Lapo Saltarelli
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Lapo Saltarelli (?-1320), poète italien, juriste de renom et homme politique de Florence, fut un ami puis adversaire de Dante Alighieri. Lapo est le fils aîné de Guidone Saltarelli de Monte di Croce[1] ou Montedicroce, fief florentin, sur une colline de Pontassieve, dans la basse vallée du Sieve. Le château, lui-même, avait été quasiment détruit par les Florentins, en 1154, lors de la guerre contre le comte Guidi, seigneur du haut Casentino[2]. Devenu propriété des évêques de Florence à partir de 1227, Guido, qui en eut la châtellenie, porta ce nom puis, avec sa famille, vint s'installer à Florence dans le quartier de San Piero Scheraggio[1],[3].
Biographie
[modifier | modifier le code]Lapo[4],[5]. naquit en Toscane, à Pontassieve, dans la résidence familiale de Torre a Decima[6]. Il était l’aîné d’au moins deux frères : Simone Saltarelli[4],[7] (1261-1342), procurateur général de l’Ordre des Dominicains, évêque de Parme et archevêque de Pise, et Cerbino dit Bino, né le [4],[8]. Cette noble famille possédait à Florence, à côté de la place de la Seigneurie, une maison-tour, la Torre dei Salterelli[9], sise à l'emplacement de l'actuelle Piazza dei Salterelli.
Un des premiers poètes italiens
[modifier | modifier le code]Lapo fut très lié dans sa jeunesse à Dante Alighieri. Ils admiraient ensemble un poète de langue occitane bien oublié, Dante da Maiano. Ces jeunes gens, férus de poésie, couvraient de louanges leur vieux maître d’amour et sa muse, la Nina, que le barbon célébrait comme sa noble Panthère[10].
On sait aussi que Saltarelli et Guido Cavalcanti (1250-1300) correspondaient sur des questions de droit et rimaient leurs demandes et leurs réponses[10].
Un juge controversé
[modifier | modifier le code]Lapo, homme puissant et brillant, de vaste influence et aux relations importantes, ne sut pas garder ses meilleurs amis. Dino Compagni (1255-1324), poète et gonfalonier de justice, qui avait écrit en son honneur une Canzone a Lapo Saltarelli, le traita ensuite de corrompu et de fraudeur dans sa Cronica delle cose occorrenti ne’ tempi suoi[11].
Quant à Dante, il l’apostropha en ces termes dans sa Divine Comédie : « Saria tenuta allor tal maraviglia / una Cianghella, un Lapo Salterello, / qual or saria Cincinnato e Corniglia. »[12],[13]. Que reprochait-il à ce membre fort représentatif de la gente nuova ? Une seule chose et d'importance, d'avoir perverti par ses pratiques l'ancienne classe dirigeante[14].
L'homme politique
[modifier | modifier le code]En mars 1300, Lapo Saltarelli, le gonfalonier Lippo Rinucci-Becca et ser Bondone Gherardi découvrirent et déjouèrent le complot que trois citoyens de Florence, Noffo di Quintavalle, Simone di Gerardo et ser Cambio da Sesto, tramaient à Rome contre l’indépendance de leur cité avec la bénédiction de Boniface VIII[15].
Leur condamnation, le , provoqua l’indignation du pape qui prétendit annuler la sentence. Le 24 avril, il donna des ordres en ce sens à Francesco Monaldeschi, l'évêque de Florence[15].
Les conseillers de la commune non seulement récusèrent nettement la prétention pontificale, mais défièrent le pontife en appelant Lapo à la charge priorale (la charge municipale la plus haute à Florence) pendant un bimestre du 15 avril au [15]. Ce qui lui valut d'être mis en accusation par ses adversaires.
Les thèmes politiques et philosophiques développés par Dante dans De Monarchia ont muri pendant la lutte menée contre Florence par Boniface VIII, avec le procès intenté à Lapo Saltarelli, et son conflit contre Philippe Le Bel qui lui fit commettre les bulles pontificales Ausculta fili et Unam Sanctam[16].
L’exil en Sardaigne
[modifier | modifier le code]Lapo, Guelfe Blanc tout comme Dante, fut condamné à mort le , par la faction noire. Sa peine fut commuée en exil, sans doute parce qu'il était apparenté aux Cherci[17] et dans la sentence de Cante Gabrielibus le bannissant, il est désigné comme Dominum Lapum Saltarelli judicem[18].
Il se réfugia en Sardaigne dans le couvent des franciscains de Cagliari et resta dans l’île jusqu’à sa mort. En 1320, il fut inhumé dans l’église San Francesco de Stampace. Sa pierre tombale sur laquelle est gravé son blason a été retrouvée et identifiée[19].
En 1326, ses biens confisqués furent restitués à ses héritiers grâce à l'intervention de Jean XXII sollicité par Simone, l'archevêque de Pise[20].
La descendance des Saltarelli
[modifier | modifier le code]Bien que marié à une des filles des Cerchi[21], on ne connaît pas d’enfants de Lapo issus de cette union. Son frère Bino eut deux fils Andrea († 1333) et Michele († 1373), les archives de Santa Maria Novella indiquent qu'ils furent enterrés dans le prieuré florentin de frère Simone[4],[22]. Quant à Michele, il eut au moins quatre fils Andrea, Lapo, Donato et Simone Saltarelli. Ce dernier entra chez les dominicains et devint évêque de Trieste (1396-1408).
Une partie de la famille de Michele di Bino resta sur le fief famiial. Dans le seconde moitié du XVe siècle, près de Pontassieve, un moulin sur les rives de la Sieci, affluent de l'Arno, appartenait par héritage, à Scholaio Salterelli[23] qui le loua, en 1487 à Bartolo di Giovanni di Pagolo, un cultivateur et meunier, contre une rente de 90 boisseaux de blé[24]. L'historien Lucien Paul Victor Febvre, dans la revue des Annales de 1972, cite ce même Scholaio Salterelli qui avait placé ses filles dans des monastères[25]. La première se trouvait à celui de Rosano[26], la seconde à San Giusto[27].
C’est de la branche de Michele que sont aussi issus au XVe siècle, l’orfèvre Giovanni, qui tenait boutique sur la via Vacchereccia à Florence, et son frère Jacopo Saltarelli, qui défraya la chronique, en 1476, par ses relations avec Léonard de Vinci. Un siècle plus tard, la divine Maddalena Saltarelli[28], une courtisane, et ses amies Tullia d'Aragon et la Tortora, affolèrent Florence par leurs frasques amoureuses et leurs tenues vestimentaires[29].
Œuvres
[modifier | modifier le code]Il nous reste quelques sonnets de Lapo dont :
- Contr’aggio di grand’ira benvollenza,
- Chi se medesmo inganna per negghienza
- Vostra quistione è di sottil matera
Contr’aggio di grand’ira benvollenza
[modifier | modifier le code]« Contra’ggio di grand’ira benvollenza ;
E per paura ardimento ho mostrato :
Perduto ho il pianto vinto per sentenza ;
E tuttor vò seguendo, e son cacciato.
Del compimento sono alla comenza ;
Fuggemi’l loco, dove era locato :
E il guadagnar mi par, che sìa perdenza ;
Amar mi sembra dolce assaporato.
Così m’ha travagliato accorta cosa,
Cioè Amore ; che a vegliar dormendo,
Mi face straniare, ove io son conto.
Che spesse volte appello fior la rosa ;
E contradico là ve non contendo :
D’amar credo asbassare, e pur sormonto[30]. »
Ce fut au cours de son exil en Sardaigne qu’il composa ce poème. Par l’élégance et le rythme de sa langue, le grand pétrarquien, Pietro Petteruti Pellegrino[31], le considère comme un précurseur de Pétrarque.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Petite biographie de Lapo Saltarelli
- Le château de Monte di Croce
- Les quartiers de Florence
- « Archives du Priori di Santa Maria Novella di Firenze (1221-1325) »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- « Ego Guidonis Lapus Salterelli de Monte Croci », ASF, Arte des juges et des notaires 5, f° 22r°
- La Torre a Decima fut le berceau de la famille Saltarelli dès le XIIe siècle. L’antique tour de ces riches notaires florentins fut transformée en château fortifié au cours du XIVe siècle.
- « Fr. Frère Symon Guidonis de Salterellis », SMN n° Cr 320
- « Cerbínus qui Binus dicitur filius Guidi Saltetelli », ASF, NA 995, f° 31 v°
- page sur la wiki italienne
- M. Charpentier, Guido Cavalcanti in Revue Nationale, T. 1, Paris, 1860.
- Lapo Saltarelli, in Cronica delle cose occorrenti ne’ tempi suoi, pp. 33, 37, 39, 55, 71 et 75.
- Paradiso, XV, 127-129 (Wikisource en italien).
- « Autant à merveille eût été alors une Cianghella, un Lapo Salterello, qu’aujourd’hui le seraient un Cincinnatus et une Cornélie. » (Traduction Lamennais sur Wikisource).
- M. Marchetti, Chroniques italiennes, p. 4
- « G. Petrocchi, Vita di Dante, Capitolo IX, p. 44 »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?)
- Pio Gaja, Introduzione in Monarchia di Dante, Turin, 1986
- Franco Franceschi et Ilaria Taddei, Les villes d'Italie du milieu du XIIe au milieu du XIVe siècle, Éd. Bréal, Rosny sous Bois, 2005
- Giuseppe Pelli Bencivenni, Memorie per servire alla vita di Dante Alighieri, Ed. Guglielmo Piatti, Florence, 1828
- Cf. Sergio Serra, L’araldica nella Sardegna mediovale, Milites, atti del convegno, Cagliari, 1997.
- Cf. Scipione Ammirato, Istorie fiorentine, T. I, L. VI, p. 331, Florence, 1600.
- John M. Najemy, A History of Florence (1200-1575) in The Elites families, Ed. Wiley-Blackwell, Oxford, 2006, pp. 26-27
- Livre des morts : MD 1980, 105, 175
- C'est la première mutation graphique connue en langue vernaculaire du patronyme Saltarelli en Salterelli, qui se retrouve de nos jours avec la Torre dei Salterelli
- Le moulin de la Sieci ASF, Cadastre 1163, c. 2 r°.
- « Les filles de Scholaio Salterelli se trouvaient à Rosano et à S. Giusto », p. 1341, ref. A Si, Catasto 184, f° 60-61 v°; 183, f 275. 56. ASF, Catasto 184, f 16 v°-18 v°.
- Il monasterio de Rosano
- Abbazia de San-Giusto
- Maddalena Saltarelli fut la muse de Niccolò Martelli (1498-1555) qui composa pour elle un Canzoniere Domenico Zanrè, Cultural Non-conformity in Early Modern Florence
- Georgina Masson, Courtesans of the Italian Renaissance, Éd. Martin Secker & Warburg Limited, Londres, 1975, pp. 26-30 et 113-114.
- Sonnet de Lapo Saltarelli : Contr’aggio di grand’ira benvollenza
- Pietro Petteruti Pellegrino : La “gloria della lingua” e la “fixa tramontana” dell’imitazione. Petrarca nella teoria cortigiana romana e nel canone critico dell’Equicola fra polemiche e parodie.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (it) G. Levi, Lapo Saltarelli, in Bonifacio VIII e le sue relazioni col commune di Firenze, Rome, 1882, p. 90-92 et 95-98.
- (it) Filippo Nissardi, Lapo Saltarelli a Cagliari : contributo alla storia fiorentina dei tempi di Dante, Cagliari, Tipografia G. Dessì, 1905.
- (it) R. Davidsohn, Lapo Saltarelli, in Firenze ai tempi di Dante, Ed. Firenze, Florence, 1929, T. IV, p. 138-144, 160, 167-168 et 185-186.
- (it) A. d’Addario, Lapo Saltarelli, in Enciclopedia dantesca, T. IV, Ed. Umberto Bosco, Rome, 1973, p. 1084-1086.