Aller au contenu

Induction (logique)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L'induction est historiquement le nom utilisé pour signifier un genre de raisonnement qui se propose de chercher des lois générales à partir de l'observation de faits particuliers, sur une base probabiliste.

Remarque : Bien qu'associée dans le titre de cet article à la logique, la présentation qui suit correspond surtout à la notion bayésienne, utilisée consciemment ou non, de l'induction. Dans les ouvrages anglo-saxons de mathématiques, logique et informatique, l’induction complète, désignée sous le nom d’induction (faux-ami) désigne la récurrence, aussi bien dans le raisonnement par récurrence que dans les définitions par récurrence. Le terme est souvent employé pour les généralisations de la récurrence aux bons ordres et aux relations bien fondées.

L'induction ne doit pas être confondue avec l'abduction qui, en raisonnement automatisé, est un mode de raisonnement qui vise à émettre une hypothèse pour expliquer un fait[1].

Poussée à son paroxysme, l'induction peut conduire à l'inductivisme.

Définition

[modifier | modifier le code]

L'induction est l'inférence menant de plusieurs affirmations particulières à une affirmation générale. Le principe de l'induction est que la répétition d'un phénomène augmente la probabilité de le voir se reproduire. L'accumulation de faits concordants et l'absence de contre-exemples permet, ensuite, d'augmenter le niveau de plausibilité de la loi jusqu'au moment où on choisit par souci de simplification de la considérer comme une quasi-certitude. On n'atteint jamais la certitude « complète » ; tout contre-exemple approprié peut la remettre « immédiatement » en cause.

Histoire du concept

[modifier | modifier le code]

La tradition philosophique a souvent aimé opposer la philosophie de la connaissance de Platon (qui se fonderait sur la déduction) et celle d'Aristote (qui se fonderait sur l'induction). Les philosophies de la connaissances de ces derniers font intervenir beaucoup de raisonnements différents (comme le passage par le mythe et la comparaison chez Platon[2]) et ils ne semblent pas pouvoir se réduire à une approche strictement déductive ou strictement inductive. On peut cependant identifier une utilisation fréquente du raisonnement analytique par Socrate, que ce soit dans les nombreux raisonnements par l'absurde ou encore dans sa théorie de la maïeutique dans laquelle le philosophe doit extraire des hommes les idées qui sont déjà contenues en eux[3]. Aristote développe lui une théorie de la connaissance faisant intervenir une observation du réel à partir de laquelle on peut tirer des lois abstraites et l'on pourrait considérer cette théorie comme inductive.

Aristote expliquait que dans l'induction, l'on part de cas individuels pour accéder aux énoncés universels, à l'inverse de la déduction[4]. Cependant dans les formalisations ultérieures de l'induction, cette définition a été remise en question. Par exemple, on pourrait dire que « cette table-ci est lourde, donc cette table-là est lourde » est un exemple d'induction, mais dans ce cas, il ne s'agit pas de chercher une "loi générale" à partir d'un fait particulier.

Les propositions établies par le moyen de l'induction sont généralement considérées comme moins solides que celles issues de déductions. Cicéron explique : « L'induction, en nous faisant convenir de choses évidentes, tire de ces aveux le moyen de nous faire convenir de choses douteuses, mais qui ont du rapport avec les premières. »[5]

Dans la philosophie médiévale (scolastique), la logique a eu tendance à être réduite à des syllogismes en apparence déductifs. Cependant, ceux-ci reposent souvent implicitement sur des inductions, comme l'ont relevé Sextus Empiricus ou plus tard John Stuart Mill. Ainsi, le célèbre syllogisme

Tous les hommes sont mortels ;
Socrate est un homme ;
Donc Socrate est mortel

repose sur la validité de la prémisse « tous les hommes sont mortels », qui est issue d'une induction[6]. Francis Bacon et Galilée ont contribué à mettre en avant la méthode inductive dans une démarche plus empiriste[7].

Des théorèmes comme celui de Cox ont donné à cette démarche inductive d'abord empirique une base mathématique ferme ; ils ont permis de calculer les probabilités concernées sans aucun arbitraire à une position de départ donnée près. Mais la définition précédente est assez impropre.

Plus récemment, l'« induction » en est donc venue à signifier un genre de raisonnement qui n'assure pas la vérité de sa conclusion étant donné les préalables[8]. Ce raisonnement est le contraire de la déduction, qui est un genre de raisonnement où la conclusion ne peut pas être fausse, étant donné les préalables.

Dans des systèmes complexes comme ceux étudiés par la physique contemporaine, il est presque impossible de poser des axiomes, dès lors la certitude déductive est elle aussi presque impossible. Le raisonnement inductif est alors considéré comme la principale voie pour connaître ces systèmes[9]. Par exemple le deuxième principe de la thermodynamique est considéré comme valide parce que concordant à ce jour avec toutes les observations.

Il a également été constaté que le cerveau opère de façon similaire à des inductions, que ce soit dans le conditionnement classique ou pour des lois plus abstraites.

Généralisation

[modifier | modifier le code]

Une généralisation (plus précisément, généralisation inductive) procède d'une prémisse portant sur un échantillon à une conclusion à propos d'une population.

La proportion Q de l'échantillon a l'attribut A.
Par conséquent :
La proportion Q de la population a l'attribut A.
Exemple
Il y a 20 boules — soit noires soit blanches — dans une urne. Pour estimer leurs nombres respectifs, vous piochez un échantillon de quatre boules et constatez que trois boules sont noires et une est blanche. Une généralisation inductive serait qu'il y a 15 boules noires et cinq blanches dans l'urne.

Syllogisme statistique

[modifier | modifier le code]

Un syllogisme statistique procède d'une généralisation à une conclusion à propos d'un individu.

Une proportion Q de la population P a l'attribut A.
Un individu X est un membre de P.
Par conséquent :
Il existe une probabilité, qui correspond à Q, que X ait A. La proportion dans la première prémisse serait quelque chose comme « trois cinquièmes de », « tout », « quelques-uns », etc. Deux sophismes dicto simpliciter peuvent se produire dans les syllogismes statistiques : « accident » et « accident conversé ».

Induction simple

[modifier | modifier le code]

L'induction simple procède d'un principe d'un groupe d'échantillon à une conclusion sur une autre personne.

La proportion Q de cas connus de la population P a l'attribut A.

L'individu I est un autre membre de P.

par conséquent :

Il existe une probabilité correspondant à Q que I possède A.

Ceci est une combinaison d'une généralisation et d'un syllogisme statistique, où la conclusion de la généralisation est aussi la première prémisse du syllogisme statistique.

Argument d'une analogie

[modifier | modifier le code]

Le processus d'inférence analogique implique de noter les propriétés partagées de deux ou plusieurs choses, et à partir de cette base inférant qu'ils partagent également une autre propriété[10] :P et Q sont semblables en ce qui concerne les propriétés a, b et c.

L'objet P a été observé pour avoir la propriété x en plus.

Par conséquent, Q possède probablement la propriété x aussi.

Le raisonnement analogique est très fréquent dans le sens commun, en science, philosophie et en sciences humaines, mais parfois, il est accepté seulement comme une méthode auxiliaire. Une approche raffinée est le raisonnement par cas[11].

Inférence causale

[modifier | modifier le code]

Une inférence causale tire une conclusion sur un lien de causalité sur la base des conditions de la survenance d'un effet. Les prémisses de la corrélation entre les deux choses peuvent indiquer une relation causale entre les eux, mais d'autres facteurs doivent être pris en compte pour établir la forme exacte de la relation de cause à effet.

Prédiction

[modifier | modifier le code]

Une prédiction tire une conclusion sur un avenir individuel à partir d'un échantillon passé.

La proportion Q des membres observés du groupe G ont eu l'attribut A.

Par conséquent :

Il y a une probabilité correspondant à Q que d'autres membres du groupe G aient l'attribut A lors de la prochaine observation.

Par exemple[De quoi ?] : Si la loi de la gravitation universelle détermine que, et comment, une pomme qui se détache de son arbre tombera sur le sol, l'observation du mouvement de cette même pomme permet d'établir la loi générale, mais avec une probabilité ou une certitude très faible. Si ensuite, on observe que toutes les pommes et tous les corps tombent de la même façon, si on observe que les corps dans l'espace respectent la même loi, alors la probabilité de la loi augmentera jusqu'à devenir une quasi certitude. Dans le cas de la gravitation universelle, cependant, on a observé que l'orbite de Mercure présentait un effet de précession qui n'était pas expliqué par la loi[12]. La loi de la gravitation universelle est cependant restée considérée comme universellement valide jusqu'à ce qu'Albert Einstein développe la théorie de la relativité générale qui permet d'expliquer entre autres la précession de l'orbite de Mercure. Malgré tout, la gravitation universelle reste utilisée car elle reste valable dans les cas courants, et elle est plus simple à utiliser et à comprendre que la théorie de la relativité.

Ancienne vision de l'induction

[modifier | modifier le code]

De manière générale, l'induction, contrairement à la déduction, est un raisonnement logiquement "inexact", qui est appuyé par sa "vérification" répétée, mais qui peut toujours être démenti par un contre-exemple. Il est cependant universellement utilisé pour deux raisons :

  • À l'exclusion de la logique et des mathématiques qui consistent explicitement à poser des axiomes "arbitraires" (ou "conventionnels) sur la base desquels elles raisonnent par la déduction, toutes les autres sciences tentent de décrire la réalité et ne peuvent le faire, semble-t-il, qu'exclusivement sur la base de la "vérification" par l'observation, ce qui les oblige à faire appel à l'induction et leur interdit souvent toute possibilité d'utiliser la déduction pure.
  • Tous les systèmes vivants semblent fonctionner sur la base de l'induction[Information douteuse]. L'apprentissage par le cerveau, se basant sur sa confrontation avec la réalité, est essentiellement inductif, et, par extension, en intelligence artificielle, les systèmes d'apprentissage à réseau de neurones se différencient des systèmes algorithmiques en ce qu'ils sont inductifs, alors que les systèmes algorithmiques sont, eux, déductifs.

Note : il est assez curieux d'observer que le principe de déduction est infiniment plus simple que le principe d'induction[réf. nécessaire], pourtant, la vie parait s'adapter selon le principe d'induction[Information douteuse] et, paradoxalement, le cerveau qui est conçu pour l'induction[Information douteuse] n'est pas qu'une machine logique : il n'intègre pas spontanément et doit acquérir la déduction qui est, pourtant, plus simple[réf. nécessaire].

Il faut remarquer que si l'induction est un raisonnement intrinsèquement probabiliste, il est cependant impossible d'évaluer la probabilité sous-jacente. En effet, celle-ci est une probabilité conditionnelle et elle restera toujours soumise aux choix des conditions de son évaluation, sachant qu'il peut y avoir des conditions auxquelles on n'a pas pensé et qui changeraient, si elles étaient prises en compte, complètement les données du problème.

Exemple : Si je ne rencontre que des chats gris, il me sera facile d'en induire que tous les chats sont gris avec un fort niveau de certitude. Mais si je réalise que le fait que les chats sont gris pourrait être spécifique à la région où je vis, et qu'il pourrait exister une autre région où tous les chats sont roux et encore une autre avec des chats verts (pour prendre une hypothèse réelle ET une hypothèse absurde), mon évaluation de ce niveau de certitude en sera complètement mise en cause.

De plus, le niveau de certitude de ma loi dépendra du coefficient avec lequel j'accepte qu'elle ne soit pas tout à fait universelle et admette des exceptions.

Je peux considérer, par exemple, que la relativité générale, est un cas particulier qui ne s'applique que dans des situations réelles, mais que cela ne met pas en cause en général la théorie de la gravitation universelle, ou au contraire, je peux décider que la gravitation universelle doit être précise et exacte, auquel cas, elle est fausse.

Applications

[modifier | modifier le code]

Actuellement[Quand ?], les programmes scolaires de géographie en collège et lycée[Lesquels ?] impliquent des études de cas représentatives du raisonnement inductif. On induit par exemple des généralités sur la problématique de l'alimentation mondiale à partir de l'étude d'un cas particulier en Inde ou en Éthiopie. Ce fonctionnement pédagogique fondé sur l'étude de cas a été mis en œuvre auparavant chez les Britanniques.

La plus célèbre des inductions est probablement l'exemple qu'en donne Aristote :

« L'âne, le mulet, le cheval vivent longtemps ;
or, ce sont là tous les animaux sans fiel ;
donc, tous les animaux sans fiel vivent longtemps. »

On voit bien que l'induction repose sur une supposition : que « ce sont là tous les animaux sans fiel ». Le syllogisme inductif est dit hypothétique (non-scientifique) :

« La vache est un mammifère ;
La vache produit du lait ;
donc tous les mammifères produisent du lait.
(Attention : Ce syllogisme n'est pas inductif, mais abductif) »

Un exemple célèbre d'induction abusive cité par Claude Bernard, illustrant la méthode scientifique :

« un lapin normalement nourri a une urine basique ;
le même lapin à jeun a une urine acide ;
donc tous les herbivores ont une urine basique ;
alors que tous les animaux mal nourris et les carnivores ont une urine acide. »

Bertrand Russell illustre le manque de rigueur du raisonnement inductif dans sa métaphore du poulet qui, voyant la main du fermier le nourrir régulièrement, en tire la conclusion qu’elle lui est bénéfique –  jusqu’au jour où cette même main lui tord le cou [13].

On voit là l'usage de l'induction : à partir d'observations (qui sont toujours des propositions particulières), l'induction produit des propositions générales hypothétiques qui sont ensuite testables. C'est là, très simplifiée, l'analyse de Claude Bernard, ainsi que celle de Karl Popper.

Hume considérait[14] que l'origine de l'induction (l'idée de connexion) est l'habitude. Si cette habitude produit une croyance en l'induction qui repose surtout sur une "force" (une croyance) psychologique, l'induction conserve cependant, pour lui, une dimension "logique" très importante puisque Hume essaye de formuler dans le Traité de la nature humaine des règles de ce qui rend valable le recours à l'induction. L'induction a donc certes sa source dans la psychologie humaine, mais sa valeur ne s'y réduit pas.

Karl Popper[15] soutient au contraire que « Hume [n'a] jamais reconnu toute la portée de sa propre analyse logique », et il propose un renversement : « au lieu d'expliquer notre propension à présumer l'existence de régularité comme un effet de la répétition, j'ai imaginé d'expliquer ce qui est répétition à nos yeux comme le résultat de notre tendance à supposer et à rechercher de la régularité ». Mais, en réalité, Hume ne dit pas autre chose : nous sommes en effet selon lui disposés par l'imagination à trouver de la régularité dans les phénomènes. Sans cette disposition, aucune répétition ne produirait en nous de raisonnement inductif.

Longtemps purement empirique, le processus d'induction a été formalisé par le Théorème de Cox-Jaynes qui confirme la rationalité de la méthode pour la mise à jour des connaissances, la quantifie, et "unifie" l'univers de la logique booléenne avec celui des probabilités (vues non plus en tant que passage à la limite de fréquences, mais comme une traduction numérique d'un état de connaissance dans ce paradigme).

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. L'abduction peut s'énoncer formellement en calcul des propositions, tandis que l'induction s'énonce en calcul des prédicats. Les deux types de raisonnement sont néanmoins liés, l'abduction pouvant être utilisée pour justifier l'induction.
  2. (grc) Platon, La République (lire en ligne), p. 507b
    Dans ce passage, par exemple, Socrate justifie son usage d'un raisonnement analogique
  3. Chloé Titli, « Particularités de la maïeutique socratique : la métaphore de Socrate accoucheur dans le Théétète de Platon », Bulletin de l'association Guillaume Budé,‎ (lire en ligne)
  4. Pellegrin 2014, p. 309
  5. Cicéron, De l’invention oratoire (XXXI)
  6. « la proposition « Socrate est mortel » est présupposée dans l'assertion plus générale « Tous les hommes sont mortels » ; que nous ne pouvons pas être assurés de la mortalité de tous les hommes, à moins d’être déjà certains de la mortalité de chaque homme individuel ; que s'il est encore douteux que Socrate soit mortel, l'assertion que tous les hommes sont mortels est frappée de la même incertitude; que le principe général, loin d'être une preuve du cas particulier, ne peut lui-même être admis comme vrai, tant qu'il reste l'ombre d'un doute sur un des cas qu'il embrasse et que ce doute n'a pas été dissipé par une preuve aliunde ; et, dès lors, que reste-t-il à prouver au syllogisme ? Bref, ils concluent qu'aucun raisonnement du général au particulier ne peut, comme tel, rien prouver, puisque d'un principe général on ne peut inférer d'autres faits particuliers que ceux que le principe même suppose connus. », John Stuart Mill, A System of Logic (1843), [II - Du raisonnement]
  7. Bertrand Russel, La Méthode scientifique en philosophie, 1914
  8. John Vickers. The Problem of Induction. The Stanford Encyclopedia of Philosophy.
  9. (en) « Stanford Encyclopedia of Philosophy : Kant's account of reason »
  10. (en) Stan Baronett, Logic, Upper Saddle River, NJ, Pearson Prentice Hall, , 321–325 p.
  11. Pour plus d'information sur les raisonnements analogiques, voir Juthe, 2005.
  12. pas expliqué par la loi est un euphémisme habituellement employé pour dire que l'exemple contredit la loi, mais qu'on n'a pas envie pour le moment de rejeter la loi parce qu'on n'en a pas de meilleure pour la remplacer. Dans une moindre mesure, pas expliqué peut aussi signifier qu'on continue à utiliser la loi, parce que dans la très grande majorité des cas elle est vérifiée et qu'elle est beaucoup plus simple à utiliser ou à comprendre qu'une autre loi plus exacte.
  13. (en) Bertrand Russel, The Problems of Philosophy, Oxford, Oxford University Press, , 167 p. (ISBN 9780195115529, lire en ligne), p. 66
  14. Enquête sur l'entendement humain, VII,2
  15. Conjectures et réfutations, p. 78

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]