ANNUAIRE FRANÇAIS DE DROIT INTERNATIONAL XXXVIII - 1992 - Editions du CNRS, Paris
L'ONU ET LA CRISE YOUGOSLAVE
DRAZEN PETROVIC et LuiGl CONDORELLI
I. Introduction
Le conflit militaire en Yougoslavie (République federative socialiste de Yougoslavie) a débuté, fin juin 1991, par la guerre en Slovénie (alors République socialiste de Slovénie). La déclaration d'indépendance du gouvernement de Slovénie a amené l'armée fédérale à entrer en conflit avec la Défense Territoriale de cette nouvelle République. Du fait de son caractère de conflit interne de courte durée, cette guerre n'a pas beaucoup retenu l'attention de la communauté internationale.
En même temps, les tensions s'aggravaient dans la République de Croatie qui, elle aussi, annonça sa volonté d'indépendance. Cette fois, le conflit éclata entre la majorité de la population de nationalité croate et la minorité serbe (bénéficiant du soutien de l'armée fédérale) qui vivait dans cette République. Cette guerre «qui entraîne de lourdes pertes en vies humaines et des destructions matérielles» (1), s'est ensuite calmée, mais il reste toujours beaucoup d'incertitude et de problèmes de nature juridique et opérationnelle, malgré la présence des casques bleus sur le terrain.
Enfin, la guerre en Bosnie-Herzégovine, République qui a aussi exprimé aussitôt sa volonté d'indépendance, a montré tout le niveau de destruction et la brutalité de la crise «yougoslave». L'attention de la communauté internationale, tant des gouvernements que de l'opinion publique, s'est spécialement arrêtée sur les divers aspects de cette guerre et sur ses conséquences possibles.
Il s'agit donc de trois guerres distinctes, quoique entrelacées de multiples façons, à commencer par les participants et le terrain.
Du fait que la Yougoslavie est un pays européen, et que l'Europe n'est plus divisée en deux blocs opposés, c'est la Communauté européenne qui a entrepris la première une action, en essayant de mettre fin aux combats et de trouver un solution politique à la crise. Au début, la troïka (2) de la CEE a obtenu un moratoire de trois mois (dès le 7 juillet 1991) sur l'application de toutes les décisions concernant les déclarations d'indépendance, pour gagner du temps et mettre sur pied entre-temps à La Haye (3), dans le cadre de la CEE et avec le soutien des Etats participant à la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), une conférence internationale ayant pour but de trouver une solution pacifique et d'éviter une guerre générale.
(*) Drazen Petrovic, maître-assistant à la Faculté de droit de Sarajevo, boursier de la Confédération Suisse auprès de la Faculté de droit de l'Université de Genève. Luigi Condorelli, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève.
(1) Résolution 713(1991) adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 3 009e séance le 25 septembre 1991, par. 3 du préambule; Doc. S/RES/713(1991).
(2) La mission de médiation dépêchée par la Communauté, dite « troïka », était formée des ministres des affaires étrangères du Portugal, des Pays-Bas et du Luxembourg.
(3) La Conférence de la paix sur Yougoslavie a commencé le 7 septembre 1991.