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Magallana gigas

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Magallana gigas
Description de cette image, également commentée ci-après
Huître creuse japonaise.
Classification WoRMS
Règne Animalia
Embranchement Mollusca
Classe Bivalvia
Sous-classe Pteriomorphia
Ordre Ostreida
Super-famille Ostreoidea
Famille Ostreidae
Sous-famille Crassostreinae
Genre Magallana

Espèce

Magallana gigas
Thunberg, 1793

Synonymes

  • Crassostrea gigas (Thunberg, 1793)
  • Ostrea gigas Thunberg, 1793

Magallana gigas, aussi appelée huître creuse du Pacifique (précédemment Crassostrea gigas), est une huître creuse du genre Magallana originaire du nord-ouest de l'océan Pacifique. Elle est aussi souvent dénommée « huître japonaise », mais cette dénomination ambigüe se rapporte plutôt à la Magallana nippona.

Introduite dans 48 pays depuis le début du XXe siècle (1966 en France) à des fins économiques, pour remplacer les stocks d'huîtres indigènes épuisés par la surexploitation ou les maladies, elle est devenue l'huître la plus élevée au monde[1],[2]. L’instabilité de la taxinomie (cf. infra), et les différentes agrégations dans les données produites par les pays, rendent l’estimation des productions aquacoles et des captures difficiles au niveau spécifique. D’après la FAO, la production aquacole globale de Magallana gigas en 2022 était de 643 467,765 tonnes[3]. Mais cette valeur ne comprend que les données correspondant au code OYG (Huître creuse du Pacifique, « Pacific cupped oyster », Magallana gigas), pour laquelle la base FAO ne comporte aucune entrée pour la Chine[4]. En 2022, la Chine a en revanche déclaré à la FAO une production de 6 199 540 de tonnes d’huîtres listées sous le code OYC qui correspond aux « Huîtres creuses nca » (Huîtres creuses non citées ailleurs). Ces dernières recouvrent a priori 5 espèces : Crassostrea gigas, C. rivularis, C. plicatula, Ostrea denselamellosa, et C. angulata[5]. Les huîtres regroupées sous ce code OYC par la FAO représentaient en 2022 une production aquacole totale mondiale de 6 236 181,671 tonnes, la Chine représentant donc 99 % de ce total à elle seule[4]. Cette production se plaçait en 2022 à la deuxième place de toutes les productions aquacoles du monde, derrière les crevettes Penaeus vannamei qui représentaient 6.8 millions de tonnes[6].

Elle représente 99 % de la production française au début du XXIe siècle[7]. En 2022 en France, 83 427,85 t d'huîtres creuses sont produites annuellement[4] alors que les huîtres sauvages, qui colonisent préférentiellement tous les substrats rocheux mais également les structures ostréicoles laissées à l'abandon ou les infrastructures marines humaines (cale, jetée), constituent un stock de 200 000 tonnes, avec des biomasses pouvant atteindre plus de 50 kg/m2[8].

Espèce colonisatrice, elle est devenue invasive dans plusieurs régions, en raison de différents facteurs (réchauffement climatique, pollution par les nitrates, développement des populations sauvages issues des installations ostréicoles), ce qui pose de multiples problèmes écologiques et économiques (banalisation de la faune littorale, valorisation peu rentable du fait de la contamination éventuelle[a] ou des coûts élevés de ramassage et de transport)[9],[7].

Description

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Cette huître a une coquille inéquivalve (deux valves différentes inéquilatérales), extrêmement rugueuse, très cannelée, et laminée. De forme variable, elle a tendance à être oblongue avec un bord crênelé. Sa valve (inférieure) gauche est profondément creuse et sculptée de grossières arêtes concentriques crénelées et coupantes (arêtes correspondant à des stries de croissance étudiées par la sclérochronologie, et délimitant des lames concentriques écailleuses). Même déformée, cet aspect la rend très caractéristique. Fréquemment, 6 ou 7 côtes épaisses (plis calcaires ondulés) forment une profonde marque sur la marge de la coquille. Sa valve (supérieure) droite plate ou légèrement convexe se repose à l'intérieur de la gauche et a des sculptures similaires. Le crochet et l’umbo qui se forment sur la charnière de la coquille sont souvent envahis par ces plis calcaires. La couleur est souvent grisâtre à verdâtre, avec plusieurs raies et taches pourpres rayonnant loin de l'umbo. L'intérieur de la coquille est blanc, avec un muscle adducteur qui est parfois sombre, mais jamais pourpre ou noir[10].

Reproduction

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La sexualité de l'huître creuse a très tôt été décrite comme reposant sur un hermaphrodisme successif. La détermination du sexe est un phénomène complexe qui est régulé par de nombreux facteurs environnementaux (température, nourriture…) et internes, si bien qu'on peut parler aussi d'un mode de reproduction qui relève du gonochorisme (présence d'un seul sexe au plus, mâle ou femelle, chez un individu)[11].

La maturation sexuelle et la gamétogenèse commencent à la fin de l’hiver et se poursuivent jusque vers le mois de juillet, période de la fécondation externe[12]. Cette fécondation a lieu préférentiellement durant le flot de la marée. La ponte peut se produire plusieurs fois durant l’été, lorsque la température de l’eau est supérieure à un seuil (18 à 20 °C), et sa durée aller de quelques minutes à plus d’une heure. Chez la femelle, elle se traduit par de violents mouvements valvaires, ce qui rend la ponte détectable au moyen d’un enregistrement de l’activité valvaire. Chez le mâle, c’est une importante action des cils qui propulse les spermatozoïdes à l’extérieur[13].

La stratégie reproductive de type r est liée à la forte mortalité de la phase planctonique de l'huître. La fécondité est très élevée : une femelle libère entre 20 et 100 millions d’œufs non fécondés par ponte, contre un million pour l'huître plate[14],[15].

Cycle de vie

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Cycle de vie bentho-pélagique de l'huître avec quatre principaux stades de développement : l'étape embryonnaire, larvaire, le naissain et l'âge adulte.

Cette huître est une espèce ovipare hermaphrodite protandre successive[16].

La gamétogénèse est active au printemps et se traduit par le développement de la gonade autour de la glande digestive (en maturant, cet organe reproducteur devient blanchâtre : l'huître est dite « laiteuse »). La fécondation externe a lieu après l'émission de spermatozoïdes et d'ovocytes une ou plusieurs fois par été lorsque la température de l'eau est supérieure à un seuil d'environ 18 – 20 °C[17]. L'œuf fécondé donne une larve planctonique qui dérive avec la masse d’eau pendant environ 20 jours[18]. Cette phase larvaire passe par différents stades : la larve trochophore devient, au bout de 24 heures environ, une larve D puis une larve véligère qui mesure 60 µm. Vivant de ses réserves énergétiques, elle devient strictement planctotrophe au bout de 5 jours environ[19].

La larve véligère dispose d’un velum, une sorte de voile cilié, qui lui sert à se déplacer et à capturer ses proies. Elle se recouvre rapidement d'une coquille larvaire, la prodissoconque (en) (larve umbonée). À la fin du stade larvaire (en moyenne deux à trois semaines), elle atteint 300 µm, se munit d’un pied (larve dite pédivéligère) qui lui permet de ramper pour choisir le substrat sur lequel elle va se fixer et lui sécrète le ciment pour la fixation. Une fois fixée, la larve devenue naissain commence sa métamorphose et le développement des organes de l’adulte[20].

Systématique

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Le nom valide complet (avec auteur) de ce taxon est Magallana gigas (Thunberg, 1793)[21].

Magallana gigas a pour synonymes[21] :

Publication originale

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  • Thunberg, C.P. (1793). Tekning och Beskrifning på en stor Ostronsort ifrån Japan. Kongliga Vetenskaps Academiens Nya Handlingar. 14(4-6): 140-142, 1 pl. lire en ligne

Une phylogénie controversée

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Originellement placée dans le genre-type des huîtres Ostrea, cette espèce a été connue pendant tout le XXe siècle sous le nom de « Crassostrea gigas », mais une étude génétique publiée en 2014[22] puis complétée en 2017[23] l'a placée, ainsi que plusieurs autres espèces du même genre, dans le genre Magallana, nouvellement créé[23].

Cependant, cette classification phylogénétique est controversée car elle repose sur un critère qui, selon un consortium international de chercheurs reconnus[24], est trop partiel pour être validé. En effet, l'utilisation d'un seul critère moléculaire chez une des rares espèces de mollusques marins d'intérêt commercial dont le génome entier est disponible depuis plusieurs années [25] ne fait pas consensus sur sa pertinence. En conséquence, cette proposition de changement taxonomique,pour l'espèce Crassostrea gigas, qui n'est supportée à ce jour que par deux articles émanant des mêmes auteurs n'est pas adoptée par la communauté scientifique spécialisée. Ceci est illustré par la persistance de la dénomination Crassostrea gigas dans une large majorité d'articles de la littérature scientifique spécialisée depuis la parution en 2017 de la proposition de changement taxonomique par Salvi et collègues. Toutefois, l'organisme officiel de nomenclature biologique, le World Register of Marine Species, nomme désormais cette espèce Magallana gigas[26] .

Selon des critères similaires, plusieurs analyses phylogéniques font apparaître l'« huître portugaise » (Magallana angulata) comme un morphotype local de l'huître creuse japonaise[27],[28].

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Références taxonomiques

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Bibliographie

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  • Salvi D. et Mariottini P., « Molecular taxonomy in 2D: a novel ITS2 rRNA sequence-structure approach guides the description of the oysters' subfamily Saccostreinae and the genus Magallana (Bivalvia: Ostreidae) », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 179, no 2,‎ , p. 263-276 (DOI 10.1111/zoj.12455, lire en ligne).

Liens externes

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Notes et références

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  1. L'utilisation des coquilles broyées comme amendement calcaire est impossible lorsqu'elles proviennent de la prolifération dans les ports en estuaire car elles sont contaminées par des résidus d'hydrocarbures aromatiques polycycliques provenant des carburants des bateaux et des produits chimiques toxiques contenus dans les peintures antifouling.

Références

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  1. (en) Jennifer L. Ruesink, Hunter S. Lenihan, Alan C. Trimble et Kimberly W. Heiman, « Introduction of Non-Native Oysters: Ecosystem Effects and Restoration Implications », Annual Review of Ecology, Evolution, and Systematics, vol. 36, no 1,‎ , p. 643–689 (ISSN 1543-592X et 1545-2069, DOI 10.1146/annurev.ecolsys.36.102003.152638, lire en ligne, consulté le )
  2. Robert Botta, Frank Asche, J. Scott Borsum et Edward V. Camp, « A review of global oyster aquaculture production and consumption », Marine Policy, vol. 117,‎ , p. 103952 (ISSN 0308-597X, DOI 10.1016/j.marpol.2020.103952, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) FAO Fisheries & Aquaculture, « Pacific cupped oyster - Aquatic species », sur www.fao.org, (consulté le )
  4. a b et c (en) FAO Fisheries & Aquaculture, « FAO Pêches et Aquaculture - Production mondiale de l'aquaculture Quantité (1950 - 2022) » (Portail de consultation de la base FishStat pour l'aquaculture), sur www.fao.org, (consulté le )
  5. (en) Yuze Mao, Fan Lin, Jianguang Fang et Jinghui Fang, « Bivalve Production in China », dans Goods and Services of Marine Bivalves, Springer International Publishing, , 51–72 p. (ISBN 978-3-319-96776-9, DOI 10.1007/978-3-319-96776-9_4, lire en ligne)
  6. (en) FAO Fisheries and Aquaculture, The State of World Fisheries and Aquaculture 2024, Rome, Italy, FAO, , 264 p. (ISBN 978-92-5-138763-4, lire en ligne Accès libre), p. 12
  7. a et b Marie Lescroart, 60 clés pour comprendre les huîtres, Éditions Quae, , 86 p. (ISBN 978-2-7592-3660-2, lire en ligne)
  8. Bruno Cognie, Joël Haure et Laurent Barillé, « Spatial distribution in a temperate coastal ecosystem of the wild stock of the farmed oyster Crassostrea gigas (Thunberg) », Aquaculture, vol. 259, no 1,‎ , p. 249–259 (ISSN 0044-8486, DOI 10.1016/j.aquaculture.2006.05.037, lire en ligne, consulté le )
  9. (GISD 2008)
  10. (en) P. J. Hayward, J. S. Ryland, Handbook of the Marine Fauna of North-West, Oxford, Oxford University Press, , 808 p. (ISBN 9780199549443, DOI https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199549443.001.0001, lire en ligne Accès payant), p. 586
  11. (en) D.B Quayle, Pacific oyster culture in British Columbia, Publications du gouvernement du Canada, coll. « Canadian Bulletin of Fisheries and Aquatic Sciences » (no 218), , 241 p. (lire en ligne Accès libre), p. 23
  12. J. L. Dantec, « Ecologie et reproduction de l’huitre portugaise (Crassostrea angulata Lamarck) dans le bassin d’Arcachon et sur la rive gauche de la Gironde », 1968, vol. 32, no 3,‎ revue des travaux de l’institut des pêches maritimes, p. 237—362 (lire en ligne Accès libre)
  13. E. His, « L’émission des gamètes chez l’huître portugaise (Crassostrea angulata LMK) », Revue des Travaux de l’Institut des Pêches Maritimes, vol. 34, no 1,‎ , p. 17—22 (lire en ligne Accès libre)
  14. (en) Paul S. Galtsoff, « The American Oyster Crassostrea Virginica Gmelin », Fishery Bulletin, vol. 64,‎ , p. 237 (lire en ligne Accès libre)
  15. André Gérard, « Avancées récentes sur la reproduction des huîtres », La pisciculture française, no 134,‎ , p. 71-76 (lire en ligne)
  16. Marie Lescroart, Les huîtres. 60 clés pour comprendre, éditions Quæ, , p. 47.
  17. (en) Roger Mann, « Some Biochemical and Physiological Aspects of Growth and Gametogenesis in Crassostrea Gigas and Ostrea Edulis Grown at Sustained Elevated Temperatures », Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom, vol. 59, no 01,‎ , p. 95-110 (DOI 10.1017/S0025315400046208).
  18. (en) Kohman Y. Arakawa, « Natural spat collecting in the Pacific oyster Crassostrea gigas (Thunberg) », Marine Behaviour and Physiology, vol. 17, no 2,‎ , p. 95-128 (DOI 10.1080/10236249009378760).
  19. (en) B. Rico-Villa, I. Bernard, R. Robert & S. Pouvreau, « A Dynamic Energy Budget (DEB) growth model for Pacific oyster larvae, Crassostrea gigas », Aquaculture, vol. 305, no v,‎ , p. 87
  20. Pierre Mollo, Anne Noury, Le Manuel du plancton, ECLM, , p. 101
  21. a et b World Register of Marine Species, consulté le 13 novembre 2024
  22. (en) Daniele Salvi, Armando Macali et Paolo Mariottini, « Molecular Phylogenetics and Systematics of the Bivalve Family Ostreidae Based on rRNA Sequence-Structure Models and Multilocus Species Tree », PLoS ONE, vol. 9, no 9,‎ , e108696 (ISSN 1932-6203, DOI 10.1371/journal.pone.0108696, lire en ligne, consulté le )
  23. a et b Salvi D. et Mariottini P., « Molecular taxonomy in 2D: a novel ITS2 rRNA sequence-structure approach guides the description of the oysters' subfamily Saccostreinae and the genus Magallana (Bivalvia: Ostreidae) », Zoological Journal of the Linnean Society, vol. 179, no 2,‎ , p. 263-276 (DOI 10.1111/zoj.12455, lire en ligne).
  24. B. L. Bayne, M. Ahrens, S. K. Allen et M. Anglès D'auriac, « The Proposed Dropping of the Genus Crassostrea for All Pacific Cupped Oysters and Its Replacement by a New Genus Magallana: A Dissenting View », Journal of Shellfish Research, vol. 36, no 3,‎ , p. 545–547 (ISSN 0730-8000, DOI 10.2983/035.036.0301, lire en ligne, consulté le )
  25. (en) Guofan Zhang, Xiaodong Fang, Ximing Guo et Li Li, « The oyster genome reveals stress adaptation and complexity of shell formation », Nature, vol. 490, no 7418,‎ , p. 49–54 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/nature11413, lire en ligne, consulté le )
  26. World Register of Marine Species, consulté le 6 janvier 2019
  27. (en) D. Ó Foighil, P. M. Gaffney, A. E. Wilbur et T. J. Hilbish, « Mitochondrial cytochrome oxidase I gene sequences support an Asian origin for the Portuguese oyster Crassostrea angulata », Marine Biology, vol. 131, no 3,‎ , p. 497–503 (ISSN 0025-3162 et 1432-1793, DOI 10.1007/s002270050341, lire en ligne, consulté le )
  28. (en) Kimberly S. Reece, Jan F. Cordes, Julie B. Stubbs et Karen L. Hudson, « Molecular phylogenies help resolve taxonomic confusion with Asian Crassostrea oyster species », Marine Biology, vol. 153, no 4,‎ , p. 709–721 (ISSN 0025-3162 et 1432-1793, DOI 10.1007/s00227-007-0846-2, lire en ligne, consulté le )