L.M. 1989-90, c. 42
Projet de loi 47, 2e session, 34e législature
Loi sur l'aide aux personnes à charge
Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«conjoint» L'un ou l'autre de l'homme et de la femme qui, selon le cas :
a) sont unis par les liens du mariage;
b) ont contracté un mariage annulable ou nul, de bonne foi de la part de la personne qui fait valoir un droit en vertu de la présente loi. ("spouse")
«enfant» Lui est assimilé :
a) l'enfant conçu avant le décès du défunt et né vivant après son décès;
b) l'enfant à l'égard de qui le défunt tenait lieu de père ou de mère, à l'exclusion du cas où, par suite d'une entente, l'enfant est placé contre valeur dans un foyer nourricier par une personne qui en a la garde légale. ("child")
«personne à charge»
a) le conjoint du défunt;
b) toute personne divorcée du défunt ou dont le mariage avec le défunt a été déclaré nul et en faveur de laquelle une ordonnance ou une entente alimentaire existait au moment du décès du défunt;
c) toute personne de sexe opposé au défunt qui n'était pas unie légalement avec lui par les liens du mariage mais qui, selon le cas :
(i) a cohabité avec lui de façon continue pendant une période d'au moins cinq ans dans le cadre d'une relation dans laquelle le survivant était en grande partie à la charge du défunt, si :
(A) la cohabitation se poursuivait au moment du décès du défunt,
(B) la cohabitation ne se poursuivait plus, mais avait cessé un an au plus tard avant le décès du défunt,
(ii) a cohabité avec lui de façon continue pendant une période d'au moins un an, si un enfant est né de cette union et si :
(A) la cohabitation se poursuivait au moment du décès du défunt,
(B) la cohabitation ne se poursuivait plus, mais avait cessé un an au plus tard avant le décès du défunt,
(iii) recevait ou avait le droit de recevoir des aliments de la part du défunt en vertu d'une entente ou d'une ordonnance du tribunal au moment du décès du défunt;
d) tout enfant du défunt qui se trouve dans l'une des situations suivantes :
(i) il n'avait pas atteint l'âge de 18 ans au moment du décès du défunt,
(ii) il était incapable au moment du décès du défunt de subvenir à ses besoins pour une raison quelconque, notamment une maladie ou une invalidité,
(iii) il était en grande partie à la charge du défunt au moment du décès de celui-ci;
e) les petits-enfants du défunt qui étaient en grande partie à sa charge au moment de son décès;
f) le père, la mère ou les grands-parents du défunt qui étaient en grande partie à sa charge au moment de son décès;
g) les frères ou les sœurs germains ou unilatéraux du défunt qui étaient en grande partie à sa charge au moment de son décès. ("dependant")
«représentant personnel» L'exécuteur, l'administrateur ou l'administrateur testamentaire. ("personal representative")
«tribunal» La Cour du Banc de la Reine. ("court")
S'il lui semble qu'une personne à charge a besoin d'aide financière, le tribunal peut, à la demande présentée par la personne à charge ou en son nom, ordonner qu'une provision raisonnable soit prélevée sur la succession du défunt pour l'entretien de cette personne à charge.
Cas dans lesquels l'ordonnance peut être rendue
L'ordonnance visée au paragraphe (1) peut être rendue peu importe que le défunt ait ou non laissé un testament et en dépit des dispositions de son testament ou de la Loi sur les successions ab intestat.
Aliments déterminés à la date de l'audience
Le caractère raisonnable de la provision alimentaire est déterminé
à la date de l'audition de la demande.
Le tribunal peut, à la demande présentée par une personne à charge ou en son nom, rendre une ordonnance suspensive visant tout ou partie de l'administration de la succession du défunt pour la durée et dans la mesure qu'il juge à propos.
Demande au nom de toutes les personnes à charge
La demande d'ordonnance visée à l'article 2 peut être considérée par le tribunal comme une demande faite au nom de toutes les personnes qui pourraient présenter une demande; en ce qui concerne le délai de prescription mentionné à l'article 6, cette demande d'ordonnance est réputée une demande présentée au nom de toutes ces personnes.
L'avis de présentation de la demande visé à l'article 2 est signifié dans tous les cas au curateur public, qui a le droit de comparaître et d'être entendu relativement à la demande, si la personne à charge ou la personne appelée à la succession du défunt aux termes de son testament ou de la Loi sur les successions ab intestat est :
a) soit un mineur;
b) soit une personne atteinte de troubles mentaux ou incapable de gérer ses biens au sens de la Loi sur la santé mentale.
Pour l'application du présent article, les termes «délai de prescription» s'entendent d'une période d'au plus six mois à partir de l'octroi des lettres d'homologation d'un testament ou des lettres d'administration.
Sauf dans la mesure prévue au paragraphe (3), la demande d'ordonnance visée à l'article 2 ne peut être faite après l'expiration du délai de prescription.
Le tribunal peut permettre qu'une demande soit faite à tout moment relativement à la partie de la succession qui n'est pas distribuée à la date de la signification de l'avis de présentation de la demande au représentant personnel s'il est convaincu, selon le cas :
a) que la personne à charge n'a eu connaissance du décès du défunt qu'après l'expiration du délai de prescription;
b) que le besoin de la personne à charge en matière d'aliments n'a pris naissance qu'après l'expiration du délai de prescription;
c) que des circonstances indépendantes de la volonté de la personne à charge l'ont empêchée de faire sa demande à l'intérieur du délai de prescription.
Sursis au règlement de la succession
Le représentant personnel du défunt à qui un avis de la présentation de la demande d'ordonnance alimentaire a été signifié ne peut, si ce n'est avec le consentement de tous les ayants droit ou sauf ordonnance contraire du tribunal, poursuivre le règlement de la succession avant que le tribunal ait statué sur la demande.
La présente loi n'empêche pas le représentant personnel d'accorder des avances permettant l'obtention des choses qui sont immédiatement nécessaires pour l'entretien des personnes à charge qui sont appelées à la succession du défunt aux termes de son testament ou en vertu de la Loi sur les successions ab intestat.
Responsabilité du représentant personnel
Le représentant personnel qui, en contravention du présent article, se dessaisit d'une partie de la succession, répond personnellement de l'obligation alimentaire payable à une personne à charge de la famille du défunt et qui, aux termes de l'ordonnance concernée ou de la présente loi, devrait être prélevée en totalité ou partiellement sur cette partie de la succession.
Pour établir, s'il y a lieu, le montant des aliments et la période pendant laquelle il sera versé, le tribunal tient surtout compte des besoins financiers de la personne à charge et examine toutes les circonstances entourant la demande, y compris :
a) l'importance et la nature de la succession du défunt;
b) les biens et les ressources financières que possède ou possèdera vraisemblablement la personne à charge dans un avenir prévisible;
c) les mesures que la personne à charge peut prendre pour assurer son autonomie financière, y compris le délai et les frais en cause pour permettre à cette personne à charge de prendre les mesures en question;
d) l'âge ainsi que la santé physique et mentale de la personne à charge;
e) la capacité de la personne à charge de subvenir à ses besoins;
f) si la personne à charge est un conjoint, les biens qu'elle a reçus ou a le droit de recevoir en vertu de la Loi sur le douaire ou de la Loi sur les biens matrimoniaux;
g) les biens que la personne à charge a le droit de recevoir sur la succession du défunt autrement qu'en vertu d'une ordonnance rendue en vertu de la présente loi;
h) la réclamation que toute autre personne a sur la succession;
i) toute provision que le défunt a constituée de son vivant en faveur de la personne à charge et de toute autre personne à charge;
j) si la personne à charge est un enfant, son aptitude à recevoir une éducation et les possibilités raisonnables qu'il a à cet égard;
k) si la personne à charge est un enfant à l'égard de qui le défunt tenait lieu de père ou de mère, l'obligation principale des parents de l'enfant de pourvoir à ses besoins et la question de savoir si les parents se sont acquittés de cette obligation.
Le tribunal peut, au moment de l'audition de la demande :
a) prendre en considération tout élément qu'il estime utile à une juste appréciation de la cause;
b) indiquer, outre la preuve faite par les parties, toute preuve supplémentaire qu'il estime utile;
c) accepter que soient établies, dans la mesure du possible, le cas échéant par une déclaration écrite signée du défunt, les raisons qui ont conduit ce dernier :
(i) soit à disposer de ses biens de la manière dont il l'a fait dans son testament,
(ii) soit à ne pas constituer une provision suffisante pour l'entretien d'une personne à charge.
Pour déterminer le crédit qu'il convient d'accorder à la déclaration visée à l'alinéa (2) c), le tribunal examine les circonstances dans lesquelles elle a été faite.
Conditions de l'ordonnance alimentaire
Le tribunal peut assortir l'ordonnance alimentaire rendue en faveur d'une personne à charge des conditions et des restrictions qu'il estime indiquées et donner les instructions qu'il juge nécessaires pour que l'ordonnance prenne effet.
Source de la provision alimentaire
Le prélèvement de la provision alimentaire sur le capital ou les revenus ou sur les deux éléments d'actif peut s'effectuer de l'une des façons suivantes :
a) le versement d'une rente pouvant être notamment annuelle pour une période indéfinie ou limitée ou jusqu'à ce qu'un événement particulier se produise;
b) le versement ou le placement en fiducie d'une somme forfaitaire;
c) le transfert ou la cession de biens déterminés à la personne à charge ou en fiducie au profit de celle-ci, soit à titre définitif, soit à titre viager, soit pour un terme déterminé;
d) la possession ou l'utilisation de biens déterminés par la personne à charge à titre viager ou pour la période que le tribunal estime indiquée;
e) la garantie du paiement aux termes de l'ordonnance, notamment au moyen d'une charge sur les biens;
f) toute autre façon que le tribunal estime indiquée.
Lorsqu'une cession ou un transfert de biens est ordonné, le tribunal peut :
a) donner toutes instructions sur la manière dont le représentant personnel ou toute autre personne qu'il désigne devront procéder au transfert ou à la cession;
b) accorder une ordonnance portant dévolution des biens.
Le tribunal ne rend l'ordonnance visée au présent article que s'il est convaincu que ceux qui sont ou peuvent être intéressés par cette ordonnance ont reçu signification d'un avis de la demande conformément aux règles du tribunal. Les intéressés ont le droit d'être présents et de se faire entendre en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat à l'audience.
Malgré le paragraphe (4), le tribunal peut ne pas exiger la signification de l'avis aux personnes qui ne l'ont pas reçu si, selon le cas :
a) tous les efforts raisonnables ont été fournis pour signifier cet avis à ceux qui avait le droit de le recevoir;
b) après que tous les efforts raisonnables aient été fournis, il est impossible d'identifier des personnes qui auraient le droit de recevoir cet avis.
Si une ordonnance alimentaire vise la partie de la succession à laquelle une personne aurait été appelée en vertu du testament du défunt ou de la Loi sur les successions ab intestat, n'eût été de l'ordonnance, le tribunal peut :
a) fixer la somme que la personne doit payer, en versements périodiques ou en versement forfaitaire, qui est proportionnelle à la partie de la succession dans laquelle cette personne a un intérêt;
b) décharger de son obligation la personne ayant un intérêt dans cette partie des biens de la succession du défunt;
c) déterminer :
(i) soit la manière dont les versements périodiques doivent être garantis,
(ii) soit à qui le versement forfaitaire doit être fait et la manière dont la somme ainsi versée doit être employée en faveur de la personne à laquelle elle est due.
Lorsqu'une demande est formulée en vertu de la présente loi, le tribunal peut, s'il estime que le demandeur a besoin d'une aide financière immédiate, rendre l'ordonnance alimentaire provisoire qu'il estime indiquée même s'il n'a pas encore examiné les éléments visés aux articles 8 et 9.
Le tribunal ne peut rendre l'ordonnance visée au paragraphe (1) que si l'avis de présentation de la demande portant aide provisoire a été signifié au représentant personnel du défunt.
Portée de l'ordonnance alimentaire
Sous réserve du paragraphe (2), l'ordonnance alimentaire :
a) est à la charge des personnes appelées à la succession du défunt en proportion de la valeur de leurs intérêts respectifs dans cette succession;
b) est rendue relativement à la partie de la succession du défunt sur laquelle s'exerce la compétence du tribunal en vertu de l'article 13.
Portée de l'ordonnance alimentaire
Le tribunal peut ordonner que la provision alimentaire soit prélevée sur la totalité ou une partie de la succession selon la quote-part et les modalités que le tribunal estime indiquées.
Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«intérêt dans un bien-fonds» Les domaines à bail de même que les domaines francs dans un bien-fonds et tout autre domaine sur un bien-fonds ou intérêt dans celui-ci, que ce domaine ou cet intérêt soit constitué de biens réels ou personnels. ("interest in land")
«intérêt dans des meubles» Intérêt dans des choses matérielles ou immatérielles sauf les biens-fonds. La présente définition vise notamment les biens personnels qui ne constituent pas des domaines sur un bien-fonds ni des intérêts dans celui-ci. ("interest in movables")
Biens assujettis à une ordonnance
Le tribunal peut accorder une ordonnance alimentaire en faveur d'une personne à charge relativement à :
a) un intérêt dans un bien-fonds situé au Manitoba;
b) un intérêt dans des meubles, où qu'ils se trouvent, si le défunt était domicilié au Manitoba au moment de son décès.
Domicile à l'extérieur du Manitoba
Le tribunal peut rendre une ordonnance alimentaire relativement à un intérêt dans des meubles situés au Manitoba au moment du décès du défunt si celui-ci était domicilié à l'extérieur du Manitoba au moment de son décès et si les conditions qui suivent sont réunies :
a) les règles de droit du domicile du défunt ne prévoient pas la possibilité pour les personnes à charge de présenter une demande portant provision alimentaire aux termes de la loi concernant l'aide aux personnes à charge;
b) la personne à charge en faveur de qui l'ordonnance est demandée avait sa résidence habituelle au Manitoba lors du décès du défunt.
Domicile à l'extérieur du Manitoba
Le tribunal peut surseoir à une demande présentée en vertu de la présente loi relativement à un défunt qui, au moment de son décès, était domicilié à l'extérieur du Manitoba et qui laisse un intérêt dans un bien-fonds situé au Manitoba jusqu'à la conclusion d'une instance ayant trait à l'aide aux personnes à charge dans le territoire où le défunt était domicilié au moment de son décès.
Mainlevée, suspension ou réduction de l'ordonnance
La mainlevée, la suspension ou la réduction de l'ordonnance alimentaire peut être demandée au tribunal en tout temps par les personnes qui suivent ou en leur nom :
a) le représentant personnel du défunt;
b) les personnes appelées à la succession du défunt aux termes de son testament ou en vertu de la Loi sur les successions ab intestat;
c) les personnes à charge.
Dans le cas d'une demande visée au paragraphe (1), le tribunal examine les questions mentionnées ci-dessous et peut donner mainlevée de la provision alimentaire prévue dans l'ordonnance, la suspendre ou la réduire :
a) la question de savoir si la personne à charge en faveur de qui l'ordonnance a été rendue a acquis le droit à d'autres aliments;
b) la question de savoir si la provision alimentaire est raisonnable.
Les biens transférés à titre définitif à une personne à charge ou le montant forfaitaire versé directement à celle-ci aux termes d'une ordonnance ne sont pas assujettis à l'ordonnance visée au paragraphe (2).
Augmentation de la provision alimentaire
Sous réserve des paragraphes (2) et (3), la personne à charge à l'égard de qui une ordonnance alimentaire a été rendue peut, en tout temps, présenter une demande au tribunal visant l'augmentation de la provision alimentaire.
Le tribunal peut rendre une ordonnance portant augmentation de la provision alimentaire s'il constate la réunion des conditions suivantes :
a) les circonstances ont, depuis la date de l'ordonnance, changé à un point tel que le demandeur subirait un préjudice abusif si la provision alimentaire n'était pas augmentée;
b) l'augmentation n'aurait pas de conséquences injustes pour les autres personnes ayant un intérêt dans la succession.
L'ordonnance visée au présent article ne porte que sur la partie des biens de la succession qui n'a pas été distribuée à la date de la signification de l'avis de présentation de la demande visant l'augmentation de la provision alimentaire au représentant personnel.
Sursis au règlement de la succession
Les dispositions de l'article 7 relatives au règlement de la succession par le représentant personnel s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, à la demande visée par le présent article.
L'ordonnance ou les instructions prévues à la présente loi peuvent être exécutées contre la succession du défunt de la même manière que toute autre ordonnance ou tout autre jugement rendu par le tribunal.
Sur présentation d'une demande et après signification d'un avis de cette demande aux personnes qui ont un intérêt dans les biens, le tribunal peut, si l'ordonnance rendue en vertu de la présente loi prévoit que le paiement est garanti ou si en vertu de cette ordonnance les biens font l'objet d'une charge, ordonner la vente de ces biens afin de réaliser la garantie ou la charge.
Si une ordonnance alimentaire en faveur de la personne à charge est rendue en vertu de la présente loi, les hypothèques, les charges ou les cessions des aliments ou relatives à ceux-ci sont nulles lorsqu'elles interviennent avant que l'ordonnance du tribunal n'ait été enregistrée.
Assujettissement à la Loi sur le douaire
Les droits que la Loi sur le douaire confère au conjoint survivant ont priorité sur les droits que la présente loi confère aux personnes à charge.
Choix exercé en vertu de la Loi sur le douaire
Le conjoint survivant qui exerce son choix en vertu de la Loi sur le douaire peut également demander qu'une ordonnance alimentaire soit rendue en application de la présente loi.
La présente loi lie la Couronne.
La présente loi s'applique aux décès qui surviennent à compter de sa date d'entrée en vigueur.
Sous réserve du paragraphe (2), la Loi sur l'obligation d'entretien envers la famille du testateur, L.R.M. 1988, c. T50, est abrogée.
La Loi sur l'obligation d'entretien envers la famille du testateur, L.R.M. 1988, c. T50, s'applique si le défunt décède avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi.
La présente loi est le chapitre D37 de la Codification permanente des lois du Manitoba.
La présente loi entre en vigueur à la date fixée par proclamation.