les larmes sur mes joues, chaudes, bien que je ne les aie pas senties couler de mes yeux, bien que je n'ai pas même éprouvé la moindre tristesse. Je suis un sac dans lequel la vague s'est brisée, et maintenant il faut que l'eau s'écoule de moi. J'étais un réceptacle je ne suis plus qu'une route de transit. Qui je suis à l'extérieur de cette sensation, cela devient aussi hors de propos que le temps lui-même."
"Il en va ainsi dans tout le pays. Les lois passent à grand fracas de bonnes intentions. Les lois échouent, parce que les avertissements ne fonctionnent que si rarement, et une grande partie du fardeau retombe sur des parents déjà harassés. On peut se rendre malade à s'inquiéter de qui figure sur la liste, de qui vient de s'installer dans la ville, on peut chasser ces individus de sa commune, leur interdire de passer le pont autoroutier, mais la moitié du temps, on sera en train de s'alarmer à cause de quelqu'un qui a eu des relations homosexuelles quelques années avant qu'elles soient légalisées dans tel ou tel Etat, ou d'un type qui a couché avec sa petite copine mineure alors que lui-même avait tout juste atteint la majorité, ou de quelqu'un qui a commis un méfait atroce il y a trente ans, mais il n'a pas commis le moindre écart depuis. Dans certaines régions, même des enfants prépubères se retrouveront sur les listes, sous prétexte qu'ils sont allés un peu trop loin en jouant au docteur. Et même comme ça, on ne s'inquiéterait encore que de la partie émergée de l'iceberg. De ceux qui auraient déjà été dénoncés par quelqu'un. Pas du coach, du meilleur ami, de la baby-sitter, du beau-père, de l'oncle. Du grand-père.
Vingt ans après le début de la mise en place de ces lois, les taux d'abus sexuel n'auront absolument pas baissé."
"Mais : les cicatrices. Les cicatrices sont-elles des preuves de ce qui se passait après la douleur, après les ténèbres ? Ce qui se passait après la limite de ma mémoire ? Quel fait, quelle preuve renferme mon corps ? Je ne sais pas. Je ne le saurai jamais."
"Ce qui m'a tant séduite dans le droit, il y a si longtemps, c'était qu'en composant une histoire, en élaborant à partir des événements un récit structuré, il trouve un commencement, et donc une cause. Mais ce que je ne comprenais pas à l'époque, c'est que le droit ne trouve pas davantage le commencement qu'il ne trouve la vérité. Il crée une histoire. Cette histoire a un commencement. Cette histoire simplifie les choses, et cette simplification, nous l'appelons vérité."
Mon humble avis :
"Ce livre, par sa nature, a souvent été très difficile à écrire"
Cela n'a pas pu être facile pour ma famille de m'encourager pendant que j'écrivais ce livre, mais ils l'ont fait..."
nous explique son auteur dans ses remerciements.
Et à sa lecture, on le comprend aisément : un travail colossal de 10 ans, précis, fidèle, complet, documenté avec les recherches sur unprocès tristement célèbre, celui d’un pédophile condamné à mort en Louisiane,
https://www.letemps.ch/culture/une-enquete-cacher-une,
Une question grave traitée : la peine de mort, et une confrontation avec sa propre enfance où elle fut abusée par son grand-père.
C'est un livre entre document journalistique et récit autobiographique.
Si Alexandria est opposée à la peine de mort, ses certitudes vacillent quand elle suit l'affaire de Ricky Langley car ils font ressurgir en elle une partie terrible de son enfance qui laisse des traces dans sa vie d'adulte.
Ces 432 pages plaident pour le pardon, contre la peine de mort, de la difficulté de certains procès, de certains verdicts, mais traitent des horreurs de la pédophilie au sein d'une famille, de l'inceste, des violences subies, des destructions psychologiques qui en résultent, des non-dits familiaux pour protéger la famille...
Comment oublier ?
Peut-on expliquer ?
Peut-on effacer ?
Peut-on pardonner ?
Bouleversant, émouvant, dérangeant, marquant, dramatiquement captivant, ce livre ne peut pas nous laisser indifférent ; il nous happe par sa profondeur, sa sincérité, sa pudeur mais frappe par ses vérités et ses confessions .
Un livre qui a été écrit pour panser des blessures profondes, comme un cri enfin poussé, une libération pour enfin vivre sa vie...
Merveilleusement écrit...
"«Il s’agit d’un livre sur ce qui s’est produit, oui, mais aussi d’un livre sur ce que nous faisons de ce qui s’est produit.»