L'AFFAIRE GOLDER DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME
Robert PELLOUX
Si l'arrêt Golder a suscité un vif intérêt parmi les spécialistes de la Convention, ce n'est pas uniquement parce qu'il concerne les droits des individus détenus à la suite d'une condamnation pénale, encore que le régime des prisons ait fait l'objet dans plusieurs pays d'Europe de nombreuses controverses au cours des dernières années (1). C'est aussi et surtout parce qu'il tranche un problème délicat d'interprétation de l'article 6 de la Convention, et que la solution libérale adoptée par la Cour marquera sans doute pour l'avenir non seulement l'interprétation de cet article mais celle de toutes les dispositions de la Convention. C'est ce que nous allons constater en étudiant d'abord les faits et la procédure, puis la décision de la Cour, avant de conclure.
I. Les faits et la procédure
A l'origine se trouve la requête adressée à la Commission en 1969 par M. Golder, ressortissant britannique, alors détenu à la prison de Parkhurst après condamnation à quinze ans de réclusion pour vol à main armée (2) . Le requérant se plaignait d'une violation de la Convention à la suite des faits suivants.
Des troubles graves avaient éclaté à la prison le 24 octobre 1969. Un gardien, M. Laird, avait cru reconnaître Golder parmi ses agresseurs, à la suite de quoi le détenu avait été séparé des autres prisonniers et interrogé. Dans les jours suivants, Golder écrivit à son député et à un commissaire de police pour exprimer
(*) Robert Pelloux, Professeur à la Faculté de droit de l'Université Jean Moulin (Lyon III). Commentaire de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à l'A.F.D.I. depuis 1961; collaboration à la Revue des droits de Vhomme- Human Rights Journal.
(1) Dans l'affaire Knechtl il s'agissait également de la requête d'un détenu contre le gouvernement britannique à raison de faits survenus pendant sa détention et du refus d'autorisation de correspondre avec un avocat. Elle s'est terminée par un règlement amiable (requête n° 4115-69, rapport adopté par la Commission le 24 mars 1972).
(2) Dans sa requête initiale, datée du 2 août 1969, Golder se plaignait d'avoir été condamné à tort. Par la suite il a renoncé à ce grief, qu'il avait porté devant d'autres autorités; il a complété et modifié sa requête, ne visant plus que les suites des incidents du 24 octobre.