Bull. Minéral. (1984), 107, 1-14
Deux siècles de minéralogie à l'Ecole des Mines de Paris
par Claude GUILLEMIN (1) et Jean-François POULLEN (2)
(1) Inspecteur Général duB.R.G.M., B.P. 6009, 45060 Orléans Cédex, France et Conservateur des Collections de l'Ecole des Mines de Paris, 60, boulevard Saint-Michel, 75272 Paris Cédex 05, France.
(2) Conservateur-adjoint des Collections de l'Ecole des Mines de Paris, 60, boulevard Saint-Michel, 75272 Paris Cédex 05, France.
Mineralogy during two centuries at Paris School of Mines.
Abstract. — A short history of the creation of the Paris School of Mines in 1783 precedes the scientists' biographies who held a mastership in mineralogy for two centuries.
Dans le domaine des sciences de la Terre, les bicentenaires sont assez rares pour que nous célébrions celui de l'Ecole des Mines de Paris, dont la création est étroitement liée à l'histoire minière de notre pays.
Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, l'art des Mines n'avait guère brillé en France : quelques souverains, ministres ou conseillers avaient cependant fait quelques efforts, hélas sans lendemain : Charles VI avec ses lettres patentes de 1413, accordant des privilèges et donc des devoirs aux propriétaires de mines et aux mineurs, Louis XI et son "Ordonnance sur l'exploitation des Mines dans le royaume" de 1471, Henri IV avec ses Edits de 1597, 1601, 1604, Colbert entre 1679 et sa mort. Cependant à la fin du règne de Louis XIV liberté absolue était redonnée à tout propriétaire du sol d'exploiter le sous-sol d'où une multiplicité d'exploitations minuscules et désastreuses.
Il faut attendre 1739 et la reprise en main des Mines et des Ponts et Chaussées par le grand intendant que fut Trudaine. pour trouver une véritable politique minière. L'arrêt de janvier 1744 exprime clairement ce principe essentiel du droit minier français, l'indépendance de la propriété du sol avec celle du sous-sol qui ne peut être exploité qu'après autorisation de l'Etat ; cet arrêt établit de plus un véritable règlement technique des exploitations minières.
Mais pour avoir des mines, il faut disposer d'ingénieurs et de techniciens sans devoir toujours s'adresser à des étrangers (surtout d'Europe centrale) comme c'était l'habitude. Ces ingénieurs se¬ raient seuls capables d'organiser ce qui allait devenir en moins de cent ans la "grande industrie" et pouiTaient aider à la transformation de l'Art des mines en véritable science. Créant un environnement intellectuel favorable, les traités, les traductions d'ouvrages sur la recherche et l'exploitation des mines, les relations de "voyages minéralogiques" se multiplient. Dès 1766, les concessionnaires de mines sont taxés pour l'entretien de la "future" Ecole des mines ; l'année suivante Guettard aidé bientôt de Monnet commence l'inventaire des ressources minières du royaume, amenant les travaux de Jars, de Gensanne, de Grignon, Schreiber. En 1778, Sage, minéralogiste "distingué", chimiste médiocre mais bon promoteur réussit à faire créer à la Monnaie où il s'installe fastueusement avec ses collections dans le grand salon, une Ecole publique de minéralogie et de métallurgie docimastique