District historique
Aux États-Unis, un district historique regroupe plusieurs bâtiments, propriétés ou lieux reconnus par différentes entités pour leur importance historique ou architecturale. Les bâtiments, structures, objets ou sites compris dans ces districts sont généralement divisés en deux catégories : contributeurs (en anglais : contributing) ou non-contributeurs (non-contributing). Il existe des districts historiques de toute taille : certains ne comptent quelques bâtiments tandis que d'autres en comptent des centaines.
Le gouvernement fédéral désigne des districts historiques à travers le National Park Service, émanation du département de l'Intérieur des États-Unis. Ces districts fédéraux sont listés sur le Registre national des lieux historiques (National Register of Historic Places), qui n'impose cependant pas de restrictions aux propriétaires des biens compris dans leur périmètre. Au niveau des États, les districts historiques peuvent ou non imposer des normes de réhabilitation. C'est au niveau local que les districts historiques sont les mieux protégés, les règles d'urbanisme étant définies par les comtés ou les municipalités.
Histoire
[modifier | modifier le code]Le premier district historique américain est créé à Charleston (Caroline du Sud) en 1931, plus de trente ans avant la reconnaissance des districts historiques par le gouvernement fédéral américain. Charleston forme le « district ancien et historique » (Old and Historic District) par un arrêté municipal et met en place une commission architecturale pour le superviser. La Nouvelle-Orléans suit l'exemple sud-carolinien en 1937 en créant la commission du Vieux carré, qui dispose de pouvoirs pour maintenir le caractère historique du vieux carré français[1]. D'autres municipalités suivent l'exemple, comme Savannah[2] ou Philadelphie, qui approuve la création d'une commission historique en 1955[3].
À l'origine, le concept de district historique protège une « zone tampon » autour d'un monument historique lui-même protégé à titre individuel. Avec le développement de la protection patrimoniale et historique, ces zones ont été vues comme des éléments clés de l'intégrité historique de sites plus vastes. L'idée est désormais que des structures, des rues, des parcs et paysages peuvent contribuer au caractère historique d'un district[4].
En 1966, le gouvernement fédéral instaure le Registre national des lieux historiques, peu après un rapport de la Conférence des maires américains qui estimait que les Américains souffraient d'une « absence de racines ». Ce rapport demande aussi la protection de « zones et districts qui ont une signification particulière pour la communauté »[5].
Dans l'arrêt Penn Central Transportation Co. v. New York City de 1978, la Cour suprême des États-Unis valide l'autorité des commissions locales et des districts historiques comme une utilisation légitime des pouvoirs de police du gouvernement. Dans cette affaire, la Penn Central Transportation Company attaque la loi instaurant la commission des lieux historiques de New York, qui refuse un projet immobilier modifiant le Grand Central Terminal. La société estime que la commission viole deux amendements de la constitution : le cinquième amendement (« nulle propriété privée ne pourra être réquisitionnée dans l'intérêt public sans une juste indemnité ») et le quatorzième amendement (« aucun État […] ne privera une personne […] de ses biens sans procédure légale régulière »). Par six voix contre trois, la Cour suprême estime que la société n'est pas privée de ses biens[6]. Elle ajoute que la préservation des ressources historiques constitue « un but gouvernemental totalement permis »[7].
Types de propriétés
[modifier | modifier le code]Les districts historiques comprennent généralement deux types de propriétés : « contributrices » (en anglais : contributing) et « non-contributrices » (non-contributing)[9]. De manière générale, une propriété contributrice est un bien (mobilier ou immobilier) qui participe à l'intégrité historique ou à la qualité architecturale pour laquelle le district historique est reconnu[10]. Ces propriétés font partie intégrante du contexte et du caractère historique du district[11].
Au contraire, une propriété non-contributrice est un bien qui se trouve au sein du district mais ne contribue pas au caractère ou à l'importance historique de celui-ci. C'est par exemple le cas de bâtiments qui ont été construits en dehors de la période reconnue comme historique, ou d'édifices qui ont été modifiés et ont perdu leurs caractéristiques de l'époque concernée[12].
Au-delà de cette distinction, le Registre national des lieux historiques classe les propriétés en cinq catégories : bâtiment, structure, site, district et objet. Au sein même des districts, les quatre autres catégories s'appliquent[13].
Au niveau fédéral
[modifier | modifier le code]Au niveau fédéral, les districts historiques sont reconnus par le biais du Registre national des lieux historiques (National Register of Historic Places ou NRHP). Il s'agit de la reconnaissance, par le gouvernement fédéral, que le district mérite d'être préservé. Ce statut n'est toutefois qu'en grande partie honorifique, permettant de recevoir des aides fédérales[14]. La protection offerte par le NRHP ne vaut que vis-à-vis de l'État fédéral, si ce dernier n'est pas impliqué la propriété ou le district ne bénéficie d'aucune protection[15].
Le National Historic Preservation Act (en) de 1966, modifié en 2004, définit les districts historiques comme :
« une zone géographiquement définissable, urbaine ou rurale, possédant une importante concertation, enchaînement ou continuité de sites, bâtiments, structures ou objets unis par des événements passés ou esthétiquement par intention ou développement physique. Un district peut aussi comprendre des éléments individuels séparés géographiquement mais reliés par association ou histoire[13]. »
En général, les critères d'inscription au NRHP sont appliqués de manière stricte. Toutefois des exceptions peuvent exister, notamment pour les districts historiques. Ainsi, alors que les structures religieuses, les structures déplacées ou reconstruites ou les propriétés qui n'ont pris de l'importance qu'au cours des 50 dernières années ne sont pas concernées par le registre, elles peuvent y être inscrites dès lors qu'elles constituent une propriété contributrice d'un district historique qui remplit ces critères[13]. Par ailleurs, si le propriétaire d'un bien peut en principe refuser l'inscription de celui-ci au registre, pour les districts historiques, il faut que la majorité des propriétaires s'y oppose[13].
Au niveau étatique
[modifier | modifier le code]La plupart des États ont instauré un registre analogue au Registre national des lieux historiques. Certains accordent des bénéficies similaires à la reconnaissance fédérale (avec des incitations fiscales) ; d'autres accordent une protection particulière[15]. Par exemple, le Nevada n'impose aucune restriction aux propriétaires[16]. Au contraire, la loi du Tennessee contraint les propriétaires d'un bien situé dans un district historique à respecter un certain nombre de lignes directrices lorsqu'ils modifient ce bien[17].
Bien que le National Historic Preservation Act de 1966 impose à chaque État la création d'un bureau de la protection historique (State Historic Preservation Office), tous les États n'ont pas mis en place de districts historiques à leur échelle. À titre d'exemple, la Caroline du Nord ne prévoyait pas une telle dénomination en 2004[18].
Au niveau local
[modifier | modifier le code]Les districts historiques locaux permettent généralement une plus grande protection contre les risques de dégradation de leur caractère historique, la plupart des règles d'urbanisme étant décidées au niveau local[15]. Ces compétences sont en effet du ressort des comtés ou des municipalités[20]. L'identification et la délimitation des districts historiques se font au niveau local dans le respect des règles de droit. Tous les propriétaires doivent être informés de la volonté de créer un district historique et être à même de présenter leurs observations. Selon les États et les localités, l'accord des propriétaires peut être obligatoire pour inscrire leur bien dans un district historique. Les propriétaires de biens inclus dans les districts historiques se voient imposer des règles d'urbanisme propres ou, pour les plus petits districts, doivent suivre les recommandations du département de l'Intérieur des États-Unis pour la rénovation des bâtiments. Les modifications mineures font l'objet d'un contrôle des agents municipaux tandis que les changements plus importants requièrent en principe l'obtention d'un certificat d'opportunité (en anglais : Certificate of Appropriateness délivré par une commission historique ou architecturale[21].
D'après le National Park Service, les districts historiques sont l'une des plus anciennes formes de protection des monuments historiques aux États-Unis. Le « district ancien et historique » de Charleston (Old and Historic District) a lancé le développement de tels districts. L'ordonnance de création du district, de 1931, comprend déjà les principaux éléments des protections actuelles (avec l'établissement d'une commission architecturale) et interdit toute altération architecturale pouvant être vue de la rue[22]. En 1981, le National Trust for Historic Preservation recense 882 municipalités ayant créé des règles d'urbanisme propres à des districts historiques[5]. Dans les années 2000, Le National Park Service recense plus de 2 300 districts historiques locaux à travers les États-Unis[23].
Les districts locaux sont ceux qui rencontrent le plus d'opposition des particuliers[24],[25],[26], puisqu'ils imposent des normes particulières[27]. Cependant, l'économiste Donovan Rypkema relève que plusieurs études mettent en évidence que la valeur des propriétés au sein des districts historiques augmente bien plus rapidement que le marché local[28]. C'est notamment le cas à New York, entre 1980 et 2000[29]. Une thèse de 2011 démontre par ailleurs que les saisies immobilières sont plus rares dans les districts protégés, dont le statut confère une certaine stabilité sur le marché immobilier (notamment durant la crise des subprimes)[30].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Historic districts in the United States » (voir la liste des auteurs).
- (en) « History of Local Historic Districts », dans Establishing Local Historic Districts, Massachusetts Historical Commission, (lire en ligne), p. 4-5.
- (en) Kay Brown, « Old Savannah », Chicago Defender, , p. 22.
- (en) « Philadelphia Historical Commission: About », sur phila.gov (consulté le ).
- (en) Steve Bigolin, « The Sycamore Historic District: Introduction », sur daily-chronicle.com, (consulté le ).
- (en) Robin Elisabeth Datel, « Preservation and a Sense of Orientation for American Cities », Geographical Review, vol. 75, no 2, , p. 125-141.
- (en) « Government Takings Under Penn Central Transportation Co v New York City », sur constitutionallawreporter.com (consulté le ).
- (en) Penn Central Transportation Co. v. New York City. .
- (en) Maral S. Kalbian et Margaret T. Peters, « National Register of Historic Places Registration Form: Chapel Rural Historic District », sur nps.gov, National Park Service, (consulté le ).
- (en) « National Register Historic Districts Q&A » [archive], sur state.sc.us, South Carolina Department of Archives and History (consulté le ).
- (en) « Historic and Scenic Preservation Local Option Property Tax Reimbursement », sur maine.gov, Maine Historic Preservation Commission (consulté le ).
- (en) « Iowa City Historic Preservation Handbook », sur icgov.org, Iowa City Urban Planning Division (consulté le ).
- (en) « Historic and Conservation Districts », sur portlandoregon.gov (consulté le ).
- (en) « Chapter One, Part 60, Title 36: Section 60.3 », dans Parks Forests and Public Property, National Park Service, coll. « National Register of Historic Places » (lire en ligne).
- (en) « Strengths of Local Listing », Working on the Past in Local Historic Districts, sur nps.gov (consulté le ).
- (en) « Toolbox, FAQ: Federal, State and Local Historic Districts », sur nps.gov (consulté le ).
- (en) Sean Whaley, « State adds Goldfield to historic places registry », sur reviewjournal.com, (consulté le ).
- (en) Christine Kreyling, « Something Old, Something New », Planning, vol. 72, no 8, , p. 34-39.
- (en) Scott Nicholson, « Commissioners Address Alcohol Sales In Valle Crucis », sur mountaintimes.com, (consulté le ).
- (en) Over-the-Rhine Foundation, « Guide to OTR Architecture », sur otrfoundation.org (consulté le ).
- (en) « Local laws as neighborhood guardians », Working on the Past in Local Historic Districts, sur nps.gov (consulté le ).
- (en) Julia H. Miller, « Providing for Economic Hardship Relief in the Regulation of Historic Properties », Preservation Law Reporter, no 15, , p. 1129-1140 (lire en ligne).
- (en) « Early Models », Working on the Past in Local Historic Districts, sur nps.gov (version du sur Internet Archive).
- (en) « Bringing preservation "home" », Working on the Past in Local Historic Districts, sur nps.gov (consulté le ).
- (en) Winnie Hu, « Council Poised to Intervene on Enclave's Landmark Status », The New York Times, vol. 155, no 53529, , B1-B5.
- (en) Jeff Vandam, « Brick Houses, Winding Paths and Unexpected Sharp Elbow », The New York Times, vol. 156, no 53810, , p. 5.
- (en) « Rochester Historic District expansion plan overreaches », sur fosters.com, (consulté le ).
- (en) Ted Heuer, « Living History: How Homeowners in a New Local Historic District Negotiate Their Legal Obligations », Yale Law Journal, vol. 116, no 4, , p. 768-822.
- (en) Donovan D. Rypkema, « The (Economic) Value of National Register Listing », CRM, vol. 25, no 1, .
- (en) Edward Glaeser, « Preservation Follies », sur city-journal.org.
- (en) Kimberly A. Broadbent, Assessing the Impact of Local Historic District Designation on Mortgage Foreclosure Rates: The Case of Philadelphia, Philadelphie, University of Pennsylvania, , p. 14.