ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XLII - 1996 - CNRS Editions, Paris
L'ADOPTION DU TRAITE D'INTERDICTION COMPLÈTE DES ESSAIS NUCLÉAIRES
Paul TAVERNIER
Le 10 septembre 1996 l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté «le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires dont le texte figure dans le document A/50/1027» (1). Cent cinquante Etats ont voté pour, trois contre (Bhoutan, Inde et Libye), cinq se sont abstenus (Cuba, Liban, Maurice, Syrie et Tanzanie) et cinq Etats n'ont pas pris part au vote (Erythrée, Lesotho, République populaire démocratique de Corée, Rwanda et Zambie). Le texte adopté par l'Assemblée est celui qui avait été communiqué par l'Australie le 22 août 1996, lui-même identique à celui qui avait été proposé par le Président de la Conférence du désarmement et qui figurait dans le document CD/1427. Cette procédure insolite est la conséquence de l'opposition irréductible de l'Inde au projet de traité, alors même que ce pays avait été à l'origine, dès 1954, des travaux de la communauté internationale sur cette question.
L'histoire de l'élaboration du traité (I), et des difficultés rencontrées, permet de mieux comprendre pourquoi la portée de l'interdiction des essais reste incertaine (II). Par ailleurs, les dispositions institutionnelles relatives à l'Organisation créée, ainsi que les mécanismes de contrôle mis en œuvre (III) qui ont été au cœur des débats et qui conditionnent largement l'effec- tivité du nouvel instrument, ont fait l'objet de vives critiques. Quant à l'entrée en vigueur du traité (IV), compte tenu des circonstances, elle risque fort d'être compromise.
I. - Les difficultes de l'élaboration du traité
Le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE, ou CTBT selon l'abréviation anglaise communément utilisée) constituait une vieille revendication de la diplomatie indienne et des pays non-alignés en général. Le Traité de Moscou du 5 août 1963, interdisant les essais d'armes nucléaires dans l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau, n'était qu'un traité d'interdiction partielle des essais (PTBT) (2). Bien qu'il ait reçu
(*) Paul Tavernier, professeur à l'Université de Paris XI (Paris-Sud), directeur du CREDHO.
(1) A/RES/50/245 du 10 septembre 1996 (A/50/PV.125). L'Assemblée générale n'a pas suivi sa pratique habituelle lorsqu'elle adopte une Convention dont le texte est annexé à sa résolution. Voir, par exemple, la résolution 49/59 du 9 décembre 1994 contenant, en annexe, le texte de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé.
(2) Georges Fischer, «L'interdiction partielle des essais nucléaires», AFDI, 1963, pp. 3-34.