Bonne voie…

30 novembre 2025

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« … Afin d’être encore plus étroitement claquemuré, il fit mettre des bourrelets aux portes et aux fenêtres et quand ses amis, car il en avait encore, cherchaient à le raisonner, ils les regardait d’un air de mépris, leur faisait entendre qu’il les jugeait stupides et ne tenait pas à les voir. Aussi ne tardèrent-ils pas à se lasser de ce fou et ils l’abandonnèrent à sa misanthropie. On pouvait à présent comparer ce malheureux à une tour isolée, si bien blanchie et ravalée que les hirondelles et les corbeaux n’y peuvent plus nicher. La tour domine toujours la plaine mais la vie s’en est retirée.

Tiburius fut ravi d’avoir enfin la paix ; il se frotta les mains avec satisfaction, décidé à entreprendre ce qu’il souhaitait depuis longtemps : à savoir se soigner sérieusement. Il n’avait pas encore essayé, bien que sa maladie fut une chose avérée. Il résolut donc de suivre un traitement et afin de pouvoir se consacrer entièrement à ce projet, il chargea un domestique de veiller sur sa garde-robe, confia l’entretien du mobilier à son valet de chambre et à l’intendant la mission de toucher ses revenus. Quant aux propriétés, le vieux régisseur continuait à les gérer comme auparavant.

Il se procura immédiatement tous les livres traitant du corps humain, les rangea dans l’ordre où il voulait les lire. Dans les premiers, bien entendu, il n’était question que d’organes normaux, et ceux-là n’étaient pas les plus intéressants. Mais lorsqu’il s’attaqua aux ouvrages de pathologie, sa stupéfaction fut grande en retrouvant tous les symptômes qu’il observait sur lui-même…

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Il faisait une chaleur étouffante lorsque, dans l’après-midi, la berline, bien close, pénétra dans une étroite vallée et remonta le cours d’un torrent aux eaux vertes et bouillonnantes. Puis les montagnes s’écartèrent, la voiture passa devant un bâtiment d’où s’échappait un nuage de vapeur. C’était, dit le cocher, la source thermale qui jaillissait du sol et on touchait au terme du voyage. Bientôt la berline roula dans les rues de la ville d’eaux, déserte à cette heure caniculaire.  À peine pouvait-on deviner un œil inquisiteur, épiant par l’entrebâillement d’un volet ou d’un rideau, derrière les fenêtres closes.

Tiburius avait fait retenir un appartement à l’hôtel. Tandis que tout le monde s’affairait à porter les bagages entassés dans la berline, il s’assit devant une petite table peinte en jaune et chercha à mettre de l’ordre dans ses idées. Il était donc enfin au bout de cette inquiétante expédition et les paroles ironiques du petit docteur avaient porté leurs fruits…

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... Un sentier bien tracé s’enfonçait sous bois et Tiburius en s’y engageant ne put s’empêcher de penser à ce fou de petit docteur qui se donnait tant de peine pour préparer des terreaux pour ses rhododendrons et ses bruyères alors que ces plantes poussaient ici tout naturellement. Il se promit de raconter cela à son voisin dès son retour.

Le promeneur suivait le sentier, distrait par tout ce qu’il rencontrait. ici les boules de corail de la canneberge flamboyaient à côté de lui, ailleurs la myrtille dressait son feuillage luisant et ses baies violacées. Les arbres se resserraient, le sous bois devenait plus touffu avec çà et là, l’éclat lumineux d’un tronc de bouleau. le sentier continuait sans changer d’aspect mais peu à peu cependant, la sapinière s’assombrit, se resserra, une brise plus fraîche siffla dans les branches et incita Tiburius à rentrer de crainte d’un refroidissement. D’ailleurs, en regardant sa montre, il s’aperçut qu’en tenant compte du retour, il dépasserait le temps habituellement consacré à prendre de l’exercice. Il fit donc volte-face et n’étant plus attiré par mille choses nouvelles, marcha plus vite. Le sentier courait toujours à travers bois. Au bout d’un moment Tiburius s’étonna de ne pas apercevoir la muraille rocheuse qu’il avait côtoyée au départ. Puisque à ce moment là elle était à sa droite, maintenant il aurait dû l’apercevoir à gauche. Sans doute avait-il été si distrait par cette promenade qu’il avait fait plus de chemin qu’il ne le pensait. Il continua donc patiemment dans la même direction en pressant le pas.

Mais la falaise rocheuse restait toujours invisible. L’inquiétude le saisit. La forêt était manifestement plus sombre que tout à l’heure… »

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Théodore Kneigt, surnommé Tiburius, né d’un père excentrique, riche propriétaire plein de lubies successives et d’une mère aimante à l’excès craignant sans cesse pour sa santé, éduqué par un précepteur plus qu’étrange et un oncle original, tous lui forgèrent une personnalité hors du commun. À leur mort, il fut à la tête d’une fortune considérable. Il s’entoura de magnifiques objets, choisit les plus beaux vêtements, s’initia à la musique puis à la peinture, commanda de nombreux livres… une ribambelle de passions qui le lassaient très vite. Il sombra alors dans une certaine mélancolie, se sentit malade, s’enferma chez lui pendant de longs mois.

Un jour, un autre original s’installa dans la propriété voisine. Il était médecin mais n’exerçait plus son art, sa passion allait vers son jardin et du matin au soir, il s’en occupait avec amour. Tiburius lui rendit visite de plus en plus souvent, sous de nombreux prétextes, cette incroyable rencontre allait changer sa vie, le petit docteur était intuitif. Je vous laisse découvrir la suite…

J’ai adoré ce texte, fort bien écrit et traduit. L’auteur dépeint talentueusement les paysages et les situations, il ne manque pas d’humour et mine de rien nous tient en haleine tout au long de ces soixante pages. Il nous donne envie de partir et d’arpenter ces sentiers de montagne, c’est aussi une invitation au voyage intérieur : nous cheminons vers l’inconnu, parfois nous nous perdons puis nous retrouvons la bonne voie grâce à certaines rencontres.

« Admiré par Nietzsche, Hermann Hesse ou Thomas Mann, Adalbert Stifter est une figure majeure des lettres allemandes » peut-on lire sur la quatrième de couverture. Un conte à lire et à offrir, oh, cela tombe bien, c’est bientôt Noël !

Aifelle en avait parlé —>

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Extraits de : « Le sentier dans la montagne »  Adalbert Stifter  1805-1868.

Illustrations : 1/ « Rapides » 2/ « Sentier de montagne » 3/ « Forêt »  Arseny  Meshchersky  1834-1902.

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Croire au pouvoir de l’intuition…

BVJ – Plumes d’Anges.

Balade en pommeraie…

23 novembre 2025

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« … La nature est une source perpétuelle d’émerveillement et de joie pour celui qui est « ouvert de cœur ». L’harmonie sous-jacente que l’on pressent derrière les phénomènes naturels étonne. La simple vision d’un cristal de roche au sein de sa gangue fascine. L’homme a l’impression de ne plus être seul. Il se sent porté par un ordre caché, comme un secret enfermé au fond des choses, et cela engendre la joie, une expansion de son être. Le mathématicien D’Arcy Wentworth Thompson a longuement étudié dans son magnifique ouvrage, Forme et croissance, cette capacité de la nature à géométriser que l’on retrouve aussi bien dans le développement d’un coquillage comme le nautile ou les assemblages de cristaux rhomboédriques.

Les Anciens percevaient le doigt de Dieu à l’œuvre derrière les nombreuses merveilles de la nature. Ainsi Louis de Blois, un mystique liégeois oublié du XVIème siècle, s’émerveille du nombre des étoiles, des grains de sable qui sont au fond de la mer et sur la terre, des plumes des oiseaux, des écailles des poissons, du dessin des poils des animaux, de l’ordonnance des cieux, de la structure du corps humain, de « l’art surprenant que révèle une simple feuille d’arbre », et il conclut : « Partout vous reconnaitrez une harmonie, un accord et une beauté merveilleuse… »

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Extrait de : « Petit traité de la joie »  2015  Erik Sablé.

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Petite balade, cueillette joyeuse de quelques pommes…

En coupant ce fruit en deux dans le sens perpendiculaire à son axe, nous pouvons admirer une étoile à cinq branches au centre des deux moitiés. Quel bon présage ! On ne peut que s’émerveiller face à la beauté de ce fruit de la connaissance.

Et si par hasard le grand froid qui s’est abattu sur nous vous inspire un besoin de douceur,  ce gâteau d’automne simple à réaliser comblera vos espérances.

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– LA FLOGNARDE LIMOUSINE –

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Ingrédients : 5 pommes, 4 œufs, 45 g. de sucre, 80 g. de farine, 25 cl. de lait, 2 c.à soupe de rhum.

Réalisation : Peler les 5 pommes, les couper en morceaux, les mettre dans une poêle avec 60 g. de beurre et 15 g. de sucre. Cuire à feu vif, jusqu’à ce que les fruits soient bien dorés. Les mettre au fond d’un moule beurré.

Battre les 4 œufs, ajouter le sucre en poudre, la farine, le lait et le rhum.

Verser cet appareil sur les pommes.

Saupoudrer, si le cœur vous en dit, d’un peu de cannelle.

Enfourner environ 45 minutes à 180°/190°.

Attendre le refroidissement avant de démouler et… déguster !

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Recette trouvée sur Instagram, réalisée par monsieur Plumes d’Anges.

Illustrations : 1/ « La cueillette des pommes »  Camille Pissaro  1830-1903  2/ « Pommes rouges »  Elizabeth Okie Paxton  1878-1972.

Photo BVJ

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S’ouvrir à la joie du moment…

BVJ – Plumes d’Anges

Étoffes…

16 novembre 2025

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« Devant le chrysanthème blanc

les ciseaux un instant

hésitent « 

Yosa Buson

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Livre d’échantillons de soie façonnée – Maison Bianchini Férier.

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Planches d’impressions – Raoul Dufy.

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Gouaches préparatoires – Raoul Dufy.

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Composition florale – Gouache sur papier – Raoul Dufy – Maison Bianchini Férier.

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« Le cortège d’Orphée »  Soie façonnée – Raoul Dufy – Maison Bianchini Férier.

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Robe de Paul Poiret – Raoul Dufy.

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Robe de Paul Poiret – réédition – Raoul Dufy.

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Antony Powell – robes créées pour My Fair Lady au Chatelet 2019 – Raoul Dufy.

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Catherine Leterrier – Robe en crêpe de Chine Violetta créée

pour l’opéra La Traviata – Chorégies d’Orange 2009 – Raoul Dufy .

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Catherine Leterrier – Déshabillé motifs éléphants et guépards – Valérie Lemercier Film 100% Cachemire – Raoul Dufy .

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« Si profonde

cette belle-de-jour

à la couleur d’abîme « 

Yosa Buson

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Raoul Dufy (1877-1953) entre à l’age de seize ans à l’École municipale des Beaux-Arts du Havre pour y suivre les cours du soir. Il y rencontre d’autres artistes, partage un atelier avec Othon Friesz puis entre aux Beaux Arts de Paris, expose au Salon des Indépendants…

Dessinateur, peintre, graveur, illustrateur, décorateur, grand voyageur, Dufy est vraiment un artiste aux multiples facettes, son inventivité est constante, il poursuit toute sa vie des recherches esthétiques dans de nombreux domaines. Ses sources d’inspiration sont la nature (les fleurs, les arbres, les animaux -souvent exotiques, les oiseaux, les papillons…), les activités humaines, la mythologie… C’est une peintre du mouvement, tout est bondissant dans son œuvre. Des musiciens comme Bach et Mozart l’enchantent, ses dessins vivent au rythme de sonorités musicales, la joie est omniprésente dans le trait et la couleur.

Il réalise en 1910 les illustrations pour « Le cortège d’Orphée de Guillaume Appolinaire – bois gravés, formes stylisées d’animaux – ce travail très apprécié sera le prélude à des collaborations décisives.  Deux rencontres sont importantes pour lui, celle de Paul Poiret d’abord, ensemble ils créeront avec le chimiste  Edouard Zifferlin « La Petite Usine », atelier de réflexion et d’expérimentation sur les tissus, puis celle de Charles Bianchini, célèbre soyeux lyonnais, à la tête de l’atelier Bianchini Férier, l’homme est séduit par l’inventivité du peintre qui  deviendra de 1912 à 1928 son artiste-décorateur attitré.

De nos jours des créateurs contemporains, des costumières et costumiers du monde du théatre et du cinéma, des architectes d’intérieur font vivre et revivre  les joyeux motifs de Raoul Dufy, quelle merveille !

Exposition qui se termine aujourd’hui, j’aurais pu vous montrer d’autres photos mais « Point trop n’en faut » dit le proverbe ! Hommage à un grand talent qui a su insuffler au monde de la mode et de la décoration sa joie de vivre et de créer…

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Photos BVJ – Exposition « Raoul Dufy et la mode » – 18 juillet-16 novembre 2025. 

Musée de la Banque – Hyères les Palmiers.

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Tisser les fils de la création poétique et artistique…

BVJ – Plumes d’Anges.

Chemin étoilé…

9 novembre 2025

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« … Sache que tu es le Maître. Celui qui aime Être.

Le monde des apparences et toutes les illusions qui se présentent devant toi proviennent du dedans.

Tu en es le Créateur.

Alors continue à grandir dans le royaume de la clarté et garde tes pensées dans la Lumière.

Tu es UN avec le Cosmos, une flamme et un enfant de la Lumière.

En toi, se trouve ta connexion avec le Tout Rayonnant de Lumière.

C’est pourquoi je te mets en garde : ne laisse pas tes pensées s’égarer vers la croyance que la Lumière provient de l’extérieur de toi. »…

Table VII – Les Tables d’Émeraude – Hermès Trimégiste.

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... Quand j’ai commencé il y a plus de 45 ans, le bois, matériau séculaire qu’on utilise depuis l’age des lacustres, n’était plus au goût du jour pour beaucoup, voire passé de mode.

Un jour pas fait comme les autres, je prends conscience que le bois est vivant. Un arbre traverse ses printemps, ses étés, ses automnes et ses hivers. Comme pour chaque être, il devra à un moment céder sa place. Il est noble, il sent bon, il émane de lui une vibration éminemment positive. Je transforme un matériau qui a vécu, grandi, souffert aussi. Je l’aime et je le respecte. Postérieurement, je souhaite transmettre ce message aux personnes qui le travaillent et à celles qui vont l’accueillir auprès d’elles. 

Je mets tout en œuvre pour honorer le cycle de notre « Prima Materia ». Les compagnons anciens du Saint Devoir avaient une citation merveilleuse quand ils bâtissaient les cathédrales. Ils l’ont gravée sur le tympan de nombreuses abbatiales médiévales, « La main est esprit ». Simplement exprimé, quand la main se relie à la tête et au cœur, l’œuvre d’art devient possible…

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... À ce stade de nos pérégrinations, notre sublime Mullah Nasr Eddin nous assène une de ses vérités salutaires bien à lui : « Un jour, il entra dans une maison de thé en déclamant : « La lune est plus utile que le soleil ! » « Mais pourquoi donc, cher Mullah  cette affirmation ? » « Eh parbleu, c’est parce que c’est surtout quand il fait nuit que nous avons besoin de lumière ! »

Si l’âne à la lyre nous dévoile le nombre 7, le narthex de Chartres, lui, nous dévoile le nombre 3 et les 4 éléments.

Lorsque je lève les yeux, je vois un grand carré de pierre qui contient le cercle de l’admirable rosace sud-ouest. Ces deux figures géométriques sont surmontées d’un grand trigone au sommet duquel est sculptée la statue du Christ en Gloire, symbolisant la Quintessence ou la Conscience de l’Homme Réalisé, il est l’étoile à cinq branches. Géométriquement, chacune des figures se contient l’une dans l’autre. Le carré représente l’imperfection du monde terrestre, la matérialité, les 4 points cardinaux, les quatre saisons et il figure l’élément Terre… » 

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Merveilleux et riche livre du suisse Thomas Büchi, Maître charpentier, président fondateur du groupe Charpente-concept depuis 1991, consulté à titre d’expert pour la reconstruction de la Forêt de Notre-Dame ; c’est à lui et à son équipe que l’on doit entre autres choses, le nouveau refuge du Goûter sur le Mont Blanc.

Jeune lycéen, il suit une filière scientifique quand brutalement il décide de changer de voie. Amoureux du bois, le métier de charpentier devient pour lui une évidence. Son père souffleur de verre passionné d’ésotérisme l’assure de son soutien. La route est longue, il devient d’abord menuisier, puis charpentier. Au fil du temps, il est initié par des Maîtres aux secrets des Bâtisseurs du Moyen age. Puis sa vision s’élargit. Grand sportif, judoka, il grimpe des sommets mythiques, recherchant perpétuellement l’harmonie et la beauté, il voyage vers de lointaines contrées, le Machu Picchu, les pyramides de Gizeh, les grandes Cathédrales, le Camino et leurs signes alchimiques…

Il cherche à décrypter, à comprendre, nous explique de façon claire la coudée royale, la coudée égyptienne, le rectangle d’or, la divine proportion, les réseaux Hartmann et Curry (là, je vous l’avoue, totalement ignorante, je n’ai pas tout compris, il me faudra approfondir le sujet) et se rend compte que TOUT repose sur la géométrie sacrée.

Humblement, voulant transmettre son savoir, sous forme de journal, il raconte et espère attiser notre curiosité, nous amener à suivre le fil d’or tissé par ces grands Bâtisseurs. 

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Extraits de : « Fragments de lumière – Sur la Voie ésotérique des Bâtisseurs »  2024  Thomas Büchi.

Illustrations : 1/ « Tableau comparatif des principales montagnes du globe terrestre »  Louis Bruguière  XIXème  2/ « Manuscrit Sur les propriétés des choses – Zodiaque »  Barthélémy l’Anglais  1202-1272  3/ « Tableau comparatif de la hauteur des principaux monuments »  Œuvre anonyme.

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Tout est à re-trouver…

BVJ – Plumes d’Anges.

Honorer…

2 novembre 2025

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– Bienveillance –

Hommage à ceux qui nous ont précédés dans le Grand Voyage,

à ceux qui maintenant sont invisibles à nos yeux,

à ceux sans lesquels nous n’existerions pas, tels que nous sommes,

à ceux qui nous ont aimés et transmis leur message du mieux qu’ils pouvaient…

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– Gratitude –

Prendre soin de nos racines tant qu’elles sont vivantes, 

puis honorer leur mémoire, la faire fleurir dans nos cœurs,

la partager à l’aube de l’hiver, ne retenir que ce qui nous a fait grandir,

ces souvenirs réchaufferont alors nos âmes en peine…

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« Être arbre. Un arbre ailé. Dénuder ses racines

dans la terre puissante et les livrer au sol.

Et quand, autour de nous, tout sera bien plus vaste,

Ouvrir grand nos ailes et nous mettre à voler. »

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Pablo Neruda dans Cahiers de Temuco.

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Illustrations : 1/ « Une montagne d’azalées » 2/ « Chrysanthèmes »  3/ « Fleurs et chat »  Kuroda Seiki  1866-1924  4/ « Saules près d’un ruisseau »  Pascal Dagnan-Bouveret  1852-1919.

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Ensoleiller notre arbre de vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Perception…

26 octobre 2025

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« Faire quelque chose d’autre,

Trouver autre chose dans autre chose,

Quelque chose de caché, quelque chose d’inaperçu,

Quelque chose qui avant jamais comme ça,

Et en même temps sans comment faire évident,

Sans itinéraire prédéfini,

Quelque chose en autre chose,

Quelque chose qui soit ici et là en même temps,

Quelque autre ici,

Le révéler, l’invoquer, …

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… Faire que quelque chose se fasse tout seul,

Ici est plein d’ailleurs,

Déborde d’autre,

Il suffit de le déchiffrer et de le permettre,

Tout cela est tellement simple

Que c’est presque hors de portée de ceux

Qui sont trop ici et maintenant,

Et pourtant il n’y a rien d’autre

Qu’ici et maintenant,

Mais autrement,

Seule mon absence est palpable,…

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… J’en parle ainsi

Pour l’effacer

Jusqu’à ce que s’efface le quelque part où

Quelqu’un avait parlé

Quelqu’un qui fut effacé,

Effacés l’ici et le maintenant

De cette liberté faire

Quelque chose d’autre

Quelque autre ici, quelque autre toi,

Quelque chose. »

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Immersion dans la nature,

être tout à la fois la terre, le ciel, les arbres,

le ruisseau clapotant,

le parfum de l’humus,

le chant de l’oiseau,

la caresse du vent…

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Effacer les frontières, les contours,

s’immerger dans une réalité,

ne plus faire qu’un avec elle, puis sans elle,

pour se recréer,

semer des étoiles nouvelles

et s’élever librement vers la lumière…

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Illustrations : 1/ « Soirée sur la rivière Save » 2/ « Le long de la Gradascica« 

3/ « Automne »  4/ « Colline ensoleillée »  4/ « Semeur »  Rihard Jakopic  1869-1943.

Poème extrait du recueil d’Ales Steger « Au-delà du ciel sous la terre »  2024.

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Ré-inventer…

BVJ – Plumes d’Anges.

Vivre la vie…

19 octobre 2025

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« … La vieille dame voudrait savoir si les choses se passent ainsi en Europe, s’il y a aussi beaucoup de saints et de protecteurs que les gens vont prier. Quand elle avait vingt ans, elle aimait bien faire de petits voyages avec des amis dans des temples ou sanctuaires réputés de la région. Il y avait du monde, c’était la fête. Elle faisait ses dévotions avec les autres, sans trop se préoccuper de savoir de quelle divinité il s’agissait. Avec l’âge, elle s’est restreinte à des prières plus ciblées sur le bonheur et la santé de sa famille…

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… Une présence n’est jamais innocente, même celle d’un chat. Comme dans tout être, une puissance invisible en émane, qu’on ne perçoit pas forcément mais qui est bien là.

Qui plus est, la frontière n’est pas toujours étanche entre l’animé et l’inanimé, le sujet et l’objet. D’ailleurs, si on place dans les vitrines des magasins des statues de maneki-neko, ce « chat qui invite » de la patte levée le chaland qui passe à entrer dans la boutique, c’est qu’il y a une raison. Les porte-bonheur ont tous une histoire et les légendes ne naissent pas de rien…

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… L’écriture d’un journal a une tradition millénaire au Japon. On n’y prend pas ce genre très au sérieux, mais ces « choses qu’on raconte », comme on les appelle ici, peuvent être d’un grand agrément quand on les goûte en prenant son temps. Elles peuvent aussi canaliser les peines, les sortir de soi.

La vieille dame fait comme faisait sa mère, elle tient un journal, un gros cahier où elle consigne les faits du jour s’ils lui paraissent importants, significatifs. Elle trouve les mots qui les feront revivre, où elle pourra se resituer. Elle en relit parfois des passages pour son plaisir ou sa peine… ».

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Extraits de « Lettres d’Ogura »  2022   Hubert Delahaye.

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« … Elle savait bien, elle avait toujours su qu’une vie n’est qu’un état transitoire. Comme dit le poète, elle se disperse au premier vent et tombent les pétales. Il en va ainsi pour toutes les choses du monde, petites et grandes, belles et laides, et même pour sa maison…

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… Hatsumi voit passer une étoile filante. Passage trop bref pour avoir le temps de faire un vœu, mais ce n’est pas grave : elle forme en permanence celui du bonheur de ses filles. La nuit est claire, sans lune, et les lumières de la ville ne viennent pas perturber le ciel nocturne d’Ogura. Dans l’espace vertigineux, le Bouvier et la Tisserande se sont encore écartés un peu plus de la rivière d’étoiles de la Voie lactée. Ils s’aiment, s’attirent, mais doivent se quitter ainsi chaque année en juillet depuis toujours.

Y-a-t-il plus beau symbole de la fidélité ? Quand elle était jeune et romantique, cette fête de Tanabata était sa préférée. Elle en connaissait tous les contes et leurs variantes et elle écrivait à cette occasion un poème sentimental qu’elle accrochait à la branche d’un bambou derrière la maison, dans un endroit caché afin que personne ne pût découvrir ses pensées secrètes. Son petit mot pouvait s’adresser à la Tisserande pour lui demander talent et bonheur, à l’instar des petits o-mikuji de papier que l’on noue aux branches des arbres dans les temples et les sanctuaires.

L’automne se précise. Le matin, une fine rosée embue les tuiles sur le toit de la maison. Les dernières cigales se sont tues et ne chanteront plus jusqu’à l’été prochain. La nature est redevenue presque silencieuse. Dans les rizières moissonnées, on a évacué l’eau, on retourne à la terre. La nuit a retrouvé un début de fraîcheur... »

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Extraits de: « Fantômes d’Ogura »  2024  Hubert Delahaye.

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Deux petits livres magnifiques et complémentaires, une succession de tableaux et d’images participent à leur beauté.

Imaginez une petite vallée près de Kyoto, au fond, un village isolé, Ogura. Au pied d’une montagne, un champs de kakis, « fruits des dieux pour l’âme sur terre » et une maison traditionnelle japonaise.

Lettres d’Ogura raconte l’histoire d’une vieille dame. Elle vit seule, la maison familiale s’est vidée petit à petit de sa mère, son époux, ses trois filles, son chat. Elle se souvient du passé avec une pudeur extrême, elle peint la société japonaise hyper codifiée et hyper ritualisée, elle en observe les changements. Tout est doux et calme dans ce récit, elle accepte ce qui la chagrine un peu sans jamais l’exprimer…

Dans Fantômes d’Ogura, Hatsumi, la vieille dame n’est plus, elle a quitté la vie terrestre à l’age de 86 ans, elle se promène de façon fantomatique dans les rues du village, elle est libérée des règles de bienséance mais demeure respectueuse. Une immense tristesse l’envahit quand elle constate que le jour de la Fête des morts, ses filles ne se déplacent pas, mais elle leur pardonne. Elle veille sur sa maison, est curieuse au sujet des voisins, joyeuse quand la vie est vibrante…

La fin de cette histoire est touchante, j’ai trouvé ces deux lectures exquises, riches quant à ce que l’auteur nous dit avec délicatesse sur les us et coutumes au Japon… Un très joli moment, vous verrez.

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Illustrations : 1/ « Escaliers au parc de  Maruyama »  2/ « Après la pluie »  Alfred East  1844-1913  3/ « Kakis »  Wada Eisaku  1874-1959.

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Honorer le vivant…

BVJ – Plumes d’Anges.

Flamboyer…

12 octobre 2025

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Rêve éveillé

Une saison nouvelle s’offre à nous, généreusement,

au soir le ciel s’embrase avec majesté.

Un invisible alchimiste semble réaliser son souhait :

dissoudre l’ombre, purifier le monde,

opérer sa transmutation pour qu’il devienne OR.

Le précieux métal coule et imprègne les feuillages,

un feu se propage dans la forêt des songes puis s’éteint.

Aux premières lueurs du jour, l’astre renouvelé apparait,

sur le sol gisent quelques étoiles,

elles témoignent de la magie : notre vision du monde peut changer…

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« En cette nuit, 

en cet instant de cette nuit,

je crois que même si les dieux incendiaient le monde, 

il en resterait toujours une braise

pour refleurir en rose

dans l’inconnu.

Ce n’est pas moi qui l’ai pensé ni qui l’ai dit,

mais cette nuit d’hiver,

mais un instant, passé déjà, de cette nuit d’hiver. »

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Philippe Jaccottet  1925-2021  dans « Cahier de verdure« .

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Photos BVJ – Montagne de Lure – 8 et 9 octobre 2025.

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Croire aux signes de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Choix…

5 octobre 2025

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Petite histoire...

« C’est un moine bouddhiste, un jour, qui dit à ses élèves : si tu portes une tasse de café et que quelqu’un te bouscule, pourquoi est-ce que le café est renversé ? Et tous ses élèves, sans exception, répondent : « Parce qu’on m’a bousculé ! »

Et il dit :  non. C’est parce que c’était du café qu’il y avait dans la tasse. S’il y avait eu de l’eau, s’il y avait eu du thé, c’est de l’eau ou du thé qui aurait été renversé, et là il ajoute quelque chose de profond, il dit : « Si la vie te bouscule et ça va arriver, ça arrive tout le temps, c’est ce que tu portes en toi qui va être répandu, si tu portes de la peur de la jalousie de la colère ou de la cupidité, c’est ça qui va se répandre, si tu portes de l’amour de la compassion de la douceur ou de la gentillesse, c’est ça qui va se répandre.

Alors chaque matin, fais une pause avant de commencer ta journée et demande-toi ce qu’il y a dans ta tasse. »

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Subtil et si vrai… Tout est vibratoire, chaque jour, chaque nuit,

des moments se succèdent, des tableaux se peignent,

ils sont teintés de nos émotions profondes,

qui attirent les mêmes émotions profondes…

Nous pouvons éclairer celles-ci, prendre du recul, y réfléchir…

Décider de celles que nous cultiverons dans le présent,

de celles que nous abandonnerons,

nous pourrons choisir la musique que nous jouerons,

elle emplira l’espace, notre espace.

Ceci me semble vrai dans notre vie personnelle mais aussi dans la vie publique.

La conscience collective imprègne et dirige l’évolution d’une société,

faisons les choix qui nous semblent les meilleurs, les nôtres,

ne soyons pas des moutons dans un troupeau,

soyons des êtres uniques et lumineux.

Nous désirons la paix dans le monde ? Sommes-nous porteurs de paix nous-même ?

Belle semaine à toutes et à tous, que la musique soit harmonieuse !

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Texte cueilli en passant sur Instagram sur « Le réveil en douce  » .

Illustrations : 1/ « Les instruments de la musique civile » 

2/ « Les instruments de la musique militaire »  Jean Siméon Chardin  1699-1779.

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Se laisser le choix de choisir…

BVJ – Plumes d’Anges

Poétique d’un haut Lieu…

28 septembre 2025

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« Nostalgie m’enveloppe

Pour le temps poétique

Robe de papier »

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« Lumière éteinte

Du ciel limpide une étoile se détache

Et entre par la fenêtre »

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« Dans l’air vibre la corde

Silence tendu silence rompu

Chute mate d’une fleur de camélia »

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« Je l’ai mis en terre

Là où le vent d’automne

N’atteindra pas son oreille »

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Jour un peu bleu, un peu « blues »…

Prendre de la hauteur,

se remémorer des souvenirs heureux,

 s’abreuver aux sources rafraîchissantes de la poésie d’extrême Orient.

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C’est le début d’un jour nouveau,

un soleil inouï va briller,

en cueillir un rayon, puis deux, puis trois…

La Belle du jour se pare de rose,

entre mer et ciel,

l’oiseau peut prendre son envol,

lumineuse semaine à toutes et à tous !

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Haïku de Natsume Soseki  1867-1916.

Photos BVJ – Le Mont Saint Michel  – Septembre 2025.

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Prendre soin de soi pour prendre soin des autres…

BVJ – Plumes d’Anges.