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Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945

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Loi constitutionnelle du 2 novembre 1945

Présentation
Titre Loi du portant organisation provisoire des pouvoirs publics
Pays Drapeau de la France France
Territoire d'application France
Langue(s) officielle(s) français
Type loi constitutionnelle[1] provisoire
Branche droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Régime Gouvernement provisoire de la République française
Législature Assemblée consultative provisoire[2]
Gouvernement Charles de Gaulle (1)
Adoption
Promulgation [3]
Publication [4]
Version en vigueur néant
Modifications néant
Abrogation [5],[6],[7]

Lire en ligne

Consulter

La loi constitutionnelle du est une loi de nature constitutionnelle dont le projet, inséré dans l'ordonnance no 45-1836 du , est adopté par référendum par le peuple français le suivant. Promulguée le suivant et publiée le lendemain, , la loi donne une organisation constitutionnelle provisoire à la République française rétablie sur le territoire métropolitain à partir de 1944 — sous la direction du Gouvernement provisoire de la République française, ou GPRF.

Elle n'abroge pas les lois constitutionnelles de 1875, précédente constitution républicaine, mais pourvoit à l'organisation des institutions de l'État à court terme en attendant la rédaction et l'adoption de la future constitution du pays — qui sera celle de 1946.

Contexte historique

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Photographie en noir et blanc de Charles de Gaulle, en uniforme de général de brigade. Son buste est tourné vers la gauche, et il a les bras croisés. Le cadrage masque ses jambes.
Charles de Gaulle, fondateur du Gouvernement provisoire.

Les institutions provisoires

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Le territoire métropolitain de la France, occupé pour partie depuis 1940 par l'Allemagne nazie et gouverné par le Régime de Vichy pour l'autre partie (sous l'appellation officielle d'État français), est progressivement libéré à partir du 6 juin 1944.

Les villes libérées ont été placées sous l'autorité du Gouvernement provisoire de la République française, présidé par le Général de Gaulle, qui a succédé[8] au Comité français de libération nationale (CFLN). Le fonctionnement de celui-ci est régi par une ordonnance du 21 avril 1944[9] qui prévoit que :

« Le peuple français décidera souverainement de ses futures institutions. À cet effet, une Assemblée nationale constituante sera convoquée dès que les circonstances permettront de procéder à des élections régulières, au plus tard dans le délai d'un an après la libération complète du territoire[10]. »

Le , une nouvelle ordonnance dispose que « la forme du gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister[11] » et déclare, « en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels [...] promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française », c'est-à-dire « l'acte dit loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 [et] tous les actes dits actes constitutionnels ». La question de la nature du régime politique n'est donc pas posée comme elle l'avait été en 1870 à la chute du Second Empire[12].

Une Assemblée consultative provisoire a été établie le , mais son avis ne lie pas ce qui est à l'époque le CFLN[13], ni donc son successeur, le GPRF.

L'organisation d'un référendum

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Conformément aux ordonnances précédemment adoptées, le GPRF propose le à l'Assemblée consultative provisoire un projet d'ordonnance visant à organiser un référendum national[14]. L'Assemblée consultative s'oppose au projet gouvernemental, à cause de l'utilisation du référendum et du caractère limité des pouvoirs de la future assemblée constituante[14].

Le GPRF ne suit toutefois pas l'avis de l'Assemblée consultative et promulgue le une ordonnance qui organise le référendum[14],[15].

Le référendum du 21 octobre 1945

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Le référendum, organisé le même jour que des élections législatives (), prévoit deux questions : « Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ? » et « Si le corps électoral a répondu « Oui » à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu'à la mise en œuvre de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet de loi ci-contre ? »[16].

Il est prévu que si le peuple répond « non » à la première question, les législatives donneront la Chambre des députés telle qu'elle est prévue par les lois constitutionnelles de 1875[17]. En revanche, s'il répond « oui » à cette première question, la deuxième est alors prise en compte et détermine l'adoption ou le rejet de la loi constitutionnelle annexée à l'ordonnance, c'est-à-dire le texte qui fait l’objet de cet article.

La première question vise en réalité à savoir s'il faut ou non maintenir la Troisième République[18]. Le peuple approuve, le , (18 584 746 voix pour 699 136 contre[19]) — la Troisième République est donc maintenue jusqu'au dans le cadre exclusif du gouvernement provisoire, puisque les représentants élus devront établir une IVe République dans un délai d'un an.

La deuxième question concerne les pouvoirs de la future assemblée constituante : les partisans du « non » prônent une assemblée entièrement souveraine, c'est-à-dire sans limitation de durée, réunissant les pouvoirs constituants, précisément ceux du pouvoir législatif ; les partisans du « oui » soutiennent le projet de loi constitutionnelle proposé par le Gouvernement, qui fixe un terme de sept mois au mandat de l'Assemblée constituante[18],[20] et établit un cadre rigide aux institutions provisoires (la responsabilité du gouvernement est ainsi encadrée précisément pour éviter l'instabilité ministérielle[21]). Le peuple français répond également « oui » à cette deuxième question, par 12 795 213 voix contre 6 449 206[19].

Le général de Gaulle, qui soutenait le « oui, oui », remporte un succès incontestable[19], aux côtés de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) et du Mouvement républicain populaire (MRP)[22].

Les autres solutions étaient :

  • « oui à la IVe République, non aux limitations », prôné par le Parti communiste français (PCF) qui voit, dans la mise en place d’une assemblée nationale souveraine et au pouvoir illimité où il disposerait certainement d’une majorité relative, le moyen d’arriver à la mise en place d’un régime communiste en France[22] ;
  • « non aux deux », soutenu par les radicaux, l'un des grands courants de la Troisième République[22] ;
  • « non à la IVe République, oui aux limitations », favorisé par la droite sortie très affaiblie du Régime de Vichy[Information douteuse][22].

Les institutions de la loi constitutionnelle

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La loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 est très courte (huit articles au total). Elle définit pourtant une véritable « constitution provisoire[19] » pour la France en attendant la rédaction et l'adoption d'une nouvelle constitution. Elle est pour cette raison parfois appelée « la petite constitution »[23].

Le pouvoir législatif est ainsi confié à une Assemblée constituante ; le pouvoir exécutif au Gouvernement provisoire de la République française, maintenu.

L'Assemblée constituante

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L'Assemblée constituante est la chambre unique (monocamérisme) du parlement. Elle a été élue pour un mandat de sept mois maximum après le jour de première réunion[20]. L'article 7 de la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 dispose que, si la constitution proposée au peuple est rejetée, ou si le mandat expire avant l'adoption d'une nouvelle constitution, une nouvelle Assemblée constituante est élue par le peuple.

La rédaction de la nouvelle constitution

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« L'Assemblée établit la Constitution nouvelle. »

— Article 2 de la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.

La principale tâche dévolue à l'Assemblée est la rédaction de la nouvelle constitution qui remplacera les lois constitutionnelles de 1875. Le pouvoir constituant lui est entièrement dévolu, sans intervention du gouvernement[19]. Cette latitude est toutefois limitée par la procédure prévue pour l'adoption de ce texte, qui est précisé par l'article 3 :

« La Constitution adoptée par l'Assemblée sera soumise à l'approbation du corps électoral des citoyens français, par voie de référendum, dans le mois qui suivra son adoption par l'Assemblée. »

Le référendum, discrédité par l'usage du plébiscite sous le Second Empire, et jamais utilisé sous la Troisième République, refait ici une apparition remarquable, qui limite le pouvoir constituant de l'Assemblée constituante, en le confiant en dernier recours au peuple.

Le vote de la loi

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L'article 4 de la loi constitutionnelle donne à l'Assemblée constituante seule le pouvoir législatif, alors que le premier projet du gouvernement limitait ce pouvoir[24]. L'initiative des lois appartient autant au gouvernement qu'à la chambre elle-même[25].

L'article 5 énonce que l'Assemblée constituante vote le budget, mais qu'elle ne peut avoir l'initiative des dépenses, ce qui constitue un moyen de limiter son pouvoir[24].

Le Gouvernement provisoire de la République française

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La branche exécutive est constituée uniquement par le gouvernement, qui conserve le nom de GPRF mais ses prérogatives sont plus limitées, et fixées dans un cadre légal[24]. Il est composé du président du « Gouvernement provisoire de la République française » et de ses ministres.

Le président du Gouvernement est élu par l'Assemblée constituante[21]. Il choisit ensuite son gouvernement, qui est tout de même « approuvé » par l'Assemblée tant du point de vue de sa composition que de son programme[24]. Le gouvernement est donc l'émanation de l'Assemblée.

Conséquence logique de son origine, il est également responsable devant l'Assemblée[21]. Toutefois, signe d'une volonté d'éviter le retour à l'instabilité ministérielle caractéristique de la Troisième République — volonté partagée par le premier GPRF et l'Assemblée consultative provisoire[24] —, les conditions de la mise en jeu de la responsabilité sont clairement définies. Les rédacteurs de la loi constitutionnelle évitent ainsi le flou de la constitution de 1875, qui avait entraîné la chute de gouvernements sur des questions absolument mineures[12].

Le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi constitutionnelle du 2 novembre dispose ainsi que :

« Le gouvernement est responsable devant l'Assemblée ; mais le rejet d'un texte ou d'un crédit n'entraîne pas sa démission. Celle-ci n'est obligatoire qu'à la suite du vote distinct d'une motion de censure intervenant au plus tôt deux jours après son dépôt sur le bureau de l'Assemblée et adoptée au moyen d'un scrutin à la tribune par la majorité des membres composant l'Assemblée. »

Le gouvernement dispose de prérogatives limitées : il a l'initiative de la loi avec l'Assemblée[25], il peut demander une deuxième délibération à l'Assemblée dans le mois qui suit l'adoption d'une loi (veto provisoire)[25] et il a l'initiative des dépenses[25].

Le régime provisoire établi en a fonctionné jusqu'au , date de la première séance du Conseil de la République[26] et de l'entrée en vigueur de la Constitution du [27].

Dès le pourtant, le général de Gaulle, partisan d'un régime doté d'un exécutif fort, démissionne[28]. L'orientation des institutions provisoires vers le « régime des partis », qu'il réprouve, l'y contraint[29]. L'Assemblée constituante lui est hostile[30], et il refuse de devoir être en tout soumis à son autorité[30].

L'affrontement entre la légitimité historique du général et la légitimité démocratique de l'Assemblée se clôt par la démission de celui-ci.

Le projet de constitution du 19 avril 1946 est rejeté en par le peuple, et conformément à la loi constitutionnelle, une deuxième Assemblée constituante est élue, qui rédige un projet, cette fois adopté, le , abrogeant loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.

Chronologie des constitutions françaises

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Notes et références

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  1. JO , art. 8, p. 7159, col. 3.
  2. JO , visas, p. 5154, col. 2.
  3. JO , p. 7159, col. 3.
  4. JO , p. 7159, col. 2-3.
  5. Cartier 2005, p. 565.
  6. Miclo 1982, p. 182.
  7. Sander 2017, p. 281.
  8. Ordonnance du 3 juin 1944 (texte en ligne).
  9. Ordonnance du 21 avril 1944 (texte en ligne).
  10. Article premier de l'ordonnance d'avril 1944.
  11. Ordonnance du 9 août 1944 (texte en ligne).
  12. a et b Article « Lois constitutionnelles de 1875 ».
  13. Marcel Morabito, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958),  éd. Montchrestien, Paris, 2004, 8e  éd., p. 368.
  14. a b et c Morabito, op. cit. p. 372.
  15. Ordonnance du 17 août 1945 (texte en ligne).
  16. Article 2 et 4 de l'ordonnance du 17 août 1945.
  17. Article 3 de l'ordonnance du 17 août 1945.
  18. a et b Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques en France de 1789 à 1958,  éd. Armand Colin, Paris, 2001, 9e  éd., p. 605.
  19. a b c d et e Morabito, op. cit. p. 373.
  20. a et b Article 6 de la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.
  21. a b et c Article 1er de la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.
  22. a b c et d Chevallier, op. cit. p. 606.
  23. Chevallier, op. cit. p. 614.
  24. a b c d et e Morabito, op. cit. p. 374.
  25. a b c et d Article 4 de la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945.
  26. (fr) Présentation du compte rendu intégral des débats du Conseil de la République (1946-1958) sur le site officiel du Sénat (France) : « Né avec la Constitution du 27 avril 1946, le Conseil de la République siège au Palais du Luxembourg de sa première séance, le 24 décembre 1946, au 3 juin 1958 ».
  27. Constitution du 27 octobre 1946, article 98 : « L'Assemblée nationale se réunira de plein droit le troisième jeudi qui suivra les élections générales. Le Conseil de la République se réunira le troisième mardi suivant son élection. La présente Constitution entrera en vigueur à partir de cette date. Jusqu'à la réunion du Conseil de la République, l'organisation des pouvoirs publics sera régie par la loi du 2 novembre 1945, l'Assemblée nationale ayant les attributions conférées par cette loi à l'Assemblée nationale constituante ».
  28. Morabito, op. cit. p. 375.
  29. Chevallier, op. cit. p. 615.
  30. a et b Chevallier, op. cit. p. 616.

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Textes officiels

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Bibliographie

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  • [Cartier 2005] Emmanuel Cartier (préf. de Michel Verpeaux), La transition constitutionnelle en France (-) : la reconstruction révolutionnaire d'un ordre juridique « républicain » (texte remanié de la thèse de doctorat en droit public, préparée sous la direction de Michel Verpeaux, soutenue à l'université Paris I – Panthéon-Sorbonne en , prix de thèse de l'Assemblée nationale, et prix Wolowski de l'Académie des sciences morales et politiques), Paris, LGDJ, coll. « Thèses / Bibliothèque constitutionnelle et de science politique » (no 126), , 1re éd., 1 vol., XVI-665, 24 cm (ISBN 2-275-02674-6, EAN 9782275026749, OCLC 470417840, BNF 40087159, SUDOC 094836817, présentation en ligne, lire en ligne).
  • [Miclo 1982] François Miclo, Le régime législatif des départements d'outre-mer et l'unité de la République, Paris, Économica, coll. « Droit public positif » (no 5), , 1re éd., 1 vol., VIII-378, 24 cm (ISBN 2-7178-0583-4, EAN 9782717805833, OCLC 465377212, BNF 36602931, SUDOC 000619485, lire en ligne).
  • [Sander 2017] Éric Sander, « La situation du droit local alsacien-mosellan au début du XXIe siècle », dans Alain Lienhard, Françoise Pérochon, Nicolas Rontchevsky, Philippe Roussel-Galle, Michel Storck (éd.), Mélanges en l'honneur de Jean-Luc Vallens, Issy-les-Moulineaux, Joly, hors coll., , 1re éd., 1 vol., XXV-462, 24 cm (ISBN 978-2-306-00083-0, EAN 9782306000830, OCLC 1010744224, BNF 45379498, SUDOC 220047758, présentation en ligne, lire en ligne), part. II (« Droit local des entreprises en difficulté »), chap. II-3, p. 273-290.

Liens externes

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