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Limonov (roman)

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Limonov
Image illustrative de l’article Limonov (roman)
Édouard Limonov en 2008.

Auteur Emmanuel Carrère
Pays France
Genre Roman
Éditeur P.O.L
Collection Fiction
Date de parution
Nombre de pages 488
ISBN 978-2-8180-1405-9

Limonov est un livre d'Emmanuel Carrère publié le aux éditions P.O.L et ayant reçu le prix Renaudot la même année. Sous la forme d'un récit, s'apparentant à une enquête journalistique approfondie, l'ouvrage est une biographie de l'écrivain et homme politique russe Édouard Limonov. Une adaptation du roman a été faite au cinéma en 2023 par Kirill Serebrennikov sous le titre Limonov, la ballade.

Écriture du roman

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Emmanuel Carrère en 2007

Emmanuel Carrère a fait la connaissance d'Édouard Limonov quand celui-ci vivait à Paris, où il faisait partie des écrivains à la mode à la fin des années 1980. S'il apprécie les récits autobiographiques de Limonov, Carrère prend ses distances au cours des années 1990, alors que l'écrivain russe défraye la chronique à l'occasion de son engagement pro-serbe dans les guerres de Yougoslavie. En , Emmanuel Carrère est surpris de l'apercevoir aux obsèques d'Anna Politkovskaïa, dont les prises de positions politiques semblent très éloignées de celles du fondateur du Parti national-bolchévique. Intrigué, il reprend contact avec lui en 2007, et passe deux semaines à ses côtés en Russie[1]. Il relate cette rencontre dans un reportage publié par la revue XXI sous le titre « Le dernier des possédés[2] ». C'est à ce moment qu'il décide d'écrire un livre consacré à cet écrivain et désormais homme politique russe, qui « a été voyou à Kharkiv, poète underground à Moscou, loser magnifique à New York, écrivain branché à Paris, soldat de fortune dans les Balkans et, à Moscou de nouveau, vieux chef d'un parti de jeunes révolutionnaires[3] ». Il reprend l'essentiel du reportage dans le prologue et l'épilogue de cette biographie où il introduit en parallèle des éléments autobiographiques pour opposer au « destin de tête brûlée du baroudeur russe » son propre itinéraire « d'intellectuel introverti, prudent, désengagé, plutôt maladroit avec la vie concrète, la trivialité des choses »[4],[5]. Bien que relatant des faits réels, il a rédigé son livre de façon qu'il soit lu comme un roman.

Ce livre remporte le prix Renaudot le au deuxième tour de scrutin contre Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson[6]. En plus du prix Renaudot, il reçoit le prix de la langue française[7] et le prix des prix littéraires, en [8] ainsi que, en , le prix de littérature européenne (Europese Literatuurprijs) décerné par la Fondation néerlandaise pour la littérature (Nederlands Letterenfonds)[9], à l'occasion de la traduction en néerlandais.

Ce livre raconte la vie d'Édouard Limonov, pour le moins surprenante : né en , fils d'un sous-officier du NKVD, après une enfance à Kharkiv sous le régime communiste, il devient poète à Moscou, où il se fait rapidement connaître dans un cercle de dissidents au régime. Aspirant à un succès international, il regarde vers les États-Unis d’Amérique et décide de quitter l'URSS avec sa femme qui veut devenir mannequin. Ils partent alors pour New York où il se retrouve clochard, touche le fond, survit avec difficulté, devient une forme de punk provocateur, puis saisit l'occasion de travailler comme majordome d'un milliardaire, tout en écrivant des récits autobiographiques. Il part ensuite pour Paris où ses premiers livres ont été publiés, il devient un écrivain prisé, sans avoir non plus un immense succès. Après la chute du pouvoir communiste, il retourne voir ses parents et d'anciens amis à Kharkiv, puis se retrouve soldat dans les Balkans aux côtés des forces serbes. À la fin du conflit, il décide de rentrer en Russie, où il a la surprise de connaître un certain succès littéraire, et où il crée avec Alexandre Douguine le Parti national-bolchevique. Son parti est interdit et Limonov est emprisonné durant quatre ans pour tentative de coup d'État. En prison, il passe de longs moments à méditer, écrit trois livres, et a une expérience mystique (« atteint le nirvāna »). Libéré, il se rapproche des libéraux et devient un leader de l'opposition à Vladimir Poutine.

Chacune des étapes de sa vie est rythmée par la présence d'une, ou de plusieurs femmes.

Littérature russe

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Si Limonov est bel et bien le héros du roman, la description et l'analyse des grands auteurs de la littérature russe y prend une large part. Les principaux auteurs présentés sont ceux avec qui Limonov avait une animosité, bien qu'ils soient comme lui dissidents, à savoir Alexandre Soljenitsyne et Joseph Brodsky, qui recevront tous les deux un Prix Nobel. Mais on retrouve également de nombreux auteurs dissidents moins connus, comme le poète Arseni Tarkovski (père du cinéaste Andreï Tarkovski) ou encore Venedikt Erofeïev et Boris Pasternak.

URSS et Russie post-URSS, un peu d'histoire

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Dissident sous Brejnev puis opposant politique après l'URSS, Limonov traverse toutes ces époques dont Emmanuel Carrère explique en longueur l'histoire, et même celle de la Russie au XXe siècle[4]. Commençant avec l'URSS sous Staline, à la naissance de Limonov, Emmanuel Carrère poursuit avec, du point de vue soviétique, la Seconde Guerre mondiale, ou Grande Guerre patriotique, sans s'étendre ensuite sur le règne de Khrouchtchev, époque où Limonov, adolescent, ne s'intéresse que peu à la politique. Carrère aborde ensuite le règne de Brejnev, ou « stalinisme mou », sous lequel Limonov devient dissident. Sont notamment décrites les discussions précédant l'expulsion de Soljenitsyne, et les dissensions au sein du Politburo, entre conservateurs et progressistes. Gorbatchev, pour poursuivre, selon Carrère, est un homme politique médiocre, mais plein de bonnes intentions, et ses erreurs sont la cause de la chute de l'URSS. Il ne s'explique pas qu'il bénéficie d'une telle aura auprès des occidentaux, en ayant eu aussi peu de sens politique durant cette période troublée. Il est aussi assez critique encore à l'égard de Boris Eltsine, à qui il concède initialement plus de jugement et d'opportunisme. Carrère décrit la Russie post-URSS tombant sous la coupe d'oligarques mafieux. Enfin, concernant Vladimir Poutine, Carrère ne peut cacher une assez inhabituelle estime, opinion personnelle longuement étayée, certes, mais que Limonov lui-même critique à la sortie du livre[10]. Carrère décrit Poutine comme un provincial, fils de fonctionnaire de police ou militaire de second rang, tout comme Limonov au début, mais qui a mieux su tirer les marrons du feu.

Réaction de Limonov au livre

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Après la publication de ce livre, et son succès grandissant, Limonov redevient un auteur « respectable ». Alors qu'il n'était plus publié en France (les images de Limonov discutant avec Karadžić au-dessus de Sarajevo pendant les bombardements ont beaucoup choqué l'opinion française[11]), certaines de ses œuvres sont rééditées chez Albin Michel.

Limonov se dit content de ce succès, et du fait d'être à nouveau reconnu en France ; jusque-là, il « avait l'impression d'être un écrivain du passé[10] » et vit cela comme « une revanche [12] » et il « éprouve un plaisir malin à revenir chez les Français comme un héros de mythe[13] ». Il refuse de donner son avis sur le livre ou de dire s'il y a des passages non-conformes à la réalité. En revanche, il a été surpris du parallèle que Carrère fait entre Vladimir Poutine et lui, et lui trouve trop de sympathie pour le président russe. « C'est parce qu'il a un point de vue français, et qu'il ne voit pas les choses comme nous, Russes, les vivons[10] ».

Dans son roman autobiographique Le Vieux (expression utilisée pour parler de lui), chronique des années 2011-2013, Limonov évoque sans le nommer le livre d’Emmanuel Carrère dans un chapitre intitulé « Une gloire mondiale ». Sans faire de commentaires sur le contenu, il cite l’intégralité de la quatrième de couverture et évoque avec un léger sarcasme le succès du livre et le plaisir narcissique qu’il en tire[14].

Éditions imprimées
Livre audio

Notes et références

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  1. Isabelle Yhuel, « Emmanuel Carrère / Limonov (POL) » [podcast], Les bonnes Feuilles, France Culture,
  2. Cet article est repris intégralement dans Il est avantageux d'avoir où aller, éditions P.O.L, 2016, (ISBN 978-2-8180-3876-5), pp. 281-308.
  3. Emmanuel Carrère, « Le dernier des possédés », XXI, no 1,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Nathalie Crom, « Limonov », Télérama, no 3216,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. [et selon Jérôme Garcin, « pour mieux exalter la folie et le fanatisme de celui dont il prétend ignorer s'il est un héros ou un salaud, mais dont il jalouse, en secret, l'orageux destin de pirate moderne. »] Jérôme Garcin, « Limonov par Carrère », sur bibliobs.nouvelobs.com, (consulté le )
  6. « Dans les coulisses du Goncourt », Le Figaro, 2 novembre 2011.
  7. AFP, « Le prix de la langue française à E. Carrère », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  8. AFP, « Le premier "Prix des prix" littéraires consacre Emmanuel Carrère et "Limonov" », L'Express,‎ (lire en ligne)
  9. (nl) Nederlands Letterenfonds, « Europese Literatuurprijs 2013 naar Limonov van Emmanuel Carrère », sur www.letterenfonds.nl,
  10. a b et c Interview donnée à la Matinale de Canal+ le 2 décembre 2011.
  11. Ces images font partie du documentaire Serbian Epics tourné en 1992 par Paweł Pawlikowski (« Russian Writer Shooting at Sarajevo », sur YouTube). Elles sont commentées par Emmanuel Carrère dans son récit (« VI - Vukovar, Sarajevo, 1991-1992 », Chap. 4).
  12. Interview de Limonov dans Le Journal du dimanche du 6 décembre 2011.
  13. [Dans cette interview, Limonov se compare à Ulysse.] Étienne Gernelle, « Limonov : "Je souhaite à Carrère de mal tourner" », Le Point,‎ (lire en ligne)
  14. Edward Limonov, Le Vieux, éditions Bartillat, 2015, pp. 239-241