Nuptialité et fécondité selon le milieu socio-culturel
par Gérard CALOT et Jean-Claude DEVILLE
Se marie-t-on plus jeune à la ville ou à la campagne, dans le Nord ou dans le Midi ? L'écart d'âge entre époux est-il différent chez les ouvriers, les paysans, les employés ? Quelle influence a sur la fécondité d'une femme le fait d'avoir poursuivi des études ? A-t-on plus d'enfants en milieu rural ou en milieu urbain ? Et à nombre égal, les a-t-on plus vite ou plus lentement? La fréquence des conceptions prénuptiales est-elle uniforme sur tout le territoire ? Le relèvement de la natalité après la dernière guerre a-t-il été le même pour les diverses catégories? Le sexe des premiers enfants influe- t-il sur la taille finale de la famille ?
A ce type de questions, chacun a quelque réponse à proposer, fondée sur une observation limitée. La vérification statistique de ces réponses est délicate parce que la formation d'une famille est un processus long et que, de nombreux facteurs s'entremêlant, on n'est jamais bien sûr que celui qu'on identifie est véritablement important. C'est à cette vérification que convie cet article, qui examine systématiquement l'influence des facteurs sociaux, culturels et géographiques sur les principales grandeurs caractérisant la cellule familiale.
En même temps que le recensement de 1962 fut réalisée une enquête sur les familles auprès de 240 000 femmes constituant un échantillon aréolaire à 2% des districts du recensement.
Les femmes non célibataires de moins de 70 ans résidant dans ces districts, à l'exclusion de celles vivant en institution (par exemple en maison de retraite) ont rempli un bulletin spécial où elles ont indiqué, pour chacun de leurs enfants, le sexe, la date de naissance et éventuellement de décès, pour chacun de leurs mariages la date de célébration, la profession du mari, la date du veuvage ou du divorce éventuel. Par ailleurs, on disposait pour chacune des femmes de l'échantillon des renseignements figurant sur le bulletin individuel du recensement : date de naissance, diplôme d'enseignement général obtenu, région et catégorie de commune de résidence. C'est sur la base de ces données qu'ont été établis les résultats présentés ci-dessous selon la catégorie socio-professionnelle du mari, le niveau d'instruction de la femme, la région et la catégorie de commune de résidence.
Mariage précoce chez les ouvriers, tardif chez les paysans
Entre les divers milieux sociaux, les différences selon l'âge au mariage, tout en demeurant .assez faibles, sont plus accentuées pour les hommes que pour les femmes (graphique I et tableau 1 p. 4 et 5) : si on met à part les deux catégories extrêmes des professions libérales (milieu où on se marie tard en raison d'études prolongées) et des mineurs
(chez qui se mêlent l'effet du milieu social et celui du milieu géographique), l'âge moyen au mariage varie pour les hommes de 25,4 à 27,4 ans (la moyenne d'ensemble étant de 26,6 ans) et pour les femmes seulement de 22,8 à 24,0 ans (moyenne : 23,1 ans) 1.
Dans quatre groupes socio-professionnels 2, les femmes se marient à des âges sensiblement identiques (de 23,0 à 23,2 ans) mais elles épousent des hommes d'âge assez différent : les ouvriers (26,0). se marient les plus jeunes, puis les employés (26,3), ensuite les patrons de l'industrie et du commerce (26,8) et en dernier les paysans (27,3). Ainsi, dans les milieux agricoles, les hommes se marient spécialement tard — pratiquement au même âge que les cadres supérieurs — alors que les femmes se marient à un âge équivalent à celui des. autres catégories; c'est donc dans ces milieux que l'écart d'âge entre époux atteint son maximum : 4,3 ans contre 3,5 en moyenne (3,1 et 3,2 pour les ouvriers et les employés).
Les cadres moyens se situent à un niveau intermédiaire entre les ouvriers et employés d'une part, les professions libérales et cadres supérieurs d'autre part : 26,4 ans pour les hommes, 23,7 ans pour les femmes.