58 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
chacune des occasions qui se présenteront vous serez obligé de faire ce qui, tout bien considéré, vous paraîtra ce qu'il y a de mieux à faire en ce moment donné, peu importe que vous ayez tort ou raison dans le choix de votre acte. Votre esprit sera une balance à considérations et ce sera toujours le plateau le plus lourd qui décidera votre action. De quel côté le plateau penchera-t-il, cela dépendra de l'espèce de balances que vous aurez tirées au sort en naissant, de l'inclinaison que l'usage leur donnera, et du poids des considérations immédiates. Si à l'origine les balances étaient bonnes, et si on ne les a pas trop dérangées pendant votre enfance, et si les combinaisons dans lesquelles vous entrez sont des combinaisons ordinaires, vous pouvez vous en tirer assez bien. Mais il y a trop de " si " là-dedans, et si l'un d'eux vient à manquer, votre malheur est certain. Réfléchissez à cela, et rappelez-vous que si vous avez un mauvais lot, c'est votre faute, car c'est vous qui avez voulu naître, et vous n'y étiez nullement obligé.
" Ce n'est pas que nous prétendions que l'hu- manité ne connaisse aucun plaisir : elle montre avec une certaine ostentation une quantité de moments heureux qui peuvent même arriver à constituer une grosse somme de bonheur. Mais remarquez de quelle façon ces moments heureux sont répartis sur l'étendue de la vie d'un homme ; tous les plus vifs appartiennent à la première
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