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Siège de Caen (1346)

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Le siège de Caen en 1346 est un des premiers faits significatifs de l'attaque anglaise sur le territoire français lors de la guerre de Cent Ans. Après l'invasion de la Normandie lors de la chevauchée d’Édouard III en , la prise de la ville de Caen se termine par une lutte acharnée dans les rues de la cité normande qui est en partie détruite.

Débarquement anglais

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La campagne militaire commence fin quand la flotte d'Édouard III quitta Portsmouth et Southampton avec une armée de 40 000 hommes[1]. Après avoir mouillé au large de la Cornouaille, il débarque par surprise le à Saint-Vaast-la-Hougue, près de Cherbourg. Les troupes sont composées d'Anglais et de Gallois, mais également de mercenaires bretons et allemands. Cette formation incluait aussi des alliés du monarque britannique, notamment des barons normands comme Geoffroy d'Harcourt, seigneur de Saint-Sauveur-le-Vicomte, mécontents de la politique de Philippe VI de Valois et bretons. En traversant le Cotentin vers le sud, l'armée anglaise mena une chevauchée, dévastant les villes (Valognes, Carentan, Torigni, Saint-Lô) et pillant cette région agricole riche et fertile. Ce vaste raid dévastateur avait pour but d'épuiser les forces et le moral de ses adversaires. En tant que centre culturel, financier, religieux et financier de l'Ouest de la Normandie, Caen était la cible initiale du roi anglais. En prenant et en pillant cette ville de première importance, il espérait pouvoir à la fois se refaire une santé financière et faire pression sur le gouvernement français.

La ville de Caen était en effet à l'époque une ville drapière prospère et un port important qui vivait notamment du commerce du vin et l'exportation de la pierre de Caen. C'était une des villes les plus importantes du royaume, la ville plus grosse qe nulle ville Dengleterre, horspris Loundrez selon Michaël de Northburgh[2].

Ce plan est ultérieur à la bataille (1575), mais permet de comprendre la structure urbaine de Caen au Moyen Âge.

« Grosse et forte, pleine de très grande draperie, et de toutes marchandises, et de riches bourgeois, et de nobles dames, et de très belles églises… A l'un des costez, un chastel, qui est un des plus beaux de Normandie. »

— Jean Froissart[3].

Devant l'imminence du danger, Raoul II de Brienne, comte d'Eu et connétable de France, et Jean, vicomte de Melun et comte de Tancarville, quittent la Gascogne afin de venir défendre la Normandie. Quand ils arrivent à Caen, ils découvrent une ville très mal défendue[4]. Située sur la rive gauche de l'Orne, la ville était divisée en plusieurs parties par la Noë, le Grand et le Petit Odon. La ville de Caen elle-même était partagée en deux ensembles fortifiés : Bourg-le-Roi et l'île Saint-Jean. Les enceintes étaient alors insuffisantes ou en mauvais état. Au pied du château, se développait Bourg-le-Roi, dont l'enceinte était plus solide mais difficile à défendre car très fragmentée. Moins bien fortifiée, l'île Saint-Jean étaient toutefois protégée par les différentes rivières qui la cernaient, l'Odon et l'Orne, bien qu'il fût possible de franchir ces cours d'eau à gué, surtout en été. Le seul point de contact important entre les deux ensembles était le pont Saint-Pierre protégé par le Châtelet qui abritait l'hôtel de ville. Autour de la ville se développaient des faubourgs dépourvus de murs d'enceinte, notamment à l'est et à l'ouest autour des abbayes puissantes et riches, fondées par Guillaume le Conquérant (Bourg-l’Abbé autour de l’abbaye aux Hommes et Bourg-l’Abbesse autour de l’abbaye aux Dames).

La prise de la ville

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L'armée anglaise arriva sous les murs de la ville le . Le Prince Noir s'empara de l’abbaye aux Dames, tandis qu'un autre corps entra dans l’abbaye aux Hommes désertée. Le roi s’installa dans un hôtel particulier d'un des faubourgs de la ville et ses troupes campèrent alors dans les plaines d’Ardenne, de Couvrechef et d'Hérouville au nord de la cité. Ne disposant pas d'armes pour tenir le siège de la ville, Édouard III rassembla ses forces pour passer directement à l'attaque de la ville.

En ville, la faible garnison française — composée selon Henri Prentout de 700 à 800 hommes d'armes, de 300 ou 500 archers génois aux ordres de Robert de Warignies[5] et de 3 000 miliciens — n'était pas préparée à résister à l'assaut des 40 000 soldats anglais massés autour de la ville et « qui venaient en trois batailles, drus et serrés »[6]. Initialement, les défenseurs, menés par Raoul II de Brienne, avaient prévu de défendre uniquement Bourg-le-Roi et le château. Mais sous la pression de la bourgeoisie et de la noblesse de l'île Saint-Jean[7], une partie des défenseurs fut déplacée pour défendre l'île fortifiée. Ce retrait précipité s'avéra désastreux car dans la hâte les défenseurs négligèrent une partie des défenses de la ville.

À la suite des changements dans la défense caennaise, Édouard III adapta son plan de bataille et concentra ses forces sur un point de la ville. Pendant qu'une petite unité était envoyée pour bloquer les 300 soldats du château conduits par Guillaume Bertrand (évêque de Bayeux), frère de Robert VIII, Bertrand de Bricquebec, ancien maréchal de France, Édouard III organisa ses troupes afin d'attaquer les ponts de la ville et notamment le pont Saint-Pierre. Mais l'attaque se fit dans la précipitation. Richard Talbot et les comtes de Warwick et de Northampton devaient mener l'assaut, mais il semble qu'ils aient eu peu de contrôle sur les troupes qu'ils dirigeaient. Les fantassins, impatients d'en découdre, anticipèrent les ordres et se ruèrent sur les ponts avant que la force d'assaut soit totalement mise en place. Constatant que ses troupes l'avaient devancé, le roi sonna la retraite, mais son appel fut ignoré.

Dans une lettre, Édouard III avoua plus tard que « le combat fut long et disputé ». Des centaines de soldats se jetèrent sur les ponts en une furieuse mêlée pour attendre la rive opposée. Une troupe d'archers munis d'arc long anglais et des lanciers gallois pataugèrent dans l'eau de la rivière à demi asséchée par l'été, alors que d'autres soldats s'emparèrent de bateaux qui avaient été oubliés par la défense de la ville lors du redéploiement précipité de ses troupes.

Le châtelet sur le pont Saint-Pierre.

« Et chei adonc si bien au roy d'Engleterre et à ses gens que la rivière qui keurt parmi la ville de Kem, qui porte grosse navie, estoit si basse et si morte qu'il le passoient et rapassoient à leur aise, sans le dangier du pont. »

— Jean Froissart[8].

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Les faibles forces françaises se disséminèrent tout le long de la rive nord de l'Odon et les fortifications rompirent à plusieurs endroits. Les Anglais pénétrèrent dans l'île Saint-Jean et attaquèrent le pont Saint-Pierre à revers pour provoquer ainsi l'effondrement de la défense de la cité. Raoul II de Brienne, accompagné du comte de Tancarville, se barricada dans le châtelet du pont Saint-Pierre, mais la plupart des officiers supérieurs français prirent leurs chevaux et se frayèrent un chemin à travers les Anglais pour aller se protéger dans le château tout proche. Pendant ce temps, la population résista vaillamment à l'invasion anglaise en jetant du haut des fenêtres toutes sortes de projectiles.

« Ceux de la ville qui estoient montés en loges et solliers et en ces estroites rues jetoyent pierres, bancs et mortiers, occirent et méhaignèrent ce jour-là plus de cinq cents anglais. »

— Sieur de Bras[9].

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Les comtes de Warwick et de Northampton poursuivirent les résistants dans la ville et les campagnes alentour et mirent le feu aux maisons. Peu de prisonniers furent pris vivants. Raoul II de Brienne et Jean II de Melun, comte de Tancarville se rendirent à Thomas Holland et le châtelet fut pris à son tour. Seul le château résistait encore. Jean II de Melun, comte de Tancarville, fut libéré contre une rançon et Raoul II de Brienne contre 60 000 moutons d'or.

Le pillage de la ville

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La farouche résistance des Caennais provoqua les foudres d'Édouard III qui ordonna le massacre de la population et l'incendie de la ville. Geoffroy d'Harcourt parvint heureusement à convaincre le roi d'arrêter cette tuerie. Durant trois jours néanmoins, les Anglais victorieux mirent à sac la cité et les deux grandes abbayes. Les archives municipales, abritées dans le châtelet, furent brûlées ou dispersées. Pendant son séjour, le roi alla se recueillir sur la tombe de son ancêtre Guillaume le Conquérant enterré à l'abbaye aux Hommes.

« Là fut trouvé et robé innombrable trésor, et peut-on veoir grande pitié de bourgoys, de bourgoises, de leurs femmes, filles et enfans, qui ne sçavoient où aler, ainsi veoit chascun devant soy son proesme murdrir, la mère et la sœur, ou la femme ou la fille enforchier, les maisons brisier et l'avoir rober. »

— Chroniques anonymes[8].

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À la suite de la prise de la ville, on renforça les défenses de la ville et on fortifia les abbayes. Ici, la tour Leroy.

Selon l'ancien historiographe Papire Masson, 40 000 aunes de drap auraient été confisquées. Le roi réclama également un tribut de centaine de livres en or et en objet de valeur. Les nobles qui n'avaient pu s'enfuir furent rançonnés. Le comte d'Eu fut retenu en otage en Angleterre jusqu'en 1350[10]. Les Anglais s'emparèrent également de vingt-deux bateaux qui mouillaient dans le port de Caen et on rapporta qu'ils en chargèrent encore quatre-vingt autres à Ouistreham du butin pris pendant le sac de la ville.

« Le Roy d'Angleterre renvoya sa nave toute chargée de draps, de joyaux et de vaisselles d'or et d'argent, et de toutes autres richesses, à moult grande foison, et, de prisonniers, plus de soixante chevaliers et trois cent riches bourgeois.  »

— Jean Froissart.

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Au moins 2 500 corps furent ensuite enterrés dans des charniers à l'extérieur de la ville. En tout, le nombre de morts dus à cette mise à sac s'élèverait à 5 000. Le nombre des victimes dans les rangs anglais n'a pas été enregistré, Michaël de Northburgh ne fait état que d'un seul homme d'armes gravement blessé qui mourut deux jours après la bataille, mais les pertes parmi les archers et les lanciers enrôlés ont dû être lourdes. Le roi quitta Caen le avec le plus gros de ses forces et laissa 1 500 hommes chargés de prendre le château. La population caennaise se souleva et cette petite unité fut exterminée par les Génois et hommes d'armes qui défendaient le château. La ville fut ainsi libérée, mais la cité était dévastée.

La prise de la ville permit aux troupes anglaises de continuer une chevauchée sanglante et destructrice à travers la Normandie, le Vexin, le Beauvaisis, le Vimeu, le Ponthieu, le Boulonnais et le Calaisis ou elles écrasèrent l'armée française lors de la bataille de Crécy en , avant de mettre le siège devant Calais.

Après la prise de la ville, les Caennais obtinrent la permission de relever à leurs frais les murailles de la ville et de clore les deux abbayes, ainsi que la collégiale du Sépulcre au-dessus du Vaugueux. Ces nouvelles fortifications furent toutefois insuffisantes lors du siège de 1417.

Notes et références

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  1. Chroniques de Jean Froissart, Livre I, Partie I, Chapitre CCLXIV.
  2. Citation extraite du récit de Robert de Avesbury, De Gestis mirabilibus regis Edwardi tertii.
  3. Citation extraite de l'ouvrage de Guillaume-Stanislas Trébutien, Caen : précis de son histoire, ses monuments, son commerce et ses environs : guide portatif et complet, nécessaire pour bien connaître cette ancienne capitale de la Basse-Normandie, Caen, A. Hardel, 1855 ; réimp. Brionne, le Portulan, Manoir de Saint-Pierre-de-Salerne, 1970.
  4. Célestin Hippeau, L'abbaye de Saint-Étienne de Caen, 1066-1790, Caen, A. Hardel, 1855, p. 106–107.
  5. Bernard Beck, Châteaux forts de Normandie, Rennes, Ouest-France, , 158 p. (ISBN 2-85882-479-7), p. 74.
  6. Chroniques de Froissart.
  7. La paroisse Saint-Jean était surnommée « la Noble ».
  8. a et b Citation extraite de l'ouvrage d'Henri Prentout.
  9. Citation extraite de l'ouvrage de René Herval, Caen, Caen, Ozanne et Cie, 1946.
  10. Rentré en France cette année-là pour réunir les 60 000 écus nécessaires au paiement de sa rançon, il fut sommairement exécuté par Jean II le Bon.

Bibliographie

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  • (en) Jonathan Sumption, The Hundred Years War, Vol 1, Trial by Battle, 1990, (ISBN 0-571-13895-0).
  • (en) Alfred Burne, The Crecy War, 1955, (ISBN 1-85367-081-2).
  • Henri Prentout, « La prise de Caen par Édouard III : 1346 », dans Mémoires de l'Académie nationale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Caen (1904), Caen, H. Delesques, 1904 [texte intégral].
  • Dans le premier tome de la Quête du Graal, Bernard Cornwell parvient à dépeindre assez précisément la prise de la ville.
  • Une scène du roman de Ken Follett, Les Piliers de la terre II, une scène se déroule pendant le pillage de la cité.

Articles connexes

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