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Droit des successions en Suisse

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En droit suisse, le droit des successions est la partie du droit privé en vertu de laquelle les droits et obligations d’une personne décédée passent à une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Comme la plupart de ces droits et obligations sont de nature pécuniaire, le but principal du droit des successions est ainsi de régler le sort du patrimoine d’une personne à son décès. Le droit des successions en Suisse est réglé par le Code civil suisse (articles 457 à 640)[1].

Le défunt est appelé de cujus (de l'adage latin is de cujus successione agitur) : celui dont on est en train de traiter la succession (en allemand Erblasser). Ceux qui reçoivent les biens sont appelés successeurs, héritiers ou légataires, suivant leur position dans la succession du de cujus.

Les premières traces de droit successoral en Suisse remontent au XIIe siècle[2].

Dans les années 2010, à l'initiative de plusieurs parlementaires suisses, le conseil fédéral engagea une modernisation du droit des successions qui diminue la réserve héréditaire. La nécessité de réforme est due à législation qui date de 1912 et qui est devenue inadaptée face aux changements sociétaux (divorces fréquents, familles recomposées, concubinage), l'allongement de l'espérance de vie et le développement de la sécurité sociale[3].

Vocation successorale

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La vocation successorale désigne d'une part qui est amené à recueillir la succession du de cujus et, d'autre part, à combien s'élève la part successoral.

Système des parentèles

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Le droit suisse organise celle-ci autour du système des parentèles. Il y en a trois :

  • les descendants (art. 457 CC) ;
  • les parents et leurs descendants (art. 458 CC) ; et,
  • les grands-parents et leurs descendants (art. 459 CC).

La présence d'héritier dans la première parentèle exclut la vocation des membres de la deuxième parentèle. L'absence d'héritier dans la première et la présence d'héritier dans la deuxième parentèle exclut la vocation des membres de la troisième parentèle. Le droit suisse ne va pas au-delà de trois parentèles. Ainsi, en l'absence d'héritier dans ces trois parentèles et de conjoint survivant la succession est dévolue à l'État (canton du dernier domicile du défunt ou commune désignée par la législation cantonale ; art. 466 CC).

Au sein d'une parentèle, le partage se fait par tête (art. 457 al. 2, 458 al. 2 et 459 al. 2 CC).

À partir de la deuxième parentèle, en l'absence d'héritier dans l'une des lignes paternelle ou maternelle (art. 458 al. 4 CC) -- respectivement dans les lignes des grands-parents (art. 459 al. 4 CC) -- l'ensemble de la succession échoit à la ligne où se trouvent des héritiers.

Conjoint survivant

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Le conjoint survivant tient une place à part et est en concours avec les différentes parentèles (art. 462 CC). En concours avec les descendants, il a droit à la moitié de la succession (art. 462 ch. 1 CC), avec les parents aux trois quarts (art. 462 ch. 2 CC). En l'absence d'héritiers de la deuxième parentèle, il a droit à l'entier de la succession (art. 462 ch. 3 CC), excluant ainsi la vocation des membres de la troisième parentèle.

Vocation ab intestat et vocation volontaire

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La vocation ab intestat est la vocation successorale en l'absence de testament (étymologie de ab intestat).

Le droit suisse reconnaît au de cujus le pouvoir de désigner d'autres personnes que ses héritiers ab intestat pour lui succéder, en concours ou non avec ces derniers. On parle alors d'héritiers institués (art. 483 CC). C'est la vocation volontaire (dépendante de la volonté du de cujus). L'institution d'héritier se fait au moyen d'une disposition pour cause de mort (dans un testament ou un pacte successorale).

Vocation réservataire (réserve et quotité disponible)

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En raison des liens spécifiques entretenus avec le de cujus (liens de famille étroite), certains héritiers ont une vocation successorale plus spécifique. C'est la vocation réservataire. Le droit successoral leur accorde ainsi une part de la succession dont le de cujus ne peut pas disposer.

Le corollaire de la réserve est la quotité disponible (art. 470 CC). C'est la part de la succession dont l'attribution est laissée à la libre appréciation du de cujus.

Jusqu'à la fin 2022, la réserve pour les descendants est évaluée aux trois-quarts de la fortune. Depuis le 1er janvier 2023[4], la réserve est de la moitié du droit de succession (art. 471 CC).

Sont des héritiers réservataires : les descendants et le conjoint survivant (art. 470). La révision du droit successoral entrée en vigueur le 1er janvier 2023[5] a supprimé la vocation réservataire des parents.

Part successorale

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Les héritiers sont à égalité dans la succession du de cujus. Ainsi, les enfants succèdent par tête (art. 457 al. 2 CC).

En l'absence de disposition pour cause de mort, plusieurs situations sont à distingués; entre autres :

  • Le de cujus ne laisse que des enfants : ils se partagent la succession à part égale. Ex.: deux enfants: chacun reçoit la moitié.
  • Le de cujus laisse un conjoint survivant et des enfants: le conjoint survivant a droit à la moitié de la succession (art. 462 ch. 1 CC), les enfants se partagent à part égale l'autre moitié.
  • Le de cujus laisse ses père et mère : chacun se partage la moitié de la succession.
  • Le de cujus laisse un conjoint survivant et ses père et mère: le conjoint survivant a droit aux trois quarts de la succession (art. 462 ch. 2 CC), les père et mère se partage également le quart restant (donc un huitième de la succession chacun).
  • etc.

Ces principes s'appliquent de même lorsque le de cujus a disposé pour cause de mort de tout ou d'une partie de sa succession. La vocation ab intestat s'applique toujours subsidiairement à la vocation volontaire, dans la mesure du respect de la vocation réservataire.

Masse successorale

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On distingue:

  • La masse à partager : ensemble des biens que possédaient de le de cujus au moment de sa mort, que se partagent les héritiers suivant la volonté du de cujus, subsidiairement selon la loi.
  • La masse de calcul des réserves et de la quotité disponible : pour tenir compte de certaines libéralités faites par le de cujus peu de temps avant sa mort qui pourrait léser les réserves des héritiers réservataires, le droit successoral prescrit de réunir à la masse à partager ces libéralités. On parle de réunion successorale. S'il s'avère que les réserves sont lésées, les héritiers réservataires disposent alors de l'action en réduction (art. 522 CC).

Dévolution successorale

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Notes et références

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  1. Code civil suisse (CC) du (état le ), RS 210, art. 457 à 640.
  2. « Droit successoral » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  3. « Message concernant la révision du code civil suisse (Droit des successions) », Feuille fédérale,‎ (lire en ligne)
  4. « RO 2021 312 »
  5. « Décision du Conseil fédéral du 10 juin 2022 »

Bibliographie

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  • Jean Guinand, Martin Stettler et Audrey Leuba, Droit des successions, 6e éd., Zurich, Schulthess, 2005, 420 p.
  • Paul Piotet, Droit successoral, Traité de droit privé suisse, t. 4, Fribourg, Éditions universitaire, 1975 (2e éd. en 1988 avec quelques modifications mineures).
  • Maryse Pradervand-Kernen, Le droit des successions, 3e éd., Berne, Stämpfli, 2024, 700 p.
  • Paul-Henri Steinauer, Le droit des successions, Berne, Stämpfli, , 2e éd. (1re éd. 2006), 700 p. (ISBN 978-3-7272-0728-0)
  • Stefan Wolf et Stephanie Hrubesch-Millauer, Schweizerisches Erbrecht, 2e éd., Berne, Stämpfli, 2020, 688 p.

Articles connexes

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Liens externes

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