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W ou le souvenir d'enfance
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Esther's review
bookshelves: dystopia, autobiographie, ww2, 1001-books
Aug 04, 2011
bookshelves: dystopia, autobiographie, ww2, 1001-books
Read 2 times. Last read November 20, 2022 to December 24, 2022.
C'est un livre magnifique que j'ai relu avec plaisir, mais moins d'empressement que la première fois.
La partie autobiographique m'a toutefois beaucoup plus impressionnée à la seconde lecture. La construction de la mémoire par l'écriture, problème classique de l'autobiographie ressassée depuis Saint-Simon prend ici des allures différentes. La mémoire fait constamment défaut. Le narrateur cherche dans les artéfacts de sa jeunesse, vieilles photos ou lieux revisités dans les années 70, le souvenir de son enfance. Les deux correspondent rarement: les photos lui montrent des événements dont il ne se rappelle pas, les amis retrouvés lui racontent un souvenir qui appartient en réalité à un camarade d'école, et d'autres souvenir lui reviennent, inventés de toute pièce d'après des bouts de littérature empruntés à Hugo ou Mallot, à Roussel ou Queneau. Le texte est pétri de conditionnel et de "ou", qui marquent un doute profond dans l'histoire personnelle et fragmentaire de Perec.
Le projet d'écriture:
"Je ne retrouverai jamais dans mon ressassement même, que l’ultime reflet d’une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n’écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture : leur souvenir est mort à l’écriture : l’écriture et le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie."
L'écriture est participative, elle permet de prendre part à la Grande Histoire, si imposante qu'elle en a oblitéré la petite histoire de Perec. Et le titre est d'une profondeur sublime: le "ou" n'est pas un choix entre W et le souvenir d'enfance, une alternative entre l'un ou l'autre, mais plutôt une équivalence. La société W, misérable dans sa similitude avec la vie concentrationnaire, est le souvenir d'enfance de Perec. Génial. J'attendrai une autre décennie et je relirai inévitablement ce livre superbement et ingénieusement écrit.
La partie autobiographique m'a toutefois beaucoup plus impressionnée à la seconde lecture. La construction de la mémoire par l'écriture, problème classique de l'autobiographie ressassée depuis Saint-Simon prend ici des allures différentes. La mémoire fait constamment défaut. Le narrateur cherche dans les artéfacts de sa jeunesse, vieilles photos ou lieux revisités dans les années 70, le souvenir de son enfance. Les deux correspondent rarement: les photos lui montrent des événements dont il ne se rappelle pas, les amis retrouvés lui racontent un souvenir qui appartient en réalité à un camarade d'école, et d'autres souvenir lui reviennent, inventés de toute pièce d'après des bouts de littérature empruntés à Hugo ou Mallot, à Roussel ou Queneau. Le texte est pétri de conditionnel et de "ou", qui marquent un doute profond dans l'histoire personnelle et fragmentaire de Perec.
Le projet d'écriture:
"Je ne retrouverai jamais dans mon ressassement même, que l’ultime reflet d’une parole absente à l’écriture, le scandale de leur silence et de mon silence : je n’écris pas pour dire que je ne dirai rien, je n’écris pas pour dire que je n’ai rien à dire. J’écris : j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps ; j’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture : leur souvenir est mort à l’écriture : l’écriture et le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie."
L'écriture est participative, elle permet de prendre part à la Grande Histoire, si imposante qu'elle en a oblitéré la petite histoire de Perec. Et le titre est d'une profondeur sublime: le "ou" n'est pas un choix entre W et le souvenir d'enfance, une alternative entre l'un ou l'autre, mais plutôt une équivalence. La société W, misérable dans sa similitude avec la vie concentrationnaire, est le souvenir d'enfance de Perec. Génial. J'attendrai une autre décennie et je relirai inévitablement ce livre superbement et ingénieusement écrit.
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W ou le souvenir d'enfance.
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Reading Progress
August 4, 2011
– Shelved
September 7, 2011
– Shelved as:
dystopia
September 7, 2011
– Shelved as:
autobiographie
November 8, 2011
–
Started Reading
December 10, 2011
– Shelved as:
ww2
January 19, 2015
– Shelved as:
1001-books
November 20, 2022
–
Started Reading
December 24, 2022
–
Finished Reading
December 24, 2022
–
Finished Reading