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dimanche 11 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXVIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

Ceci constitue probablement la dernière chronique sur toute cette histoire.
Merci à ceux qui ont lu et qui nous ont apporté soutient et réconfort à travers toutes les épreuves.

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Chronique 28: Comment je Souhaite la Meilleure Vie à mon Fils


Nicolas,

Tu es le garçon que nous attendions, mais la vie a fait en sorte que tu ne sois pas comme nous l’attendions. Ce n’est pas ta faute.

À plusieurs moments, nous t’avons accompagné sur le chemin qui nous croyions allait t’amener vers la mort. Tu nous as au contraire montré le chemin de ta vie. À plusieurs reprises je t’ai dit que si tu voulais te laisser aller, de le faire, que nous serions avec toi jusqu’à la fin. Nous étions prêts en autant qu’un parent peut être prêt à ce genre de chose. Je t’ai même dit une fois que si tu voulais mourir, c’était le temps, mais que si tu voulais vivre et te battre, nous nous battrions avec toi et te trouverions une famille où il te ferait bon vivre. Tu as fait  ton choix. Tu as décidé envers et contre tous de vivre. Et nous nous sommes battus avec toi. Nous avons lutté pour que tu respires seul. Nous avons bataillé pour que tu puisses boire tes biberons le mieux possible.  Nous avons insisté pour que tu prennes moins de médicaments. C’est le minimum que nous voulions pour toi.

Nous avons toujours cru que le rôle de parent était d’accompagner son enfant le plus loin possible et de le laisser voler de ses propres ailes par la suite. Nous avons été le plus loin que nous pouvions. On dit que la partie la plus difficile de l’amour c’est d’apprendre à laisser partir. Alors voilà mon fils. Nous te laissons partir. Là où nous espérons que tu ais la meilleure vie possible.

Bientôt tu devras devenir uniquement Nicolas pour nous. Mais sache que dans nos cœurs, dans nos pensées, dans nos vies tu resteras toujours notre fils. Ta place est acquise dans notre histoire.  Tu seras toujours en vie avec nous. Nous aurions aimé que ça se passe autrement, mais nous croyons que tout est pour le mieux.

Je te dis à bientôt Nicolas. Dans cette vie ou dans une autre, nous te retrouverons et tous, nous serons heureux.

Nous t’offrons nos derniers bisous et une dernière parcelle d’amour.

Nous t’aimons fort.

Papa, maman et ta grande sœur biologique.

vendredi 9 août 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils XXVI

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 26 : Le Contrôle

Mercredi 7 août

Depuis le début de cette histoire, il devient encore plus flagrant que nous n’avons pas beaucoup de contrôle sur ce que la vie nous apporte. La mort, la vie, la maladie, les enfants, la météo, la chance, la malchance, les émotions. Bien sûr, on se donne beaucoup d’outils pour se bercer de l’illusion que nous contrôlons ce qui nous arrive et nous nous y accrochons de toute nos forces, car le contraire serait plus effrayant encore ; que nous sommes à la merci de la vie.

En fait ce n’est pas complètement vrai. Nous ne contrôlons rien de ce qui nous entoure, mais il y a au moins une chose que nous pouvons contrôler, ce sont nos décisions. Personne ne peut les prendre à notre place. Bien sûr, on peut essayer de nous influencer, mais il reste qu’en bout de ligne, ce sont nos décisions. Par contre, les conséquences de celles-ci, on ne peut les contrôler et c’est ce qui fait le plus peur, qui fait que nous hésitons souvent devant certaines options et que nous avons souvent de la difficulté à assumer nos choix. On essaye de minimiser ceci et maximiser cela, mais au bout du compte, nous n’avons aucune idée de la conséquence réelle de nos décisions.

C’est ce qui fait le plus peur dans notre décision de mettre Nicolas en adoption. Nous assumons notre décision, nous sommes confiants qu’elle est la moins pire que nous puissions prendre, mais qu’aura-t-elle comme conséquence cette décision sur nous, notre couple, notre santé mentale, notre bonheur? Mais s’il n’y avait que nous, il y a aussi Nicolas, Anabelle, les membres de la famille, la famille adoptive. Tant d’inconnus et rien que nous ne pouvons contrôler.

Mais il arrive que ce qu’on tente tant bien que mal de contrôler se retrouve entre les mains d’autres personnes et que nous sachions en bout de ligne que ce sont eux qui prendront la décision et nous qui subiront les conséquences, ça devient plus difficile encore à accepter. Je pense entre autres à ceux qui aiment si fort Nicolas mais qui devront s’en séparer à tout jamais à cause de notre décision.

Mais je pense aussi à la famille adoptive. Nous savons maintenant que la DPJ a donné son accord à la famille qui se faisait évaluer. Celle-ci semble toujours se montrer réticente à une certaine ouverture envers nous. Une amie a maman qui a adopté et qui ne voulait pas rencontrer les parents biologiques nous a aidé à comprendre les raisons de cette réticence. Mais nous nous étions imaginé tout plein de scénario de comment le ‘transfert’ se ferait, mais au bout du compte, ce sont eux qui ont le choix final sur la façon que ça se déroulera. Et pour l’instant, tout semble indiquer que nous devrons laisser Nicolas un beau soir dans sa maisons d’accueil, le regarder une dernière fois et le quitter à jamais, sans avoir la moindre idée d’où il s’en va, sans être même capable de se l’imaginer. On aurait aimé que ça se passe différemment, comme nous l’aurions souhaité et imaginé, mais comme bien des choses, ce n’est pas sous notre contrôle et nous devons suivre la vague. C’est le prix à payer pour notre choix j’imagine.

mardi 23 juillet 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 25 : Le Doute

23 juillet 2013 

Ça fait un bon bout de temps que je n’ai pas écrit. Le besoin s’en fait moins sentir. Maman aussi écrit moins dans son journal. La situation se stabilise. La vie reprend son cours… enfin une partie de la vie. 

Nicolas est maintenant rendu dans son centre d’accueil depuis plus d’un mois. Les gens là-bas s’en occupent bien. De ce que l’on peut constater, il y est bien. Il ne semble pas s’ennuyer de nous. Maman va le voir deux fois par semaine et moi une fois. Nous tentons de prendre nos distances. Nous gardons nos fins de semaine pour nous, pour se retrouver en famille, se refaire une santé mentale 

Nicolas a eu quelques rendez-vous à l’hôpital. Un rendez-vous en urologie qui nous a appris qu’il avait encore du reflux et une hydronéphrose. Ça c’était quelque peu amélioré, mais il doit continuer à être suivi et continuer de prendre des antibiotiques préventifs. Il a eu son examen ophtalmologique. Ses hémorragies sont pas mal disparues, mais on lui a trouvé une myopie d’environ 2. Les enfants, habituellement en jeune âge ont une légère hypermétropie qui évolue tranquillement vers la normalité ou vers une myopie. On peut alors déjà assumer que Nicolas souffrira d’une bonne myopie à un très jeune âge. 

À son nouveau centre, Nicolas a continué d’être sevré du phénobarbital. Par contre, à son deuxième vendredi au centre, alors que j’allais le visiter, il s’est mis à refaire des convulsions avec arrêts respiratoires. Ça faisait un bon moment qu’il n’en avait pas fait. Je ne sais pas si c’est l’habitude qui se perd, mais je trouvais que ses apnées étaient plus sévères qu’avant, plus douloureuses et qu’il avait plus de difficulté à retrouver son souffle. Les infirmières là-bas étaient un peu paniquées  et ne savait pas trop quoi faire. Finalement, ils ont arrêtés le sevrage du phénobarbital et augmenter sa dose de Topamax. Depuis, il est stable. Au moins, nous avons l’impression que son sevrage lui permet d’être plus éveillé. 

Nous espérions que ses épisodes d’éveil prolongés l’aideraient à évoluer plus vite. Il reçoit la visite d’une pédiatre 1 fois par 6 semaines et d’une physiothérapeute 1 fois par semaine. Elles lui font faire des exercices pour tenter d’améliorer son hypotonie, sa poursuite du regard, bref, tout ce qu’un bébé devrait faire. Pour maman et moi, nous ne trouvons pas qu’il progresse, mais les infirmières là-bas n’arrêtent pas de nous dire combien il n’est pas si en retard que ça. C’est peut-être parce qu’elles ont l’habitude de côtoyer des enfants avec handicaps lourds alors que de notre côté, nous avions seulement l’expérience d’une fille normale. 

Au début, ça nous a fait souffrir. Elles semaient le doute en nous. Ce doute qui nous poursuivra encore longtemps : ‘Et s’il était normal finalement’. Ce doute nous ronge et fait ressortir en nous la culpabilité d’avoir pris la décision d’opter pour l’adoption pour Nicolas. Cette culpabilité de ne pas être assez forts pour s’occuper de notre propre enfant, de ne pas être à la hauteur. Bien que beaucoup de gens autour de nous nous avouent qu’ils n’en seraient pas plus capables, il reste que c’est nous qui devons vivre avec ce doute et la douleur de cette décision. Et on ne compte même pas la douleur qu’on peut causer aux autres qui subiront aussi les conséquences de notre choix. Nous ne serons pas les seuls impactés, il y aura Anabelle, les grands-parents, les cousins-cousines, les oncles et les tantes, les arrière-grands-parents. Quand Nicolas sortira de notre vie, c’est de la vie de tous ces gens qu’il sortira. Ça causera de la peine et de la tristesse et ce sera en quelque sorte de notre faute. Il faut apprendre à vivre avec ça. 

Il reste que lorsque nous voyons Nicolas, nous ne voyons pas de progrès. Il a maintenant presque 5 mois, il ne tient pas complètement sa tête seul, suit très faiblement du regard, sinon pas du tout. Il ne démontre presque pas  d’intérêt pour ses jouets ou même les gens autour de lui. C’est comme s’il était enfermé dans son propre monde. Il babille beaucoup et sa préhension est meilleure. Je ne suis pas certain qu’il sourit, il semble faire un début de sourire, mais maman et les infirmières m’affirment qu’il fait de beau sourires de temps en temps. Ses périodes d’éveils prolongées viennent aussi avec plus de pleurs, il semble également faire des coliques. Cela a pour conséquence que pour le peu de temps de que nous le voyons, il passe plus de temps à pleurer qu’auparavant.  

Nous avons eu de nouvelles de l’association Emmanuel. La famille est trouvée et en processus d’accréditation. Ils sont très impatients de voir Nicolas. Nous n’avons pas beaucoup d’information sur eux, mais nous savons qu’ils ont des enfants dont au moins un handicapé.  Ça nous a donner un choc d’apprendre ça. Une famille qui a la force d’adopter deux enfants handicapés alors que nous sommes incapables de nous en occuper d’un, a fortiori, le nôtre. Mais nous nous résonnons en nous disant qu’au moins, ils savent dans quoi ils s’embraquent. Nous croyons qu’après tout ce qu’il a vécu, Nicolas mérite d’être avec des parents qui sont prêts et qui veulent s’en occuper. Nous espérons de tout cœur qu’ils soient accrédités et nous  sommes très reconnaissants que des parents  comme eux, puissent exister.
 
Maman a recommencé à travailler. Elle est en contact avec le publique alors on lui parle souvent de sa précédente grossesse et elle est obligée de raconter cette histoire ou une version très abrégées régulièrement. C’est pénible, mais elle reçoit de temps en  temps des témoignages qui supportent sa décision. Retourner au travail, s’occuper l’esprit lui fait  du bien.  Elle sait que ce ne sera pas toujours  facile et que par moment, elle  ressentira la tristesse du deuil surtout lorsqu’il sera dans sa famille définitive. Travailler est une façon de mettre son focus sur le futur sans son fils et reprendre sa vie en mains. Travailler est en quelque sorte la manière de ne pas laisser cette dure épreuve la submerger et  prendre toute la place dans  sa vie. 

Nous pansons nos plaies. Nous tentons de continuer à vivre. Nous appréhendons la douleur (la nôtre comme celle des autres) qui surviendra lorsque l’adoption sera amorcée. Nous espérons autant pour nous que pour Nicolas que ce sera plus tôt que tard. Il est temps que tout le monde tourne la page de ce triste épisode.

dimanche 2 juin 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXIV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 24 : Une Nouvelle Famille pour Nicolas

Jeudi 30 mai

Nicolas avait un rendez-vous au Children aujourd’hui en audiologie. Une longue journée que maman a passé à être envoyée d’un bord et de l’autre de l’hôpital. Heureusement, une amie merveilleuse est venue lui tenir compagnie. Les résultats sont encourageants. Il semblerait qu’il accumule un peu de liquide dans les oreilles, mais pas tant que ça. Il semble aussi avoir quelques difficultés avec les sons graves, mais le résultat sommaire, il entend. Il reste à se demander maintenant pourquoi il ne réagit pas automatiquement quand on lui chante des chansons ou qu’on lui parle. Il fut examiné par un ORL aussi, elle remarque aussitôt, les oreilles et la bouche, la différence avec la normalité.

La grosse nouvelle nous est venue par la suite. L’Association Emmanuel nous apprend qu’elle a trouvé une famille potentielle d’adoption pour Nicolas. Elle ne peut pas vraiment nous donner de détails, mais c’est une famille qui n’est pas encore accréditée par la DPJ et elle ne sait pas combien de temps le processus peut prendre. De plus, elle nous demande de réfléchir à comment nous entrevoyons le moment de laisser partir Nicolas. Pour nous, ça toujours été clair. Nous tenons fortement à donner le bébé en mains propres à la famille adoptive. Une forme symbolique de passation des pouvoirs. Une façon d’affirmer une continuité dans la vie de Nicolas. Une occasion de voir un peu la famille adoptive, de se faire une image de ce que sera sa vie plus tard. Nous ne voulons pas laisser Nicolas seul un soir dans son lit sachant que nous ne le reverrons plus jamais, ça serait pour nous comme un abandon.

La madame de l’association nous prévient que dans son processus de trouver une famille, elle s’est concentrée sur le bien-être présent et futur de Nicolas et elle nous prévient que la famille trouvée ne correspond probablement pas à la famille idéale que nous imaginions. Lire ici que l’adoption somme toute ouverte est plutôt litigieuse. En effet, elle nous confirme que le couple ne serait pas très à l’aise que nous allions porter Nicolas dans leur maison. Ça nous est un peu égal, nous ne tenons pas à savoir leur adresse ou leurs noms mais le remettre en mains propre est important pour nous. Nous voulons aussi dire de vive voix merci à cette famille d’être forte là où nous sommes plus faibles. Merci de s’occuper de notre Nicolas chéri. Tout cela reste encore à être déterminé et discuté.

Cette nouvelle contrairement à celle du centre d’accueil nous cause moins de d’émotions vives. Peut-être la précédente nous préparait pour celle-ci. Peut-être aussi parce que pour nous, l’adoption est ce qui faisait le plus de sens et ce qui est le mieux pour lui.
Dans tous les cas, nous approchons de la fin, ou du début d’un temps nouveau.

samedi 1 juin 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 23 : Une Nouvelle Maison pour Nicolas

Lundi 27 mai – Mercredi 29 mai

Comme si quelqu’un avait finalement entendu nos prières. Lundi maman apprend de la travailleuse sociale que le CMR (Centre Montérégie de Réadaptation) accepte de prendre en charge Nicolas. Il aura donc une famille d’accueil. Maman se sent soulagée. Elle et la travailleuse sociale rient et sont de bonne humeur. Les infirmières se demandent ce qui ce passe. Mais en même temps, maman se sent mal-à-l’aise de se sentir soulagée. Cette nouvelle annonce le début d’une nouvelle étape. Nous pourrons commencer tranquillement à retrouver une vie normale. Mais d’un autre côté, elle ressent aussi un vide, une tristesse de bientôt dire au-revoir à un être si fragile, qui n’a jamais demandé à être dans l’état qu’il est. Un être qu’elle a bercé, cajolé, aimé et dont elle doit se séparer.

Maman m’appelle au travail pour m’annoncer la nouvelle. Pour ma part, je suis aussi un peu soulagé, mais mon premier réflexe est de ressentir un petit vide qui se creuse dans mon cœur. Pourtant, je ne le vois pas aussi souvent que maman. C’est peut-être justement une sorte de culpabilité de ne pas l’avoir assez vu, de ne pas m’en avoir assez occupé. Mais je sais aussi que j’aurais eu beaucoup de misère à en faire vraiment plus. Je commence tranquillement à voir le bon côté des choses, les semaines et fins de semaine moins chargées, la possibilité de prendre un peu plus de temps pour nous et l’opportunité de commencer à se détacher tranquillement en vue de l’adoption.

Le lendemain, nous avons un peu plus de détails. Ce n’est pas une famille d’accueil en tant que tel qui recevra Nicolas. C’est un centre à Longueuil qui se nomme Maison Desjardins. Affiliée au CMR, ce centre prend en charge 5-6 enfants seulement qui présentent de lourds handicaps physiques et par le fait même, plus souvent qu’autrement, un handicap mental. Nous prenons un rendez-vous pour le lendemain afin d’aller visiter ce centre.

Le soir même, nous recevons un message de l’Association Emmanuel qui nous dit que le dossier avance. Nous nous questionnons à savoir ce que veut dire ‘avance’, mais nous ne creusons pas le sujet.

Comble de malchance, nous apprenons aussi que le mari de la gardienne d’Anabelle doit aller d’urgence à l’hôpital et donc la garderie sera vraisemblablement fermée le lendemain matin. Nous devons trouver un plan B pour Anabelle. Mamie ne peut pas garder. Un plan C alors? Malheureusement, nous n’en trouvons pas. Nous nous résignons à amener notre fille avec nous à la maison Desjardins en nous questionnant à savoir si c’est vraiment une bonne idée.

Le lendemain, c’est moi qui vais m’occuper de Nicolas le matin. En arrivant, il boit un biberon. Il est réveillé. C’est plutôt rare que je le vois de la sorte. Je continue à lui donner son boire et il fait quelque chose qu’il n’a jamais fait jusqu’à présent. Il tient mon petit doigt dans sa main et serre. Ça me rappelle des souvenirs d’Anabelle. Elle faisait souvent cela. Par la suite, je joue un peu avec lui. Je trouve que sa préhension s’est améliorée, mais il n’est toujours pas intéressé par ce que je lui dis ou parce que je lui montre. Il finit par s’endormir et moi je l’imite.

En après-midi, nous nous rendons à la maison Desjardins. Les responsables sont d’une gentillesse exemplaire. Elles prennent le temps de nous écouter et de nous expliquer le fonctionnement de la maison et de nous faire visiter. Nous voyons la future grande chambre de Nicolas et son futur lit temporaire. Nous voyons qu’ils ont une grande terrasse, une belle balançoire et une piscine creusée. Un endroit idéal pour passer de beaux moments à l’extérieur. Le fonctionnement est assez simple. Il y a toujours une infirmière sur place et il y a toujours quelqu’un pour s’occuper des enfants. Plusieurs spécialistes comme des pédiatres, des ergothérapeutes et même des éducateurs scolaires sont présents à leur tour pour stimuler le plus possible les enfants selon leur plan d’intervention indiviudalisé. Je crois que Nicolas y sera bien et beaucoup plus stimulé. Je n’ai rien à enlever aux infirmières de l’hôpital, elles s’en occupent de façon extraordinaire, mais je crois sincèrement qu’il est temps que Nicolas voit autre chose que quatre murs d’hôpital.

Pendant la visite, Anabelle me demande : ‘Est-ce que c’est la nouvelle famille de mon petit frère?’ Ça me surprend toujours de voir à quel point elle absorbe tout ce qui se passe et qu’elle comprend, à sa manière, tout ce qui se passe à propos de Nicolas. Ça me fend le cœur de voir à quel point elle se soucis de lui et à quelle point elle a de l’empathie pour les autres. Un enfant du centre pleurait et elle voulait savoir pourquoi. Elle est allée le voir et lui a fait un câlin. Mon cœur pleurait de voir à quel point elle aurait été géniale avec son petit frère.

C’était le côté positif du centre. Le côté moins rose, ce sont les enfants qui y vivent. Ce sont clairement des enfants très hypothéqués par la vie. La plupart d’entre eux ont une stomie gastrique pour être gavé, car ils ne mangent pas par la bouche. Ils sont tous en chaise roulante. Ils n’ont pas l’air malheureux du tout. Ce fut un choc pour maman. Nicolas avait l’habitude d’être le cas le plus lourd de son environnement. Il deviendra là-bas en fait le cas le plus léger côté soins. Ça nous laisse imaginer ce que Nicolas peut devenir. La probabilité existe. De mon côté ça me frappe un peu moins, je suis comme convaincu que Nicolas n’est pas comme ça. Qu’il est juste là de façon temporaire le temps de trouver une famille d’adoption. Mais je fais du déni. Avec tout ce qu’il a vécu jusqu’à présent, les chances qu’il soit un cas lourd sont très bonnes.

Ils ont très hâte de l’accueillir là-bas. Ils n’ont pas souvent l’occasion de s’occuper d’un aussi petit bébé. Nicolas produit cet effet. Tout le monde veut s’en occuper. C’est un bébé après-tout.
 
De retour à la maison, maman a beaucoup pleuré. Un ressac d’émotions. Le choc de réaliser pour vrai ce que Nicolas peut devenir. L’anxiété de quitter un lieu qui nous est maintenant familier pour s’adapter à un autre. Ce soir-là, nous parlons beaucoup maman et moi. Nous questionnons nos motivations, le bien fondé de nos décisions. Est-ce qu’on veut toujours aller dans cette direction. Nous convenons que l’adoption reste pour nous encore la meilleure solution. Avoir une famille, un père et une mère pour qui il serait la prunelle de leurs yeux, voilà ce que ça prend pour Nicolas. Il ne doit pas être un parmi tant d’autre comme lui, mais il doit trouver sa place comme l’être spécial qu’il est.  S’il peut avoir cette chance, on se doit de la lui donner.  

mardi 28 mai 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XXII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 22 : Des Progrès pour Nicolas

Lundi 13 mai – Dimanche 26 mai

Nicolas a un rendez-vous chez le neurologue au Children le 15 mai. C’est la première fois que maman et moi amenons Nicolas pour une ‘ballade’ tout seul en voiture comme si tout était normal. Nous espérons cette fois-ci avoir des réponses à nos questions. Je m’installe à l’arrière avec Nicolas pendant que maman conduit afin de m’en occuper s’il a besoin de quoique ce soit. Mais Nicolas dors profondément, comme à son habitude.

À notre arrivée, nous voyons l’infirmière des soins palliatifs qui nous attend. Elle participera au rendez-vous avec nous. Elle prend des nouvelles de Nicolas. Nous lui confions nos impressions. C’est presque comme si nous n’étions jamais partis.

Par la suite, nous rencontrons une nouvelle neurologue. Elle est très sympathique. Elle nous dit que c’est elle qui suivra Nicolas dorénavant. Elle nous résume un peu le cas de Nicolas et nous lui posons toutes les questions qui nous trottent dans la tête. Tout d’abord, son fameux EEG qui était ‘normal’ à son départ pour Pierre-Boucher. Elle nous confirme qu’en effet, il n’y avait plus de signe de convulsions dans son EEG. Par ailleurs son activité cérébrale de base s’est beaucoup améliorée. Il est encore un peu lent, mais par rapport à ses premiers EEG, c’est une bonne amélioration. Maman et moi nous nous regardons. Ça veut dire quoi tout ça? Mais nous savons aussi que sa condition première est son anomalie génétique et que les convulsions et les EEG anormales ne sont que des conditions aggravantes. J’essaye encore une fois de demander à la neurologue quels sont les pronostics, mais elle ne peut nous donne de réponses précises. Elle entrevoit déjà un retard moteur certain. Pour ce qui est du reste, elle ne peut pas s’avancer. Elle nous montre son IRM et on voit la partie floue dont on nous parlait, sa possible polymicrogyrie. Elle nous dit que ça pourrait être ce qui cause ses convulsions mais que ça ne pouvait être rien ou bien ça pourrait partir avec la maturation du cerveau. On ne pourra en avoir le cœur net uniquement après 3 ans, alors que le cerveau commence à être assez mature pour que l’on puisse vraiment déterminer l’état de son cerveau.

Côté médicament, elle trouve qu’il en a beaucoup trop. Elle nous explique que différents neurologues ont différentes approches. De son côté, elle préfère que les enfants aient le moins de médicaments possible. Selon elle, si les enfants sont sous phénobarbital comme Nicolas, il est préférable de le sevrer avant 3 mois, car ça endort énormément. Lorsqu’un enfant dort trop cela compromet son développement car il est peu stimulé. Nous reconnaissons-là vraiment l’état de Nicolas et ça rejoint exactement ce que nous pensons. Nous convenons d’un plan pour tenter de diminuer tranquillement le phénobarbital de la semaine suivante.

Nous ressortons de ce rendez-vous avec l’impression que finalement, son état n’est peut-être pas aussi critique que nous le croyons, enfin du côté neurologique. La probabilité de retard moteur et mental reste quand même extrêmement élevée par la nature de son anomalie génétique.

Le lendemain, maman relate la rencontre avec la neurologue au pédiatre et cette dernière  décide de tout de suite rajuster à la baisse sa dose de phénobarbital. Elle venait très récemment de la rajuster à la hausse à cause de la prise de poids de Nicolas.  Notre fils a bien réagit jusqu’à maintenant. Il n’a pas fait de convulsions et ses doses sont diminuées de 0.5 ml par semaine. Il en a pour au moins un mois avant le sevrage complet.

Pendant ce temps, la pédiatre demande une radiographie des poumons de Nicolas, car elle trouve qu’il respire un peu vite pour son âge. Ça pourrait être le signe qu’il s’est aspiré. Il pourrait donc y avoir des gouttelettes de lait dans ses poumons. Si c’est le cas, on devra épaissir encore plus le lait ou bien recommencer le gavage régulier afin d’éviter que cela se reproduise et amène à une pneumonie. Le lendemain, la pédiatre revient avec les résultats : tout est beau concernant ses poumons. Nous poussons un soupir de soulagement.  

Par ailleurs, la DPJ et le CMR se renvoient toujours la balle pour savoir qui des deux va vouloir s’occuper de Nicolas. Après une ouverture de la DPJ pour ne pas faire de signalement pour abandon et remettre le dossier dans les mains du CMR, celle-ci en est encore à se demander s’il est un bon candidat pour eux.

Dans tout cela, nous désespérons. Il devient de plus en plus difficile de se retrouver en famille ou même comme couple. Nos fins de semaine sont partagées entre Anabelle et Nicolas. Nous trouvons que la situation traine en longueur. Maman trouve de plus en plus pénible d’aller tous les jours de la semaine à l’hôpital et voir que la situation n’avance guère. Elle a l’impression que sa vie est sur le mode ‘’attente’’ depuis plus d’un mois et demi. Étant donné que nous n’avons pas de nouvelles sur une date possible de placement pour notre fils, on dirait que nous faisons du sur-place, ne pouvant rien planifier dans le futur .Ça joue sur le moral. Maman entrevoit déjà son retour potentiel au travail. Pour elle, de se fixer une date de retour lui permet de visualiser un peu plus ce qui l’attend. Elle me demande si j’accepterais de la remplacer à l’hôpital si rien ne change dans un mois. Je lui dis que oui, mais que je ne serais surement pas capable de faire aussi longtemps qu’elle.

 Bref, il est temps que ça avance.

dimanche 21 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XIX)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 19 : Le Jour de la Marmotte

Lundi 14 Avril – Vendredi 18 avril

Nicolas s’habitue tranquillement à son nouveau chez-soi à Pierre Boucher. Peu de temps après son transfert, il fut pas mal agité, mais il s’est calmé maintenant. Il doit s’adapter à un nouvel environnement, à de nouvelles infirmières. Nous aussi comme parents nous devons nous ajuster. Nous avions nos habitudes, nos aises au Children’s.

Je reçois un appel de maman très tôt en avant-midi, alors que je suis au travail. La tristesse transpire dans sa voix. Nicolas a recommencé à convulser alors qu’elle le tient dans ses bras. Maman ne sait que faire. Les infirmières ne sont pas aussi présentes qu’au Children’s. Même quand la machine de saturation de Nicolas sonne, elles ne viennent pas automatiquement voir ce qui se passe. Maman reste seule avec Nicolas qui devient bleu, seule avec son angoisse de le voir respirer à nouveau.

Je quitte alors le travail pour aller rejoindre maman. Lorsque j’arrive, Nicolas continue de faire ses convulsions avec apnées. Nous ne pouvons qu’assister à tout cela en attendant que le pédiatre vienne nous voir. Lorsqu’il arrive, nous  voyons bien que la situation le sort de sa zone de confort. Ce n’est pas tous les jours qu’ils ont un bébé qui convulse ainsi dans leur unité. Il tente de nous expliquer bien des choses, mais nous comprenons surtout qu’il ne sait absolument pas quoi faire. C’est à ce moment que nous ressentons un profond regret de ne plus être entourés de l’expertise de l’hôpital pour enfants.

Le pédiatre va consulter les notes dans le dossier de Nicolas et décide de suivre les directives laissées par les neurologues. Nicolas aura alors besoin d’un quatrième anticonvulsivant, le Frisium. Il lui donne pour le moment un autre médicament qui devrait agir rapidement pour contrôler ses convulsions à court terme avant de pouvoir introduire dans son ‘régime’ le Frisium.

Encore une fois, alors que nous envisagions pour Nicolas une fin plutôt heureuse, le spectre de la mort revient nous hanter. Est-ce finalement le début de la fin? Nous y croyons moins que la dernière fois. Nous sommes déjà passés par là. Mais la douleur reste vive. Nous le voyons lutter à chaque convulsion pour reprendre son souffle. Nous lisons dans son visage l’épuisement qui l’habite. Tout ça lui demande une énergie inimaginable et nous ne pouvons que le regarder, le bercer et le stimuler pour qu’il respire.

Tranquillement, après environ 3 heures de convulsions en boucle, les médicaments font effet et les crises s’espacent. Lorsque je m’aperçois que la situation se stabilise, et pour Nicolas et pour maman, je repars au travail.

Toute la semaine nous avons des conversations avec la travailleuse sociale qui tente de nous trouver des informations sur les familles d’accueil et le processus d’adoption. Pour l’adoption, les gens du centre jeune de la Montérégie semble bien ouverts à venir nous rencontrer. D’ailleurs un rendez-vous nous est donné pour le lundi suivant, 22 avril. Nous apprenons par le fait même que l’Association Emmanuel a eu, l’année dernière, 6 cas du même genre que Nicolas (multi-handicapé) et qu’elle a réussi à tous les placer avec un famille adoptive.

Pour ce qui est de la famille d’accueil, tout semble vraiment, mais vraiment compliqué, et surtout extrêmement bureaucratique. La travailleuse sociale nous apprend d’abord que le CRDI (centre de réadaptation en déficience intellectuelle) ne reconnaît pas un handicap intellectuel avant que l’enfant n’ait entre 5 et 7 ans. Avant cela, l’enfant est considéré comme en retard de développement global. Par le fait même, ils ne peuvent considérer la candidature d’un enfant comme Nicolas pour une famille d’accueil tant qu’aucun diagnostic de déficience ne soit posé. Tout ce qu’ils peuvent offrir ce sont des soins de réadaptation à la maison.

La solution suivante serait de faire nous-même un signalement à la DPJ pour abandon d’enfant. Nicolas entrerait alors dans le fameux ‘système’ de la DPJ et pourrait avoir droit à une famille d’accueil. Nous trouvons l’idée totalement absurde. Déjà que ce n’est pas de gaité de cœur que nous essayons de trouver une autre famille pour Nicolas, nous nous voyons encore moins nous dénoncer à la DPJ et avoir ‘un dossier’ avec eux avec la mention d’abandon!

La travailleuse sociale nous parle aussi de placement volontaire, mais elle se rend compte un peu plus tard que c’est surtout pour les parents qui veulent placer leur enfant de façon temporaire, le temps de régler un problème ou une situation difficile. Donc, encore une solution qui ne s’applique plus à nous.

Après toutes ces informations, il nous apparaît encore plus clair que l’adoption semble la seule voie à considérer, autre que le ramener avec nous à la maison. Nous verrons bien lundi prochain ce qui ressort de cette réunion avec le centre jeunesse. Nous prenons aussi un rendez-vous avec un psychologue près de notre maison, car nous sentons que nous avons besoin de support en ce moment crucial de notre prise de décision et surtout en envisageant toutes les émotions qui nous envahiront lorsque cette décision sera prise pour de bon. Et on ne parle même pas de comment nous devrons faire vivre cela à Anabelle. Nous lui en parlons quelques fois, mais elle ne comprend pas trop. C’est difficile pour nous de la voir parler de ‘son petit frère’, comme s’il était présent ou comme s’il allait être présent un jour.

Il est temps que tout cela aboutisse. Ça nous épuise. Maman est fatiguée de tirer son lait 6 fois par jour devant sa machine. Elle est fatiguée de passer ses journées à l’hôpital, souvent seule avec ses tristes pensées. Ça devient de plus en plus difficile et déprimant.

Heureusement, quelques amies/collègues viennent lui rendre visite  à l’hôpital et cela l’aide beaucoup à aller de l’avant car elle sent le support de tous. Elle sent également que ces personnes ne la jugent pas. Ce sont dans des moments comme ceux-là que nous nous rendons compte de l’importance d’être bien entouré d’amis véritables.

 Nicolas fait des progrès. Il semble commencer à suivre un peu plus des yeux, il fait quelques progrès avec le biberon, il émet des babillages de bébé. Tout pour nous faire douter de sa condition. Et s’il était normal finalement ? Nous devons toujours chercher à nous convaincre et à nous raisonner que ce n’est pas le cas ; qu’il a bel et bien une trisomie 18 partielle, une délétion 18q21 et que ce n’est qu’un espoir fou qui nous berce d’illusions. Chaque jour, nous nous attachons un peu plus à lui sachant très bien que nous devrons nous en éloigner par la suite. Et nous réalisons que c’est difficile, car nous l’aimons notre petit Nicolas. Et c’est par amour que nous devons prendre la décision la plus difficile de notre vie.

dimanche 14 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XVIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 18 : Entre la Tête et le Coeur
Samedi 6 Avril – Vendredi 12 avril


Le samedi, nous n’allons pas à l’hôpital. Mamie donne encore généreusement de son temps. Ça nous permet de respirer un peu et de passer un peu de temps en famille.

Le dimanche, je vais pour la première fois seul à l’hôpital pendant que maman fait les magasins avec Anabelle. Nicolas a passé une bonne nuit. Il est toujours stable. La journée se passe bien, c’est un peu long tout seul, je comprends encore plus maman qui doit le faire plusieurs fois par semaine.

Je tente de donner le biberon à Nicolas. Maman et mamie ont bien réussi à lui faire prendre une bonne quantité. Moi, ça ne marche pas. Même s’il est réveillé, même en le stimulant, je n’arrive pas à lui faire prendre plus de 3 ml. Je retente le coup au biberon de 15 heures, 2 ml. Malgré que je sois conscient de son handicap, de sa difficulté à boire, à coordonner succion et sa déglutition, j’enrage. J’ai envie de le secouer, de lui crier de boire plus. Je renonce et je le remets dans son lit. Je quitte l’hôpital. J’ai encore cette rage au fond de moi dont j’ignore la source et je me dis que pour son bien, je ne dois pas avoir à m’en occuper. Il n’a surtout pas besoin d’un père qui pour une raison inconnue s’embrase à la moindre niaiserie.

Le mardi, nous rencontrons encore une fois l’équipe médicale qui nous confirme que Nicolas est stable et qu’il est très probable qu’il puisse sortir des soins intensifs dans très peu de temps. Nous changeons alors de champs de bataille. Avant, c’était la vie contre la mort. Maintenant, c’est une bataille entre la tête et le cœur. Le cœur qui dit que c’est notre enfant, c’est notre rôle de le protéger et d’en prendre soin. La tête qui dit que nous ne serons pas capables de nous en occuper, que son cas sera trop lourd pour notre famille et qu’il serait mieux dans une autre. Toute les avenues sont douloureuses, remplies de tristesse et de culpabilité.  Et il faut surtout faire attention de choisir la moins pire des options(pour nous, il n’y en a pas de bonne), mais surtout de le faire en commun accord au sein du couple, car cette décision pourrait bien être la pire de notre vie si on la regrette ou si on en veut à l’autre.

J’ai déjà l’impression que maman et moi nous ne suivons pas nécessairement le même chemin.  Son cheminement semble se faire plus rapidement. Elle accepte plus que moi l’idée de l’adoption, que notre fils soit confié à une famille qui l’acceptera et l’aimera pour ce qu’il est. De mon côté, je suis plus hésitant à couper le cordon au complet, même si ma tête me dit que c’est fort probablement la meilleure solution.

Nicolas passe un autre test auditif. Cette fois-ci, le test s’avère positif pour les deux oreilles. Il semble maintenant bien entendre. C’est une bonne nouvelle. Maman réussit à lui donner plus de lait avec le biberon, il fait de bon progrès.

Jeudi maman apprend que Nicolas sera transféré à l’hôpital Pierre-Boucher, lieu de sa naissance. Toute l’équipe vient lui présenter leur au revoir. C’est bizarre, mais nous ressentons une certaine tristesse de devoir quitter cet environnement et toute cette équipe qui nous a pris sous leur aile. Ils nous ont écoutés et suivis dans notre cheminement durant les 6 dernières semaines.

Par la même occasion, maman reçoit les résultats du dernier EEG de Nicolas. Il est normal. Maman est surprise et tente de demander s’il est normal sans convulsion ou normal comme un enfant sans handicap mental. La résidente dit que c’est ce qu’indique le rapport du neurologue, mais n’en sait pas plus. L’infirmière de soutien aux familles qui est auprès de maman lui confirme que non, Nicolas n’est pas normal et ne le sera jamais et qu’il ne faut pas se faire d’espoir. Elle  lui dit que les signes sont bien présents depuis le début.  Même après tout ce qu’on a vécu, tout ce que nous avons traversé, nous gardons toujours au plus profond de nous cet espoir fou qu’il pourrait finalement être normal. Mais Nicolas est Nicolas, ni plus, ni moins.

Le vendredi, notre fils est transféré aux soins intermédiaires à l’hôpital Pierre Boucher. Les images en flashback de la naissance, du constat par le médecin de ses nombreuses anomalies physiques et de l’effondrement de nos rêves resurgissent lorsque nous entrons dans l’hôpital. 46 jours après sa naissance, il retourne là où tout a commencé et là où se déroulera vraisemblablement le dernier acte de cette tragédie.

lundi 8 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XVII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 17 : Le Temps

Lundi 1er Avril – Vendredi 5 avril

Le matin du premier avril, pour la première fois, nous assistons à sa première prise de médicament de la journée. Quand nous voyons l’infirmière arriver avec sa poignée de seringues et les injecter en rafale à Nicolas, nous en restons abasourdis. Nous savions qu’il en prenait beaucoup, mais en le voyant, on se rend compte à quel point ce petit être est dans une situation insoutenable. Ça commence presque à ressembler à de l’acharnement thérapeutique. Au moins, Nicolas est stable pour le moment, ils servent  donc à quelque chose.

Avant de repartir, nous rencontrons le médecin de Nicolas qui nous explique encore une fois la situation. Selon lui, Nicolas semble nous montrer dans quelle direction il s’en va. Ça nous confirme ce que nous pensions déjà. Il nous demande si on doit aider notre fils en donnant de l’air lors d’éventuelles convulsions, le temps qu’il se stabilise à nouveau. Dans l’optique où sa condition se détériore, ça ne ferait qu’éterniser l’agonie.

Nous le quittons alors pour aller rejoindre mamie, papi, mon frère et Anabelle, car nous passons ce lundi de Pâques au Biodôme et à l’Insectarium. C’est supposément pour nous changer les idées, mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Mardi, c’est le retour à la routine. Moi au travail et maman à l’hôpital. Rien de nouveau ne se passe. Nicolas est toujours stable. Même chose pour mercredi. Nous commençons à nous demander si Nicolas est vraiment embarqué dans une spirale dégradante ou bien s'il est maintenant vraiment stable. Il respire bien tout seul et il ne désature plus avec son troisième anticonvulsivant.

Jeudi, je retourne à l’hôpital pour prendre mes prises de sang et pour passer la journée avec maman et Nicolas. Ce dernier passe un test de radiofluoroscopie ou quelque chose du genre. Bref, ça permet de voir en direct le passage du lait dans la gorge. L’ergothérapeute veut s’assurer qu’il n’y a pas de liquide qui passe tout droit dans ses voies respiratoires sans qu'il ne réagisse. Nicolas nous fait une grosse désaturation dès les premières gorgées, mais il se ressaisit tout seul. Par la suite, le test confirme que le lait liquide dévie en petites quantités dans ses voies respiratoires et qu’il serait donc imprudent de lui donner du lait ordinaire. Par contre, si le lait est plus épais, il ne semble pas y avoir de problèmes. Nous pourrons donc recommencer à donner le biberon à Nicolas en petites quantités à partir du lendemain.

Nous tentons aussi de parler à l’infirmière de soutien aux familles, car nous avons vraiment beaucoup de questions. Autant lundi et mardi nous commencions à nous demander quel genre de funérailles nous devrions faire pour lui, autant aujourd’hui, cette réalité nous semble vraiment lointaine. Nous ne savons vraiment plus sur quel pied danser et c’est cette incertitude qui nous tue. C’est comme si à chaque semaine, nous faisions un pas en avant et un pas en arrière. Toute cette situation stagne. Rien ne progresse. Nous sommes toujours dans l’attente.

Le vendredi, maman tente de donner le biberon de lait épaissis à Nicolas, sans grand succès. Il en prend quelque peu, mais on dirait que le lait est trop épais pour sortir de la tétine. Nicolas refait aussi son test audiologique. Cette fois-ci le résultat semble démontrer qu’il n’entend pas des deux oreilles. L’infirmière nous dit que ça pourrait seulement être un bouchon ou un peu de liquide qui obstrue les canaux. Le test sera donc à refaire une autre journée, mais il devra fort probablement être suivi par un audiologiste. (Quelle surprise!)

On nous annonce maintenant ce genre de nouvelles et nous le recevons sans réelle réaction émotive. C’est l’effet du temps qui passe, ce temps qui banalise ce qui était auparavant inconcevable. Depuis le début on nous répète (et on se répète nous-même) de laisser le temps faire les choses. Il nous aidera à y voir plus clair, à accepter la situation, à cheminer. Tout ça est vrai. Nous sommes plus en mesure de relativiser la situation. Notre cheminement s’est fait petit à petit, nos pensées sont plus rationnelles et un peu moins émotives. Nous nous connaissons plus, nous connaissons davantage Nicolas. Mais le temps a aussi un effet pernicieux. Il laisse languir les choses et il peut se permettre d’attendre la moindre faiblesse pour éroder même la plus solide des fondations, pour effriter la base de nos certitudes, pour immiscer un doute. Le temps peut aussi avoir raison de nous, de notre entourage et du lien qui nous unit. Il faut alors redoubler d’ardeur avec une énergie qui nous manque cruellement pour s’assurer de pallier ces faiblesses, en espérant que les dommages ne soient pas trop graves et irréversibles.

mardi 2 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XVI)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 16 : Nicolas répond… à sa façon.
Dimanche 31 mars – Lundi 1er Avril

Le dimanche de Pâques, Nicolas a passé une journée calme et stable dans les bras de papi et mamie. Maman et moi  profitions de ce dimanche de Pâques pour faire la chasse au coco à la maison, manger du chocolat et participer au traditionnel brunch de Pâques dans la famille à maman.

Vers minuit et demi cette nuit-là, le téléphone nous réveille. Maman ne veut pas aller répondre, sachant très bien qui appelle. Je réponds donc en retenant mon souffle. Nicolas a recommencé à faire des convulsions. Ils lui ont donné une grosse dose de phénobarbital pour tenter de contrôler les convulsions. C’est le résident qui est au bout de la ligne. Il me dit qu’il nous reparlerait le lendemain matin et que selon lui, il n’y avait pas vraiment d’urgence. Je lui réponds par saccade, avec ma voix tremblotante. Je n’ose pas regarder maman dans les yeux.

Je raccroche le téléphone et raconte à maman ce que le résident m’a dit. Nous pleurons. En quelque sorte, Nicolas semble nous donner une réponse quant à la direction qu’il voulait prendre. Nous ne savons que faire. Devons-nous réveiller mamie pour venir surveiller Anabelle pendant que nous nous rendons au chevet de Nicolas? D’un autre côté, je suis plutôt convaincu que nous pouvons attendre encore quelques heures et que sa situation sera stable d’ici là. Nicolas a l’habitude de bien répondre aux médicaments dans les premiers temps.

Finalement, nous prenons la décision d’y aller en se disant que s’il y a une chance que ce soit la dernière fois que nous voyons Nicolas vivant, nous devons être présents. Mamie n’est pas encore couchée. Elle s’en vient rapidement.

Nous faisons le chemin jusqu’à l’hôpital dans un silence de mort. Je ne crois pas que maman et moi nous nous sommes dit plus qu’une dizaine de mots. En arrivant, Nicolas semble somnolent. C’est normal, la dose de médicament donnée est très puissante. Ils lui ont remis une intraveineuse dans la tête pour lui injecter son médicament. Il nous fait encore quelques convulsions, mais elles s’espacent. Il se stabilise tranquillement. Nous le caressons. Nous le prenons, le berçons. Maman est triste en le berçant, elle ne veut pas laisser mourir ce petit être tout chaud au creux de ses bras, mais elle sait aussi que s’il part, ce sera le signe que son corps ne pouvait plus supporter sa maladie, ce serait donc une délivrance pour Nicolas.

Il est 3 heures du matin quand maman décide d’essayer d’aller dormir dans la salle de famille. Je prends la relève. Je le berce. Je tente de lui chanter une chanson, mais j’ai la voix qui casse sous l’émotion. Je verse des larmes. Je lui dis de s’accrocher s’il veut vivre et que nous trouverions une solution pour qu’il aille la meilleure vie possible. Je lui dis aussi que s’il est tanné, fatigué, qu’il peut aussi se laisser aller. Sa grand-maman l’attend là-haut les bras grands ouverts, j’en suis certain.

Nicolas passe la prochaine heure dans mes bras, sans convulser. Je le remets dans son lit et va rejoindre maman. Je suis épuisé. Je me couche sur le sofa en face de maman. Je finis par m’endormir.


lundi 1 avril 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 15 : Le Point de Non-Retour

Samedi 30 mars

En cette veille de Pâques, nous retournons à l’hôpital. Mamie accepte encore généreusement de garder Anabelle. Quelque fois je me dis que ça doit l’affecter d’une certaine façon de toujours se faire garder par tout le monde et de ne pas être souvent avec ses parents. Mais elle aime tellement ça voir des gens qui peuvent lui donner tout leur attention, cette attention qu’elle ne peut recevoir de nous dernièrement. Ça m’attriste. En plus de continuer à se demander si nous sommes de bons parents pour Nicolas, je suis à me demander si je suis un bon père pour Anabelle. J’imagine que cela fait partie des remises en question que l’on fait lorsque nous vivions ce genre d’événements.

Nicolas est toujours stable à 1 L/min d’air. Je lis dans le dossier de Nicolas et  qui par le fait même confirme ce que maman m’avait déjà dit, les médecins veulent diminuer son flot d’air ou l’enlever complètement après nous avoir consultés.

Le médecin primaire de Nicolas vient nous voir (il est de garde cette fin de semaine) et nous allons nous asseoir dans une salle de conférence tous ensemble. Nous avons plusieurs questions à lui poser sur les nouvelles informations génétiques que nous avons. Il nous confirme ce que nous savons déjà, c’est-à-dire les détails de l’anomalie chromosomique, mais il n’en sait pas plus et cet aspect  n’a pas l’air de l’intéresser tant que ça en ce moment. Pour lui, ce qui est surtout important, c’est comment Nicolas est aujourd’hui et ce qu’il a démontré depuis un mois et le potentiel de ce qui pourrait se produire dans les prochains jours.

Nous discutons aussi du dernier EEG que Nicolas a passé il y a 2 jours. Il nous confirme qu’il a toujours des convulsions électriques, c’est-à-dire des ondes épileptiformes, mais qu’il n’y avait pas de signes cliniques de convulsions comme des apnées. Pour lui, ceci est suffisant. Il nous avait souvent répété que le but n’était pas de les éliminer à 100% mais bien de les contrôler le plus possible. Pour l’instant, les convulsions sont contrôlées sous le seuil critique. Le reste de son activité cérébrale ne s’est cependant pas améliorée. C’est toujours le chaos dans sa tête.

Et c’est par la suite qu’il nous demande alors de faire un choix qui est très important pour la suite des choses. Maintenant que Nicolas est stable à 1L/min, la prochaine étape serait de lui enlever complètement son air. Ça serait l’étape logique pour tout autre bébé qui aurait un flot d’air. Nous sommes pas mal en accord avec ça et c’est exactement ce que nous avions mentionné une semaine auparavant. Nous voulons vraiment que Nicolas puisse au minimum respirer seul et être capable éventuellement de se nourrir par la bouche. Mais la nuance est celle-ci : si jamais Nicolas n’est pas capable de supporter son absence d’air dans le nez, qu’il se remet à faire des convulsions et des apnées, qu’est-ce qu’on fait? Est-ce qu’on retourne en arrière et lui remet son support mécanique à la respiration ou on le laisse aller en minimisant son inconfort?

Le médecin nous explique que si jamais il n’est pas capable de respirer et qu’il fait des apnées, ses poumons vont s’affaiblir avec le temps, jusqu’à n’être plus fonctionnels, par la suite c’est le cœur qui serait atteint et je vous laisse deviner la suite. Il pourrait aussi recommencer à faire des convulsions, dans quels cas ils vont ajuster sa médication pour traiter les convulsions, mais ça sera signe que son cerveau se détériore encore plus.

Donc en gros, soit Nicolas se montre capable de respirer seul ou bien il entrera dans une spirale dégradante qui le mènera tout droit vers un décès, plus tôt que tard. D’un autre côté, ce n’est pas parce qu’il montre qu’il est capable de respirer pour trois ou quatre jours que cela ne se compliquera pas dans plusieurs semaines. Tout va finalement dépendre de son cerveau. S’il se dégrade, c’est la fin. S’il se stabilise et est sous contrôle, il devrait passer au travers, du moins, pour un temps.

Nous hésitions beaucoup à le débrancher de son air quand il était à 4L/min, car nous avions l’impression que ça signait son arrêt de mort. Maintenant qu’il est à 1L/min, nous croyons qu’il n’en a plus de besoin. Le médecin lui-même ne s’attend pas à ce qu’il se passe quelque chose d’alarmant à court-terme, mais il devait nous spécifier les conséquences des choix que nous devons faire, car la possibilité reste là tout de même.

Depuis samedi après-midi, Nicolas n’a plus d’air dans les narines. S’il venait à faire des apnées, il aura un peu d’oxygène pour l’aider à retrouver une saturation normale, mais il n’aura plus de support mécanique. J’ai pu le prendre dans mes bras et l’amener faire un tour dans le corridor de l’hôpital pour la première fois depuis sa naissance (étant donné qu’il n’avait plus de canules dans le nez). J’apprécie  ce moment, c’est plaisant de se promener avec son bébé, comme s’il était en santé et que tout était normal.

Voilà. Ça passe ou ça casse. Nicolas a maintenant son sort entre ses mains. C’est à lui de décider dans quelle direction il veut aller. Mais je ne peux pas dire que nous en dormons plus aisément la nuit.


dimanche 31 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XIV)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 14 : Des Progrès, mais ça se complique

Samedi 23 mars – Vendredi 29 mars.

Le retard entre les chroniques et la réalité est maintenant comblé. Il y a aussi moins à dire, c’est la routine qui se réinstalle. Elle est bien différente d’avant et surtout pas comme on l’avait imaginée, mais la routine quand même. C’est pourquoi les chroniques seront plus espacées à partir de maintenant.
 
Le samedi, nous n’allons pas à l’hôpital. Anabelle a été malade la veille et nous ne savons pas si c’est une gastro ou pas. Il n’est pas question de contaminer Nicolas. Mamie a accepté généreusement de nous remplacer à son chevet. C’est la première fois que maman accepte de ne pas y aller, elle trouve cela moins difficile que s’il n’y avait personne pour bercer et prendre Nicolas.

Pendant la sieste d’Anabelle, nous parlons à une mère qui est passée par le processus d’adoption avec l’association Emmanuelle il y a environ 2 ans et demie. Son histoire ressemble beaucoup à la nôtre. Elle nous raconte comment ce fut un processus difficile (nous sentons encore l’émotion dans sa voix), mais qu’ils sont convaincus que ce fut la meilleure décision pour eux, comme pour leur fils. Elle le revoit de temps à autres et elle se rend compte à quel point le garçon est bien et comment les nouveaux parents sont heureux. 

En parlant à Mamie en après-midi, elle nous apprend que les infirmières ont enlevé ses électrodes qui enregistrent son rythme cardiaque. Son cœur n’a jamais montré signe de faiblesse, alors ça ne sert plus à rien de les garder. 

Lundi matin, je retourne au travail et maman doit aller toute seule à l’hôpital. Heureusement, beaucoup de gens vont venir lui tenir compagnie cette semaine. De mon côté, mon retour au travail se fait tranquillement. Je raconte plusieurs fois l’histoire, car la plupart des gens ne sont pas au courant de l’étendue de la situation. C’est plus facile de la raconter à ceux qui me félicitent et qui demande des nouvelles du bébé en même temps qu’à ceux qui se contentent des félicitations d’usage. À ses derniers je dois tout de même leur annoncer la nouvelle. J’ai l’impression de leur imposer mon malheur. Ça serait injuste de ma part de ne rien leur dire et les laisser penser que tout va bien. Les journées passent, la tête et le cœur n’est pas à l’ouvrage. J’attends toujours impatiemment l’heure du midi pour avoir des nouvelles de maman et de Nicolas. Mais encore là, la routine se réinstalle tranquillement. Les gens sont tout de même compréhensifs.

Pour Nicolas, il se passe peu de chose en ce lundi. L’étudiante n’est plus là et c’est beaucoup plus difficile pour maman d’obtenir des informations. Son état est stable depuis ses convulsions de vendredi.

Mardi, c’est l’anniversaire de 1 mois de Nicolas. Pas de chandelles, pas de cadeau, pas de joie. Maman est seule à l’hôpital. C’est plus difficile. L’éternel combat entre la tête et le cœur se poursuit. Nous savons que la meilleure décision pour Nicolas est de trouver des gens qui sont prêts à tout lui donner, mais d’un autre côté, on ne peut s’empêcher de se dire qu’il a besoin de nous, ses parents, même si nous nous savons dans l’incapacité de lui donner tout ce dont il a besoin.

L’audiologiste vient faire un examen à Nicolas. Elle nous dit que l’oreille droite entend bien, mais que l’examen est peu concluant pour l’oreille gauche. Le test devra être refait dans 2 semaines. Les médecins ont diminué son flot d’air à 3 L/min.

Mercredi, nous avons des nouvelles de la génétique. Tout ce que nous croyions au départ s’avère différent. Nicolas a maintenant une plus grande délétion que ce que nous pensions. Au lieu de 18q23, c’est plutôt 18q21.2. Une plus grande région du chromosome est absente. Mais ce n’est pas tout. Il a en plus une duplication d’une grande partie du bras distal, ou du moins, ce qu’il en reste après délétion. Il lui manque certains gènes et il y en a qui sont en trop ce qui veut dire qu’il a une délétion, plus une trisomie partielle du chromosome. Nous apprenons en plus que le gène TCF4 qui se trouve sur le chromosome 18 est absent. Ceci est compatible avec le syndrome de Pitt-Hopkins selon nos recherches internet. Bref, Nicolas a plusieurs conditions, mais cette fois-ci, ça pourrait mieux expliquer ses anomalies au cerveau. Tout ça ne nous aide pas au niveau de nos décisions, mais le diagnostic se précise, se complique et l’espoir diminue que Nicolas pourrait être légèrement atteint.

Le soir, la généticienne nous appelle à la maison nous disant qu’elle veut absolument nous rencontrer le lendemain pour tout nous expliquer et aussi nous donner nos prescriptions pour nos prises de sang. Nous désirons s’assurer que nous ne sommes pas porteusr d’une quelconque anomalie. Je décide donc de prendre congé pour le lendemain. Évidemment, ce n’est jamais aussi simple. Nous n’avons jamais pu rencontrer ladite généticienne. Seulement en fin de journée a-t-elle annoncé aux infirmières qu’elle avait une urgence et qu’elle ne pouvait venir nous voir. Elle a demandé à un de ses étudiants de venir nous porter nos prescriptions. Le temps d’aller faire notre carte d’hôpital et d’attendre en ligne pour l’inscription aux prises de sang, il était déjà l’heure de retourner à la maison afin d’aller chercher Anabelle à sa garderie. Donc, pas de prises de sang. J’ai le sentiment d’avoir perdu ma journée. Mais au moins, ça m’a fait du bien d’être avec maman, de voir Nicolas et de constater qu’il est maintenant à 1L/min d’air et toujours stable. Tout semble indiquer qu’il n’en a plus vraiment de besoin. Nous ne savons toujours pas si nous devons nous en réjouir ou non. S’il se dégradait, ça serait plus simple pour nous, pour toutes les décisions que nous devons prendre. Mais d’un autre côté, nous ne pouvons que lui souhaiter la meilleure vie si ça lui est possible.

Après une semaine à être allée à l’hôpital seule, maman est épuisée moralement et physiquement. C’est difficile pour elle. Elle voit Nicolas à tous les jours dans toute sa fragilité et sa vulnérabilité. Elle pleure encore en le regardant et en se disant qu’il ne mérite pas tout ce qui lui arrive. Elle le berce, change sa couche, lui donne son bain  sachant que nous n’aurons pas la force d’en faire bien plus pour lui. Que nous sommes peut-être que des parents temporaires. Certains ont eu la force d’affronter le handicap de leur enfant avec les avantages et inconvénients inhérents mais nous nous ne l’avons pas. Nous sommes tous différents. Il faut juste commencer à nous accepter comme nous  sommes, à accepter Nicolas comme il est et aussi accepter le fait qu’il existe d’autres parents pouvant lui donner la meilleure vie possible.

mercredi 27 mars 2013

Comment j'ai Souhaité la Mort de mon Fils (XIII)

Il y a des fois où la réalité dépasse toutes les fictions que l'on aurait pu imaginer. Il y a peut-être pire, ce n'est peut-être pas hors du commun, mais ceci est notre histoire, notre cauchemar.

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Chronique 13 : Les Options Devant Nous

Jeudi 21 mars – Vendredi 22 mars.

Le jeudi matin, nous sommes fébriles car nous allons rencontrer la directrice de l’Association Emmanuel. Nous trouvons toujours l’adoption comme une solution drastique et nous rencontrons la dame parce que nous voulons au moins avoir toutes les informations sur les diverses options qui s’offrent à nous.

La dame est d’une extrême gentillesse et prend le temps de nous écouter et de nous raconter son vécu et le vécu d’autres personnes. Elle nous explique que pour elle, si l’enfant handicapé ne peut être avec ses parents biologiques, la meilleure solution est l’adoption. Elle pense que ça fait une différence que la famille d’adoption choisissent l’enfant pour ce qu’il est, comme il est et veulent en faire un membre à part entière de leur famille et ce pour toujours, pas uniquement jusqu’à 18 ans comme les familles d’accueil. Bien que l’adoption ouverte ne soit pas reconnue au Québec, elle nous assure que si la famille adoptive est consentante, nous pourrons continuer à voir notre enfant ou bien à tout le moins, recevoir des nouvelles de temps en temps de leur part.

Nous posons les questions qui nous chicotent face à cette option, à propos de la culpabilité de ‘donner’ notre enfant, de s’en débarrasser. Elle nous affirme qu’il ne faut pas le voir comme ça, mais comme un geste de grande humilité et un cadeau à une famille qui veulent s’en occuper et en prendre soin. Un enfant ne peut demander mieux. Elle décide de nous mettre en contact avec deux couples qui étaient dans la même situation que nous et qui ont fait appel à l’association.

Suite à cette rencontre, l’option de l’adoption ne nous semble plus si drastique et insensée. Mais nous manquons encore beaucoup de renseignements sur les familles d’accueils et surtout sur la condition de notre fils.

Nous nous rendons auprès de Nicolas. Rien de vraiment nouveau à signaler. Nous lui donnons 20 mL au biberon qu’il boit en 20 minutes. Nous en sommes bien contents, c’est un beau progrès. L’urologue vient nous voir pour nous confirmer l’hydronéphrose et le reflux. Nicolas devra rester sous antibiotiques jusqu’à trois mois où il aura un suivi en urologie.

Étant donné qu’Anabelle est chez sa mamie, nous en profitons pour s’offrir un souper au restaurant. Nous discutons de toute cette histoire et écrivons toutes nos questions pour les médecins, les travailleurs sociaux et l’équipe de soutien aux familles. Nous voulons des précisions et bien comprendre tous les choix devant lesquels on nous a mis. Demain nous aurons une autre rencontre.

Durant cette soirée-là, nous écoutons un extrait d’une émission de radio parlant de deux familles avec enfants handicapés qui parlent de ce qui se passe après 21 ans lorsque les parents ont la charge totale de l’enfant. Cela nous avait été suggéré par une personne de la famille. Au début de l’émission, nous commençons à nous sentir coupables de vouloir placer Nicolas, de ne pas avoir le même courage que ces deux familles. Mais plus l’émission avance et plus les aspects négatifs apparaissent et finalement, ceci nous aide à prendre la première grande décision face à cette situation. Pour le bien de Nicolas, de nous, de notre couple et d’Anabelle, il est décidé que nous serons dans l’impossibilité de le garder avec nous et qui plus est, nous décidons que dans ce cas-là, ça ne serait pas une bonne idée de le ramener à la maison.  

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Nous arrivons à l’hôpital vers 10 :00 le lendemain matin. Nicolas est branché sur son EEG. D’une certaine façon, j’espère qu’il fera une désaturation pour que les neurologues voient si c’est une convulsion ou non. Nous voyons sur le rapport des infirmières que Nicolas a désaturé environ cinq fois ce matin vers la fin de son gavage, mais depuis, plus rien. Nous ne pouvons qu’attendre. L’infirmière nous apprends que Nicolas sera branché aussi longtemps qu’il n’a pas fait une désaturation. Si jamais il tarde à en faire une, ils vont abaisser le flot d’air pour tenter de provoquer quelque chose.

Nous ne pouvons  prendre Nicolas, alors nous restons assis devant l’écran d’ordinateur  qui affiche l’activité du cerveau de Nicolas. Je trouve les lignes un peu moins plate. Il semblerait y avoir plus d’activité qu’avant ce qui serait bon signe. Nicolas est stable, rien ne se passe. Tout à coup, l’ordinateur cesse d’enregistrer pendant un long moment, il semble y avoir un problème de connexion. Et comble de malheur, Nicolas désature pendant ce temps-là. Il devient une fois de plus bleu, il arrête de respirer et a le regard fixe. Il se reprend par lui-même. On voit que dès qu’il se remet à respirer, sa saturation  en oxygène remonte rapidement.

Nous avertissons les infirmières que l’ordinateur n’enregistre plus et qu’ils ont justement manqué une convulsion. Une technicienne vient réparer l’ordinateur et s’arrange pour que nous ne puissions plus voir ce qui s’affiche à l’écran. À partir de ce moment-là, Nicolas fait encore plusieurs désaturations et apnées qui seront enregistrées par l’ordinateur. Les neurologues nous confirment que nous avions raison, ce sont vraiment des convulsions. Ils devront ajuster encore une fois la posologie de ses anti-convulsants.

Nous nous retrouvons alors devant notre équipe médicale pour cette ultime rencontre d’éclaircissement. Nous posons toutes nos questions et ils les prennent toutes en note. Ils y répondent une à une sans en prendre une à la légère.  

Nous voulons comprendre un peu l’histoire de nos choix et leurs conséquences, car souvent le confort et la normalité peuvent se contredire et de plus, nous ne savons pas vraiment quel est l’impact de ces choix. Par exemple, je leur dis que pour moi, le minimum pour un enfant, c’est qu’il puisse manger et respirer par lui-même ou à tout le moins qu’il ait la possibilité de le faire un jour. C’est pour moi la base de la vie et à ce chapitre, Nicolas en est incapable seul et de façon sécuritaire.  Nous comprenons que tous ces choix nous sont proposés à nous, pour notre situation particulière, car leur évaluation de la situation l’exige. Si nous voulons ramener Nicolas à la maison ou dans un environnement plus propice, il doit diminuer son flot d’air. Mais son flot d’air est nécessaire et quand nous avons essayé de le diminuer, il s’est mis à convulser. C’est là que le médecin nous dit que Nicolas est surement dans un certain cercle vicieux où les convulsions causent des apnées et un manque d’oxygène et qu’en même temps, un manque d’oxygène peut mener à des convulsions.

Ils nous mettent finalement LE choix sur la table. Celui que nous voulions depuis le début, mais celui que nous sommes incapables tout à coup de concevoir. Celui de lui enlever son flot d’air. Le médecin nous dit que dans ce cas-là, il est fort probable que la condition de Nicolas se détériore. Pour combien de temps? Impossible à dire. Mais que selon toutes vraisemblances, ça amènerait à la mort. Nous en sommes bouche-bée. Il nous semble inconcevable de nous faire proposer un tel choix.

Le médecin me demande pourquoi ça me choque tellement. Je lui réponds qu’il me semble que maintenant qu’il a fait des progrès, on ne peut lui enlever tout ça. Puis il me demande quel progrès Nicolas a fait en trois semaines. Il est toujours dépendant de son oxygène, il est toujours gavé, il a toujours le regard fixe, ses réflexes ne se sont pas améliorés, ni son hypotonie. En y réfléchissant, c’est vrai qu’il n’a pas vraiment fait de progrès. Et c’est là qu’il veut nous amener. C’est de considérer Nicolas pour ce qu’il est et ce qu’il montre depuis trois semaines et ce qu’il démontrera dans les prochaines semaines. C’est ça qui pourra nous indiquer mieux ce que Nicolas sera en mesure de faire et ce qu’il ne pourra pas faire. Ce n’est pas l’EEG, le MRI ou tous les autres tests qui nous le diront. C’est Nicolas lui-même. Et de toute évidence, jusqu’à présent, il ne nous a pas montré grand-chose.

Le médecin nous confirme aussi que son EEG de base s’est amélioré. Que son Burst-Suppresion pattern n’est plus vraiment présent. Par contre, l’activité enregistrée dans tout son cerveau est complètement désorganisée, chaotique. Rien ne se passe comme il se devrait.

L’équipe de soutien aux familles continue de nous demander ce que nous voulons pour Nicolas, comment nous entrevoyons l’avenir pour lui. Nous avons toujours du mal à répondre à ces questions. Il y a trop d’informations, trop d’impact, de lourdeur et de douleur à nos choix. La tête nous tourne.

Nous demandons au travailleur social s’il peut accélérer le processus de contacter notre CLSC pour nous faire ‘entrer’ dans le système afin qu’on puisse avoir des réponses à nos questions concernant les familles d’accueils, placements ou infirmières à domicile. Celui-ci semble bien hésitant, ça semble compliqué. On dirait qu’il ne veut pas vraiment faire le travail. Le médecin doit lui pousser dans le dos.

En revenant dans la voiture cet après-midi-là, nous sommes encore bien confus face à la situation. Nous en parlons dans la voiture. Nous comprenons ceci : Nous faisons face à 5 choix :

1.      Débrancher Nicolas et le ramener dans un endroit plus confortable et voir ce qui se passera.

2.      Laisser Nicolas où il est et attendre et faire des tests pour voir comment il va s’améliorer.

Si nous réussissons à diminuer le flot d’air de 2 litres/minute à 1 litres/minute (Il est possible d’avoir une machine portative) :

3.      Le mettre dans une famille d’accueil.

4.      Le confier en adoption.

5.      Le ramener à la maison.

En regardant nos choix nous nous rendons compte que rien ne sera facile et quel que soit le choix, il sera déchirant , amènera son lot de tristesse et un deuil immense.

Ce soir-là, Anabelle se met à crier qu’elle a mal au ventre. Elle crie comme on ne l’a jamais vu crier. Nous ne comprenons pas ce qu’elle a. Elle finit par vomir. Elle devient complètement blême, amorphe et molle. Elle ne répond pas lorsque nous lui parlons. On dirait un corps de spaghettis. Jamais elle ne nous a fait une telle chose. Nous finissons par la coucher, certains que c’est une gastro. Toutefois, pendant un court laps de temps, je me suis mis à penser que si elle devait avoir quelque chose de grave, nous ne passerions pas au travers (surtout pas en ce moment).

Elle a finalement dormi 45 minutes, temps pendant lequel j’allais régulièrement vérifier si elle respirait encore. Après son petit dodo, elle était redevenue la pimpante petite fille qu’elle était. On l’a beaucoup serré dans nos bras.

Ce soir-là, j’ai parlé à ma mère. Elle aussi en est venue à la conclusion que nous ne devrions pas ramener Nicolas à la maison, que la douleur n’en serait que plus grande et les choix que plus difficiles.
Mon père est passé à la maison ce soir-là. Nous lui faisons une mise à jour. Nous voyons toute la tristesse que ça lui cause. Il reste sans voix quand on parle d’adoption. Tout le monde espère presque que Nicolas parte par lui-même. On l’espère par amour, par tendresse et non par dédain. Et c’est de là que vient toute cette tristesse.  Et c’est dans le doute et la confusion que nous allons nous coucher, avec des choix qui tournent sans cesse dans notre tête.