MOBILITÉ SOCIALE ET MIGRATION GÉOGRAPHIQUE*
La relation qui existe entre mobilité géographique et mobilité sociale est essentielle si l'on veut comprendre le développement des pays européens et peut-être de ceux du Tiers monde. Ce n'est malheureusement pas une relation simple tant les deux phénomènes sont étroitement associés et trouvent leur unité dans les destins individuels et familiaux comme un article récent de M. Gribaudi l'avait montré dans Population. Ici Alain Blum , Gilles de la Gorce et Claude Thélot démêlent cette interaction à un niveau plus général en analysant avec une grande précision les itinéraires professionnels et géographiques tels qu'ils ont été recueillis dans l'enquête «formation, qualification professionnelle » effectuée par l'INSEE en France en 1970.
Au cours des dernières décennies, la mobilité sociale, toutes catégories sociales confondues, a augmenté : il y a aujourd'hui moins de personnes qui occupent la même position que leur père qu'autrefois. Durant la même période les migrations géographiques se sont intensifiées. L'étude de la concomitance entre les deux phénomènes s'impose d'autant plus que la principale raison pour laquelle la mobilité sociale a augmenté est d'ordre structurel : c'est d'abord parce que la société française a cessé d'être, de façon marquée, paysanne pour devenir industrielle, ou tertiaire que l'immobilité sociale a décru. Cette transformation structurelle s'est évidemment accompagnée de modifications, structurelles elle aussi, de l'espace géographique (notamment le développement des pôles urbains) qui ont favorisé l'intensification des mouvements migratoires (par exemple l'exode rural).
Pour aborder ce sujet il est fécond de raisonner en terme d'espace socio-géographique. Cette métaphore a pour intérêt de jouer le rôle de concept commun à la sociologie et à la géographie. Elle permet de disposer d'un vocabulaire (trajectoires, immobilité, horizon, distance, etc.) effaçant ce qu'il y a d'arbitraire à isoler le géographique du social (1).
* Cet article est issu de l'activité d'un groupe de travail de l'ENSAE, qui comprenait A. Blum, G. de la Gorce, Th. Fabre, J. Nogues, animé par С Thélot. ** M. Gribaudi. « Stratégies migratoires et mobilité relative entre village et ville ». Population, 6, 1982, 1159-1182. ••• INED. **** CNRS. ***** INSEE. О Sur la similarité des démarches du géographe et du sociologue, on se reportera à L. Warner [10]. On consultera aussi l'introduction du livre de D. Courgeau [4], dans laquelle cette analogie est développée dans un cadre très général.
Population, 3, 1985, 397434.