SALAIRES
De nouvelles modalités
de formation des bas salaires
dans l'industrie et le BTP
Stefan Lollivier*
*Stéfan Lollivier appartenait au département de la Recherche de l'In- see au moment de la rédaction de cet article.
L'auteur remercie Francis Kramarz, animateur d'un groupe de réflexion sur les inégalités de salaires dans lequel s'inscrit la rédaction de cet article, pour ses remarques et les discussions autour de ce texte. L'auteur reste cependant seul responsable des inexactitudes qui s'y seraient glissées.
Les noms et dates entre parenthèses renvoient à la bibliographie en fin d'article.
Pour les salariés des établissements de dix personnes ou plus de l'industrie
et du bâtiment, la période de réduction des inégalités s'est achevée à la fin
des années quatre-vingt dans un contexte de sensibles modifications sur le marché
du travail. Un accroissement des inégalités se produit, en effet, entre les personnes
les plus « fragiles » sur le marché du travail : jeunes, femmes, travailleurs
peu qualifiés.
Ce type d'évolution suggère une montée en régime d'un dualisme sur le marché du travail dont on sait par ailleurs qu'il touche en priorité les personnes les plus fragiles. À côté d'un marché primaire traditionnel a émergé au cours des années quatre- vingt un marché secondaire avec des rémunérations plus faibles, une rotation accrue entre emplois et des perspectives de carrière moindres. L'hypothèse selon laquelle la hausse des inégalités est, en partie, due à une segmentation accrue est renforcée par le rôle amoindri que joue l'ancienneté dans la formation des rémunérations. Davantage de personnes ont, en 1992, une ancienneté moindre dans l'entreprise, alors même que l'âge moyen s'est accru. En outre, les écarts de salaires liés à l'ancienneté se réduisent. Dernier signe, le rôle de l'entreprise s'accroît dans les écarts de salaires alors que la part des facteurs liés à l'individu recule.
La formation des salaires est, en France comme à l'étranger, un sujet largement débattu. Cependant, alors que dans les pays anglo-saxons les travaux empiriques sont relativement nombreux, les estimations sur données françaises sont moins répandues et portent en priorité sur des enquêtes réalisées en coupe instantanée : les études visant à quantifier les évolutions temporelles sont
ment moins fréquentes. Dans cet article, seuls les salariés des établissements de dix personnes ou plus dans l'industrie et le bâtiment sont retenus ; les chômeurs ne sont donc pas pris en compte dans les tendances décrites.
Dans ces deux secteurs, l'industrie et le bâtiment, les inégalités de salaire se sont réduites de façon assez régulière de 1972 à 1986, avant
ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 282, 1995-2
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