Charte graphique de la communication gouvernementale en France
La charte graphique de la communication gouvernementale est la charte graphique utilisée en France par les services du gouvernement. Elle est adoptée en par le gouvernement de Lionel Jospin et s'articule autour d'un logo associant Marianne, le drapeau tricolore et la devise Liberté, Égalité, Fraternité pour représenter la République française. Une refonte de cette charte graphique a été effectuée en .
Histoire
[modifier | modifier le code]François Mitterrand, lorsqu'il était président de la République, s'est déjà vu proposer par Jacques Séguéla l'idée d'un logo pour les institutions de l'État. Il l'avait toutefois refusée, la jugeant trop publicitaire[1],[2].
En , la Cour des comptes constate dans un rapport qu'un « kaléidoscope de symboles différents » existe dans les publications de l'administration[2]. Son auteur, Bernard Candiard, devenu ensuite directeur du Service d'information du gouvernement (SIG), lance au sein de cet organisme le projet de la création d'un logo avec Nicole Civatte[3]. L'objectif est de « créer un identifiant de l'État qui signalerait de façon claire que l'État existe en tant qu'émetteur spécifique : une place à prendre, une parole autonome à affirmer », selon un document interne émis en par le SIG[4].
Un appel d'offres est lancé en , premier exemple d'externalisation par l'État de sa communication visuelle[5]. La création du logo est confiée à l'agence Audour Soum (qui a ensuite fusionné avec l'agence Hémisphère droit, filiale du groupe de Séguéla)[6], avec Evelyn Soum comme responsable de projet[7]. Dessiné par la graphiste Isabelle Bauret, le logo répond à un cahier des charges établi « au terme d'une investigation croisant l'analyse sémiotique, des entretiens avec des hauts fonctionnaires, ainsi que des réunions avec le grand public »[4]. Il est testé par la Sofres auprès du public et d'agents de l'État avant d'être diffusé[8].
Son adoption est néanmoins délicate dans un contexte de cohabitation. Ainsi le président de la République, Jacques Chirac, consulté par le gouvernement en , hésite dans un premier temps à toucher à l'intégrité du drapeau[9].
La charte graphique est finalement introduite par la circulaire no 4.694/SG signée par le Premier ministre, Lionel Jospin, le [10].
La circulaire no 5459/SG signée par le Premier ministre, François Fillon, le , a fait évoluer la charte graphique pour les services déconcentrés[11].
La circulaire no 6144/SG signée par le Premier ministre, Édouard Philippe, le a simplifié la charte graphique et l'a rendue plus adaptée à la lecture sur smartphone[12],[13]. Selon le designer Valentin Socha, ce choix répond à une volonté de rendre l'action de l'État plus lisible et plus visible, après le mouvement des Gilets jaunes[14], la « complexité de l'organisation administrative » étant un des points qui ont émergé lors du grand débat national[13].
Protection
[modifier | modifier le code]La première version de du logo constitue une marque graphique que le SIG a enregistrée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) sous le numéro 7596745 et sous le nom « Liberté-Égalité-Fraternité République française »[15] ainsi qu'une marque communautaire[16],[17].
De plus, depuis le , le logo fait partie des emblèmes protégés au titre de l'article 6 ter de la Convention de Paris[17].
Le , la cour d'appel de Paris a confirmé la décision du directeur de l'INPI qui avait rejeté l'enregistrement, par l'association « Expressions de France », d'un dessin représentant une Marianne républicaine vue de profil, au motif qu'il était contraire à l'ordre public : la Cour a en effet jugé qu'il existait un risque que le public ne le confonde avec le logo officiel[17],[18].
Première version (1999)
[modifier | modifier le code]Description
[modifier | modifier le code]Le logo rappelle le drapeau du pays sous la forme d'un rectangle allongé reprenant les trois couleurs bleu, blanc, rouge, dont la partie centrale blanche dessine le profil de Marianne contournée (au sens du blasonnement en héraldique), c'est-à-dire regardant vers la droite.
Sous le rectangle figure un socle typographique contenant :
- sur une première ligne : la devise de la République, « Liberté • Égalité • Fraternité », en italique, avec des puces comme séparations entre les mots ;
- sur une deuxième ligne : la mention « République Française ». La majuscule à « Française », qui n'est pas conforme aux règles d'usage des majuscules, a probablement été introduite pour le prestige et pour rappeler le monogramme « RF »[19].
Les deux lignes sont séparées par un filet.
Couleur | CMYK | Pantone | Version monochrome |
---|---|---|---|
Bleu | 100-80-0-0 | Pantone Reflex Blue | N 80 |
Rouge | 0-100-100-0 | Pantone Red 032 | N 50 |
Noir | 0-0-0-100 | Noir | N 100 |
Charte graphique
[modifier | modifier le code]La charte graphique prévoit un « système de bloc-marque » permettant d'associer le logo au nom d'une administration : le nom de l'administration doit alors se situer en dessous du logo, centré sur une ou deux lignes, entièrement en majuscules. La police de caractère prescrite est Times New Roman.
Les administrations de l'État qui disposent de leur propre logo peuvent l'utiliser mais doivent le combiner avec la marque commune[10].
On trouve aussi d'autres combinaisons de cette première version du logo :
-
Ambassade de France aux États-Unis, avec les étoiles du drapeau américain.
-
Sur une carte d'électeur, avec des proportions différentes et le slogan « Voter est un droit, c'est aussi un devoir civique ».
-
FranceConnect, avec l'Hexagone, autre symbole de la France.
-
Investissements d'avenir, sous forme de cocarde tricolore.
-
Ancien logo de Service-public.fr.
-
Ancien logo de Légifrance.
Seconde version ()
[modifier | modifier le code]Description
[modifier | modifier le code]À partir du premier semestre de , une nouvelle charte graphique, dénommée « Marque de l'État »[12], réalisée par l'agence de branding « 4uatre »[20] est appliquée. Elle reprend les éléments caractéristiques de sa prédécesseure : une Marianne de couleur blanche au milieu d'un fond bleu et rouge, et la devise républicaine. Le cadre de vue de Marianne est desserré pour laisser apparaître ses épaules, une nouvelle typographie (nommée Marianne) est créée et la devise Liberté, Égalité, Fraternité est redessinée à la main en italique et positionnée en dessous de l'intitulé officiel[21]. Ainsi, la mention « République française » cesse d'être apposée systématiquement, simplement symbolisée par le drapeau et Marianne.
Le bloc-marque se compose donc des éléments suivants :
- le bloc Marianne, avec Marianne dans un drapeau tricolore ;
- le bloc-marque stricto sensu avec :
- l'intitulé officiel (par exemple : « Gouvernement », « Ministère de la transition écologique et solidaire », « République française », etc.), en Marianne Bold et sur six lignes au maximum ;
- la devise républicaine, Liberté, Égalité, Fraternité, sur trois lignes.
Dans ce bloc-marque, seul l'intitulé officiel de l'émetteur est donc susceptible de changer, mais conservant toujours la même typographie.
Typographie
[modifier | modifier le code]La police de caractère Marianne est créée pour l'État par Mathieu Réguer[22], commissionné par l'agence « 4uatre »[20]. Elle est déclinée en six niveaux de graisses (mince, léger, régulier, moyen, gras, extra-gras). En substitution de cette typographie, Arial peut être utilisée. En complément de Marianne, la police Spectral (créée par la fonderie parisienne Production Type pour Google en [23]) est autorisée pour des citations, des traductions, etc.[24]
Couleurs
[modifier | modifier le code]Le bleu et le rouge, couleurs principales de la charte, s'inspirent de celle du drapeau français, dans des teintes moins claires que les précédentes, auxquelles s'ajoutent une gamme étendue de couleurs secondaires[25].
Les couleurs ont subies plusieurs changements dans le temps, les couleurs ci-dessous sont les dernières publiées sur le système de design de l'État[25],[26].
Bleu France | Blanc | Rouge Marianne |
---|---|---|
#000091 | #FFFFFF | #E1000F |
Macaron | Tuile | Glycine | Cumulus | Écume | Archipel | Menthe | Émeraude | Bourgeon |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
#E18B76 | #CE614A | #A558A0 | #417DC4 | #465F9D | #009099 | #009081 | #00A95F | #68A532 |
Tilleul verveine | Tournesol | Jaune moutarde | Terre battue | Café crème | Caramel | Opéra | Gris galet | Noir |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
#B7A73F | #C8AA39 | #C3992A | #E4794A | #D1B781 | #C08C65 | #BD9871 | #AEA397 | #000000 |
Fluos | ||
---|---|---|
#FF7477 | #FFE916 | #3BD23D |
Application
[modifier | modifier le code]La nouvelle charte s'applique, outre aux administrations de l'État (ministères, préfectures, ambassades, etc.), aux opérateurs de l'État. Ceux-ci devront apposer, en plus de leur propre logo, le bloc-marque « République française » afin de signifier clairement au public leur appartenance à l'État[27].
Selon les services du Premier ministre, la mise en place de la nouvelle charte ne devrait pas générer de surcoûts, les organismes concernés étant censés écouler leurs anciens stocks de papier à en-tête[13].
-
Bloc-marque du ministère de la Culture.
-
Bloc-marque de l'ambassade de France aux États-Unis.
-
Logo République française sur les cartes d'électeurs délivrées à partir de .
-
Exemple de l'application de la charte graphique avec l'utilisation de la police Marianne et de la couleur C (#169b62) pour le plan France Relance[28].
-
Logo de l'application TousAntiCovid, avec le texte écrit en bleu France.
Identité sonore ()
[modifier | modifier le code]En , la charte graphique est complétée par une identité sonore intitulée FR.AIR et inspirée de La Marseillaise ; elle a été développée par Mediameeting[29].
Usage
[modifier | modifier le code]La circulaire de précise que la charte graphique « a vocation à être utilisée dans l'ensemble des relations des ministères avec les tiers, ainsi qu'avec les autres services ou organismes relevant de l'État[10] ». On retrouve ainsi le logo sur les lettres à en-tête, les cartes de visite, les sites internet, les formulaires, les affiches, etc., publiés par le gouvernement et l'administration. La charte graphique s'applique aux cabinets ministériels et aux administrations centrales ainsi qu'aux services déconcentrés dans les départements et les régions, aux préfectures et aux ambassades[10].
Les autres institutions de la République (présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, Cour de cassation, Conseil d'État, etc.) ainsi que les autorités administratives indépendantes et les collectivités territoriales disposent généralement de leur propre charte graphique et n'utilisent pas le logo du gouvernement.
Ce logo constitue d'ailleurs une marque et non pas un emblème officiel : en effet l'article 2 de la Constitution de la Cinquième République ne reconnaît officiellement que le drapeau tricolore, l'hymne La Marseillaise, et la devise Liberté, Égalité, Fraternité[30].
Critique
[modifier | modifier le code]Pour Bernard Candiard, qui dirigeait le SIG au moment de la création du logo en , il s'agit d'un symbole national qui dote le pays « d'une bannière modeste qui permet de nous rassembler »[2]. Le site de l'ambassade de France aux États-Unis explique qu'en plus de son objectif d'unification des relations publiques du gouvernement, il a aussi été créé pour donner une image plus accessible à l'État, qui était jusqu'à présent vu comme abstrait, lointain et archaïque ; il a été choisi pour fédérer et mobiliser, offrir sécurité et optimisme, sans oublier la fierté patriotique[31].
Le logo rassemble trois symboles de la France puisant leurs origines dans la Révolution française (le drapeau, Marianne et la devise)[32]. Dans le même ordre d'idées, Frédéric Lambert le voit inspiré de La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix[7], datant de la révolution de .
Néanmoins, ayant été adopté dans le cadre de la cohabitation, il se veut consensuel, et relève donc davantage de la communication que de l'emblème empreint de passion[33]. Pour le journaliste Philippe-Jean Catinchi, le logo est si consensuel qu'il s'est imposé « dans une indifférence sereine »[34]. Selon Bernard Richard, il est trop associé dans l'esprit des Français à des documents comme ceux de l'administration fiscale (comme l'a fait remarquer Pierre Bonte, spécialiste de Marianne) ou aux avis de contraventions routières, ce qui empêche de déclencher la ferveur populaire qui accompagne d'autres emblèmes de la France[35] ; il souligne néanmoins qu'il a été adopté et reconnu par le public, comme en témoigne le succès viral du détournement réalisé au lendemain des attentats du [35].
Selon l'historien Maurice Agulhon, il s'agit « plutôt d'une esthétique de timbre-poste que de logo »[36]. Il existe en effet une similitude avec les timbres représentant Marianne[37]. Selon le site Flags of the World, le logo est un mélange entre les deux aspects de Marianne décrits par Agulhon et repris par Michel Pastoureau dans Les Emblèmes de la France — sage et bourgeoise d'une part, rebelle et populaire d'autre part[38].
Par ailleurs, le manque de cohésion entre les logos des différents ministères a été relevé avant la seconde version de 2020[39].
Détournements
[modifier | modifier le code]Le , des militants de plusieurs associations dénonçant l'inaction des pouvoirs publics dans la crise du logement, notamment Droit au logement, Jeudi noir et Macaq, ont inauguré un faux « ministère de la Crise du logement » dans le 2e arrondissement de Paris, à l'angle de la place de la Bourse et de la rue de la Banque. Sur la façade de cet immeuble de bureaux « réquisitionné », a été déployée une affiche détournant le logo du gouvernement, en y ajoutant un pied-de-biche et un trousseau de clés[40],[41],[42].
En , dans le documentaire Trop noire pour être française ?, Isabelle Boni-Claverie détourne le logo en remplaçant le bleu du drapeau par du noir et en dessinant une Marianne noire[43],[44].
Après les attentats du , des graphistes du collectif Les Cartons détournent le logo du gouvernement en ajoutant une larme au coin de l'œil de Marianne, en hommage aux victimes. Le visuel est largement partagé sur les réseaux sociaux[45], et est affiché à Bordeaux sur la façade du conseil régional d'Aquitaine[46],[47].
Références
[modifier | modifier le code]- Catherine Pégard, « Les carnets de Catherine Pégard », Le Point, (version du sur Internet Archive), p. 7.
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- Circulaire no 4.694/SG du .
- Circulaire no 5459/SG du .
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- Pauline Pennanec'h, « Attentats de Paris : Marianne pleure sur la façade de l'Hôtel de Région Aquitaine », France Bleu, .
- Delphine Vialanet, « Aquitaine : les larmes de Marianne sur la façade de l'hôtel de Région », France 3 Aquitaine, .
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Marie-Pierre Guiard, « L'État n'en fait qu'à sa tête », Étapes, no 51, , p. 36–39 (lire en ligne).
- Jean-Marc Benoit et Jessica Scale, Bleu, blanc, pub : Trente ans de communication gouvernementale en France, Paris, Le Cherche midi, , 221 p. (ISBN 978-2-7491-1117-9), « L'État se dote d'un logo : Marianne, 2000. Service d'information du gouvernement. Agence Hémisphère droit. », p. 152–155.
- Cloé Fontaine-Pitiot, « Les codes graphiques dans les documents officiels, de la Troisième République à nos jours », dans Gérard Monnier (dir.) et Évelyne Cohen (dir.), La République et ses symboles : Un territoire de signes (actes du colloque Un territoire de signes, les manifestations de la symbolique républicaine de la Révolution à nos jours, – , à l'Institut national d'histoire de l'art, organisé par l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Histoire de la France aux XIXe – XXe siècles » (no 73), , 439 p. (ISBN 978-2-85944-747-2), p. 373–380.
- Bernard Candiard, « Une histoire de la naissance du logo de la République », Parole publique, no 12, , p. 37–39 (lire en ligne).
- Marie Alauzen, « Comment l’État s’envisage-t-il ? Stabilisation et déstabilisations du signe graphique de l’État français », Revue française d'administration publique, no 178, , p. 327–343 (DOI 10.3917/rfap.178.0071, HAL hal-03282099).
Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Emblèmes de la France
- France (marque), représentant également Marianne
- Programme de coordination de l'image de marque, équivalent pour le gouvernement du Canada
Liens externes
[modifier | modifier le code]Version 1999
[modifier | modifier le code]- « Charte graphique de la communication gouvernementale », circulaire no 4.694/SG du , reproduite sur le site de la Fédération française de danse (version du sur Internet Archive).
- « Évolution de la charte graphique gouvernementale - déclinaison territoriale », circulaire no 5459/SG du , NOR PRMX1010422C, sur Légifrance.
- « Note sur l'application de la charte graphique de la communication gouvernementale », Service d'information du gouvernement, reproduit sur le site du ministère de la Culture, .
Version 2020
[modifier | modifier le code]- « Circulaire relative à la nouvelle stratégie de marque de l'État », circulaire no 6144/SG du , NOR PRMX2005664C, sur Légifrance.
- « Marque de l'État », sur info.gouv.fr (consulté le ).
- « Système de Design de l'État », sur systeme-de-design.gouv.fr (consulté le ).