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je pense et même je le souhaite au plus profond de moi, qu'un jour une école de france pays initiateur des dro
Par Anonyme, le 02.10.2024
mon dernier commentaire semble avoir été coupé. avec le smartphone c'est moins pratique. je disais que j'avais
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
je m'avise de ce que vous êtes du même pays géographique que marie-hélène lafon et bergou. pierre bergounioux
Par Michèle Pambrun , le 15.08.2024
j'ai regardé, on est toujours curieux de la vie des écrivains qu'on aime, tant pis pour eux
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
je vais l'acheter illico.
de séverine chevalier j'ai lu jeannette et le crocodile.
c'est une voix singulièr
Par Michèle PAMBRUN , le 15.08.2024
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Date de création : 08.07.2011
Dernière mise à jour :
23.10.2024
419 articles
Lord Jim
De Joseph Conrad
Editions Gallimard et Folio
Traduit de l’anglais par Henriette Bordenave
Il vit un grain noir qui, en silence, avait mangé un tiers du ciel. Vous savez comme ces grains surgissent là-bas vers cette époque de l’année. On voit d’abord l’horizon qui s’assombrit – rien de plus ; puis se lève un nuage opaque comme un mur. Une frange nébuleuse, striée de lueurs blafardes et plombées, monte à toute vitesse du sud-ouest, dévorant les étoiles par constellations entières ; son ombre couvre les eaux en un rien de temps et confond ciel et mer en un unique abîme d’obscurité. Et tout est silencieux. Pas de tonnerre, pas de vent, pas un bruit, pas une lueur d’éclair.
Puis, dans l’immensité ténébreuse, apparaît une arche livide ; une ou deux levées de houle passent qui sont comme des ondulations des ténèbres elles-mêmes, et, tout d’un coup, vent et pluie s’abattent ensemble avec une singulière impétuosité, comme s’ils avaient brusquement jailli à travers une matière solide. »
Tu as vu, ça calme hein, une écriture pareille, ça ne se croise pas dans n’importe quel port. Je peux déjà te dire chère lectrice, cher lecteur, que c’est comme ça tout du long des plus de cinq-cents pages de ce roman. Joseph Conrad sait écrire pour sûr, et il sait raconter une histoire.
Lorsque j’ai ouvert ce roman, que j’ai parcouru les premières lignes, ça m’a fait un drôle d’effet. Il y avait une atmosphère, et ça c’est très important l’atmosphère dans un livre. L’atmosphère, si elle est bien refabriquée, c’est comme si tu pouvais la toucher, la palper. L’atmosphère, c’est la sublime robe que porte la femme qui t’a tapé dans l’œil, elle met les formes en valeur, elle raconte déjà une histoire, la suite de l’histoire. Joseph Conrad possède ce savoir-faire, de poser l’ambiance. Comme je te l’ai dit, quand j’ai commencé à lire, je me suis vu entrer dans un de ces troquets bas de plafond, empestant la fumée et la bière, aux tables sclérosées de relents de d’alcools forts, où des marins faisant largement plus vieux que leur âge tiraient goulument sur leur pipe ou leur clopot, courbés sur leur chaise, un coude appuyé sur une table qui a vu passer trop de navigateurs et sur laquelle des milliers d’histoires ont glissé. La lumière jaune des lampes à huile ne parvenait pas à refouler totalement les nappes de pénombre, et des pans entiers de la salle restaient interdits à la vue ; mais pas à l’imagination. Ça parlait bas à certaines tablées, comme des gens échangeant des secrets lourds et importants tandis qu’à d’autres endroits, comme au vieux comptoir de bois patiné, on riait de bon cœur et on hurlait presque pour se sentir vivant. Les très anciennes lattes en bois local qui ne jointaient plus très bien au sol tremblaient sous les coups de talons des joueurs de cartes. Les deux basses et étroites fenêtres jetaient un regard aveugle sur le port où des fanaux perçaient la nuit d’encre. C’est là que je me suis assis, au coin d’une table, une chope à la main. Il y avait trois gars qui causaient d’un autre gars, un certain Lord Jim qu’ils disaient. Enfin, c’était surtout un des trois qui en parlait. Et si t’avais vu son visage quand il prononçait son nom, il s’illuminait, pas de joie mais de respect et d’admiration. Alors moi aussi j’ai posé un coude sur la table, et je me suis penché vers l’avant et j’ai tendu l’oreille, pour ne rien perdre de ce récit qui captivait déjà les autres. Ils en oubliaient même de siffler leurs verres.
Tu vois peut-être mieux ce que je veux dire maintenant. Ouvrir ce roman, c’est t’asseoir à cette table, et le type qui raconte il raconte rudement bien. Parce qu’il a connu ce Lord Jim, un fameux gars à coup sûr. Un phénomène même, un style d’individu que tu ne croises pas tous les jours, ni même toutes les années. Un genre d’homme dont on se souvient longtemps après, quand on est vieux et qu’on regard en arrière. Alors notre cœur se gonfle de fierté, celle de l’avoir connu et surtout celle de l’avoir étudié et compris avec justesse. Le plus beau cadeau que l’on puisse faire à un homme ou une femme, c’est de saisir sa substance, de comprendre son fonctionnement profond.
Joseph Conrad, il te propose de comprendre le fonctionnement de Jim, de savoir de quel bois est fait ce jeune gars qui avait des principes solides dont il était fier. Des valeurs qu’il portait au front, en bombant le torse, sans se montrer orgueilleux, non, mais avec une haute idée de ce que doit être son existence. Et Jim connaît bien la mer, les océans, les turpitudes des tempêtes, les vagues scélérates comme on dit. Il est jeune mais il maîtrise son élément, il est malgré son âge, second d’un navire, le Patna. On lui fait confiance, il jouit déjà d’une belle réputation. Mais un jour, il n’est pas à la hauteur de ce qu’il attendait de lui-même. Et c’est une marque au fer rouge, indélébile. Cette faute, cette erreur, il va l’endurer comme pour expier. Et ça va l’amener à errer là-bas, dans cet Extrême-Orient encore mystérieux à l’agonie du dix-neuvième siècle. Et Jim, tout rempli de lui et de ses principes, s’est juré qu’il ne faillirait plus jamais, qu’il ne cèderait jamais plus à la peur. C’est cette histoire que te narre monsieur Conrad, une histoire de quête.
C’était le genre de garçon que l’on aime avoir auprès de soi ; le genre de garçon que l’on se plaît à penser qu’on a été soi-même ; le genre de garçon dont l’aspect seul proclame la familiarité avec ces illusions que l’on avait crues mortes, éteintes, froides, et qui, comme ranimées à l’approche d’une nouvelle flamme, suscitent un frémissement tout au fond, loin quelque part au fond de soi, un frémissement de lumière…de chaleur ! »
Jim a bâti toute sa confiance dans l’idée qu’il se fait de lui, il y puise sa force. Aussi, à la suite de sa défaillance qu’il juge honteuse, sa seule obsession est de se racheter, de tracer une trajectoire parfaite et droite, dans la morale et le domaine de l’honneur. Il a trébuché et il en fait un fromage, tout chez lui est mobilisé pour interdire un jour, le retour de cette chose qu’il méprise au plus haut point, la peur.
« Le monde était silencieux, la nuit envoyait sur eux son souffle, une de ces nuits qui semblent faites pour abriter la tendresse, et il y a des moments où nos âmes, comme libérées de leur noire chrysalide, rayonnent d’une sensibilité exquise qui rend certains silences plus limpides que des discours. »
L’autre niveau de lecture, l’autre thème qui est travaillé, c’est l’amitié. L’amitié, la fraternité, la fidélité, toutes ces choses qui réhaussent d’une manière considérable le goût de la vie, qui recouvre d’or les relations entre humains. L’auteur sait nous toucher, injecter de l’émotion, des sentiments, et le narrateur nous est si proche que ses sentiments deviennent nos sentiments. Il réussit l’exploit de nous faire croire que nous aussi, nous avons connu Lord Jim, Tuan Jim comme disent les indigènes.
« Je ressentais une sorte de gratitude, d’affection, pour cet égaré dont les yeux m’avaient distingué alors que j’occupais ma place dans les rangs d’une multitude insignifiante. »
Le genre de phrase pour laquelle n’importe quel auteur, inconnu ou primé serait capable de tuer. Une putain de phrase. Je lis aussi pour cela, tomber sur ces perles, ces diamants qu’il faut dégager d’un paragraphe, qui d’un coup me sautent au visage et au cœur.
Si tu connais un peu l’auteur, tu sais qu’il a bourlingué et navigué. Sans doute est-ce cela qui confère ce réalisme qui transpire de partout. Et puis c’est quand-même l’homme qui a écrit Au cœur des ténèbres, son livre le plus célèbre, dont Francis Ford Coppola s’est inspiré pour son dantesque et furieux Apocalypse now.
Voilà, je crois que j’ai tout dit, il ne vous reste plus qu’à filer chez votre libraire.
PS : ce livre n’est pas un livre qu’on picore. Il faut avoir de longues plages de disponibilité, pour s’enfoncer dans le récit, s’acclimater, s’attacher aux personnages. Il faut s’embarquer pour des heures, et donner sa chance à un roman qui met un peu de temps à démarrer, mais la patience vaut sacrément le coup.