ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XLII - 1996 - CNRS Editions, Paris
JURIDICTIONS ET ARBITRAGES INTERNATIONAUX
LES AVIS CONSULTATIFS RENDUS PAR LA CIJ
LE 8 JUILLET 1996 SUR LA LICÉITÉ DE L'UTILISATION DES ARMES NUCLÉAIRES
DANS UN CONFLIT ARMÉ (OMS)
ET SUR LA LICÉITÉ DE LA MENACE
ET DE L'EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AGNU)
Marc PERRIN DE BRICHAMBAUT
Le 8 juillet 1996, la Cour internationale de Justice a fait une entrée discrète dans un domaine presque nouveau (1) pour elle : celui du rôle des armes nucléaires en tant qu'un élément essentiel de la paix et de la sécurité internationales. Saisie par l'Assemblée de l'Organisation mondiale de la Santé et par l'Assemblée générale des Nations Unies de deux questions presque identiques concernant la licéité de la menace ou de l'emploi des armes nucléaires au regard du droit international, la Cour s'est trouvée projetée au cœur d'un débat dans lequel il était difficile de faire la part des aspects politiques et militaires par rapport à celle qui revenait aux dimensions proprement juridiques.
A l'issue de délibérations d'une longueur exceptionnelle, les avis qu'elle a rendus sont empreints d'une grande prudence et semblent chercher à ménager le point de vue de toutes les parties au débat. Les textes des avis tentent d'apporter des satisfactions sur le plan juridique à la fois aux partisans et aux adversaires de la licéité, mais ces satisfactions ne vont pas sans ambiguïté dans la détermination du droit applicable.
Le fait que la Cour ait déclaré irrecevable la demande de l'OMS et qu'elle ait accepté de répondre à celle de l'Assemblée générale est un premier exemple de ce souci d'équilibre. Dans l'avis rendu en réponse à la question, d'inspiration très politique, posée par l'Assemblée générale, elle s'efforce de contenir le débat sur le terrain juridique et le choix qu'elle fait des différents domaines du droit international qui lui paraissent pertinents en la matière, ne réserve pas de grandes surprises. Sur le point crucial de la licéité de
(*) Marc Perein de Brichambaut, conseiller d'Etat, directeur des Affaires juridiques, ministère des Affaires étrangères. Ce texte n'exprime que le point de vue personnel de son auteur.
(1) La Cour a déjà eu à connaître en 1974 et en 1995 de la question des essais nucléaires : CIJ, Recueil 1974, p. 253 et s., et Recueil 1995, p. 288 et s.