In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La solidarité et ses limites. La CFDT et les travailleurs immigrés dans « les années 68 by Cole Stangler
  • Juliette Ronsin
Cole Stangler, La solidarité et ses limites. La CFDT et les travailleurs immigrés dans « les années 68 », Nancy, Arbre bleu éditions, « Le corps social », 2021, 281 p. Préface de Frank Georgi, postface de Laurent Berger.

« Au royaume du capitalisme, nous sommes tous des immigrés. » La phrase, prononcée par Edmond Maire, ancien secrétaire général de la CFDT, lors de son discours au meeting commun à la Bourse du travail le 10 février 1972, illustre l'apogée de l'engagement de la CFDT en faveur des immigrés dans l'après-Mai 68. Cette séquence est au cœur de l'ouvrage de Cole Stangler, journaliste et historien franco-américain, dont le livre issu de ses recherches de master à l'Université Paris 1 a été récompensé en 2019 par le prix du master/thèse de la CFDT.

Dans le sillage de travaux récents au croisement de l'histoire de l'immigration et de l'histoire du travail – notamment ceux de Laure Pitti, Vincent Gay, Anton Perdoncin –, l'ouvrage de Cole Stangler a la particularité de s'intéresser au rôle de la CFDT dans les luttes des travailleurs immigrés, complétant sur cette thématique les recherches déjà menées sur le syndicat22. Faisant le constat du faible nombre de publications sur l'immigration et le syndicalisme en France, Cole Stangler puise aussi ses références dans les recherches états-uniennes, autour de la « new labour history ». Dans son ouvrage, l'auteur se penche plus particulièrement sur la séquence 1965-1979, celle des « années 68 ». Cette période a marqué pour la CFDT un tournant vers la déconfessionnalisation, mais aussi en faveur de l'autogestion, du socialisme et des luttes des immigrés, avec l'émergence de nouvelles revendications, jusqu'au tournant dit « réformiste » de 1979.

Cole Stangler s'appuie sur un solide travail mené à partir de sources variées provenant des fonds de la CFDT : les sources syndicales des archives confédérales, tels les documents des congrès et les rapports d'activité, la presse confédérale, les archives fédérales, départementales et locales. Ces sources sont complétées par l'étude de fonds d'archives de la CGT, des rapports issus des conférences sur l'immigration, des fonds du groupe des Cahiers de Mai à la Contemporaine, des films de l'INA et des entretiens « avec des acteurs et des actrices présents dans les conflits et dans les organisations » (p. 37), sur le déroulement et les enjeux desquels on aurait aimé avoir plus de détails.

L'auteur s'interroge sur les modalités de l'engagement de la CFDT en faveur des travailleurs immigrés et sur ses limites, à partir de trois axes principaux : « le discours, les représentations et l'action », avec la volonté d'analyser l'implication de la CFDT à différentes échelles. L'argumentaire, s'inscrivant dans les champs de l'histoire sociale et de l'histoire politique, saisit le fonctionnement de la CFDT de la « base » jusqu'au niveau le plus élevé de la confédération. Néanmoins, l'auteur récuse tout engagement pyramidal du syndicat pour la cause immigrée, lui préférant la comparaison avec le modèle du « sablier », illustrant une plus forte implication perceptible à la base et dans les « hautes sphères de l'organisation cédétiste » (p. 221). [End Page 156]

L'ouvrage se divise en six chapitres, retraçant l'engagement de la CFDT dans la lutte des travailleurs immigrés de 1965 à 1979, de façon chronologique (chap. 1, 2 et 3), puis en descendant les échelles d'analyse, du niveau « intermédiaire » (chap. 4), à l'échelle de mouvements sociaux emblématiques et moins étudiés (chap. 5), jusqu'à une étude de cas du site de Renault-Flins (chap. 6).

Dans les trois premiers chapitres, l'auteur revient sur l'histoire de la CFDT depuis la déconfessionnalisation...

pdf

Share