Résumés
Économie et statistique n°256 JUILLET-AOUT 1992
Henri Sterdyniak
Luc Arrondel et Anne Laferrère
Pour défendre le quotient familial
Le système français du quotient familial assure une répartition équitable de l'impôt sur le revenu entre les familles au sens suivant : à niveaux de vie identiques (mesurés par le revenu par Unité de Consommation), deux familles de taille différente supportent la même charge fiscale. Toutefois, les prestations familiales étant beaucoup plus faibles que le coût des enfants, avoir des enfants représente, sauf pour les familles de très faible revenu, une baisse de niveau de vie, d'autant plus forte que la famille est aisée. Le système du quotient familial est cependant critiqué par certains auteurs qui, s'inspirant des exemples étrangers, préconisent une diminution de la réduction d'impôt
rée aux familles aisées ; ces économies seraient utilisées par exemple pour augmenter les prestations familiales ou diminuer l'impôt d'autres catégories de contribuables.
En fait, de telles réformes accentueraient encore l'écart de niveau de vie entre les familles aisées avec enfants et les couples ou célibataires sans enfants de même revenu primaire. Elles iraient à rencontre de la logique du système fiscal français. Ce qui rend le système de prélèvements fiscaux et sociaux peu progressif en France n'est pas le quotient familial, mais le poids élevé des cotisations sociales par rapport à celui de l'impôt direct.
Les partages inégaux de successions entre frères et soeurs
Les successions avantageant un ou plusieurs des héritiers directs au détriment des autres semblent moins fréquentes en France qu'aux Etats-Unis. La loi limite en effet dans notre pays à une quotité disponible le montant sur lequel peuvent jouer des dispositions testamentaires inégalitaires entre les enfants. Au total, 7 % des successions ayant fait l'objet d'une déclaration fiscale sont inégalitaires, et alors dans huit cas sur dix, le décès était précédé de donations : le partage tend ainsi a consacrer les inégalités résultant de ces dons antérieurs, plus qu'à les compenser.
Certaines caractéristiques du défunt sont liées à une pratique inégalitaire : un patrimoine et des revenus importants, un statut d'entrepreneur indépendant, un âge
avancé, de nombreux héritiers, un patrimoine peu liquide et peu diversifié inclinent davantage à des dispositions en faveur d'un ou plusieurs des enfants. Il semble en revanche beaucoup plus difficile de déterminer statistiquement quel est l'enfant favorisé. Quand il y a inégalité, c'est plus souvent un seul enfant qui est favorisé que le cas inverse où un seul est exclu.
La théorie économique propose un éventail de modèles pour expliquer ces comportements intra-familiaux, allant de l'altruisme pur à l'égoïsme : les données exploitées ici ne permettent cependant qu'imparfaitement de faire le lien entre la réalité, très complexe, et les formalisations avancées.
Les conséquences du chômage sur la consommation
La diminution de revenu occasionnée par le chômage est responsable en moyenne d'une baisse de près d'un quart de la consommation des ménages. Disposant de ressources initiales relativement faibles, les ménages sont plus exposés par le chômage à la pauvreté dans le milieu ouvrier qu'ailleurs : couples de chômeurs, personnes isolées sans emploi ou chômeurs de longue durée de cette catégorie sociale ont une consommation deux fois plus faible que des ménages du même type non touchés par le chômage. La production domestique tend dans certains cas à se substituer aux achats de produits élaborés ou de services extérieurs ; mais la répartition des dépenses entre les grands postes n'est pas affectée par ces réductions d'ensemble.
Le niveau des dépenses courantes ne dépend pas seulement du revenu. Le ménage peut tirer sur son épargne. Or les plus aisés étant les mieux dotés par le patrimoine, ils sont en meilleure situation de défendre leur consommation. Les réserves manquent aux plus pauvres ; plus l'avenir que leur réserve le marché de l'emploi est sombre, plus ils semblent enclins à se montrer parcimonieux. A la sortie du chômage, les ressources futures que peuvent espérer les ménages diffèrent fortement : aux emplois stables, une amélioration sensible ; aux emplois intermittents, une situation financière peu différente de celle que connaissent ceux qui sont restés au chômage.
Nicolas Herpin
Gérard Lafay
Industrie mondiale : trois scénarios pour l'an 2000
Les évolutions des structures du commerce international suivent, au-delà des fluctuations conjoncturelles, des tendances lourdes qui peuvent être prolongées à l'horizon 2000. De telles projections ne sont cependant pas les seules possibles : c'est pourquoi il est utile d'explorer plusieurs scénarios.
Un premier scénario associe une description du partage de la production industrielle par grands secteurs et zones géographiques à un environnement de croissance lente, à politiques économiques inchangées. Dans cette hypothèse, la délocalisation dans des filiales situées à l'étranger atteindrait le quart de la production industrielle totale, soit un niveau proche de celui des exportations. L'Amérique du Nord serait en recul ainsi que l'Europe dans le partage mondial de la production, au profit essentiellement
de l'Asie développée. L'électronique et la chimie resteraient les branches les plus dynamiques.
Deux autres scénarios sont esquissés, notamment selon le degré de coopération internationale. Un enchaînement protectionniste pourrait ainsi résulter de tensions commerciales accrues entre grandes zones et d'un échec des négociations multilatérales : tous les pays seraient perdants en termes de croissance et d'inflation. A l'inverse, une intégration économique réussie des pays de l'Est et du Sud suppose, outre une stabilisation politique et des apports de capitaux, une ouverture des économies industrialisées à ces nouveaux concurrents ; dans le cas où cette hypothèse se réaliserait, un regain de croissance pourrait en résulter.
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 256, JUILLET-AOUT 1992
71