Adoption homoparentale en France
En France, l'adoption par un couple de personnes de même sexe relève du régime général de l'adoption depuis la promulgation de la loi no 2013-404 du ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe[1]. Il peut s'agir d'une adoption simple ou d'une adoption plénière.
Il n'existe pas de statistiques spécifiques aux adoptions homoparentales. Cependant, une étude de 2011 de l'Insee, publiée en 2013 estime à 100 000 le nombre de couples de même sexe en France et à 10 %, le nombre de ces couples vivant avec un enfant ; soit 10 000 enfants vivant dans une famille homoparentale[2].
Refus d'agrément à l'adoption en raison d'homosexualité
[modifier | modifier le code]Depuis l'affaire E.B. c. France du [3], il n'est plus autorisé de refuser un agrément au motif de l'absence de référent de l'autre sexe car cela aboutirait « à vider de sa substance le droit qu'ont les célibataires de demander l'agrément, dès lors que la présente affaire ne concerne pas une demande d'agrément en vue d'adopter présentée par un couple, marié ou non, mais par une célibataire ». Une telle pratique serait une violation de l'article 14 de la Convention (discrimination), combiné avec l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale)[4].
Auparavant, la Cour EDH reconnaissait une marge d'appréciation des États dans ce domaine et refusait de sanctionner un refus d'agrément se fondant implicitement mais certainement sur l'homosexualité du demandeur (Cour EDH, affaire Fretté contre France, [5]).
Refus de l'adoption simple de l'enfant du compagnon
[modifier | modifier le code]En France, il existe deux procédures d'adoption : l'adoption plénière et l'adoption simple.
L'adoption plénière suppose la rupture du lien de filiation précédent[6].
L'adoption simple ajoute un lien de filiation[7]. Elle pourrait donc servir à ajouter un deuxième parent. Mais le code civil dispose que l'autorité parentale revient au seul adoptant, hormis le cas où l'adoptant est le conjoint du parent de l'adopté[8].
Le parent ne peut donc donner à l'adoption son enfant et vouloir continuer à l'élever. Avant , un couple homosexuel ne pouvait être marié, ils ne pouvaient donc avoir un statut de conjoint (même si liés par un PACS). C'est au nom de ce raisonnement, que la Cour de cassation refusait l'adoption simple de l'enfant de son compagnon hétérosexuel ou non[9],[10].
À noter que la Cour de cassation n'a fait qu'appliquer le droit positif : le concubin qui n'est pas le parent de naissance ne peut adopter l'enfant légal de l'autre concubin, que ces concubins soient hétérosexuels ou non car ils ne sont pas mariés. Il n'y a donc pas de discrimination à l'égard des concubins homosexuels (articles 343 et 345 du Code civil).
Depuis, la loi du 21 février 2022 a ouvert l'adoption à tous les couples mariés, pacsés ou simplement en concubinage qu'il s'agisse d'adopter l'enfant du conjoint ou d'adopter ensemble un enfant[11].
Conditions strictes à la délégation de l'autorité parentale
[modifier | modifier le code]L'article 377[12] du code civil permet de faire une délégation de l'autorité parentale « lorsque les circonstances l'exigent ». Il est donc possible de déléguer, une partie de ses pouvoirs de parent même sans l'établissement de filiation.
Cette argumentation a été acceptée par la Cour de cassation tant pour une procédure de délégation d'autorité parentale réalisée en France[13] qu'à l'étranger[14].
Cependant, le juge peut refuser la délégation d'autorité parentale française au motif que la condition « lorsque les circonstances l'exigent » n'est pas remplie.
Légalisation de l'adoption homoparentale
[modifier | modifier le code]À l'origine, selon la législation française, l'adoption conjointe ne pouvait être demandée que par un couple marié (art. 343 ancien[15]), de fait les couples de personnes de même sexe s'étaient vu refuser une telle adoption jusqu'à la légalisation du mariage de personnes de même sexe. Le , la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe[1] a été promulguée par le Président de la République François Hollande, ouvrant la voie aux adoptions homoparentales par des couples.
Afin de rendre la loi totalement intelligible, un article 6-1[16] a été ajouté au titre préliminaire du Code civil précisant que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus au titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe. » et reconnaissant ainsi explicitement la possibilité d'adopter par un couple de même sexe. Le Conseil constitutionnel déclare dans le considérant 53 de sa décision 2013-669[17] que l'intérêt de l'enfant doit toujours être pris en compte lors de la procédure d'obtention de l'agrément en vue d'adopter, quel que soit le sexe des adoptants.
La loi du 21 février 2022 a supprimé la difficulté en ouvrant l'adoption à tous les couples qu'ils soient mariés, pacsés ou simplement en concubinage sans qu'il n'y ait aucune différence liée à l'orientation sexuelle des membres du couple[11].
Annexes
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]- Loi no 2013-404 du ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe
- « Enquête Famille et Logements 2011 : L’Ined et l’Insee présentent trois premières études » [PDF], :
« 200 000 personnes sont en couple avec une personne du même sexe, dont 16 % avec une personne ne vivant pas sous le même toit. Six sur dix sont des hommes. 43 % sont pacsées, cette proportion atteignant 55 % après 35 ans. Environ 10 % déclarent vivre au moins une partie du temps avec un enfant, généralement né avant l’union actuelle ; il s’agit avant tout de femmes. »
- E.B c. France (au principal et satisfaction équitable) [GC], no 43546/02, CEDH 2008-I [lire en ligne]
- E.B c. France (au principal et satisfaction équitable) [GC], no 43546/02, CEDH 2008-I [lire en ligne] :
« La Cour rappelle que le droit français autorise l'adoption d'un enfant par un célibataire (paragraphe 49 ci-dessus), ouvrant ainsi la voie à l'adoption par une personne célibataire homosexuelle, ce qui n'est pas contesté.
Elle note enfin que les dispositions pertinentes du code civil restent muettes quant à la nécessité d'un référent de l'autre sexe, cette dernière ne dépendant de toute façon pas des orientations sexuelles du parent célibataire adoptif.
Compte tenu de ce qui précède, force est donc de constater que les autorités internes ont, pour rejeter la demande d'agrément en vue d'adopter présentée par la requérante, opéré une distinction dictée par des considérations tenant à son orientation sexuelle, distinction qu'on ne saurait tolérer d'après la Convention.
Partant, il y a eu violation de l'article 14 de la Convention, combiné avec l'article 8 »
- « Si l'on tient compte de la grande marge d'appréciation à laisser ici aux États et de la nécessité de protéger les intérêts supérieurs des enfants pour atteindre l'équilibre voulu, le refus d'agrément n'a pas transgressé le principe de proportionnalité. » (E.B c. France (au principal et satisfaction équitable) [GC], no 43546/02, CEDH 2008-I [lire en ligne]
- Article 356 du Code civil :
« L'adoption confère à l'enfant une filiation qui se substitue à sa filiation d'origine : l'adopté cesse d'appartenir à sa famille par le sang, sous réserve des prohibitions au mariage visées aux articles 161 à 164.
Toutefois l'adoption de l'enfant du conjoint laisse subsister sa filiation d'origine à l'égard de ce conjoint et de sa famille. Elle produit, pour le surplus, les effets d'une adoption par deux époux. »
- Article 364 du Code civil :
« L'adopté reste dans sa famille d'origine et y conserve tous ses droits, notamment ses droits héréditaires.
Les prohibitions au mariage prévues aux articles 161 à 164 du présent code s'appliquent entre l'adopté et sa famille d'origine. »
- Article 365 du Code civil :
« L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.
Les droits d'autorité parentale sont exercés par le ou les adoptants dans les conditions prévues par le chapitre Ier du titre IX du présent livre.
Les règles de l'administration légale et de la tutelle des mineurs s'appliquent à l'adopté. »
- Charlotte Rotman, « Homoparentalité, double recul en cassation : Pour deux familles, la Cour s'oppose à l'adoption d'enfants par la compagne de la mère biologique », Libération, (lire en ligne)
- Cass. 1re civ., , pourvoi no 04-15.676, Bull. civ. 2007
- « LOI n° 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption (1) », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
- Article 377 du Code civil
- Cass. 1re civ., , pourvoi no 04-17.090, Bull. civ. 2006 :
« L’article 377, alinéa 1er, du code civil ne s’oppose pas à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en délègue tout ou partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors que les circonstances l’exigent et que la mesure est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. »
- Cass. 1re civ., , pourvoi no 08-21.740, Bull. civ. 2010 :
« Le refus d'exequatur fondé sur la contrariété à l'ordre public international français de la décision étrangère suppose que celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français.
Il n'en est pas ainsi de la décision qui partage l'autorité parentale entre la mère et l'adoptante d'un enfant. »
- Article 343 du Code civil
- Article 6-1 du Code civil
- « Décision no 2013-669 DC du »