du xvne siècle. — C'est sous un jour nouveau qu'on nous présente une période jusqu'à présent assez négligée de l'histoire architecturale de Toulouse, celle qui correspond au début du xvne siècle.
L'admirable essor de la construction privée, caractéristique de la Renaissance dans la capitale languedocienne, avait été stoppé à partir des environs de 1560 par un concours de circonstances malheureuses, de nature économique et politique. Les guerres de religion sont la cause la plus immédiatement discernable de cette stagnation, mais il faut également tenir compte de la ruine d'une économie trop exclusivement fondée sur la culture du pastel. Au début du xvne siècle, l'aristocratie de robe, issue de la classe
chande antérieure, s'efforce de relever le flambeau, mais avec des moyens réduits. Ce sont ses réalisations qui font l'objet de l'étude dont nous rendons compte.
Celle-ci se présente comme un diptyque : Yves Bruand étudiant l'architecture civile et Bruno Tollon l'art religieux. La première est symbolisée par un monument assez exceptionnel, l'hôtel de Clari, ou plutôt les remaniements apportés à un hôtel du xvie siècle • — ■ celui de Bagis, construit par Nicolas Bachelier et Antoine de Lescalle à partir de 1538 — par un nouveau propriétaire, François de Clari, premier président au Parlement. Dans une ville où la construction de brique était de rigueur et se caractérisait par la simplicité du style, l'apparition après 1611 d'une façade entièrement en pierre de taille prend figure d'événement, d'autant plus qu'elle se singularise encore par une surcharge décorative non moins exceptionnelle. Comme le rappelle Yves Bruand, on a insisté sur le caractère baroque de l'ouvrage et cependant, en y regardant de plus près, on sera conduit à, nuancer ce jugement.
Il convient d'abord de bien préciser qu'une grande partie des ornements dont cette façade est affublée ne date que d'une « restauration » effectuée vers 1857 par l'architecte Urbain Vitry et le sculpteur Calmettes. On avait voulu terminer une entreprise demeurée inachevée faute de moyens financiers, mais les compléments apportés sont pour le moins contestables. Même limitée à ses éléments originaux, la façade de l'hôtel de Clari possède un certain nombre de traits qui offrent, comme en convient Yves Bruand, une certaine tonalité baroque : puissance et même lourdeur, n'excluant pas un certain dynamisme, ou encore illusionnisme résultant de savants calculs. Mais tout n'était pas nouveau et le mérite de l'article est d'attirer l'attention sur la permanence dans cet ensemble d'une tradition maniériste. D'ailleurs 1' « hôtel de pierre » demeura isolé dans la ville rose et tout aussitôt on revint à la brique traditionnelle et au style sobre de l'époque antérieure.
Dans le domaine religieux, la tonalité de l'époque est donnée par la Contre-Réforme qui s'épanouit à, Toulouse avec un retard d'une génération. Le clergé et les associations pieuses construisent beaucoup au début du xvne siècle, mais avec de faibles moyens et en manifestant peu d'originalité. A une exception près : la chapelle des Pénitents bleus, qui pose à, nouveau le problème du baroque. Cette confrérie, fondée en 1575, regroupait l'aristocratie de la ville et elle bénéficia des protections les plus hautes, y compris celle du roi Louis XIII. Le programme fixé pour sa chapelle répondait à un double objectif : d'une part réserver un espace intime aux dévotions particulières des confrères ; de l'autre, offrir une salle plus vaste pour des cérémonies somptueuses et très courues. On s'adressa en 1622 au meilleur des architectes travaillant dans la ville : l'Orléanais Levesville, qui avait lancé les voûtes gothiques des cathédrales de Toulouse et d'Auch. Celui-ci concilia des impératifs apparemment contradictoires en adoptant un parti fort savant, qui est connu par un cadastre de 1680. Tous les plans publiés jusqu'ici étaient en effet faux, et on saura gré à, Bruno Tollon de nous avoir restitué le tracé originel, qui spécule sur les formes circulaire et elliptique. Par son mouvement d'ensemble, le monument peut paraître baroque, mais l'auteur n'a pas de peine à montrer qu'il s'inscrit en fait dans un courant né de la Renaissance, lequel avait produit, en France même, un certain nombre de réalisations dès le siècle précédent. Le décor également est de tradition maniériste.