Bull. Minéral.
(1978), 101, 3-10.
Minéralogie cTune phonolite à grenat de l'île de Ua Pou (Marquises, Pacifique central)
par Robert BROUSSE et René C. MAURY (1),
Laboratoire de Pétrographie-Volcanologie, Université Paris Sud, 91405 Orsay, et E. R. A. n° 546 «Magmatologie des séries alcalines ».
Mineralogy of a garnet-bearing phonolite from Ua Pou Island (Marquesas , central Pacific ).
I. Introduction
Ua Pou (g° 23'S-i4o° 06' O) est l'une des huit îles de l'archipel des Marquises, actuellement considéré comme dérivant d'un point chaud (Duncan et Me Dou-gall, 1974) placé à 90 km au S. E. de l'île la plus récente de l'alignement, Fatu-Hiva (1,4 M. A.) et qui aurait fonctionné depuis au moins 5,2 M. A., âge de l'île la plus ancienne, Eiao (Brousse et Bellon, 1974). Ua Pou, à 300 km du point chaud supposé, est âgée de 2,72 ± 0,30 M. A. (datation inédite H. Bellon : phonolite inférieure de Hakatau à 6,47 % K20 ; 5,77 • io-7 cc/g 40Ar radiogénique ; 100 40Ar rad/40Ar total = 47,6).
La pétrologie de Ua Pou a été abordée par Lacroix (193 1), Bishop et Wooley (1973) et Brousse (1977). L'île comporte une série alcaline à tendance potas¬ sique, dont les termes les plus différenciés sont des phonolites hyperalcalines. Mais, contrairement au cas de la majorité des îles océaniques à séries alcalines, les phonolites sont très abondantes à Ua Pou, où leur pourcentage volumétrique par rapport à l'en¬ semble de la série est estimé à environ 50 % (Brousse, 1977). Les necks de phonolites sont d'ailleurs les
(1) Actuellement B. R. G. M., département M. G. A., B. P. 6009, 45018 Orléans Cedex.
éléments les plus caractéristiques des paysages de l'île, dont ils constituent les points culminants (pics de Oave, Teavaitomai et Pumaka).
Sur le plan minéralogique, les phonolites les plus curieuses et les plus intéressantes sont sans aucun doute celles des environs immédiats de la côte est, qui abondent en galets dans la baie de Hohoi. Elles sont localement dénommées «cailloux fleuris » en rai¬ son de la présence, dans un fond homogène, silexoïde, de teinte brunâtre, d'aires jaunes pétaloïdes de dia¬ mètre centimétrique (fig. 1), riches en grenats tita-nifères jaune d'or. Ces phonolites contiennent aussi, occasionnellement, des phénocristaux ou des micro¬ phénocristaux à forme parfaite d'icositétraèdres, con¬ sidérés par Lacroix (1931) comme des pseudoleucites. Bishop et Wooley (1973),. discutant la nature ori¬ ginelle de ces minéraux, les considèrent plutôt comme des pseudo-analcimes, sans toutefois parvenir à une conclusion définitive. Quoique pseudoleucite ou pseudo-analcime et grenats ne soient habituellement pas pré¬ sents dans les mêmes phonolites (Bishop et Wooley, 1973), la découverte d'un échantillon comportant cette association nous a incités à en faire l'étude minéralogique détaillée. Les grenats titanifères sont en effet assez rarement signalés dans les phonolites hyperalcalines, et leur stabilité a été récemment étu-