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vendredi 6 mai 2016

Mulots mignons


A l'origine, ma maison en comportait deux qui ont été réunies et agrandies.


Elle  comportait  également une écurie  contiguë à la première ; ce bâtiment a été aménagé en salle de bain.

La salle de bain est la partie boisée avec la fenêtre rouge
D'après le responsable de l'éco-musée local, la première daterait environ de  1700 et la seconde de 1750.  Si les deux possèdent une apothéis (avancée en breton), celle de 1700 possède aussi une cheminée entièrement montée en schiste ce qui lui a permis une datation plus précise.

 
Tout ça pour dire que "mes" murs sont vieux  et partiellement creux (à l'extérieur...) et qu'ils abritent un tas de bestioles comme les frelons d'il y a deux ans mais aussi des nids d'oiseaux et de petits êtres d'une grande mignonnerie (et d'une rapidité incroyable) :








Ils emportent les graines de tournesol dans leur abri


Comme ils sont deux, je m'attends à quelques naissances.  J'espère que la chatte les ratera, je ne peux pas rester à les guetter (comme elle) à longueur de journée...




Elle a rapidement fait la différence entre sa peluche et le "vivant" (la petite carne !).



J'ajoute parce que je viens d'aller les couper pour la millième fois,  qu'il y a aussi des fuchsias qui sont installés dans les murs. Ils y poussent mieux qu'en pleine terre.




vendredi 20 novembre 2015

Pour détendre l'atmosphère : Nous deux G.G...


Durant presque 20 ans je suis allée en vacances à Belle-Ile en mer avec ma nucléaire famille.
On n'a jamais fait les choses à moitié chez nous, quand on aime, on ne compte pas. Donc : Février, Pâques, Été et Toussaint : direction l'île.
Au début, on louait une maison. Les enfants étaient  petits. J'avais encore le sourire.



Mon mari faisait du catamaran. Pendant que je m'occupais des enfants il sauvait les ophélies au bord de la noyade.

Mais le mari qui avait traîné ses tongues dans tous les pays dorés qu'offre le Club Med avec sa première légitime, s'était découvert sur le tard un goût pour la sauvagerie. Il avait reçu sans que je m'en rende compte une seconde l'Appel de la forêt.
Les hommes sont curieux. Quand ils ont vraiment envie de quelque chose et qu'ils n'osent pas se l'acheter seuls, ils nous l'offrent.
"C'est pour toi, prends, je te le donne". Un terrain boisé de 5000 m2 sur l'île, oui-oui, visité en saison sèche. Saules marsault, ajoncs, ronces et marigot en contrebas. Je le méritais bien. J'étais sa préférence à lui parce que moi je ne ressemble à personne.


En souvenir du bon temps (le sien), de ses auberges de jeunesse (après guerre...), "on" a décidé qu'une maison pour les vacances au fond, ce n'était pas vraiment utile  et que le retour à la vie de trappeur il n'y avait que ça de vrai.
Camping !
Lors du premier séjour (en saison humide) j'avais éclaté en sanglots devant l'ampleur du boulot.
Nos vacances en amoureux se passaient à débroussailler,  abattre, élaguer, brûler. Quand les gosses étaient là (les miens plus neveux et nièces la plupart du temps) on leur filait 20 centimes par pied de ronce arraché. Ils étaient vite devenus riches.





Il avait fallu que je relise vite fait mon Robinson Crusoë parce que nous les femmes, on n'a pas ce fantasme-là, les bois des îles. On cuisine et on lave le linge à la main dans les bois. Et il y en avait du linge. Nos terres étaient noires, les fringues étaient noires.
Pas épaisse la terre, 5 cm à peine et dessous le rocher. Aucune possibilité de se vautrer dans la boue en attendant la mort. Qu'est-ce qu'on mange ? Des grillades. 

Encore, tu rigoles ? Est-ce que j'en ai l'air ? Oui tu comprends, il fait un peu frais ce soir, j'aurais bien pris de la soupe. De la soupe ! Tu vas à l'épicerie mon bel oiseau et tu t'achètes une Liebig, je ne vois que ça.
Parfois mes hommes auraient également souhaité une tarte aux pommes ou un un poulet rôti. Le mari a même envisagé un jour ou deux de "me" construire un four néolithique pour alléger mes tâches. J'ai décliné l'offre. J'aurais sûrement dû fabriquer en plus la vaisselle had hoc pendant mes loisirs.

J'en avais marre. Quand il pleuvait, on devait rejoindre les tentes avec des palmes et les braises étaient inutilisables. Oui, tu comprends on mange encore froid.


Pendant que je vaquais à mes occupations robinsoniques le mari voguait sur son catamaran. Il sauvait les Ophélies au bord de la noyade (bis). 

Au fil du temps les gamins avaient fait des châteaux de sable, de la planche à voile, de la plongée, ils s'étaient initiés au flirt et peut-être davantage qu'en sais-je.






Moi je rêvais du catalogue Darty. 



 Pendant que je vaquais à mes occupations robinsoniques  le mari voguait sur son catamaran. Il sauvait les Ophélies au bord de la noyade (ter). 


Un jour j'ai dit : ça suffit. Terre ferme. Maison. Marie appelle maison. Ou plutôt : cantine-laverie.
Il y avait plein de laveries sur l'île où tous les navigateurs à l'escale venaient décrasser leurs nippes. Comme les marins devaient repartir avec la marée, ils étaient prioritaires. Les mères épuisées passaient après les marins. Des journées entières dans les arbres à la laverie.

Belle-Ile était déjà branchée. Quand je revenais des courses chargée comme une mule, il m'arrivait de croiser Mademoiselle Mireille (Mathieu), Monsieur Laurent (Voulzy), Monsieur Alain (Souchon), Monsieur Yvan (Levaï), Monsieur Gérard (Lavilliers) Madame Claire (Brétecher), Monsieur Le Pinsec  et même Monsieur François (Mitterrand) un jour et de loin...
Tout ça pour dire que trouver une cantine pas chère relevait du miracle. Il eut lieu, Dieu soit loué dans son infinie bonté. Le Forban à Palais. Pizzeria, pâtes à toutes les sauces, salades composées, bavette à l'échalote, frites, soupes, tartes, profiteroles, crème brûlée...
Au début de nos robinsonades, le Forban était tenu par un vrai forban. Il ne lui manquait que le crochet à la main, pour le reste il était à peu près aussi sympathique que le capitaine Bligh. Il n'aimait pas les gosses, il n'aimait pas les chiens, il n'aimait pas les terriens. 


Après un dernier appel dessiné sur le sable, j'étais allée rendre une petite visite au nouveau Forban pendant que mes 12 machines tournaient à la laverie un jour de tempête. J'avais vu une pancarte « Changement de propriétaire ».

Le miracle ? Christian. Le nouveau probloc. Un amour de mec, doux, gentil, câlin, généreux, tendre, tactile avec tous les éclopés du cœur qu'il reniflait à 100 mètres, comme moi. Je me dis que j'ai été guidée. On s'était reconnu tout de suite moi-Christian, on avait les mêmes écorchures.
Je reprenais du poil de la bête. Une fois par jour = Forban = Christian. Hors saison, il nous invitait souvent à bouffer, il nous racontait sa vie pleine de trous, sa DASS, ses frangins logés à la même enseigne, les revanches sur sa vie qu'avait pas été une existence, tout.
L'été, il offrait la bise à l'entrée, le kir aux parents, les glaces aux enfants. Tous les jeunes qui bossaient là étaient de vrais loukoums.
C'était gai le Forban. C'était chaud, c'était doux. C'était chez nous.

Puis Christian s'est mis à dire  : Nous-deux-Gégé.
- J'avais acheté le Forban nous-deux-Gégé.
- Je viens d'acheter le grand Bazar nous-deux-Gégé,
- Un bar à Brest, nous-deux-Gégé...
Il ne pouvait plus prononcer une phrase sans y mêler sa géraldine. Je me disais qu'elle en avait de la chance sa poule d'avoir un chéridou qui lui offre des choses avec des toits, avec des portes, avec un vrai four, tout le confort quoi. Je me disais que d'ici pas tard, elle rappliquerait avec ses têtards qui viendraient frétiller avec les miens et qu'elle me prêterait peut-être sa machine à laver, son fer à repasser, sa douche, entre filles ça se fait ; je me disais que Christian allait bien un jour nous la présenter.

Le Grand Bazar était devenu un salon de thé, bar, café-concerts branché-chic. C'est [nous-deux] Gégé qui devait en prendre la barre. Inauguration. Un monde fou. De jeunes serveuses magnifiques, sapées juste ce qu'il fallait pour ne pas avoir l'air à poil. L'une semblait avoir autorité sur les autres (parce qu'elle était un peu plus habillée...) : Géraldine !
Je lui avais sauté dessus : Ravie de faire enfin votre connaissance, Christian m' a tellement parlé de vous. Air perplexe du canon. Christian vous a parlé de moi, ah bon ?
Ben oui ma gazelle, c'est pas toi Géraldine ? Elle m'avait toisée, l'air subtilement interloqué puis avec un sourire narquois  elle m'avait indiqué du doigt  un vieux petit monsieur à l'air malade derrière le comptoir en train de faire des cocktails. 

C'était lui, Gégé, pas elle.
C'était Gérard l'amour de Christian. Je n'avais rien vu ni compris. La gay-attitude était également le critère de recrutement dans les propriétés commerciales de mon pote. Je m'étais sentie conne à un point  c'est rien de le dire.

Je t'ai déçue, Marie,  je croyais que tu avais compris.  Ben non mon ange et puis nos miches c'est nos miches, on s'en fout. L'essentiel c'est qu'on s'aime, nous-deux Christian, pas vrai ?
Je crois que  nous n'avons  jamais autant ri que ce jour-là.

Et je lui avais enfin livré  mes rêves les plus fous : faire copine avec sa Géraldine pour : voir plus haut.
- Mais ma grande, fallait le dire plus tôt ! Nous-deux-Gégé, c'est pas le matériel qui nous manque !

J'en reprendrais bien, une tranche de Forban par les temps qui courent.

Et pas pour le matériel...


lundi 30 mars 2015

L'X fragile


Vulgarisation : rendre accessible à tous

J'ai l'X fragile.
L'X (le vôtre, le mien, celui de tous les mammifères apparemment) est un chromosome.
Et parfois il est fragile. Ça peut donc affecter tout le monde la fragilité, même les chromosomes.

Lu dans Le Monde (un vieux qui traînait) :
"L'X fragile est un syndrome qui se traduit par des troubles du comportement, des difficultés à maîtriser les émotions, des troubles de l'attention et parfois des symptômes de type autiste".
C'est complètement moi.
Or donc ce fameux syndrome atteint en moyenne une personne sur 4000 et il se caractérise principalement par un retard mental. 
CQFD, je réitère, j'ai ça.
Pour résumer, l'X fragile est dû à une mutation très particulière du gène FMR1 situé bien entendu sur le chromosome X et qui consiste en une répétition anormale d'une séquence ADN.

Est-ce clair jusque là ?
Continuons-nous ?

La protéine produite à partir de ce gène (le FMR1) régule l'activité de récepteurs glutamatergiques dits "mGlu5" (pour simplifier) et comme tout le monde l'aura aisément compris, c'est cette protéine qui est  indispensable au  bon fonctionnement des connexions entre neurones.
En son absence, l'activité des récepteurs mGlu5 est trop importante ce qui expliquerait (conditionnel...) les symptômes, soit, bingo, mon le retard mental.
Des chercheurs ont montré (pas démontré, montré, genre   regarde voir le drôle de machin qui traîne là-bas) qu'il était possible de prévenir les signes cliniques et les altérations cérébrales chez un modèle de souris en diminuant le nombre de récepteurs mGlu5 par transgenèse au moment de la conception.
A noter  : Au moment de la conception. Ce qui à mon sens doit signifier que plus tard t'es foutu mais non, faut pas croire.

Il semble que des résultats intéressants aient été obtenus lors d'essais cliniques préliminaires sur de petits effectifs et de courte période (je ne saurais être plus précise et l'article non plus).
« Ces travaux confortent la théorie glutamatergique mais ne permettaient pas de répondre à la question fondamentale de savoir si les caractéristiques de l'X fragile chez les mammifères peuvent être prévenues ou corrigées par des inhibiteurs de mGlu5 débutés tardivement » (labos Hoffmann-La Roche, Bâle).
Pour vérifier (c'est-à-dire les résultats intéressants, on suit toujours ?), "ils" ont utilisé un nouvel antagoniste (synonyme : combattant, concurrent, contraire, ennemi, lutteur...) de ces récepteurs (les mGlu5).

Je vous fais grâce du nom du concurrent mais il a été utilisé chez des souris à l'X fragile et poursuivi pendant un à quatre mois (je ne saurais une nouvelle fois être plus précise, bis, la durée n'a peut-être aucune importance puisqu'elle n'est jamais indiquée).

La régression des anomalies ainsi obtenues confirme que, sur un modèle murin en tout cas, un traitement de longue durée (Le journaliste a l'air perdu dans les durées) peut renverser le cours des choses.
Murin ? Tiens donc. Je vérifie dans mon dico : nom vernaculaire donné en français à des espèces de chauves-souris, les vespertilionidés.
Ouf. Les chauves-souris ne sont pas foutues, elles.


Photo web
Cette belle démonstration a convaincu des cliniciens et des parents d'embarquer des patients (humains je suppose, parce que pour convaincre des murins faut au moins parler la langue) dans des essais thérapeutiques.
Un autre labo suisse (Novartis) bosse comme un malade sur un nouvel antagoniste, l'AFG 056 (un bien joli nom pour un tueur) testé actuellement chez 160 adolescents en double aveugle contre placebo.

Dans une étude précédente avec le même ennemi antagoniste médoc et à Lausanne cette fois, une amélioration des troubles du comportement (seulement ça,  ça ne change encore rien au retard mental) a été obtenu sur 30 individus (mais ayant une empreinte génétique particulière). Ce qui nous avance considérablement, puisque l'empreinte génétique particulière n'est pas citée.

Je ne vais pas vous saouler davantage ni avec la fin de l'article (qui finit par conclure qu'un suivi pédagogique particulier associé à un suivi psychologique demeure indispensable...) ni avec mon retard mental, ce n'est plus un secret pour personne mais au moins  vous savez maintenant pourquoi je ne suis pas nette (c'est pas de ma faute, c'est mon X qui déconne).

J'ai donc traduit en fonction de mon handicap.

Pour résumer :  vous conviendrez que rien n'est si clair que ça  sauf à s'accrocher à la rampe et au dico... (et même là encore).

Mais les journalistes scientifiques et la vulgarisation, 
n'est-ce-pas ? 

En 2008 j'étais allée voir et écouter Hubert Reeves à Morlaix. 

Photo presse locale
C'est pas la moitié d'un con Hubert, il est quand même astrophysicien, humaniste et militant écolo planétaire qu'à côté j'en connais qui peuvent aller se rhabiller parce que lui il en connaît vraiment un rayon et il ne mélange rien.
Et bien j'ai compris tout ce qu'il disait et sans dico. Et pas que moi, on était 1400 à comprendre.
Sans dico ni traduction simultanée.
En plus il est adorable, il se prend pas la tête, il te dit que non, ta question elle est même pas bête, que lui-même se l'est déjà posée. Et puis il est d'une tendresse, je te dis pas, que tu vas lui serrer la main à la fin et que tu meurs d'envie de l'embrasser et qu'il sent bien Hubert que t'en crèves. Alors il te fait ses yeux, là, que tu connais et il te tend son  beau visage et il te rend ton baiser que tu te laves plus pendant un mois tellement t'as eu de fierté et d'honneur et tout et tout, d'avoir eu un baiser sur ta joue. 
D'Hubert. 
Himself. 
Parce que j'en ai eu un, un baiser (je ne suis pas la seule mais pour une nana à l'X débile fragile, c'est quand même pas mal ).
Mais je m'attendris moi, là.

J'en reviens aux rats morts et aux souris. C'est la matière première de la recherche scientifique. Je croyais (jurez-moi que vous  le croyiez  aussi) que toutes les pauvres bestioles utilisées étaient celles qu'on voit toujours :


Photo web
Or souris est aussi un nom vernaculaire (comme murin) et en fonction des essais, différentes sortes de souris (ou de rats, le rat est aussi une souris) seront utilisées. Si vous êtes atteints comme moi d'une fragilité que je ne nommerai plus, les essais pour tenter de vous me soigner seront faits sur des murins (soit des chauves-souris). Les études sur le diabète (en dehors de la mouche drosophile avec laquelle nous avons également de nombreux points communs) seront faites sur d'autres espèces.
Mais la grande vedette, le super-héros des labos, c'est le rat taupe nu (heterocephalus glaber) qui n'appelle pas franchement le baiser. Il est utilisé dans la recherche contre les cancers. Il promet beaucoup.
Et ce n'est pas un animal fabriqué, il est originaire d'Afrique de l'Est et sa vie originelle est époustouflante. 

Photo web
Mais abandonnons l'épigénétique. Et puis les souris aussi. Trop de souris nuit. Pourtant que deviendrait Le Monde sans elles ? 

Tout ça pour dire...
Si elle avait une bonne aisance verbale, ma mère  était illettrée.
École jusqu'à 11 ans, puis un bête accident  la maintient trop longtemps à l’hôpital  (son père avait cogné un pied contre sa tête par inadvertance).
Ensuite  au boulot feignasse, t'es pas toute seule, il y en a huit autres à nourrir.
Sans pratique, le peu qu'elle avait appris s'était fait la malle durant son apprentissage  chez les religieuses à cornettes de l'hôpital de Chartres où elle finira sa carrière laborieuse en tant qu'infirmière "maison". 

Je ne suis jamais allée à l'école maternelle. Et en pointillés en primaire, à cause de mes frères et sœurs des gosses de ma mère qui deviendront rapidement les miens. Je lui en ai voulu. Terriblement. 
En CE1, je rédigeais moi-même mes mots d'absence pour l'école, j'écrivais à mon père (le plus souvent éloigné à cause de son travail) pour lui dire que les allocs n'étaient pas arrivées ou pour qu'il signe tout un tas de formulaires où il était inscrit en bas : "signature du chef de famille".   Presque tout ce qui était administratif m'a été dévolu dès  l'âge de huit ans. Quand je ne comprenais pas il nous fallait aller demander à la voisine qui soupirait. "Encore"... Et ça n'a jamais été sans conséquences pour ma mère, elle avait honte et j'avais  honte d'elle aussi, ce n'est rien de le dire.
Mais avec le recul, je me dis que moi qui ai su lire à même pas cinq ans (j'ignore totalement comment j'ai appris) j'étais son tuteur-lecteur-écriteur à ma mère, sans moi elle aurait été paumée.

Et elle aurait adoré que je lui raconte ces histoires de chromosomes et de muridés (famille de mammifères terrestres rongeurs dont font partie la souris et le rat et à ne pas confondre, surtout, avec les murins qui volent alors que le rat-taupe, non), elle aurait adoré aller écouter Hubert Reeves.




Pour la plupart d'entre nous  la lecture est un automatisme. De même et avec un peu d'efforts, nous sommes capables de maîtriser et de décrypter la plupart des textes que nous lisons. Mais pour un certain nombre d'autres personnes,  c'est un défi insurmontable et surtout terrifiant (Il y aurait encore aujourd'hui 30 % de la population française en situation d'illettrisme. Quelle  est la capacité à disserter, à analyser un document, à produire un rapport écrit, à avoir une ouverture sur les cultures du monde de tous ceux qui sont à la limite ?  Les onze mesures prises à la suite du 7 janvier de Najat Vallaud-Belkacem me font doucement rigoler...).

Pour ne pas mentir, j'ajouterai que maman s'est réapproprié la lecture à 49 ans après qu'elle soit tombée malade.

Au tout début,  je lui lisais des passages d'un bouquin dont je savais qu'elle l'aimerait, nous lisions ensuite ensemble puis je la laissais un peu sur sa faim et ensuite à ton tour, allez, reprends derrière moi. J'avais été bluffée de la rapidité avec laquelle elle s'y était remise.

Le pli était pris et jusqu'à sa mort en 1974 à l'âge de 52 ans, il ne s'est jamais froissé.

Je suis donc la fille de cette dame imparfaite et douloureuse, le résultat de tous ses manques et manquements. (C'est certainement pour ça qu'en dehors de toute mutation j'ai l'X fragile...)


               (Et je devrais ouvrir un blog moi, tiens,  je pourrais m'étaler davantage).

 



lundi 5 janvier 2015

Les chevaliers...

Cergie poste aujourd'hui une merveilleuse photo de son petit fils en chevalier...

Les petits garçons et la chevalerie, c'est une histoire sans fin qui se perpétue de génération en génération pour nos sourires.

Pour preuve : 


Vieille image polaroid retrouvée dans mes archives
de cœur : mes fils à 8 et 11 ans.

Un rien fait le chevalier :



"Les enfants trouvent tout dans rien, les hommes ne
trouvent rien dans tout"...

jeudi 4 septembre 2014


Elle a été courte l'enfance, c'est pour ça que je ne serai jamais vraiment adulte (il m'arrive encore de me demander : qu'est-ce que je ferais bien quand je serai grande...). Il y a trop de trous dans ma symbolique construction.
Les convoquer vite fait les morceaux d'enfance, par lettre recommandée. Sans accusation. Pas tous, les morceaux. Les choisir avec soin. Bien trier. 
 
Voilà, c'est fait.

J'ai envie d'une cabane.
Tout de suite. Comme celles qu'on se faisait avec mes  frères, sœurs, voisins, voisines.

Petite j'étais déjà grande aussi n'avais-je aucune difficulté à affirmer mon autorité. On me forçait à les garder, je les forçais à faire des conneries. On piquait du fourrage, des ballots de paille, les pieux des barrières, on sciait des branches de pommiers  et on fabriquait les plus belles cabanes du monde. Il y en avait partout. Des grandes, des petites, des pour l'hiver, des pour l'été. On choisissait bien les endroits, instinctivement. Cul au nord, ouverture au sud. On disait déjà qu'on ne rentrerait plus à la maison, qu'on vivrait tous ensemble toujours, on faisait des provisions. 
Les écureuils se régalaient. 
Les lapins aussi. 
Il n'y avait pas de blaireaux. 
On faisait sans. 
On riait et parfois on était même heureux. On avait les culs-terreux du coin aux fesses toute l'année. Bandits, voyous, voleurs, chenapans ... On cavalait plus vite qu'eux, ces gros pleins de soupe  qui auraient vendu leur mère pour une poignée de grains. On allait pêcher des vairons  dans l'Eure avec mon frère vivant. On ressortait trempés et couverts de sangsues.  Il avait toujours un briquet sur lui, Mic, un briquet à amadou évidemment pour amadouer les suceuses de nous.

On faisait des feux de joie, ils ne s'appelaient pas tandad comme ici en Beauce. Il se nommaient "incendies volontaires". On faisait semblant qu'on fuguerait. On taillait la piste à travers champs  et on arrivait une heure plus tard au château les jambes toutes griffées. Un  tout petit château avec une tour dérisoire-isolée au milieu du parc. 
 Objet de nos convoitises aventureuses : grimper dans la tour pour voir si d'en haut le monde était plus chouette-moins plat. 
"Propriété privée"
"Défense d'entrer"
Grillages, murs. 
Courte-échelle. 
Transgression. 

Un jour en descendant, ma sœur cadette était tombée. Elle n'avait rien de grave mais celle-ci a toujours voulu faire son intéressante. Le genre qui entre en agonie pour une piqûre de moustique. Je disais à ma mère, on ne l'emmène pas, elle ne sait pas marcher, elle tombe sans arrêt, elle n'a pas des jambes, elle a 4 aiguilles à tricoter à la place. C'était tout le monde ou personne. Personne, j'étais habituée, je préférais encore tout le monde. Donc obligée de courir à la maison. D'expliquer. Ce n'était pas un château, c'était une "maison de redressement". Ça tombe bien pour ma scoliose, j'avais dit à ma mère.  Tu te rends compte elle avait  répondu, non mais tu te rends compte ? Tu veux finir comme eux ? 
Une partie des bandits, voyous, voleurs, chenapans du département étaient cloîtrés là et on n'en savait rien (la chasse à l'enfant n'est toujours pas fermée, hein mon Jacquot et puis pas besoin de permis pour eux). 

J'en étais là de mes rêveries régressives quand j'ai retrouvé ce petit bouquin dans ma pile de bordel. 


L'auteur est un adepte de la "simplicité volontaire". Il préconise le cabanon comme alternative... à tout : "Ce serait une petite maison rudimentaire et d'intimité extrême. L'expression d'une vie simple et naturelle, à l'opposé de la vie de château, en osmose avec la nature, à la recherche de l'essentiel. 
 
Ce petit bouquin est un régal pour les yeux et les rêves.  Une idée des sous-titres du sommaire :
- A l'intérieur, le feu crépite et les bottes se reposent
- Le temps d'une évasion entre copains
- Calfeutrés sous un manteau de genêts
- Histoire d'y réfugier toute son intimité

 Pas vraiment de recettes de construction mais des photos de cabanes et cabanons sous tous les cieux, des phrases de Pythagore, d'autres prêtées au chef Seattle, de Bachelard : 
"L'abri est fortifiant, il demande à être habité avec la grande sécurité que donne la simplicité".

Des images aussi, de toutes les petites bêtes volantes, rampantes, marchantes (y compris des blaireaux) qu'on risque de croiser à vivre au milieu de rien et de tous les arbres sacrés de nos ancêtres. Des textes sur les moyens d'économiser l'eau (ah la joie sans pareille des toilettes sèches et de l'épuration des eaux usées par lagunage, le bonheur de fabriquer son électricité soi-même...). Pas de télé, pas de PC, pas de téléphone, des scies, des pioches, de la récup, des idées, des muscles. Une âme de môme aussi. Un soupçon d'innocence pas encore perdue, une pincée de pureté. Un shaker. Indispensable (même si je n'ai pas compris pourquoi). 
Et au détour d'une page, la recette du pétillant de sureau ! Le sureau, disais-je, sous son apparence modeste, est un arbre magique. Dans la tradition celtique, il révèle à chacun que tout est dans tout ou que tout est lié. On en plantait dans les villages pour attirer les bons génies (pour info, j'ai trois sureaux chez moi, jamais vu de bon génie). Il aurait aussi la faculté d'éloigner les vipères. C'est probablement pour ça que ma sœur cadette ne vient plus.  

Pour terminer (le cabanon a les limites que sa superficie impose), j'ajouterais que je connais bien le pétillant de sureau. J'ai eu un voisin-pote qui en faisait. Il lui disait le "Nectar des Fées" à sa boisson. Un délice, une merveille. Les seules bulles que j'aimais. Tout le monde se l'arrachait le nectar de Seb et de ses petites fées. Il ne titrait qu'à 5 %. On pouvait en boire des litres avant d'être saoul mais d'une douce ivresse, d'une ivresse féerique. 

Son nom à Seb ? Pinard, sans déc. Il commençait à être connu et à gagner sa croûte mais il semblerait qu'il ait bu son fond  jusqu'à la lie. Il est ermite des collines maintenant à ce qu'on m'a raconté. J'espère qu'il s'est construit un petit cairn et qu'il a bien jointoyé avec lande broyée et argile parce que c'est plutôt humide ici depuis six-sept ans.

Avec les baies de sureau, moi je fais :
Et c'est également féerique...

Et puis si vous aimez les cabanes,  un site à découvrir :

http://cabinporn.com/