De la vaccine
MM. | LAVOCAT ❄. | Physiologie (embrassant les monstruosités). | |
Anatomie des régions chirurgicales. | |||
LAFOSSE ❄. . | Pathologie médicale et maladies parasitaires. | ||
Police sanitaire. | |||
Jurisprudence. | |||
Clinique et consultations. | |||
LARROQUE. . | Physique. | ||
Chimie. | |||
Pharmacie et Matière médicale. | |||
Toxicologie et Médecine légale. | |||
GOURDON. . . | Hygiène générale et Agriculture. | ||
Hygiène appliquée ou Zootechnie. | |||
Botanique. | |||
SERRES. . . . | Pathologie et Thérapeutique générale. | ||
Pathologie chirurgicale. | |||
Manuel opératoire et Maréchalerie. | |||
Direction des Exercices pratiques. | |||
N. . . . . . . . | Anatomie générale. | ||
Anatomie descriptive. | |||
Extérieur des animaux domestiques. | |||
Zoologie. | |||
Chefs de Service. | |||
MM. | BONNAUD. . . | Clinique et Chirurgie. | |
MAURI. . . . | Anatomie, Physiologie et Extérieur. | ||
BIDAUD. . . . | Physique, Chimie et Pharmacie. |
MM. | BOULEY, O ❄, | Inspecteur-général. | |
LAVOCAT ❄, | Directeur. | ||
LAFOSSE ❄, | Professeurs. | ||
LARROQUE, | |||
GOURDON, | |||
SERRES, | |||
Bonnaud, | Chefs de Service. | ||
Mauri, | |||
Bidaud, |
THÉORIE | Épreuves écrites |
1o | Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ; | ||
2o | Dissertation sur une question complexe d’Anatomie et de Physiologie. | ||||
Épreuves orales |
1o | Pathologie médicale spéciale ; | |||
2o | Pathologie chirurgicale ; | ||||
3o | Manuel opératoire et Maréchalerie ; | ||||
4o | Thérapeutique généralre ; Posologie et Toxicologie ; | ||||
5o | Police sanitaire et Jurisprudence ; | ||||
6o | Hygiène, Zootechnie, Extérieur. | ||||
PRATIQUE | Épreuves pratiques |
1o | Opérations chirurgicales et Ferrure ; | ||
2o | Examen clinique d’un animal malade ; | ||||
3o | Examen extérieur de l’animal en vente ; | ||||
4o | Analyses des sels ; | ||||
5o | Pharmacie pratique ; | ||||
6o | Examen pratique de Botanique médicale et fourragère. |
AVANT-PROPOS.
Ce n’est pas sans une certaine appréhension que nous abordons un sujet aussi ardu que l’est, en réalité, l’histoire de la vaccine.
Nous ne nous dissimulons pas les nombreux obstacles que nous aurons à surmonter, obstacles contre lesquels tant d’hommes intelligents et profondément instruits sont venus se heurter ; et nous aurions été disposé à essayer notre plume, encore inexpérimentée, sur un sujet, moins vaste et plus facile, si le retentissement qu’ont eu les dernières découvertes faites sur l’origine de la vaccine ne nous avait décidé à résumer la description des phases par lesquelles est passée l’histoire de cette maladie. Nous nous efforcerons de remplir consciencieusement notre tâche, et l’indulgence de nos lecteurs nous tiendra compte de notre bonne volonté.
Parviendrons-nous à obtenir l’approbation de quelques-uns d’entre eux ? nous l’ignorons. Dans tous les cas, si le résultat trompe nos espérances, nous ne pourrons que dire à nos juges trop sévères, ce vieil aphorisme des latins : « Feci quod potui, non quod voluerim. »
DE LA VACCINE
Synonymie. Picotte, variole, petite vérole des vaches, cow-pox des Anglais, shinach des Irlandais, hors-pox, équivaccine, vaccinogène.
Définition. La vaccine est une maladie de nature fébrile, contagieuse, propre au cheval, caractérisée par de petites pustules dont le virus à la merveilleuse propriété de préserver l’homme de la petite vérole.
Historique. La connaissance de l’affection que nous allons décrire, si on doit en croire certains auteurs, remonte aux temps les plus reculés ; il paraît même que les habitants de certaines contrées anglaises et irlandaises l’ont toujours vue sévir dans leur pays, sans pouvoir préciser l’époque à laquelle elle est apparue pour la première fois ; mais peu nous importe ; il nous suffit de constater que l’affection a régné en Angleterre et en Irlande, vers des temps bien éloignés de nous.
Tout récemment encore viennent d’être trouvées des preuves à peu près certaines qu’elle a existé dans les Indes et l’Amérique du sud, bien avant que Jenner n’eût songé à en faire le préservatif de la petite vérole de l’homme.
Dans ses lointains voyages, le célèbre Humbolt paraît
l’avoir remarquée quelquefois, et principalement en Perse et dans les Indes. Avant la découverte de Jenner, Rabaud-Pommier l’avait déjà étudiée en France. Plus tard, elle apparut en Prusse, en Italie, en Norvège et en Hollande.
Dans ces derniers temps, M. Bousquet l’a signalée à Passy ; M. Violette dans le département de la Loire ; Bougeardet dans la Meurthe et les Vosges ; Audouard dans le Tarn ; la veuve Carville en Normandie ; et enfin, en 1857, l’Algérie elle-même n’a pas été exempte des atteintes de la vaccine, qui s’y étant montrée à deux reprises différentes dans le cours de cette année, a permis à M. Migette d’y recueillir le vaccin avec lequel le docteur Alquier pratiqua ses expériences sur l’espèce humaine.
De ce qui précède, nous pouvons immédiatement tirer deux conséquences bien évidentes : la première, que la vaccine est connue depuis un temps immémorial ; la deuxième, qu’elle peut se montrer dans tous les climats, sous toutes les latitudes, sur toute la surface du globe.
Causes. Un docteur anglais du comté de Glocester, du nom de Jenner, ayant eu occasion de constater dans son pays de nombreux cas de vaccine, fit de cette affection une étude particulière qui ne tarda pas à porter des fruits. Une observation profonde et attentive lui permit de remarquer que les personnes qui n’avaient pas eu la petite vérole, et qui d’habitude trayaient des vaches, tout en ayant sur les mains des gerçures ou des excoriations, présentaient quelquefois, à l’endroit de ces gerçures et de ces excoriations, de petites pustules à forme tout-à-fait caractéristique. Ce qu’il constata en outre, et c’est là l’important de sa découverte, c’est que tous ceux qui présentaient ces pustules, étaient préservés pour toujours des atteintes de la petite vérole.
Dans le but de vérifier son observation, Jenner inocula plus tard la vaccine à plusieurs individus ; il les soumit ensuite à la contagion variolique, et alla même jusqu’à les inoculer avec du virus de la variole ; mais ni la contagion, ni l’inoculation n’eurent prise sur eux. Les propriétés du cow-pox n’étaient plus douteuses et Jenner venait de passer à l’immortalité.
Comme toutes les découvertes, la sienne fut accueillie par des acclamations enthousiastes. On y croyait à peine, et néanmoins on proclamait déjà ses bienfaits ; au reste, méritait-elle une réception moins chaleureuse ? N’annonçait-elle pas au monde savant une phase révolutionnaire de l’histoire de la vaccine ? Ne venait-elle pas donner des bornes à la variole, au fléau dévastateur des populations ? L’espérance qu’elle faisait concevoir ne valait-elle pas le crédit qu’on lui accordait ? La foi s’acquiert à l’égard de choses moins importantes, moins dignes d’intérêt : le malade, à son lit de mort, espère toujours le retour de la santé ; le jeune adolescent se croit déjà en possession des joujoux qu’on lui promet ; et cette croyance, cet espoir reposent-ils sur des bases solides ? Assurément non. Mais la voix de l’intérêt a parlé, et le malade et l’enfant ont montré le côté faible de leur nature.
La foi qu’on avait vis-à-vis de l’observation de Jenner reposait-elle aussi sur des faits bien établis ? Ne devait-elle pas être un peu incertaine, chancelante ? Qu’était l’auteur de cette
découverte ? Un homme à peine connu dans la science, un docteur de village dont l’autorité n’avait aucun écho. Devait-on croire à ses affirmations sans arrière pensée ? Sa découverte avait certainement besoin d’une sanction, d’un certificat d’exactitude, de l’intervention des médecins de Londres pour faire ressortir le cachet de vérité qu’elle n’avait alors qu’à l’état latent. Quelque temps après, Larochefoucauld-Liancourt introduisit en France la pratique de la vaccination ; mais n’y donnant que des résultats peu satisfaisants, elle serait infailliblement tombée dans l’oubli, si Woodville ne fût venu à Paris pour y pratiquer des expériences avec du vaccin qu’il y avait apporté d’Angleterre, dans le but de lui restituer ses propriétés préservatrices. Ses expériences eurent un plein succès ; les doutes qui s’étaient élevés s’aplanirent, et l’usage de la vaccine finit par se vulgariser.
Dès ce moment, était-on suffisamment éclairé sur son histoire ? Nous dirons le contraire ; car beaucoup de questions y attendaient encore leur solution ; et puis, le champ était trop vaste pour être cultivé en un jour. Certainement, il était reconnu que la vaccine avait la propriété de préserver de la petite vérole. Mais l’avait-elle durant toute la vie du vacciné, comme Jenner avait bien voulu le dire ? Ce point était-il alors éclairci comme il l’a été plus tard ? La suite nous l’apprendra.
Les causes du cow-pox étaient-elles aussi connues ? Nous répondrons négativement à cette question, et pour une raison toute simple : c’est que l’affection qui nous occupe venait à peine de sortir de son berceau, c’est qu’on n’avait connaissance que de la vaccine de la vache.
Jenner, toujours Jenner, dans les premiers temps qui suivirent sa découverte, faisait dépendre son origine d’un érythème qu’il avait vu se développer sur un poulain ; plus tard, des eaux-aux-jambes (Grease, en anglais), et avec cette idée que pour être préservatrices elles devaient passer par la vache. Mais il revint bientôt de son erreur et déclara que ce passage était inutile, et que la matière du grease, transportée directement sur l’homme, y produisait les mêmes effets que la vaccine. Pour prouver que le cow-pox avait son point de départ dans les eaux-aux-jambes, il s’appuyait sur quelques observations qu’il avait faites lui-même, et dont voici à peu près le sens :
1o Les individus qui soignent cette maladie du cheval présentent parfois des pustules aux mains qui, mises ensuite en contact avec le pis de la vache, y transmettent le cow-pox ;
2o En Écosse et en Irlande, où le soin des vaches et des chevaux est pratiqué par des mains différentes, le cow-pox est inconnu ;
3o Enfin, la plupart des palefreniers et maréchaux sont à l’abri des atteintes de la petite vérole.
Mais a-t-il basé ces observations sur des faits positifs, irrécusables ? D’après MM. Bousquet et Steinbrenner, il n’aurait expérimenté qu’avec de la matière purulente de vieilles ulcérations des membres des chevaux, sans produire autre chose qu’une simple inflammation ; et Jenner lui-même avoue n’avoir jamais inoculé la sérosité claire et limpide du grease, ce qui est loin de parler en faveur de son assertion. Cependant, malgré l’insuccès que lui avaient fait éprouver ses expériences, Jenner était inébranlable dans ses idées ; et comme s’il entrevoyait un rayon de vérité, il n’en persista pas moins dans son opinion et emporta dans la tombe la conviction que le cow-pox avait sa source dans les eaux-aux-jambes.
Les idées que Jenner avait émises étaient trop incertaines pour qu’on ne fût en droit de les commenter ; c’est en effet ce qui arriva.
En 1801, le docteur Loy confirma un des premiers sa manière de voir.
Deux habitants du comté d’York, dont l’un exerçait la profession de maréchal, l’autre celle de boucher, ayant tous deux soigné des chevaux atteints d’eaux-aux-jambes, eurent par suite une éruption pustuleuse sur les mains, que Loy reconnut, après un examen attentif, pour être celle de la vaccine. Alors et sans perdre de temps, ce savant médecin se servit de la sérosité des pustules de cette éruption pour inoculer deux personnes et une vache ; de la sérosité de celles qu’il fit développer sur la vache, pour inoculer un enfant qui présenta à son tour de très belles pustules vaccinales ; et enfin, inoculé avec du véritable vaccin, cet enfant se montra réfractaire à l’inoculation.
Le résultat était complet, il ne laissait subsister aucun doute. Pouvait-on dès-lors dire que l’opinion de Jenner était exacte ? Loy se contenta de le penser. Mais il voulait encore d’autres preuves ; aussi tenta-t-il de nouveaux essais. Il inocula une première fois la sérosité des eaux-aux-jambes sur la mamelle d’une vache et n’obtint qu’un résultat négatif. Il répéta encore plusieurs fois son opération sur la vache, et aussi sur l’homme, avec de la sérosité d’autre source, prise sur des chevaux différents ; le résultat fut le même.
Loy ne se découragea pas cependant pour un premier échec, il avait la foi et partageait les idées de Jenner. Il eut la patience d’attendre longtemps. Et quand se présenta, pour servir ses expériences, ce cheval affecté de grease depuis quinze jours, dont les vésicules qui s’étaient formées au pli du paturon ne coulaient que depuis sept jours, il inocula la sérosité de ces vésicules, qui était claire et limpide, à cinq vaches.
Ces cinq vaches contractèrent un cow-pox parfaitement caractérisé, qui transmis à un enfant le rendit réfractaire à la contagion et à l’inoculation de la variole.
Pour expliquer les résultats, tantôt positifs, tantôt négatifs qu’il avait obtenus, Loy admettait l’existence de deux greases, l’un constitutionnel et l’autre local ; le premier pouvant engendrer le cow-pox, l’autre dépourvu de toute propriété contagieuse ; et sans dénaturer entièrement la manière de voir de Jenner, il en restreignait déjà le sens. Mais Loy, comme beaucoup d’autres qui sont venus après lui, a, selon toute probabilité, ignoré que le grease ne peut donner le cow-pox, ignoré la véritable origine de la vaccine.
Viborg, vétérinaire danois, après bien des efforts, dit avoir réussi à transmettre la vaccine à la vache par l’inoculation des eaux-aux-jambes chroniques. Ce n’est pas sans persévérance non plus que Coleman, Tanner, professeurs au collège vétérinaire de Londres, les docteurs Steinbeck et Kahlert, en Allemagne, et Godine jeune, en France, sont parvenus à faire développer le cow-pox sur le pis de la vache par l’inoculation des eaux-aux-jambes et à le transmettre ensuite à des enfants.
Les faits de développement de vaccine accidentelle chez les personnes qui pansaient des chevaux atteints de grease sont encore plus nombreux ; le maréchal et le boucher de Loy nous en donnent un exemple.
Sacco, en Italie, dit n’avoir jamais réussi à donner le cow-pox aux vaches par les eaux-aux-jambes ; mais il dit avoir vu se former, sur les mains de certains cochers, des pustules avec la sérosité desquelles il a inoculé des enfants qui ont été préservés de la petite vérole.
Birago, collaborateur de Sacco, eut occasion d’observer le même fait que lui, sur un cocher qui avait soigné un cheval affecté de grease, et il inocula la matière de ces pustules avec succès à plusieurs enfants.
Le cocher en question portait alors dix pustules à la main droite, sept à la gauche et trois à la lèvre supérieure. Birago s’empressa de l’envoyer à Sacco. Celui-ci inocula plusieurs enfants avec la matière pustuleuse du cocher, deux seulement eurent des pustules dont la matière transmise à d’autres enfants leur donna la vaccine.
Des observations à peu près semblables ont été faites tour-à-tour par Carro (de Vienne), Ritter (de Kiel), et les docteurs Berndt, Stockes et Rosenthal.
Un fait qui a été relaté dans la Revue médico-chirurgicale (1856), et plus tard par MM. Pichot et Mannoury, dans les Archives générales (1857), est celui que le docteur Tartra publiait déjà en 1812 : il avait trait à un palefrenier du château de Morangy, près Lonjumeau, qui avait contracté la vaccine à la suite des soins qu’il avait donnés à un cheval atteint d’eaux-aux-jambes. Le docteur Tartra, qui lui-même en a fait l’observation de concert avec le docteur Rigodin, inocula la matière claire, limpide et abondante qui s’écoulait des membres de ce cheval, à un grand nombre d’enfants. Il en inocula un nombre à peu près égal avec du vrai vaccin, avec du virus provenant des pustules du palefrenier, et à sa grande satisfaction les trois espèces de virus, ou du moins de trois sources différentes, produisirent absolument les mêmes effets, c’est-à-dire le développement de très belles pustules qui donnèrent un pouvoir réfractaire à ceux qui les avaient contractées ; ce que prouvèrent les inoculations faites ensuite avec du vrai vaccin.
En 1829, Berlin eut à souffrir d’une véritable épizootie d’eaux-aux-jambes. M. Hertwig et dix de ses élèves, soit en donnant des soins aux animaux qui en étaient atteints, soit de toute autre manière, reçurent sur les mains de la sérosité provenant de l’affection. Au bout de sept ou huit jours, les professeurs et les élèves furent sous l’influence de la fièvre, eurent tous un grand malaise, et chez tous se formèrent sur les mains des pustules noirâtres qui, vers le troisième jour, s’étaient changées en ulcères. Sur les dix élèves, deux seulement n’avaient pas été vaccinés et présentaient, à côté des ulcères, des pustules d’une ressemblance parfaite avec celles de la vaccine ; il est à regretter que l’expérience ne soit pas venue en démontrer l’identité.
Dans trois circonstances différentes, Cazenave et Schedel ont vu se développer des pustules vaccinales sur les mains de cochers employés à soigner des chevaux atteints d’eaux-aux-jambes. M. Biot paraît, lui aussi, avoir observé un cas semblable.
Un fait qui semblait bien établir la contagion de la matière du grease à l’homme, est celui que MM. Pichot et Mannoury ont communiqué en 1856 à l’Académie de médecine. Le 5 mars de cette année, M. Pichot fut consulté par un garçon maréchal nommé Brissot, qui présentait à la face dorsale de ses mains des pustules ayant la plus parfaite analogie avec celles de la vaccine. Il n’avait jamais été vacciné, n’avait eu aucun contact avec des vaches malades, mais avait ferré quelques jours auparavant un cheval atteint, d’eaux-aux-jambes.
Pour s’assurer si les pustules qu’avait contractées le maréchal étaient les mêmes, produisaient le même résultat que celles que donne le cow-pox, M. Pichot l’inocula avec du vrai vaccin et avec lui deux enfants qui n’avaient pas été vaccinés. Brissot se montra réfractaire à l’inoculation, et l’enfant présentait quelques jours plus tard de très belles pustules vaccinales.
M. Mannoury ayant reçu quelques jours après du virus qu’avait recueilli M. Pichot aux pustules du maréchal, l’inocula à un enfant sur lequel apparurent bientôt les caractères d’une vaccine régulière. Deux jeunes filles qui, jusque-là, s’étaient montrées réfractaires au virus vaccin, furent inoculées avec celui des pustules de l’enfant ; le plus grand succès couronna l’expérience. Plusieurs vaccinations successives furent encore pratiquées, et toujours avec la même réussite, toujours avec des résultats heureux. Pour Pichot et Mannoury, la démonstration était assez claire, ils ne doutaient plus de l’origine du cow-pox.
Toutes ces observations, toutes ces expériences semblent prouver les unes plus que les autres la faculté qu’auraient les eaux-aux-jambes d’engendrer la vaccine ; mais à côté d’elles se présentent d’autres expériences plus nombreuses, pratiquées par des hommes non moins habiles, et dont les conclusions sont loin d’être identiques à celles des premières.
Woodville, qui le premier s’est occupé de vérifier l’opinion de Jenner, dit avoir toujours inoculé la matière du grease au pis de la vache sans produire la moindre éruption pustuleuse. Coleman n’a pas été plus heureux. Plus tard, les mêmes essais et dans le même but ont été faits par Simmons, Lavrence, Pearson, Pilger, Baron, Buniva, Luciano, Toggia, Guiffa, Bartholini, et tous ces auteurs à leur tour ont vu échouer leurs entreprises. Les expériences de Héring en Allemagne, de Thouret, de Teissier, d’Huzard en France, de Sacco en Italie, n’ont donné que des résultats négatifs.
À une époque plus rapprochée de nous, MM. Bousquet et Leblanc ont répété les expériences de Voodville, et comme lui sont arrivés à cette conclusion : que le grease est impuissant à donner naissance à la vaccine.
Ces faits ne sont pas les seuls que nous pourrions invoquer, s’il s’agissait de fournir d’autres preuves de la non-contagion des eaux-aux-jambes ; il en est beaucoup d’autres tout aussi intéressants, tout aussi dignes d’intérêt, qu’il est superflu d’ajouter à la liste déjà trop longue de ceux que nous avons passés en revue.
En présence de tant d’expériences, de tant d’opinions divergentes au sujet de l’origine de la vaccine, toute conclusion devenait incertaine, impossible même ; et, connue auparavant,
un voile des plus épais enveloppait encore la question.
L’opinion que D’Arboval avait émise était-elle moins sujette à contestation que celle de Jenner ? La dépaissance pendant les saisons humides, dans les prairies basses et marécageuses avait-elle sûrement pour effet d’exciter le développement du cow-pox, comme il voulait bien le dire ?
Il aurait fallu admettre pour cela la spontanéité de la vaccine chez la vache, et de plus, que les contrées basses et humides où s’opère la dépaissance étaient les seules capables de donner naissance à l’affection ; mais l’observation s’élève contre cette dernière hypothèse, au contraire, et nous montre tous les jours les invasions que fait le cow-pox dans des pays élevés, secs et où les animaux ne sont nullement livrés à la dépaissance.
Certains auteurs ont prétendu que la vaccine provenait de l’inoculation du javart. Sur quoi ont-ils basé leur opinion ? Nous l’ignorons ; toujours est-il qu’il nous est permis de douter que ce soit sur l’observation ou sur des expériences bien concluantes. Ce qui ne laisse pas de doute, c’est que le javart n’est pas contagieux, c’est que son inoculation est incapable de faire développer une affection qui lui soit identique, et moins encore la vaccine. En conséquence, nous admettons que cette assertion ne provient que d’une traduction défectueuse du mot grease.
Le cow-pox tirerait-il plutôt son origine de la variole ? Telle était du moins l’idée de M. Robert (de Marseille), de M. Bousquet et plus tard encore de M. Depaul, qui dans la séance du 5 juin 1862, à l’Académie de Médecine, s’exprimait en ces termes : « Je nie, quant à moi, la transformation des eaux-aux-jambes en vaccin, je crois que la vaccine vient de la variole, je crois que le point de départ de la vaccine est dans l’homme lui-même ; » mais les auteurs de cette idée ont été depuis convaincus comme tous ceux qui la partageaient, et la lumière de la vérité a remplacé les ténèbres de leur erreur.
Beaucoup d’autres opinions ont encore été émises au sujet des causes du cow-pox et n’ont fait qu’augmenter l’incertitude qui régnait déjà sur son origine.
On en était arrivé à ce point de ne plus savoir de quel côté diriger les investigations pour trouver la source de la vaccine, lorsqu’au printemps de 1860 éclata tout-à-coup à Rieumes, non loin de Toulouse, une épizootie parmi l’espèce chevaline. M. Sarrans, vétérinaire exerçant sa profession dans ce petit bourg, eut occasion de l’observer attentivement et fit bientôt paraître un tableau contenant la liste de ses principaux caractères. Sur chaque individu la maladie débutait par un état général de malaise avec apparition de fièvre, peu intense il est vrai, mais ne cessant qu’aux premières manifestations des symptômes. Ceux-ci consistaient en des engorgements des jarrets qui devenaient rouges, chauds, douloureux, se recouvraient çà et là de petites pustules à forme caractéristique et faisaient boiter l’animal. Cet état de choses durait de trois à cinq jours, et au bout de ce temps commençait la deuxième période de l’affection. Elle se traduisait par un écoulement purulent des régions où était le siége des pustules, des jarrets, du pli du paturon ; écoulement qui, à mesure qu’il s’effectuait, faisait diminuer les engorgements de volume et la boiterie d’intensité. Cette période durait de huit à dix jours.
À la troisième, les engorgements se résolvaient totalement, la boiterie disparaissait, les pustules séchaient, et vers le quinzième jour les croûtes qu’elles avaient formées tombaient, entraînant avec elles de petits faisceaux de poils et laissant à leur place une cicatrice plus ou moins accentuée, suivant l’affluence de l’éruption et le volume de ces pustules.
Cette éruption ne siégeait pas seulement au pli du paturon, mais bien dans les différentes parties du corps, et principalement aux endroits dénudés de poils et où la peau est le plus mince, tels qu’à la face interne des cuisses, aux fesses, aux lèvres, à la vulve chez la jument, etc., etc.
Pendant que les phases de l’épizootie se succédaient à Rieumes, une jument de cette localité fit un voyage à Toulouse ; et reconnue malade à son arrivée, on l’amena à l’École vétérinaire pour y être visitée. D’après les renseignements donnés par le conducteur, la bête était plus nonchalente que de coutume et semblait souffrir des reins ; bientôt se produisirent des engorgements sur les membres postérieurs, principalement du côté droit, et le lendemain ou le surlendemain elle se prit à boiter.
Ramenée à l’école huit jours plus tard, elle était triste, avait peu d’appétit, boitait toujours des membres postérieurs, de l’un plus que de l’autre ; avait un gonflement chaud, douloureux à gauche, limité au boulet à droite, s’étendant jusqu’au milieu du canon, et éprouvait enfin une gêne marquée dans la flexion des boulets.
Les engorgements étaient hérissés çà et là de pinceaux de poils au-dessous desquels l’exploration faisait percevoir de petits boutons ayant l’aspect d’une pustule et d’où s’écoulait par la pression une matière liquide à odeur ammoniacale.
Le 20 avril, la jument fit son entrée dans les infirmeries de l’école ; on y pratiqua la tonte des parties affectées, et bientôt on fut dans la possibilité d’apercevoir de nombreuses ulcérations, les unes en relief, les autres au contraire déprimées, presque toutes circulaires, du diamètre d’une grosse lentille jusqu’à celui d’une pièce de 50 centimes, et desquelles s’écoulait une matière séro-purulente douée d’un certain degré de viscosité.
Le 30, les deux lèvres portaient du côté droit quelques pustules plates, rondes, à bords saillants, déprimées au centre, un peu éraillées par le frottement et recouvertes de croûtes sèches, fermes et très adhérentes.
Le 4 mai, la fièvre et la boiterie avaient disparu, les engorgements avaient sensiblement diminué.
Le 15, il y avait guérison complète.
Passons maintenant à l’intéressant de cette observation.
Le 25 avril, huit jours après l’invasion de l’éruption, M. Lafosse emprunta la matière d’une pustule à la jument de Rieumes et l’inocula publiquement à une jeune vache par une piqûre sur chaque trayon.
Le 5 mai, chaque inoculation avait produit une magnifique pustule, large, ferme, ronde, ombiliquée et à bords saillants : M. Lafosse avait découvert l’origine de la vaccine.
Instruit de cet événement, le préfet de la Haute-Garonne nomma immédiatement une commission officielle chargée de vérifier le fait qui venait de se passer à Toulouse.
Cette commission procéda à des inoculations de la vache à la vache, de la vache à l’espèce humaine, au cheval, etc., et dans tous les cas avec le plus grand succès.
Le caractère d’authenticité que ces expériences donnaient à la découverte de M. Lafosse, venait opérer une grande révolution dans l’histoire de l’origine du cow-pox ; dès-lors les meilleurs travaux qu’avaient produits soixante années d’études sérieuses étaient anéantis, frappés de nullité ; dès-lors l’opinion de Jenner était rectifiée, en ce sens que tout en ayant sa source dans le cheval, le cow-pox ne l’avait pas dans le grease ; dès-lors enfin, le javart et la variole ne donnaient plus naissance à la vaccine, et le progrès mettait un frein aux discussions de la science.
Cependant ces discussions devaient encore se continuer pendant un certain temps ; M. Lafosse avait bien démontré, dans une comparaison qu’il en avait faite avec les eaux-aux jambes, que la maladie de Rieumes était de nature pustuleuse ; mais il restait à bien établir qu’à elle seule était due la propriété d’engendrer le cow-pox ; et enfin à combattre les idées de M. Depaul au sujet de l’identité d’origine et de nature de la clavelée, de la vaccine et de la variole. Devant de telles questions, la tâche n’était pas facile, les efforts devaient être grands, et néanmoins les débats de l’Académie de Médecine, qu’avait provoqués la fausse stomatite aphteuse observée par M. H. Bouley à l’école d’Alfort, parvinrent à leur donner une juste solution.
Pendant le cours de ces débats, auxquels il avait pris une digne part, M. H. Bouley s’occupa de donner un nom à la maladie du cheval qu’on avait vue se produire aux environs de Toulouse, qu’il avait observée lui-même à Alfort, et se basant sur l’analogie qu’elle présentait avec la vaccine de la vache, la nomma hors-pox.
Plus tard, M. Gourdon lui a donné le nom d’équivaccine, et enfin M. Lafosse conseille de l’appeler vaccinogène.
Toutefois, et sans nous astreindre à porter un jugement téméraire qui, nous ne l’ignorons pas, serait loin d’atteindre l’autorité des noms qui les ont formulées, nous dirons que ces trois dénominations nous paraissent on ne peut plus justes ; mais que, cependant, nous accordons la préférence à la dernière comme étant plus complète, comme servant à exprimer la maladie et ses propriétés.
SPONTANÉITÉ DU COW-POX
La difficulté de la question que nous allons envisager indique assez la réserve que nous devrions montrer vis-à-vis de sa solution ; mais notre conviction est tellement formée sur ce sujet, que nous n’hésiterons pas à la formuler nettement.
D’après Jenner, avons-nous dit plus haut, les palefreniers et les maréchaux qui d’ordinaire étaient employés pour donner leurs soins à des chevaux atteints de grease présentaient quelquefois sur les mains des pustules dont l’inoculation transmettait le cow-pox à la vache ; en outre, en Écosse et en Irlande, où le soin des chevaux et des vaches était pratiqué par des mains différentes, le cow-pox était inconnu. La conclusion qu’il en tirait, c’est que la vaccine n’était pas spontanée chez la vache, qu’elle ne pouvait venir que du cheval et que, par conséquent, sans chevaux, sans grease, sans palefreniers, sans maréchaux, il n’y avait pas de cow-pox possible. À l’opinion de Jenner objectera-t-on que la vaccine de la vache n’a pas sa source dans le grease ? qu’importe, pourvu qu’elle soit chez le cheval, et pour une erreur aussi insignifiante, qui ne porte peut-être que sur le nom de la maladie, est-il permis d’un seul coup, et sans raison plausible, d’abolir le résultat des observations d’un homme aussi autorisé que Jenner ? Nous nous refusons formellement à le croire. Qu’on dise que Jenner était du vieux temps, d’une vieille époque, où les hommes ne pensaient pas comme ceux de ce siècle, et nous répondrons simplement de jeter un coup d’œil sur son trône de gloire.
Simmons n’a pas osé se prononcer sur la spontanéité du cow-pox, et cependant il était convaincu de son existence.
Pearson a été plus affirmatif sur ce point et a prétendu qu’il s’était manifesté bien souvent dans des fermes où le soin des vaches et des chevaux était pratiqué par des mains différentes, où il n’existait pas même de chevaux.
Sacco convient qu’on l’a trouvé sur des vaches isolées et sans qu’elles aient eu de contact avec des chevaux sains ni malades.
M. Héring, de Stuttgard, et M. Robert Ceely, d’Aylesbury, prétendent avoir observé des cas semblables. Nous pourrions en dire autant des docteurs Hellis et Levasseur. Mais tous ces prétendus cas de spontanéité de la vaccine chez la vache ne nous paraissent pas suffisamment démontrés ; car, en se basant sur la subtilité du virus vaccin, sur le peu de prudence qu’ont les palefreniers, sur le nombre de l’espèce chevaline, et enfin, sur le mode de propagation des virus, il serait toujours possible d’admettre la contagion. Et puis, à l’époque où ces observations ont été faites, la découverte de M. Lafosse n’avait pas encore eu lieu ; on doutait que le cheval eût une maladie capable de faire développer le cow-pox, et c’est pourquoi on était naturellement porté ià admettre sa spontanéité, à se laisser aller aux illusions.
À partir de 1860, la maladie vaccinoïde ou vaccinale du cheval était connue ; dès ce moment, ces illusions n’étaient plus possibles, le cheval avait une maladie capable de donner la vaccine à la vache : la vaccinogène était la source du cow-pox.
Mais, nous dira-t-on, de ce que la vaccine peut prendre son origine dans l’affection pustuleuse du cheval, est-ce une raison pour nier sa spontanéité d’une manière absolue ? Ce n’est là qu’une conséquence secondaire des preuves que nous avons à fournir contre elle.
En examinant les cas de cow-pox spontané enregistrés jusqu’à nos jours, on voit qu’à l’exception d’un seul observé par Numan, d’Utrecht, tous ont eu lieu chez la vache. Aussi était-il généralement admis que le bœuf et le taureau ne pouvaient le contracter que par inoculation.
Et s’il en est ainsi, ce que toutes les observations ont jusqu’ici prouvé, est-il possible d’admettre que le sexe, la gestation et la lactation produisent dans l’organisme de la vache des modifications constitutionnelles et physiologiques favorisant la spontanéité de la vaccine ? Nos convictions s’y opposent. Quoi de plus simple, en effet, que de voir le cow-pox se développer plus souvent, presque constamment, sur les vaches ? Celles qui le contractent ne sont-elles pas toujours laitières ? leur pis n’est-il pas habituellement en contact avec la main de l’homme, avec ce puissant agent de transmission ? ne sont-elles pas exposées beaucoup plus à la contagion que le bœuf et le taureau ? Personne, je l’espère, ne peut en douter. Mais alors tout s’explique, et si on ne peut l’affirmer d’une manière absolue, on peut au moins dire qu’il y a de fortes présomptions en faveur de la spontanéité du cow-pox.
Un seul point reste encore à élucider pour clore la question : c’est celui de savoir si, de ce que la vache est plus exposée à la contagion que le bœuf et le taureau, on doit se croire suffisamment autorisé pour ne pas admettre chez elle cette spontanéité.
Au premier abord, on serait sans nul doute porté à dire le contraire ; mais si on fait une étude comparative de la vaccine du cheval avec celle de la vache, de leur vaccin, de leur force de contagion, etc., on revient bientôt de l’erreur qu’on a été sur le point de commettre, et alors on ne peut plus s’empêcher de dire, ce que nous dirons nous-même : le cow-pox n’est spontané que chez le cheval.
Maintenant que nous savons où il a sa source, nous devons nous demander quelle est la maladie qui le produit.
D’après la description que nous en avons donnée précédemment, nous savons déjà que cette maladie est une affection pustuleuse ayant la plus grande analogie avec le cow-pox qu’on l’a appelée successivement hors-pox, équivaccine, vaccinogène. Par conséquent, plus de doute. Nous avons affaire à la vaccine elle-même, à la vaccine du cheval ; la principale cause du cow-pox est dans la contagion.
Il nous resterait encore à passer en revue les causes de cette vaccine : mais pour ne pas entrer dans une foule de suppositions plus ou moins problématiques, nous aimons mieux dire qu’elles sont inconnues.
SYMPTOMATOLOGIE
Afin d’agir avec méthode et d’éviter des répétitions inutiles, dans l’exposé qui va suivre nous donnerons d’abord les caractères généraux de l’affection, puis les caractères particuliers du hors-pox, comme étant la source de tout ce qui est vaccin, et enfin, pour terminer, nous ferons le diagnostic différentiel de la vaccine des espèces domestiques autres que le cheval.
Caractères généraux. Ils se traduisent au début par une fièvre très légère qui varie d’intensité suivant les animaux chez lesquels on observe la maladie ; par une diminution de l’appétit plus ou moins prononcée : et enfin, par une éruption pustuleuse.
Symptômes du hors-pox. Trois périodes sont à considérer : l’invasion, la sécrétion et la desquamation.
L’invasion s’annonce par un état fébrile généralement peu marqué, d’autres fois assez intense pour déterminer de la tristesse, de l’abattement et une anorexie presque complète. Peu de temps après, apparaissent sur les membres, aux jarrets, aux paturons, des engorgements revêtant tous les caractères inflammatoires et les animaux commencent à boiter. Sur ces engorgements et en même temps qu’ils se forment, se développent aussi de petits boutons, rouges, chauds, douloureux, aplatis, ombiliqués, circonscrits par un rebord saillant et entourés d’une auréole ronge, pouvant atteindre le diamètre d’une pièce de un franc. Il ne faut pas croire cependant que les petits boutons dont nous venons de parler ne viennent exclusivement que sur les engorgements, au contraire ; ils peuvent faire éruption sur toutes les parties du corps et principalement aux lèvres, dans la bouche, aux endroits où la peau est fine et presque dénudée de poils. Lorsqu’ils siégent aux lèvres, sur la pituitaire ou sur la muqueuse buccale, ils déterminent ordinairement l’inflammation de ces parties ; et alors il n’est pas rare de les voir reliés entre eux, et aux ganglions inter-maxillaires déjà enflammés, par des cordes qui semblent donner à l’affection un caractère spécifique ; mais il n’en est rien ; car si on a le soin d’attendre, on voit bientôt ces cordes se résoudre et l’affection arriver à une bonne terminaison.
Cette période dure ordinairement de quatre à cinq jours.
Sécrétion. La fièvre augmente légèrement, et presque aussitôt il y a formation d’un liquide séreux, qui vient occuper le sommet du bouton. Celui-ci prend alors une teinte plombée argentine, le cercle inflammatoire qui l’entoure devient livide, la fièvre commence à diminuer, de la sérosité s’écoule, et peu à peu les engorgements, l’inflammation des ganglions, les cordes et la boiterie disparaissent. Cela se passe en huit ou dix jours.
Desquamation. À cette période, qui commence à partir du dixième jour, la fièvre diminue sensiblement, finit même par disparaître, et les animaux recouvrent l’appétit. La sérosité des pustules, qui jusque-là était restée claire et limpide, se concrète de plus en plus, prend une couleur rouge d’ocre, devient purulente. Ces mêmes pustules brunissent graduellement du centre à la circonférence, il se forme des croûtes d’un brun foncé unies à leur surface libre et ayant tout-à-fait l’aspect d’une graine de noix vomique, et enfin du quinzième au vingtième jour, ces croûtes tombent laissant une cicatrice rouge déprimée dont la largeur et la profondeur sont en rapport avec le volume de la pustule qui existait primitivement.
Diagnostic Différentiel. Chez l’espèce bovine, l’affection se traduit, à quelque chose près, de la même manière que chez le cheval. À la période d’invasion il y a fièvre, quelquefois souffle labial, la rumination est suspendue, la sécrétion lactée diminuée ; mais on ne voit jamais se produire des engorgements des cordes et l’inflammation des ganglions inter-maxillaires. En outre, les pustules plus petites ont un siége presque constant, les mamelles. Chez l’espèce bovine, pas d’état général, pas de fièvre, pas de trouble dans la rumination. Le développement pustulaire commence du premier au troisième jour après l’inoculation ; au cinquième, la matière vaccinale est toute formée, et enfin au huitième jour tout est terminé. La pustule vaccinale est presque conique et à peine ombiliquée.
De la fausse vaccine. Il est encore une variété de vaccine appelée fausse, qu’il importe de ne point confondre avec la vraie. Quoique étant de même nature qu’elle, de même famille, de même espèce, elle en diffère néanmoins par sa marche, par sa forme et par sa durée. Ainsi, elle s’annonce ordinairement, du premier au deuxième jour après l’inoculation, par un petit bouton plus visible à l’œil qu’au toucher, qui vers le cinquième jour a acquis tout son développement. Les pustules qu’elle fournit sont tantôt rouges, tantôt jaunâtres, coniques, jamais ombiliquées, n’ont jamais cet éclat qui caractérise la vraie vaccine, suppurent, et enfin vers le septième jour, au plus tard, il n’en reste pas de traces. Ces pustules sont à une seule cavité, de telle sorte que si on vient à les piquer, elles se vident d’un seul trait. Elles sont aussi plus superficielles que celles de la vaccine préservatrice. Formées par l’inoculation d’un virus avarié, reconnaissant pour causes une première inoculation, une disposition naturelle, la variole naturelle, et n’étant pas produites, comme on l’a prétendu, par les piqûres d’instruments émoussés, oxydés, sales, le virus qu’elles sécrètent est encore susceptible de transmettre la vraie vaccine. Et cependant toute fausse vaccine ne donne pas forcément naissance à la vraie, car il arrive quelquefois que ses pustules étant trop rudimentaires, ne contiennent aucune trace de virus vaccin, et alors toute inoculation faite avec leur matière reste sans effet.
DU VIRUS VACCIN.
On est convenu d’appeler vaccin la matière fournie par les pustules à leur période de sécrétion, susceptible de reproduire la maladie qui lui a donné naissance.
Dans la pustule, le vaccin occupe les cellules du corps réticulaire de la peau, ce qui fait qu’il ne peut sortir totalement lorsqu’on la pique au début ; plus tard, ces cellules se détruisent et il n’en est plus de même.
Pour être de bonne qualité, le vaccin doit être limpide, un peu visqueux, inodore, d’une saveur âcre et salée, de couleur brillante argentée, filant, doit adhérer à la lancette avec laquelle on l’inocule, se dessécher promptement à l’air et présenter alors un aspect gommeux, raidir les fils sur lesquels il se dessèche, se mélanger difficilement avec le sang, et enfin ne doit sortir qu’avec lenteur de la pustule qui le renferme et former globule à sa sortie.
Telles sont les propriétés physiques d’un bon vaccin, du vaccin jusqu’au dernier jour de la période de sécrétion.
La chimie ne nous a donné que des notions très peu satisfaisantes sur sa composition : elle n’y a trouvé que de l’eau et de l’albumine.
Dernièrement, M. Chauveau, professeur d’anatomie à l’École vétérinaire de Lyon, a démontré, dans un excellent mémoire couronné par l’Académie des sciences, que la partie active du vaccin réside dans des espèces de granulations solides qui, desséchées et mouillées ensuite, reprennent leurs propriétés premières. En outre que si, au moment où commence à se développer la pustule vaccinale, on vient à l’extraire, il se forme une éruption générale.
À sa naissance, lorsqu’elle n’est encore qu’à l’état de bouton, la pustule vaccinale a déjà du vaccin, et même de la meilleure qualité ; mais il est encore si peu abondant, que la vue ne peut le découvrir. Cet état de choses ne persiste pas longtemps, car si on pique un bouton de vaccine vers le commencement de la période de sécrétion, on voit bientôt paraître un liquide clair, limpide, diaphane, qui s’amasse peu à peu à la surface de la pustule, en gouttelettes arrondies et brillantes comme une espèce de rosée : c’est le fluide ou virus vaccin.
Aussitôt formé, il est doué de toute son activité et la conserve jusqu’à ce qu’il se concrète, se transforme en une matière purulente ; c’est alors que les cellules du corps rétitulaire détruites ne font plus obstacle à son complet écoulement, si l’on vient à piquer la pustule. À ce moment, et presque tout d’un coup, ses facultés préservatrices cessent.
L’air et l’eau, comme l’ont démontré les expériences de M. Chauveau, ne nuisent pas à l’action du vaccin ; mais les chlorures l’altèrent et le détruisent, pourvu toutefois que le mélange soit bien fait et un peu prolongé. Il ne nous paraît pas impossible qu’à la longue l’air et l’eau puissent cependant produire les mêmes effets que les chlorures. La lumière, le froid, la chaleur, etc., détruisent aussi petit à petit les propriétés du vaccin, en sorte qu’il arrive un moment où il est tout au plus apte à communiquer la fausse vaccine, celle qui ne préserve pas de la petite vérole. En résumé, il est facile de nous apercevoir que plus le vaccin aura été exposé à la chaleur, au froid, à la lumière, à l’air, à l’humidité, et moins il sera efficace comme préservatif. De là l’indication de vacciner avec du virus pris directement sur la pustule, sur une pustule non éraillée, dépourvue de croûtes ; en cas contraire, la matière a perdu de sa transparence, est devenue jaunâtre, de consistance piriforme, et par conséquent son inoculation est moins apte à donner de bons résultats.
En général si, après l’inoculation, la lancette se trouve oxydée, c’est une preuve de la mauvaise qualité du vaccin ; c’est une preuve que la matière qui a servi à la pratiquer n’avait plus la consistance visqueuse devant préserver le métal contre l’action de l’oxygène.
Le virus vaccin perd de son énergie et de ses propriétés préservatrices suivant les sujets, leur tempérament, les espèces et le nombre de ses générations : un enfant de quelques mois, bien sain, bien constitué, donne du vaccin plus fort, plus énergique qu’un enfant qui vient de naître, chétif et languissant. Les pustules du premier sont larges, belles, leur vaccin se conserve avec tout son éclat ; celles du dernier, au contraire, sont petites, comme avortées, et leur virus perd peu à peu de ses propriétés. Il en est de même lorsqu’on le fait passer du cheval à la vache, de la vache à l’homme, et de l’homme au mouton ; car il subit alors les mêmes transformations que la plante indigène transportée sur un sol étranger ; les observations suivantes nous le prouvent : Il y a un mois environ, une génisse et, un cheval ont été inoculés fructueusement par M. Bonnaud avec du vaccin d’origine napolitaine. Un de nos condisciples et amis, M. Pons, vacciné depuis deux ans et demi, l’a été de nouveau avec le virus provenant de la vache, par trois piqûres au bras gauche, et par le même nombre de piqûres, mais avec le vaccin des pustules du cheval, au bras droit. La matière du cow-pox est restée sans effets ; celle du hors-pox a donné trois énormes pustules vaccinales. Ayant, quelques jours plus tard, répété sur nous la même expérience avec le vaccin de M. Pons et celui du cheval, nous avons obtenu les mêmes résultats.
Les considérations et les expériences ci-dessus nous démontrent que le virus vaccin dégénère ; que cette dégénérescence à son point de départ entre le cheval et la vache, et par suite, que le cheval seul a le pouvoir de contracter la vaccine spontanément.
Avant l’avènement de la vaccine, lorsqu’on se donnait volontairement la petite vérole pour ne pas la recevoir de la nature, on avait remarqué que si on faisait passer le virus varioleux d’un inoculé à un autre, sans le renouveler, il ne tardait pas à dégénérer.
Cette remarque, M. le docteur Beringuier, de Rabastens, l’a faite pour les revaccinations : il a fait voir par une série d’expériences que le vaccin s’affaiblit si rapidement sur les revaccinés, qu’à la cinquième ou sixième génération il cesse presque de se reproduire et d’être préservatif.
Quoique le vaccin varie de force suivant les sujets, leur tempérament, les espèces et le nombre de ses générations, il ne change pas pour cela de nature.
On s’imagine généralement que le vaccin varie d’un sujet à l’autre, et qu’il suit dans sa composition toutes les variations, bonnes ou mauvaises, des vaccinés ; de telle sorte que chacun communique au vaccin quelque chose de son tempérament : s’il est scrofuleux, il fournit un vaccin scrofuleux ; s’il est dartreux, rachitique, scorbutique, vénérien, il fournit un vaccin se ressentant de ces fâcheuses dispositions. Il n’en est rien, l’expérience nous le prouve, et cependant nous ne saurions nous empêcher de conseiller une grande prudence dans l’emploi du vaccin provenant d’individus affectés de maladies et surtout de maladies contagieuses se transmettant par le sang.
Lorsqu’on a été bien convaincu que le vaccin était susceptible de dégénérer, on s’est immédiatement occupé de le renouveler par la préconisation d’un grand nombre de moyens, et néanmoins sans atteindre ce but. Aujourd’hui, on peut avoir un vaccin d’une très grande énergie, soit en le prenant directement sur le cheval, soit en le faisant d’abord passer par la vache.
CONSERVATION DU VACCIN.
Nous pourrions dire ici tout ce qui a rapport à la conservation des virus en général, mais nous ne nous occuperons que de la conservation du vaccin en particulier, pour ne pas entrer dans de trop longues considérations.
Du temps de Jenner, l’usage était de recueillir le vaccin sur des fils qu’on faisait ensuite dessécher. Ce procédé était très incomplet.
Plus tard on a conservé le vaccin sur la pointe des lancettes. Ce moyen, d’exécution facile, efficace pour vingt-quatre ou quarante-huit heures au plus, ne remplit pas toutes les conditions nécessaires.
Plaques. — Vint ensuite l’usage des plaques de verre, entre lesquelles on interposait la matière vaccinale ; cette méthode, pratiquée encore de nos jours, donne des résultats assez satisfaisants ; mais, comme il est très difficile de rencontrer des plaques qui s’adaptent assez exactement pour ne pas permettre l’introduction d’une certaine quantité d’air dans leur intervalle, on leur préfère les tubes.
Pour charger les plaques, on les pose alternativement sur un bouton largement ouvert, de manière que les points humectés se correspondent exactement après la superposition des plaques. On répète cette petite manœuvre deux ou trois fois, et lorsqu’on juge que la quantité de vaccin qu’elles retiennent est suffisante, on les applique l’une contre l’autre, après avoir donné cependant au vaccin le temps de prendre un peu de consistance, afin qu’il ne s’étale pas trop ; c’est l’affaire de deux ou trois minutes. Il est d’usage en France, de les luter soit avec de la cire blanche, soit avec de la cire à cacheter. En Angleterre, on se contente de rapprocher exactement les plaques et de les envelopper dans des feuilles d’étain. Lorsqu’on veut se servir du vaccin ainsi conservé, on détache, on sépare les plaques et on délaie le virus dans un peu d’eau.
Tubes. — Les tubes à vaccin sont des tubes capillaires renflés dans leur milieu et terminés par des extrémités extrêmement déliées.
Les plus fins, les plus capillaires sont sans contredit les plus estimés. Rien n’est plus facile que de remplir un tube à vaccin : on approche une de ses extrémités de la pustule, qu’on a eu préalablement le soin d’ouvrir largement, et en vertu de la capillarité, le tube ne tarde pas à s’approprier tout le virus qu’il est capable de contenir. Il arrive parfois que le tube refuse d’absorber ; c’est alors une preuve qu’il existe un caillot obturateur. Il faut l’enlever et continuer l’opération comme si rien n’était. Les tubes pleins, il s’agit de les fermer, et pour cela on en approche alternativement les deux extrémités de la base de la flamme d’une bougie ; le verre fond et se soude.
Lorsqu’on veut se servir du vaccin, on casse les deux extrémités du tube ; et on souffle par l’une d’elles pour chasser le vaccin à l’extérieur.
On a essayé de conserver le vaccin par les croûtes, en les recouvrant d’enduits imperméables, ou bien encore au moyen de sucre qu’on imbibait de sérosité vaccinale ; mais nul procédé ne vaut celui des tubes. Cependant, il est bon de les connaître tous afin de pouvoir en faire usage à l’occasion.
En général, la conservation du vaccin est d’autant plus certaine qu’il est plus soustrait aux intempéries, aux actions de l’air, de l’eau, du froid, de la lumière et de la chaleur.
VERTU PRÉSERVATRICE DE LA VACCINE.
Jenner, et après lui tous les premiers vaccinateurs ont affirmé de la manière la plus positive que la vaccine préserve de la variole, et que cette préservation est indéfinie. Cette assertion devait donner lieu à de nombreuses discussions, et c’est en effet ce qui arriva.
Au début, on avait pourtant dit si souvent que la vaccine préservait pour toujours de la petite vérole, qu’on osait à peine toucher à une opinion qu’on croyait inébranlable. L’observation faisait défaut ; et à un tel point, qu’il faut venir jusqu’à 1811 pour trouver le premier fait de variole, après vaccination, publiquement constaté par le comité central. Plus tard ces faits se sont renouvelés, multipliés avec le nombre des épizooties varioleuses, et il a été enfin permis de jeter un rayon de lumière sur l’obscurité qui enveloppait la question. De nos jours, plus de doute : les propriétés préservatrices de la vaccine ne sont absolues qu’à l’égard de certaines personnes ; tandis que d’autres, mais en plus petit nombre, il est vrai, ne sont nullement à l’abri des atteintes de la petite vérole.
Si maintenant nous passons en revue le résultat des nombreuses observations qui ont été faites à ce sujet, nous pouvons nous convaincre que la variole ne frappe pas indistinctement, et comme au hasard, dans les rangs des vaccinés, mais, au contraire, qu’elle semble agir avec discernement, et faire en quelque sorte un choix parmi eux. Sauf les exceptions, la variole attaque les anciens vaccinés et respecte les nouveaux. Les relevés des tableaux publiés dans les diverses parties de l’Europe constatent, d’une manière positive, qu’avant la neuvième année de vaccination, les enfants sont rarement atteints par la variole. Ces mêmes relevés montrent, au contraire, que cette maladie sévit de préférence sur ceux dont la vaccine remonte à dix, quinze, vingt ans, et ainsi de suite jusqu’à trente et trente-cinq ans ; ce qui indique qu’il faut revacciner tous les dix ans.
Un fait général que l’histoire des affections éruptives pouvait faire prévoir, c’est que, passé trente-cinq ans, l’aptitude des vaccinés à contracter la petite vérole devient si faible, qu’elle peut être regardée comme presque nulle.
Les propriétés de la vaccine connues à l’égard de la variole, on pensa immédiatement que cette affection pourrait bien être aussi le préservatif de la clavelée, en se basant sur l’analogie qu’elle présente avec la variole ; mais cette supposition avait besoin d’une démonstration établie sur des faits positifs irrécusables, nombreux, et non sur quelques faits isolés et incertains. Les bases étaient chancelantes, il fallait les consolider. Y a-t-on réussi ? c’est ce que nous apprendrons par la suite.
Alibert, Tessier et Valois se livrèrent les premiers à des expériences qui semblèrent tout d’abord confirmer les espérances qu’on avait conçues. Après avoir vacciné plusieurs moutons, ils les soumirent ensuite à la contagion claveleuse, sans qu’ils aient réussi à leur faire contracter la maladie. Godine paraît avoir obtenu des résultats non moins satisfaisants. Husson et Liénard disent avoir vacciné plus de cent-soixante moutons et les avoir ensuite soumis à plusieurs contre-épreuves sans qu’ils aient contracté la clavelée.
Malgré ces expériences, qu’ils auraient pu juger concluantes, ces savants de bonne foi refusèrent de croire aveuglément à l’efficacité de la vaccine comme préservatif de la clavelée, ne se croyant pas assez éclairés pour formuler leur décision.
À Versailles, et vers la même époque, après avoir vacciné plusieurs moutons, Voisin les avait assujettis à des contre-épreuves, et était parvenu à leur faire contracter la clavelée, seulement avec des apparences moins graves.
Bien d’autres encore après lui ont pratiqué les mêmes essais, et comme lui ont reconnu l’impuissance de la vaccination comme préservatif de la clavelée. L’opposition que nous rencontrons dans l’analyse des faits précédents, recueillis par des hommes dont la réputation commande la confiance, devrait nous imposer le silence sur le doute qui enveloppe la question. Mais les observations de Voisin, de Verrier, de Gohier, d’Husson et de bien d’autres encore, nous paraissent tellement concluantes, tellement empreintes d’un caractère de vérité, que nous n’hésitons pas un seul instant à formuler notre idée, à dire : que la vaccination n’a pas la propriété de préserver l’espèce ovine de la clavelée.
D’Arboval a fait des recherches dans lesquelles il a pu remarquer que, sur 1523 bêtes ovines vaccinées, 1341 l’ont été avec succès, et que sur 429 de ces dernières vaccinées, 12 seulement ont pu être préservées de la clavelée ; ce qui nous prouverait encore une fois l’impuissance de la vaccination contre la clavelée. Au reste, Voisin nous démontre cette impuissance, en nous faisant remarquer que les bêtes ovines vaccinées, n’ont jamais de symptômes généraux, jamais de fièvre, mais bien une affection toute locale dont la spécificité est incapable par elle-même d’exercer une influence sur d’autres régions que celle où existe son siége.
On a prétendu que la vaccine pouvait préserver l’espèce canine de la maladie qui lui est particulière. Le docteur Sacco, de Milan, a vacciné 250 chiens, et un seul, dit-il, a succombé à l’affection ; ce qui ferait supposer, et que l’inoculation a parfaitement réussi, et que la vaccine a produit un effet préservatif. Sacco va plus loin encore. Il dit avoir pris sur un chien gravement affecté de la maladie, la mucosité fétide qui coulait de son museau, les larmes qui s’échappaient de ses yeux, en avoir fortement frotté le museau de deux chiens préalablement vaccinés, sans avoir pu faire développer sur eux la maladie qui les assiége. Il répéta la même expérience sur deux autres chiens, mais cette fois les résultats qu’il obtint furent différents, car ces sujets d’expérience contractèrent la maladie, néanmoins avec des apparences plus bénignes que celle du chien qui avait servi à la leur communiquer.
Qu’il nous soit permis de douter de la contagion de la maladie de l’espèce canine, et plus encore de la faculté préservatrice de la vaccine à son égard.
Le docteur Valentin dit avoir toujours reproduit la vaccine sur les jeunes chiens, par l’inoculation du vaccin sous le ventre, aux cuisses, au fourreau ou aux mancelles ; ce qui tendrait à prouver le développement de la vaccine chez le chien.
Gohier a vacciné vingt-six chiens ; un seul a eu des pustules, mais n’a pas été préservé de la maladie.
Dans une autre expérience, après avoir fait développer la vaccine sur deux de ces animaux, il voulut la transmettre à d’autres de la même espèce, mais il ne put y parvenir. Plus tard il inocula quatre jeunes chiens ; six jours après, le plus jeune avait trois boutons sans auréole rougeâtre à leur base, de la grosseur d’une lentille, et contenant une matière d’aspect piriforme. Cette matière inoculée à deux jeunes chiens, produisit sur l’un d’eux un petit bouton qui se termina par résolution ; mais ni les uns ni les autres de tous ceux qui avaient présenté ces prétendues pustules, n’échappèrent à la maladie.
Les expériences de Gohier nous prouvent que la vaccine n’est pas le préservatif de la maladie des chiens et vient confirmer le fait de Valentin.
Nauche a aussi expérimenté dans le même but que ses prédécesseurs, et est arrivé à conclure que, dans certaines circonstances, la vaccination pouvait prévenir la maladie des chiens.
M. Lafosse dit n’avoir jamais réussi à pouvoir même transmettre la vaccine à l’espèce canine. Des centaines d’observations analogues ont été faites par les vaccinateurs de notre époque ; aussi est-il généralement admis que la vaccine ne peut exercer aucune influence sur l’espèce canine.
Par la vaccination, Valentin dit avoir préservé les solipèdes de la gourme ; ce à quoi nous répondrons que cette assertion est trop fictive et trop démentie par l’observation pour que nous y ajoutions foi.
Est-ce à dire qu’on ne doive pas chercher encore à utiliser le vaccin comme moyen prophylactique ? Non. Mais le vœu que nous sommes forcé d’exprimer, c’est que les recherches aient au moins un sens et une meilleure direction.
TRAITEMENT
Quoique la vaccine n’offre aucun danger sérieux pour les espèces qui la contractent, il n’en est pas moins vrai qu’au début la vache éprouve un mouvement fébrile, du malaise, devient triste et résiste quelquefois énergiquement au trayage. Alors un traitement est d’urgence ou, tout au moins, il faut des précautions, donner des soins, et faire suivre un régime dans le but d’améliorer son état.
Lorsque les mamelles sont enflammées, douloureuses, il est bon de faire usage de topiques émollients ou astringents, suivant les degrés de l’inflammation, et de continuer la mulsion afin de prévenir les engorgements qui pourraient se former.
S’il y a obstruction des canaux galactophores, on joint à une douce mulsion le sondage, les injections émollientes. Et enfin, comme soins hygiéniques, on doit tenir les animaux dans une température moyenne, à l’abri des courants d’air, du froid, de l’humidité et leur faire une bonne litière. Il est encore rationnel, dans le but d’éviter la contagion, de séparer les vaches saines de celles qui sont déjà affectées.