ECHANGES DE MATIERE ENTRE LES LAVES DU MASSIF CENTRAL ET LEURS ENCLAVES : UNE APPROCHE DU PROBLEME DE LA CONTAMINATION CRUSTALE par René C. MAURY*
Il est souvent admis que les magmas d'origine subcrustale qui traversent la croûte continentale, et parfois y séjour¬ nent, subissent des modifications chimiques dues à l'influence de cette dernière. L'intervention de cette contamination crustale, dont les modalités et l'importance paraissent très variables (MAURY, 1978), est généralement proposée d'après des arguments indirects : elle apparaît souvent comme une «solution de secours» permettant de rendre compte de faits pétrologiques et géochimiques jugés difficilement explicables par des processus de fusion partielle ou de cristallisation fractionnée (rapports iso topiques initiaux du strontium élevés dans des magmas d'origine mantellique présumée ; exis¬ tence de roches acides dans des séries alcalines).
L'approche dont les résultats sont résumés ici consiste, au contraire, en l'étude de cas concrets de contamination de magmas par leur encaissant (épontes des filons) et leurs enclaves d'origine étrangère (xénolites). Ces cas ont été choi¬ sis dans le volcanisme tertiaire et quaternaire du Massif Central, où l'intervention d'une contamination par le socle her¬ cynien et antéhercynien a été maintes fois proposée (bibliographie in MAURY, 1976). La contamination aux contacts magma -encaissant s'avère inexistante ou extrêmement réduite (CORREIA et MAURY, 1975 ; MAURY, 1976) sauf pour les fluides (H2O, CO2), dans les niveaux superficiels de la croûte, seuls accessibles dans le cas présent. Les encla¬ ves de socle acide (granitoides, gneiss, micaschistes) qui abondent dans les laves du Massif Central permettent, par con¬ tre, l'étude de phénomènes très variés de contamination locale.
I - Le système magma-enclave
1. Evolution thermique
Les enclaves subissent, dès leur incorporation, un échauffement qui les amène, très rapidement, à la température de la lave environnante ; cette homogénéisation thermique s'effectue en quelques heures pour des enclaves de taille dé-cimétrique, quelques jours pour des enclaves métriques. Les températures des laves étant généralement supérieures à celles du solidus à sec des granites, gneiss et micaschistes, ce chauffage provoque la fusion partielle des xénolites. Puis le système lave -enclave se refroidit et cristallise.
A titre d'exemple sont présentées en figure 1 les conditions d'équilibre (température et fugacité d'oxygène calculées selon la mé¬ thode de BUDDINGTON et LINDSLEY, 1964) de couples magnétite -ilménite analysés dans la benmoreite potassique du Capucin (Mont Dore) et dans ses enclaves. Qu'ils soient inclus dans des minéraux de la lave ou dans ceux des xénolites, les oxydes de Fe-Ti indiquent des conditions T-fÛ2 équivalentes, ce qui montre que les phases gazeuses de la lave et des enclaves étaient en équilibre. La figure 1 retra¬ ce l'évolution thermique de ce système de 750°C (cristallisation des phénocristaux d'andésine de la lave) à 700° С (pâte) et 660°C (cris¬ tallisation de la cordiérite des enclaves).
2. Evolution minéralogique
Les enclaves contiennent: des minéraux résiduels hérités de la paragenèse primaire ; des produits de déstabilisation des minéraux primaires ; des phases cristallisées à partir des liquides anatectiques ; des verres issus de la trempe de ces liquides ; des minéraux hydrothermaux (zéolites et carbonates).
Les phases résiduelles les plus courantes sont du quartz, des feldspaths (qui ont acquis un état structural de haute température) et des minéraux réfractaires généralement riches en alumine (grenat, cordiérite, sillimanite ou andalousite). Ces produits de déstabilisa¬ tion sont également riches en Al ou Fe : corindon, sillimanite-mullite, spinelles proches de la hercynite, magnétite, issus de la décompo¬ sition des feldspaths et des micas. Les minéraux cristallisés aux dépens des verres sont souvent voisins de ceux des laves encaissantes, car ils sont apparus dans des conditions de pression -température identiques : ce sont des feldspaths, des pyroxenes, des amphiboles, des mi¬ cas, des oxydes de Fe-Ti. Ils présentent cependant, par rapport aux minéraux des laves, des variations de composition mineures mais si-
* Laboratoire de Pétrologie, Université de Bretagne Occidentale, Avenue Le Gorgeu, 29283 Brest Cedex.